Le Journal de Rouen

source de faits divers au XIXe siècle

à Anneville-Ambourville


Par Gilbert Fromager

Depuis deux siècles les faits divers abondent dans les colonnes des journaux : loups, rigueurs du climat, inondations, noyades, délits…Toutes sortes d’articles nous sont relatés. On croyait même aux miracles, on priait les saints pour guérir toutes sortes de maladie... Les échotiers ont relaté de véritables trouvailles. Voici ce que l’on a pu relever !

Les loups Si l’on en croit le Journal de Rouen du 8 novembre 1828, les loups quittent la forêt de Brotonne située rive droite pour chasser sur la rive gauche, notre rive. Ils se réunissent à Anneville, Bardouville, sur la route de la Bouille au Val-des-Leux autrement dit le Val des loups. Ils traversent la Seine en meute, tenaillés par la faim qui fait sortir le loup du bois d’après le dicton ! Les troupeaux qui paissent dans les marais communaux d’Anneville et de Berville subissent fréquemment la visite de ces prédateurs. Les loups sont également présents à Montigny et dans la forêt de Canteleu autrement dit chante-loup. N’oublions pas la célèbre légende du Loup-Vert, motif d’une fête qui perdura jusqu’en 1900 à Jumièges.

Au début du XIX siècle les loups sont peut-être entrés dans nos villages. Une chasse impitoyable les a décimés. Près de 200 ans après, plusieurs incursions en Normandie sont relatées dans la presse ces dernières années.

Toujours d’après le Journal de Rouen de novembre 1833, on piège les loups en creusant une grande fosse au milieu de la forêt de Mauny où on dépose la carcasse d’un cheval. Quatre loups venant des marais d’Yville et d’Anneville y sont capturés.

En janvier 1987 1a Seine charriait des glaçons, l’ancien bac entre en cale de Duclair entouré de glaces.
Malgré les énormes battues tout au long du XIXe siècle, c’est un problème récurrent puisque de nos jours les bergers se heurtent à la même nuisance dans nos montagnes où les loups sont de nouveau installés.

Le froid Les hivers sont durs à supporter, le Journal de Rouen précise que ce sont ceux des années se terminant par 9 qui sont les plus froids : 1809, 1819, 1829, 1839 et 1849. Coïncidence !
En 1803 le froid est si intense que l’on peut traverser la Seine à pied sur la glace, le fleuve est entièrement gelé comme en 1830 où des traîneaux attelés de chevaux circulaient sur la Seine. En 1895 on traverse le fleuve à pied à Duclair. 

En janvier 1987, la Seine charriait des glaçons. L'ancien bac...

La chaleur Les températures de l’été sont aussi source de malheur à cause de la sécheresse. La Seine est très basse durant les étés 1803, 1822, 1825, 1834, 1835, 1857, 1858, 1874 et 1893 où une sécheresse débute en avril et se prolonge tout l’été. En 1803 l’eau est si basse qu’on peut traverser la Seine à pied par endroits. La navigation est compliquée, la Seine est large et peu profonde. Toujours selon le journal de Rouen, en juillet 1830 un violent orage s’abat sur la Fontaine. Des arbres sont déracinés sur une largeur de 200 mètres et des falaises s’écroulent à Duclair.
La sécheresse provoque aussi des incendies de forêt contre lesquels on est complètement démuni.


    Les inondations Les crues de la Seine provoquent de très grosses inondations, surtout chez les riverains situés au marais. (Voir article 20e épisode du  P’tit journal ) La Seine sort souvent de son lit. Les débordements sont importants en 1807, 1810, 1834, 1840, 1841, 1846, 1850, 1855, 1867, 1876 et 1881. Le fleuve n’est pas aussi bien canalisé que maintenant. Les travaux d’endiguement du second Empire permettent aux chemins de halage d’être au sec en période de montée des eaux. La crue de l’année 1841 est la pire de toutes, le phénomène s’est propagé jusqu’à Pavilly en remontant la rivière Austreberthe où seul un homme à cheval peut allumer les réverbères. L’une des plus longues périodes de pluie dans la boucle d’Anneville eut lieu entre du 26 janvier au 11 avril 1877 : 63 jours de pluie !

Inondation au bout de la Chaussée-du-Pont en 1983. Depuis, la digue sur la berge a été relevée, mais combien de temps contiendra-t-elle les forts coefficients de marée qui augmentent inexorablement ?

    Les noyades Parmi les faits divers assez courants en vallée de Seine, on découvre les noyades dans le fleuve. Il y a une barque dans chaque ferme du bord de Seine. Les eaux sont poissonneuses mais la pêche qui se pratique beaucoup est dangereuse en raison du mascaret. C’est une vague qui peut atteindre un mètre de haut lors des grandes marées. On l’appelle le flot ou la barre. C’est une nuisance pour les riverains ou une réjouissance pour les horsains. En Basse-Seine se produisait un puissant mascaret jusqu'aux années 1960 lors de la rencontre entre le courant descendant du fleuve et la montée de la marée. Des touristes parisiens auraient demandé « naïvement » à l’office de tourisme de Caudebec-en-Caux de rétablir ce phénomène. C’est là que la vague est la plus spectaculaire. Toute cette conjoncture provoquait de fréquentes noyades par chavirement des embarcations. Chaque cas nécessite beaucoup d’attention lors de l’identification du noyé pour l’inhumation. Si le corps retrouvé était celui d’un inconnu, on l’enterrait sur place dans la position assise. Lorsqu’il s’agissait d’un chrétien reconnu, on le menait au cimetière. Le Val-des-Noyés, le bien nommé, qui mène du Trait à Sainte-Marguerite-sur-Duclair était emprunté par le cortège funèbre.
On se souvient d’un événement particulièrement douloureux de la vie de Victor Hugo. Sa fille Léopoldine et son mari, Charles Vaquerie, se noyèrent en 1843 lors d'une sortie en bateau entre Villequier et Caudebec en Caux.

         Les disettes Ce sont des années où un manque de blé, de céréales, de ce qui est nécessaire à la vie se fait durement sentir. On note la disette de 1816 qui a provoqué de grands troubles sur les marchés du pays, en 1835 les récoltes ne sont pas meilleures.
Sur les actes d’état civil d’Anneville sur Seine la mortalité atteint un pic surprenant. On relève 160 décès durant la décennie 1830 à 1840 alors que celle 1820 à 1830 n’en compte que 120 et celle de 1840 à 1850 n’en compte que 110 (voir page 11 de la brochure « Les familles annevillaises et ambourvillaises  au XVIII et XIXe siècles », Gilbert Fromager, 1995)

          Les voleurs et escrocs. Ce n’est pas le Far-West mais les vols de chevaux par des bandes venues du Pays de Caux opèrent en vallée de Seine. Toutes sortes de délits sont dans les colonnes de journaux : vols de bijoux, d’argenteries, de bois en forêt, de métaux, de légumes dans les jardins, de volailles dans les poulaillers… Les peines peuvent aller jusqu’à huit années de travaux forcés pour les caroubleurs appelés les cambrioleurs par la presse à partir de 1894.

Ultime fait divers qui ne peut être vérifié car le 1er avril 1836 le Journal de Rouen narre l’étrange aventure de deux pêcheurs des environs de Duclair remontant un énorme poisson ressemblant à un saumon. A l’intérieur on découvre un poignard très ancien dont hérite le musée des Antiquités.
La presse se veut sérieuse, se montre prudente et ne donne que des informations vérifiées sauf le 1er avril peut-être !

Gilbert FROMAGER.

Source


Faits divers en Seine Inférieure au XIXe siècle, Jean Claude Marquis, 1993





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