Par Laurent Quevilly

En 1816, un an après la chute de Napoléon, l'Académie royale des Sciences, Belles Lettres et Arts de Rouen examina le projet déposé par Louis Amand, ancien cultivateur au Conihout. L'homme proposait les moyens d'arrêter et de réparer les dégâts produits par la marée sur les rives de la Seine.


Qui était Louis Amand ?

A l'époque où l'on étudie son projet, il va sur la soixantaine. Amand avait épousé en 1784, à Jumièges, Marie Magdeleine Duchesne. Son frère aîné était le cordonnier du village.


L'Académie de Rouen prit au sérieux ses propositions. Car elle forma une commission de travail pour plancher sur la question. Elle était présidée par Pinard de Boishébert qui exposa bientôt son rapport en séance plénière. Écoutons-le.

"La Commission a pensé que, pour mettre l'Académie en état de juger le projet du sieur Amand, il était nécessaire de lui  donner une idée exacte des effets de la marée dans la rivière de Seine..."

Ce qui fut fait. Boishébert passa ensuite au procédé proposé par le sieur Amand:

"Le problème à résoudre était celui-ci : trouver un moyen de diminuer la rapidité de la première lame de la marée qui se verse et se porte tout-à-coup avec violence du canal de la Seine au fond des baies qu'elle a formées par dégradation successive et, par une conséquence nécessaire, laisser aux eaux chargées de parties limoneuses, le soin de les y déposer.

"Voyons à présent, continue le rapporteur, si les moyens du sieur Amand suffisent pour atteindre ce but.

"L'auteur du projet propose à l'entrée de la baie un barrage à claire-voie composé de forts piquets liés ensemble par des verges qui forment un clayonnage qu'en termes de l'art on appelle tunes. Ces tunes ne sont pas continues. Le sieur Amand y ménage des intervalles. En arrière, une seconde file de piquets est construite de la même manière, avec l'attention que les vides du premier rang répondent partout au plein du second ; les rangs des tunes doivent d'ailleurs s'élever les uns au-dessus des autres, à partir du premier, de manière à diviser et à rompre l'effort de la lame, et à ne lui permettre le passage qu'à travers des difficultés. Voilà l'esprit du projet..."

Nos académiciens sont circonspects. L'idée d'un barrage à claire-voie n'est pas neuve, cependant on doit convenir que le sieur Amand a bien vu l'espèce de problème qu'il avait à résoudre. "Et sous ce rapport il mérite des éloges. Mais son barrage suffira-t-il ? Sera-t-il d'une solidité suffisante ? Il est permis, estime Boishébert, d'en douter. Et l'expérience seule peut mettre en état d'apprécier la validité des moyens proposés par le sieur Amand.

Le rapporteur en arrive aux conclusions de sa commission  : 

1°) Les moyens proposés par le sieur Amand sont trop vagues pour permettre d'asseoir un jugement définitif.

2°) Des essais tentés avec réflexion, et jugés par l'expérience, peuvent seuls mettre en état d'apprécier la validité de ces moyens.

3°) En admettant que les idées du sieur Amand soient fondées en raison, il se présentera nécessairement mille circonstances locales qui offriront des difficultés imprévues, et qui exigeraient des modifications importantes pour l'exécution.

4°) Enfin, en donnant son approbation pure et simple au projet, l'Académie s'exposerait à voir retomber sur elle les fautes que le sieur Amand pourrait commettre."

Laurent QUEVILLY.


Quizz
 Qu'est devenu Louis Amand ?
Connaissez-vous des initiatives de ce type?

Derouard a écrit le 30/10/2009 : les sociétés savantes comme l'Acadamie des Belles Lettres et Arts de Rouen dont vous tirez le projet de Louis Amand proposaient parfois des concours sur un thème visant généralement à régler un problème suisant à l'économie. Le Journal de Physique, d'Histoire naturelle et des arts mets ainsi au concours en 1778 le moyen de se débarrasser d'un rocher gênant l'entrée dans le port de Quillebeuf.
Il semble que là Louis Amand ait lui-même pris l'initiative et qu'on ait peu de chance de trouver l'équivalent.

Jean-Pierre DEROUARD.