30 août 1944

Anneville et Ambourville sont libérées


Par Gilbert Fromager

80 ans déjà qu’Anneville est délivré par les Canadiens de l’occupation allemande. Plusieurs témoignages parmi les Annevillais et les Ambourvillais qui ont vécu la joie de cette délivrance sont connus mais le plus représentatif des témoignages de la libération d'Anneville est sans doute celui qu'a rédigé de sa belle écriture manuscrite, avec pleins et déliés, M. Beaufils, instituteur et secrétaire de mairie d’Anneville.

« Depuis le dimanche 9 juin 1940, la défaite pesait sur notre village. Nous cachions en nous-mêmes, en notre cœur, notre secret : nous n'étions pas vaincus et nous espérions. Notre espoir fut grand à la nouvelle du débarquement de nos Libérateurs sur la côte normande.

Après le 6 juin 1944, notre village qui n'avait pas connu l'occupation allemande, voit le passage d'importants renforts de l'armée ennemie se dirigeant sur le front de combat de Basse-Normandie. La débâcle commence, des soldats reviennent hallucinés par les bombardements de Caen.

Du Carrefour du Haridon jusqu’au bac, c’est la destruction totale par l’aviation alliée des véhicules allemands attendant pour traverser la Seine Au fond, le clocher de l’église de  Duclair.

La vallée de la Seine est très surveillée par l'aviation alliée. Chaque nuit, les habitants sont tenus en éveil : le clocher de notre église sert de point de repère et, de là, les bombardiers opèrent en piqué sur les bacs de Duclair et d'Yville. Des bombes tombent sur le territoire de la commune. Le 3 août 44, la maison, sise au marais de Joseph Levasseur adjoint, est anéantie par deux torpilles et Mme Levasseur est sérieusement blessée. L'avance alliée cerne les Allemands sur la Seine, la traversée du fleuve est impossible pour eux et pour leurs véhicules. Ils s'échappèrent à l'aide de radeaux de fortune confectionnés avec le bois et les fils électriques pillés chez l'habitant.

Leur terreur de vaincus faisait contraste avec le calme tranquille de nos gens. Le lundi 28 août, à 8 heures du soir une escadrille de 70 bombardiers américains apparut dans le ciel d'Anneville pour donner le coup de grâce aux Teutons fuyards. Des bombes ébranlèrent le village, l'une tomba dans la cour de la maison Cognard, à 100 mètres de la mairie.
    D'autres tombèrent près des maisons, vers le marais communal, ébranlant par leur souffle les murs et brisant un nombre considérable de vitres. Le village échappa au désastre car l'objectif des aviateurs était l'anéantissement des camions allemands garés à Berville, du Haridon au bac. Tout flamba et fut détruit avec ses occupants.

    Le lendemain 29 août, les canons anglais tirent sur le village pour en chasser les Allemands. A 15 heures, un obus enfonce en partie le mur sud de la mairie, faisant déguerpir les Allemands qui étaient encore là. Jusqu'au lendemain matin, 200 obus tombèrent sur le village, occasionnant des dégâts, mais pas de victimes car la population disciplinée s'était mise à l'abri dans les caves et les tranchées.
    

Le 30 août les Canadiens libèrent Duclair, ils reçoivent des brassées de fleurs sous l’allée des tilleuls au bord de la Seine.

Mercredi matin 30 août 1944 jour de la Libération du village, à 9 heures, un dernier obus percute à nouveau le même mur de la mairie, occasionnant une brèche plus grande. Quatre autres tombent dans les dépendances de l'école, des maisons sont touchées (presbytère, habitations de Mlle ANnquetil, de Mme Lamy, de Mlle Paine, de Mme Duval etc.). A 9 heures et quart, une première colonne de chars anglais s'avance vers la mairie, le premier char stationne et mitraille pendant 10 minutes l'école des filles et la mairie. La colonne passe ne trouvant devant elle aucune résistance, les Allemands s'étant sauvés. Une balle tirée de l'un des chars provoqua, à la sortie du village, l'incendie de la maison de l'ouvrier Bucheron.

Nous sommes libres à 9 heures et demie le 30 août 44."


80 ans qu’Ambourville est délivré aussi.
Le récit d’un réfugié havrais témoigne de ces moments de liesse. C’est Georges Dumouchel, le mari de l’institutrice qui les a relatés dans son mémoire de souvenirs.


Dessins de 1943 de Georges Dumouchel représentant des scènes de la vie à la campagne Ambourvillaise pendant la guerre. Les photos sont rares par manque de pellicule.
« Septembre 1939, les années noires reviennent bien que dans ce petit coin retiré, les envahisseurs allemands se font très rares et discrets.

En 1941, une colonie d’enfants évacués du Havre s’installe au château. L’effectif double la population. Chaque mois des tickets de rationnement sont distribués : il n’y a pas de commerçants dans la commune hormis le café-tabac.

Heureusement nous avons de bonnes bicyclettes pour aller à Anneville où se trouvent le boulanger et le boucher… Il faut faire preuve d’ingéniosité pour faire durer les chaussures et vêtements en les réparant. Je confectionne des chaussures avec des lanières de cuir.
De cette vie au grand air dans le calme de la nature, nous gardons le souvenir de belles promenades sur les bords de Seine, dans les champs et bois alentours.

En août 44, à la libération, Ambourville, comme tous les villages de la presqu'île, est pris en tenaille entre l'armée allemande en débâcle bloquée par le fleuve et l'avance des alliés, surtout qu'une rumeur circule à propos du château de Bardouville qui serait rempli d'Allemands. En fait, il n'a abrité que quelques officiers de la Wehrmacht qui ont quitté les lieux deux jours avant la débâcle ».
Sur la route de Bardouville à Ambourville, les blindés canadiens délivrent les villages de la presqu’île le 30 août 1944. Une photo rare de mauvaise definition.

Enfin, parmi les souvenirs que l'on raconte, comment ne pas évoquer ce grand nettoyage du fleuve par les flammes. Vision apocalyptique depuis le village : la Seine n'arrête pas de charrier des cadavres calcinés...!

C’est progressivement que tout se remet en route. La pénurie de tout, après la guerre, est peut-être moins pénible dans la belle campagne d’Ambourville.

Gilbert FROMAGER.

SOURCE


Georges Dumouchel, réfugié havrais à Ambourville de 1939 à 1944





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