Né à Duclair en 1818, Eugène Delaporte défraya la chronique en octobre 1864. Direction Sainte-Adresse...

Le curé de Sainte-Adresse, M. Duval, se promenait vers deux heures et demie de l’après-midi sur la falaise, lorsqu’il vit à quelque distance un individu qui déambulait dans un état de nudité aussi complet que celui d’Adam avant sa faute. Il avait l’air de venir du parc aux huitres, qui se construit aux pieds des falaises, et de se diriger vers la chapelle.

En apercevant le curé, notre homme in naturalibus vint, sans se déconcerter, à sa rencontre, et interrogé sur ce qu'il faisait dans ce léger appareil, il répondit posément qu’il allait prier à la chapelle, ayant quelque chose à demander à Notre-Dame-des-Flots pour sa famille.

Le curé Duval, voyant bien qu’il avait affaire à un fou, employa la persuasion, et finit par lui faire comprendre qu’il était dans un état plus convenable pour le bain que pour la prière, qu’on ne se présente pas dans une chapelle comme devant un conseil de révision, où l'on est sûr, d’ailleurs, de ne pas rencontrer de dames.

Obéissant à ce langage, le pauvre insensé s’en fut aussitôt prendre ses vêtements où il les avait laissés, et il revenait tout habillé, lorsque M. Dehors, propriétaire d’une partie des basses falaises, survint et crut devoir, dans l’intérêt même du quidam, le mettre en lieu de sûreté, et le conduisit, sans aucune opposition, à la mairie de Sainte-Adresse.

Le fou, tout en cheminant, semblait comprendre qu’on allait l’enfermer et protestait doucement en disant :   « Si j'ai commis quelque crime, qu’on me punisse ! »
Arrivé à la mairie, il a été enfermé jusqu’à cinq heures et demie et à ce moment le garde champêtre est venu le prendre et le conduire au poste de sûreté de l’ancienne mairie d’Ingouville.

Jusqu’alors le pauvre diable avait conservé la même altitude résignée. Mais la nuit venue, un accès de délire l'a pris, il s’esl mis à taire un tapage de tous les diables et à mettre ses vêtements en lambeaux.

Des informations prises sur son identité, il résulte que c’est un ouvrier terrassier nommé Eugène Delaporte, âgé de quarante-trois ans, né à Duclair, demeurant rue de Mer, chez M. Féret, aubergiste. On l’avait déjà traité, il y a trois ans, pour une maladie mentale qui paraissait avoir cessé, lorsque hier s’est produite une nouvelle et décisive rechute, dans les circonstances que nous venons de relater. Delaporte a été conduit à l’hospice pour suivre le traitement nécessaire â son état.


SOURCE

Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, 7 octobre 1864