La ferme du Rouage avant 1957
Un témoignage vivant

Par Gilbert Fromager

Les sœurs Paine, Edith et Denise, sont les témoins d’un vécu peu ordinaire. Durant leur enfance elles ont subi l’inconfort et les dures conditions de vie de l’époque en milieu rural. Dans cette grande demeure à colombages où la bise hivernale passe allègrement à travers les murs, il faut résister coûte que coûte. Elles ont quitté cette « antiquité » avant leur mariage dans les années 50.

La bâtisse est du XVI° siècle, 1560 précisément. Lors de travaux  on a retrouvé sur un linteau de porte une monnaie attestant l’époque de la construction. Située au hameau du Rouage en bordure de Seine, elle jouit d’un paysage grandiose qui s’oppose à la rusticité des lieux.  C’est d’abord une demeure de villégiature et à partir du XVIIe siècle, elle possède sa propre chapelle dédiée à Sainte-Clotilde desservie par Maistre Pol Le Carpentier, le chapelain. Selon un texte du début du XVIIIe siècle : « elle est bien lambrissée et décorée. Son plancher est souvent mis à mal par les crues de la Seine! »

L’ouvrage ne manque pas. Les journées passent à récolter les cerises et les prunes abondantes en bord de Seine, à traire les vaches, à tourner le foin… «Tout était fait à la main dans la bonne entente. Rire était encore le meilleur remède aux brutales conditions de vie » précise Denise. A la petite ferme fruitière s’ajoute un peu d’élevage. Quelques vaches normandes et 2 ou 3 cochons. Edith ajoute « la soue aux cochons était tout près de la maison habitée désormais par Geneviève et Bernard Château, c’était aussi ma réserve de friandises…». A l’époque cette maison faisait partie de la ferme du Rouage.

Deux siècles plus tard, sur ces photos prises vers 1950, on remarque une façade des plus rustiques manquant totalement d’entretien. Les pierres du soubassement sont disjointes. Sur les colombages recouverts d’essentages en bois, on distingue une tête de sanglier. A l’intérieur le sol recouvert de briques et de pierres inégales laissent apprécier la difficulté pour passer la serpillère à genoux. 

Fromager La façade côté Seine telle qu’on pouvait la voir en se promenant le long du fleuve avant 1957. La typologie de construction est classique : soubassements en pierres de Caumont et murs à pans de bois à grille ou colombages, toit à longs pans avec croupes…

 Le colonel Guyon a commencé à effacer les outrages du temps en s’attaquant au gros œuvre, Emma et Jean Marie ont continué à peaufiner autant la décoration de la maison que l’agencement des jardins.
La vieille bâtisse est transformée en magnifique demeure de charme, une restauration authentique, réalisée dans le respect des règles de l’art.

(Cliquer sur les images pour agran
dir)

Des trous partout, même dans les escaliers. Les rats déguerpissent au moindre mouvement.
C’est une fermette comme toutes les petites fermes fruitières du bord de Seine, on vit de la vente des fruits, du lait, des volailles au marché de Duclair...
Lors d’une récente visite 70 ans après leur départ, Edith et Denise n’ont pas reconnu les lieux de leur enfance. C’est l’évolution due au rouage de la modernité !
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La façade arrière de la bâtisse devant laquelle trône le tas de fumier à gauche.
Les fermiers souriants devant l’objectif chouchoutent leur nouveau-né …

La famille Paine-Bataille devant leur ferme du Rouage. Cette photo a été prise par des Anglais en panne de bateau vers 1950. Le couple Bataille au milieu et les sœurs Edith et Denise sur les côtés du banc près du porche maintenant disparu.
Mère d'Edith et Denise, Madeleine Bataille, de retour du cellier les bras chargés de bouteilles de cidre.


Les vieilles demeures demeurent à Anneville…
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La ferme de la Grève et son architecture composite datant des XVII° et XVIII° siècles. L’édifice du milieu est à pans de bois avec des croix de saint André (en forme de X).


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La ferme du manoir Brésil ou Brescy du XVII° siècle. Gros œuvre en calcaire pour le rez de chaussée, colombages au premier étage, toiture à pans longs en ardoises.
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Maison du fossé Chauvon du XVIII° siècle, rez-de- chaussée en pierre de taille de Caumont, toiture à pans longs en ardoises.

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Maison du fossé Merre du XVII° siècle, toit à longs pans, croupe et pignons ouverts. Escalier de distribution central comme dans la plupart de ces édifices.

Ces grandes maisons de maître à pans de bois et de pierres sont toutes édifiées sur le bourrelet alluvial en bordure de Seine ( là où la terre argilo-calcaire est riche). Par conséquent elles sont éloignées de la route longeant la Seine et desservants les hameaux (voie des Prés). Ainsi à chaque barrière une niche en bois portant le nom du propriétaire est fixée à un arbre ou surmonte un pieu. Elle sert au facteur ou au boulanger à abriter le pain. Ce dispositif particulier au marais évite de parcourir le chemin entre la route et la maison distant d’une centaine de mètres.

Au fil du temps, beaucoup de bâtiments de ferme sont devenus des habitations. Les fermes disparaissent pour laisser place aux résidences des gens venus des villes. Ils sont passionnés de restauration de nos vieilles demeures typiques du bord de Seine, une particularité de notre patrimoine !

Gilbert FROMAGER.


Les photos de ces vieilles demeures d’Anneville sont de 1959. Elles proviennent d’un inventaire de la collection Mouton. Archives 76.73.398, 399, 408, 413.

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Maison de la Chaussée du Pont vers 1970, rez-de-chaussée en pierre, toit à longs pans, croupe et pignons ouverts. Subsistent quelques tôles sur le toit et un tas de fumier devant la porte. Ces défenseurs du patrimoine n’ont jamais baissé les bras !
 




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