Saint-Paër, canton de Duclair

Par Jean-Pierre Hervieux


 Depuis le 15 décembre 1866, Alphonse Vigor exploite une briqueterie dans sa propriété située à Saint Paër, hameau des Londettes.



Afin d'alimenter sa briqueterie Alphonse Vigor extrait du sable rouge et blanc dans une carrière à ciel ouvert située à proximité dans sa cour.


Le sable est extrait au fond d'un trou rectangulaire de 4 mètres sur 6 dont la paroi est pratiquement verticale sur une profondeur variant selon la déclivité du terrain de 5,50 à 8 mètres.
L'abattage du sable se fait par éboulement : le front de taille est taillé verticalement puis , à la surface du sol on enfonce des coins de façon à provoquer l'éboulement. Le sable est ensuite chargé dans des caisses qui sont enlevées du fond à l'aide d'une grue.


 Le 14 mars 1872 vers 14 h 30, Eugène Boutard était occupé à remplir une caisse au pied du front de taille quand, subitement, une forte masse de sable s'éboula et l'ensevelit complètement. Alexandre Neveu, occupé à la grue à monter une caisse, témoin des faits, appela les secours. Ceux-ci s'organisèrent aussitôt en présence du juge de paix de Duclair, des gendarmes et du maire de Saint Paër. Ce n'est que vers 23 h que l'on retrouva le cadavre d'Eugène Boutard.


Il était debout, dans le côté opposé à l'éboulement, au pied d'une l'échelle qu'il avait tenté de saisir pour remonter ; l'éboulement fut si subit qu'il n'en eut pas le temps.

Antoine Nibourel, garde-mine, rédigea un rapport le 29 mars suivant suite à sa visite sur place du 25 mars ; il y indique :

''...qu'il aurait pu se sauver s'il y avait eu plus d'espace pour se rejeter en arrière...
que le mode d'exploitation adopté dans cette carrière constitue une grave imprudence à la charge du sieur Vigor exploitant''

Il y précise qu'il aurait fallu couper le front de taille par banquettes ou avec un talus afin de prévenir tout éboulement comme le prévoit la réglementation.  
Eugène Boutard travaillait au point C et a été retrouvé au point E. En noir : le sable qui s'est éboulé.
       L'ingénieur des mines suit l'avis de son garde-mine et précise que le sieur Vigor doit être considéré comme responsable de la mort de son ouvrier.


Eugène Boutard, âgé de 26 ans, natif de Saint Paër, était célibataire et soutien de sa mère veuve, infirme et âgée et de ses deux soeurs.


La famille Boutard devait être poursuivie par le destin : son père, Louis Boutard, était décédé le 26 novembre 1869 en élaguant des arbres dans le même hameau.

Le 8 avril 1872 Alphonse Vigor décède à son domicile des Londettes ; il était âgé de 39 ans.

Jean-Pierre HERVIEUX.

SOURCES

- ADSM 8 S 42
-Journal de Rouen du 20 mars 1872
-ADSM état civil Saint Paër

Mise à jour : 30 novembre 2010