"L'église, dédiée à saint Jean et à saint Martin, est une construction du XVIIe siècle sans aucun caractère". Diable ! le jugement de l'abbé Cochet est sévère. Sans aucun caractère ? Son histoire n'en manque pas...

Ce fut à l'origine une chapelle seigneuriale. En 1225, on voit les moines du Bec se réserver les deux tiers des dîmes des essarts dans la forêt de Beaulieu et laisser le reste à la chapelle de Mauny.
La terre de Mauny
se trouvait alors sur la paroisse de Barneville. Elle avait été apportée par Alix de Sancerre, dame de Mauny, à Guillaume Crespin IVe du nom, son mari, seigneur d'Etrépagny et de Dangu.

Regnaud, curé de Barneville, eut en 1271 une contestation avec Guillaume Crespin ; le curé disait avoir les droits paroissiaux et les dîmes, tant personnelles que foncières, de ceux qui habitaient le fief et les terres dites des Essarts, de Mauny, jusqu'à Beaulieu et au Val-des-Leux; le chevalier soutenait, au contraire, que ces droits appartenaient à sa chapelle de Mauny. Eudes Rigaud termina le différend en érigeant en paroisse indépendante, la chapelle Saint-Jean de Mauny et en décidant que la juridiction de l'église de Barneville devait s'étendre jusqu'au chemin qui conduisait à Yville-sur-Seine.

Le droit de présentation à la cure de Mauny appartenait aux Crespin, mais ils n'y présentaient que conjointement avec l'abbé du Bec.

Le curé est condamné

Un prêtre de Mauny fut condanné, en 1456, à 10 sous d'amende pour avoir joué, deux nuits entières, au trictrac. (ADSM G 262)

Le bâtiment fut totalement reconstruit vers 1647 à côté de l'ancienne chapelle dont on peut retrouver les fondements en creusant les tombes du cimetière.. Le gros oeuvre est fait de calcaire, silex, moellon et partiellement d'enduit. On observe un graffiti. Le pignon est couvert et surmonté d'une flèche polygonale.Le toit est à longs pans et recouvert d'ardoises.

Pierre Le Bailly, curé de Mauny avant la Révolution, s'exila à Munster, et devint, après le Concordat, curé de Saint-Jean de la Neuville, où il est mort en 1836, à 70 ans.
Le curé constitutionnel de Mauny se porta quant à lui acquéreur de biens nationaux le 31 août 1791 pour la coquette somme de 1.525 livres.

Décret Impérial signé de Napoléon à Moscou, le 21 septembre 1812 et qui autorise l'érection en chapelle de l'église de la commune de Mauny, réunie, quant au spirituel, à la succursale d'Yville, département de la Seine-Inférieure, diocèse de Rouen.

D'importants travaux de restauration furent entrepris en 1852 par l'architecte Derues sans affecter l'édifice.

La cloche date de 1534. Elle a pour marraine Diane de Poitiers, favorite d'Henri II, qui séjourna à Mauny. Elle porte cette inscription : "L'an MVXXXIIII madame Diane de Poitiers (mots illisibles) de Dreux-Brézé, chevalier, m'a nommée Diane Guillelmine. Le parrain est Cimon Fremont, chevalier royal..."

Les morts dorment sous nos pieds

L'église est pavée de dalles qui ont dû être tumulaires, estime l'abbé Cochet en 1871. On dit qu'une d'elles ayant été levée récemment recouvrait un corps avec inscription sur cuivre de 1736. On note aussi la dalle tumulaire de Jehan Testu, mort en 1507, chapelain de Saint-Nicolas de Beaulicu. Cette chapelle en bordure de Seine fut détruite et ses titres et ornement transférés en 1782 à l'église de Mauny. Le marquis d'Etampes a été enterré dans l'église en 1668.

La découverte du défunt de 1736 donna des idées aux descendants des marquis d'Etampes. En 1897, la commission des Antiquités de la Seine-Inférieure débat d'une bien curieuse demande sous la président de M. de Beaurepaire :

M. le Préfet a renvoyé à M. le Président une lettre du 30 septembre, où M. le Maire de Mauny consulte l'administration départementale sur la suite qu'il convient de donner à une demande de M. le marquis d'Etampes, en date du 25 précédent. Le chef de cette famille noble, qui a possédé le domaine de Mauny pendant cent cinquante ans, souhaiterait qu'on examinât si les dalles de l'église n'auraient point été retournées à la Révolution. Il propose les fonds nécessaires pour les soulever avec précaution, en copier les épitaphes, s'il y a lieu,
et sonder enfin pour retrouver les vestiges et la nature des cercueils. .

Cette investigation, toute de piété filiale, obtient la vive approbation de la Commission. L'abbé Tougard désirerait même qu'on poussât jusqu'en ses meilleures conséquences cette petite campagne qui peut intéresser tout à la fois l'histoire et l'archéologie, c'est-à-dire qu'on relevât contre les murs de l'église celles de ces pierres tombales qui auraient un véritable intérêt. Il insiste dans ce sens, et sa motion est adoptée par la Commission.

Le 8 juillet 1928, la cloche et une pierre tombale furent clssées monuments historique. Le 21 octobre, on fêta la Saint-Jean avec plus de faste que chaque année.
Mais la cloche, il fallut la refondre en 1930.

Le Journal de Duclair du 12 août 1936 relata la visite intervenue trois jours plus tôt, du cardinal Baudrillard, hôte de M. Le Fur, professeur à la faculté de Droit de Paris.

"Le curé d'Yville, chose inespérée pour lui en ce coin obscure du diocèse fait au prélat les honneurs de son église toute grande dans sa simplicité. Son Eminence, revêtu de la mosette de soie rouge s'avance vers l'autel illuminé... La messe terminée, le prélat bénit les fiançailles de Mlle Le Fur avec M. Gouet, chef de cabinet. Après un éloge délicat à l'adresse des futurs époux, les fiancés s'agenouillent aux pieds du cardinal qui prononce sous la forme d'interrogatoire la formule de l'engagement... Les assistants s'en retournent bine impressionnés de cet office pontifical et de la condescendance de l'aimable cardinal."

Propriété de la commune, l'église est inscrite.


SOURCES
Cochet, Bunel & Tougard etc.
Bulletin des Antiquités