Le Passé que l’on a voulu oublier !
Histoire d’une mort annoncée !
Par Pierre Valeri
Pourquoi un
livre sur la mort annoncée de la clouterie Mustad de
Duclair ? Pourquoi
revenir sur un moment tragique de l’histoire industrielle
d’une
cité qui doit à cette industrie sa
prospérité passée ? Une
aubaine historique apportée par des norvégiens
qui ont remonté le
cours de la Seine quelques mille ans après leurs
ancêtres les
Vikings ! Le Courrier cauchois en son temps a relayé le combat de Pierre Valeri ainsi que Paris-Normandie. Quand je me suis intéressé à cette friche industrielle du 19ème siècle, j’étais bien loin d’imaginer l’étrange destin que me réservait ma curiosité de citoyen. Je vivais à Duclair depuis quelques années et mes activités professionnelles ne me permettaient pas de suivre le déroulement de la vie duclairoise ; Puis vint la préretraite et une reconversion totale de mon mode de vie. C’est ainsi que la lecture d’un livre passionnant écrit par Paul Bonmartel* sur l’histoire industrielle de Duclair Yainville Le Trait me fit découvrir l’intérêt architectural de la clouterie qui était encore sur pieds, immense étendue d’ateliers aux belles modénatures de briques déjà envahie depuis quelques années par les herbes folles. C’était en 1999. La
Municipalité recommençait à
s’intéresser au devenir de cette
friche. Un conflit de huit années allait débuter
contre un projet de
démolition aveugle qui faisait fi d’une
réutilisation possible
d’éléments architecturaux symboliques
de l’architecture
industrielle du 19ème.
Je découvrais au fil du temps
l’impossibilité de me faire
entendre en qualité de citoyen électeur dans une
petite commune !
Jusqu’à me faire interpeler lors de
cérémonie de vœux et dans
le journal communal sans pouvoir avoir un droit de
réponse !
Quel exemple de démocratie !
Photo prise du clocher de l'église Saint-Denis par Albert Vallet, en 1952. Pourquoi démolir quand on peut réutiliser ? Pourquoi décider, sans étude préalable, une démolition ? Pourquoi ne pas associer la population à une réflexion sur l’avenir d’un patrimoine proche du centre ville qui influencera l’évolution de la ville ? Ce questionnement se heurtât à un mur de certitude aveugle des élus. Quelques citoyens venaient mettre en doute leurs statuts de décideurs à la science infuse ? C’était inacceptable ! Ce combat que j’engageais seul au départ, fut rapidement soutenu par un certain nombre de citoyens qui vinrent me rejoindre ; parmi eux Pierre Lewensztjn, un autre Duclairois engagé qui fut une cheville ouvrière solide et qui disparût avant de voir la fin tragique de cette histoire. Je dédie cet ouvrage en premier lieu à sa mémoire mais aussi à tous ceux qui intervinrent dans cette affaire pour tenter de sauvegarder la mémoire du patrimoine industrielle, notamment l’AMHI (Association du Musée de l’Homme et de l’industrie de Hte Normandie) et son Président Alain Alexandre qui ne ménageât jamais ses efforts ni les moyens de l’Association. Ce recueil veut être un témoignage de la lutte contre le pouvoir absolu des élus qui ne veulent pas écouter, dialoguer et tenir compte des idées formulées par les citoyens de leur ville. Des élus prêts à tout et même à diffuser des contre vérités pour déstabiliser et dénigrer les opposants à leurs projets. Il veut aussi témoigner de l’histoire oubliée de cette époque industrielle ou l’architecture des usines, belle et harmonieuse, représentait le travail de compagnons et maitres d’œuvre chevronnés et reconnus. Combien d’œuvres d’art industrielles, ignorées des historiens, disparaissent à jamais faute d’intérêts portés par les décideurs élus! Ce récit représente le droit de réponse refusé à plusieurs reprises par l’édile de la Commune qui, au mépris de la loi, s’est instauré censeur des idées défendues par plus de 400 citoyens. Que ces lignes constituent un élément de réflexion pour les futurs défenseurs de patrimoine et les Elus. *
Histoire du
patrimoine industriel de Duclair Yainville Le Trait 1891 -1992
(Conception et saisie des textes de l’ouvrage : Paul
Bonmartel ; imprimé par Bersoult, Luneray S. Mme).
Pourquoi Mustad à Duclair ? Après
la guerre de 1870, la France exsangue décrète le blocus
des produits venant de l’étranger. Clarin Mustad,
norvégien fabricant de clous pour le ferrage des chevaux, se
souvient de ses ancêtres les Vikings remontant la Seine mille ans
auparavant et trouve le site de Duclair adapté à la
construction d’une usine pour contourner ainsi le blocus
économique. En effet, le terrain est desservi par la voie
ferrée, la Seine et l’Austreberthe, cette
dernière lui permettant la production d’une énergie
gratuite.
L'activité
arrêtée momentanément en avril 1893, après
l'incendie de la salle des machines et de l'atelier d'affilage, reprend
en 1894. La fabrication de clous en acier extra-doux est
réalisée par forgeage à froid. Cette technique
mise au point par Clarin Mustad est brevetée en 1908. Pour en
préserver le secret ce dernier organise la production au sein de
son usine selon un processus de fabrication extrêmement
fragmenté. Cette obsession se traduit également dans
l'architecture de l’usine : les ateliers sont
compartimentés et pourvus de baies surélevées. Lors
des journées du Patrimoine de 2007, le président
fondateur du Centre d’Histoire Social, Jean-Pierre Engelhard
présente le moteur Mustad. Il a été conçu
sans soupape à Duclair en 1912 et a équipé des
véhicules aujourd'hui au musée des Arts et Métiers
d'Oslo. Au même moment, des bulldozers écrasent
jusqu'à la dernière brique l'usine Mustad. (Photo:
Jean-Claude Quevilly). De
cette aventure industrielle, une série de photos reçues
en 2000 d’un descendant des fondateurs, Monsieur Christian
Mustad, permet de comprendre la vie de ces centaines d’ouvriers
et ouvrières. Ces photos témoignent de l’ambiance
de cette usine, des modes vestimentaires de l’époque, les
visages expriment la fierté devant l’objectif du
photographe, fierté de vivre un travail qui les valorisent, de
participer à la fabrication d’un produit
unique : le clou pour ferrer les chevaux. La
fin de l’activité de cette usine a, bien sûr,
été un drame social qu’il faut comprendre. Elle
correspond à la disparition du cheval dans les activités
agricoles (remplacé par le tracteur) et à une
reconversion d’activités mal gérée. Cela a
engendré auprès des victimes réduites au
chômage, un sentiment de rancœur envers les dirigeants. Ce
sentiment était encore perceptible en 1999 quand les
décisions sur devenir de la friche se sont posées. Le
Comité de Défense du Patrimoine l’a bien ressenti
lors du lancement de la pétition pour la conservation des
témoins de l’architecture industrielle. Il était
bien difficile pour certains de faire la part du ressenti social, de
leur perte d’emploi, avec la démarche de
préservation de témoins architecturaux de leurs lieux de
travail. C’est ainsi que le 1er adjoint de la municipalité
de Duclair pouvait déclarer, en évoquant la
cheminée lors d’une cérémonie de vœux,
qu’il « fallait détruire le symbole phallique
des industriels du 19ème siècle » ! *service régional de l’inventaire de Hte Normandie 1999
La
suite de cet ouvrage décrit par le menu les différentes
étapes d'une mort annoncée et le combat de ses opposants.
Tiré à 200 exemplaires, la chance vous mettra
peut-être en sa présence sur des sites comme Ebay, Rakuten
ou Delcampe. N'hésitez pas une seconde...
L'usine en 2000 avant sa destruction (D.R./Coll. Jean-Claude Quevilly). Le
lieu est aujourd'hui le parc des eaux mêlées. Seul un
bâtiment abritant une petite turbine au confluent de la Seine et
de l'Austreberthe subiste de ce site industriel.
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