Jean Pierre Derouard
Posées et mouillages de la Seine en aval de Rouen
La quasi-totalité des bateaux ou navires à voiles qui remontent la Seine ont Rouen pour destination. Avec d'excellentes conditions de vents et de marées, la capitale normande peut être atteinte en trois marées : la première mène à Quillebeuf, la deuxième à Villequier, le reste de la route se fait ensuite d'une traite. Ces conditions idéales se trouvant rarement réunies – et la navigation étant le plus souvent stoppée la nuit – les navires doivent souvent attendre le vent ou la marée favorables. Le voyage atteint fréquemment quinze jours, pour la plus grande partie passés avant Villequier.
En aval de Tancarville
Une très large Seine coule en chenaux anastomosés peu profonds entre des bancs dont la situation peut varier d'une marée sur l'autre. Un navire doit absolument éviter de se trouver échoué sur un banc : il risque d'être renversé par la barre – le mascaret – ou d'être enseveli si le courant affouille sous la coque. Les droits de la Vicomté de l'eau de Tancarville (cités par Achille Deville, Histoire de Tancarville, 1834) résument les fortunes auxquelles navires et hommes peuvent être confrontés :
Tout bâtiment, à tout moment, peut être amené à faire relâche : de tous les Navires et Bâteaux qui heurtent sur lesdittes eaux et illec demeurent échouez ou arrêtez ou posez, cinq sols.
Tout bâtiment peut être amené à alléger, à transborder une partie de sa cargaison pour diminuer son tirant d'eau : pour chacune nef ou Bâteau allégé ou mis hors, il est dû pour chacun bâteau qui reçoit lesdits allégemens, vingt-six deniers.
Tout navire peut se trouver en danger et son équipage obligé de l'abandonner avec sa cargaison : si lesdits Bâteaux et Navires sont submergez ou abandonnez par les Mariniers étant en iceux, ou ils le fussent après ou les biens étant en ceux fussent sauvez, a le droit dudit sauvetage pour lui et ceux qui ont aidé à sauver lesdits Navires ou Bâteaux, et les Marchandises étant en iceux. Le seigneur a droit pour le sauvetage, de prendre sur chacune pièce de Futaille, Caisse ou Paquet, et sur chacune des autres pièces de Marchandises, Ancre, Cables et Agrès, de la valeur de vingt sols et au-dessous, quatre deniers par chacune pièce et s'ils sont au-dessus de vingt sols, pour chacune pièce cinq sols.
Le seigneur a enfin le droit de récupérer tout ce que rejettent le fleuve et les marées : droit de Varech de toutes les Marchandises qui se trouvent échouées tant ès rives de Seine que sur les bancs qui se peuvent former en icelle rivière de Seine.
Tout navire risquant de se trouver en panne doit donc trouver une posée où attendre en sûreté. Les posées peuvent ici sembler nombreuses, mais elles n'ont bien sûr pas existé toutes en même temps.
Noël (Essai sur le département de la Seine-Inférieure, 1795) note les « réparations à faire aux posées, où tout bâtiment trouve dans chaque mois de l'année un abri certain contre la barre, la tempête ou le manque d'eau. Les débarrasser des rochers, qui les obstruent, des silex dont elles sont couvertes sont en général les travaux les plus urgents à faire sur ces posées ». Les riverains fichent des piquets et exigent un droit d’amarrage plus ou moins légal, ce qui cause des « querelles journalières » avec les capitaines ; ce n’est que dans les années 1830 que les Ponts et Chaussées posent des pieux de « force suffisante pour soutenir le choc du flot » (Journal de Rouen du 25 novembre 1829).
Sans que l'on
sache bien
pourquoi, le chenal suit parfois les côtes nord ou les
côtes sud.
Suivant le nord vers 1760, le chenal s'est porté au sud en
1812,
faisant la fortune de Berville (Armand-Narcisse Masson de
Saint-Amand, Lettres d'un voyageur à l'embouchure
de la Seine,
1828). De nouveau au nord vers 1840 puis au sud le chenal se
déplace
encore une fois vers le nord en 1853 (Archives
Départementales de la
Seine-Maritime, 3S42).
La
première pose que
trouvent les bâtiments en partant du Havre, est la
Carrière sur la
rive Nord ; je crois celles de Tancarville et du Val-Salé
abandonnées. Les deux poses suivantes sont à
Quillebeuf et
Vieux-Port sur la rive Sud ; il faut attendre le flot pour lever
l'ancre de cette dernière, d'où les
bâtiments remontent à
Villequier et de là vis-à-vis de Bliquetuit,
où le mouillage de la
rive sud est très bon. Outre ces poses, il y avoit encore
celles
d'Harfleur, du Val-Hutin et Cressonval qu'on ne fréquente
plus
gueres, si j'en excepte quelques sloops. (Noël, déjà
cité)
En se rapprochant du Hode, sous Orcher, on remarque quelquefois un
petit banc de sable ; mais cela est rare. Les courants suivent les
falaises élevées du Pays de Caux et procurent aux
navires
différentes posées, quelquefois dangereuses
à la vérité, mais
ces dangers sont dus à la violence du flot, qui en rend la
tenue
difficile, et non aux bancs. Dans l'anse que termine le nez de
Tancarville on trouve successivement les posées du Hoc, de
la
Carrière, de Saint-Jacques, de Cressonval et la
vieille-posée (Jean
Baptiste Victor Boismare, Mémoire sur la
topographie et la
statistique de la ville de Quillebeuf et de l'embouchure de la Seine,
1811). Avant 1815 le passage des navires dans la Basse Seine, en aval
de Quillebeuf, était au sud, par Honfleur, Berville, la
Canardière,
la Roque ; on longeait le Marais-Vernier pour contourner Quillebeuf.
Deux ou trois ans plus tard, le chenal se trouva reporté
vers le
nord. Les navires, avant d'atterrir à Quillebeuf, posaient
à
Cressonval, à Saint-Jacques, à la
Carrière. (Pierre Marais, Des
causes de l'existence de la barre dans la rivière de Seine,
1865). Suivant en 1866 le chemin du bas des falaises entre Harfleur
et Tancarville, Adolphe Joanne (Itinéraire de
Normandie)
passe « devant un certain nombre de petits vallons
parmi
lesquels Rogerville et Oudalle, .puis les hameaux ou habitations de
Mortemer, l'Estrang, Saint-Jacques-du-Val-Hulin, Cressenval, et
Val-Salé ». Arrivé
à l'extrémité de la digue rive droite
[travaux commencés en 1848], vers le nais de Tancarville, le
chenal
se portait brusquement au nord suivant les falaises du Val
salé, de
Cressenval, du Hode, pour se retirer au sud vers Berville (E.Lavoine,
la Seine maritime et son estuaire, 1885). Avant de
s'engager
dans le lit changeant du fleuve [pour remonter à Rouen] il
fallait
attendre les vents propices de l'ouest et du sud ouest et un temps
clair. Un faux départ et le navire allait mouiller sur les
posées
de Tancarville ou celles de Fiquefleur, de Grestain, de Berville
suivant le sens du vent. On préférait les
posées de la rive droite
parce que l'eau y était plus profonde. (Marcel A.
Hérubel, Les
origines des ports de la Seine maritime, 1930).
De la pointe du Hoc au Hode
Embouchure de la Seine, par Jean Baptiste Bourguignon d'Anville, XVIIIè siècle.
Le Hoc : Commune
de Graville rattachée au Havre. A l'embouchure de la
Lésarde est le
Hoc, situé à la pointe d'une langue de terre qui
s'enfonce dans les
eaux. La tenue et l'échouage y sont également
bons (en note
: Il faut néanmoins excepter le temps où,
après de gros vents de
S.S.O., il s'y forme des bancs de sable qui en rendent
l'attérage
peu sûr.) et les navires qui manquent le port du Havre,
peuvent en
gros temps y trouver un refuge (Noël, déjà
cité).
Maintenant, la plupart des navires faisant le grand cabotage peuvent
entrer en Seine à toutes les marées, il n'est
plus nécessaire
d'attendre plusieurs jours mouillé sur la rade du Havre ou
bien à
la posée du Hoc une marée favorable pour franchir
la traverse.
(François Lamy, Seine maritime, modification de
son règlement
sanitaire, 1850) La pointe du Hoc fut le lieu d'un lazaret,
d'un
phare et d'un poste de douane.
Fiquefleur : Actuelle commune de Fiquefleur-Equainville. Rive sud de l'estuaire.
Grestain : Actuelle commune de Fatouville-Grestain. Rive sud de l'estuaire. On doit y craindre les courants (Pierre François Frissard, Navigation fluviale du Havre à Paris, 1832).
Berville-sur-Mer :…le village de Berville dont la Seine baigne les bords ; village devenu, à partir de l'an 1812, par suite du déplacement des vases qui l'environnaient depuis 1760, la posée des navires qui, descendant au Havre ou se dirigeant sur Rouen, viennent attendre là les vents favorables ou les marées de syzygie ;… (de Saint-Amand, déjà cité). L’échouage est commode, le fond est bon et les ancres y ont une bonne tenue (Pierre François Frissard, déjà cité). Ce village n'a d'autre importance que d'être devenu, depuis 1812, la posée des navires, qui, descendant au Havre ou se dirigeant vers Rouen, viennent attendre là des vents favorables ou les marées de Syzygie (Charles Nodier, La Seine et ses bords, 1836).
La Risle : Un banc ordinairement contigu à la terre, occupant toute la région de Joble, Grestain et Berville, est divisé seulement par plusieurs criques que forment les sources plus ou moins abondantes qui s'écoulent des rivages de la Seine. Quelquefois aussi la barre se porte vers la côte du sud et creuse, entre ces banc et les villages qui viennent d'être cités, un chenal étroit, praticable pour les bâtiments d'un faible tirant d'eau, qui alors y trouvent des posées. Dans ce cas, l'embouchure de la rivière de Risle s'établit dans ce chenal et, en longeant la terre, procure une posée à la Canardière (Boismare, déjà cité). La Canardière, à l’embouchure de la Risle, souvent inabordable à cause des bancs (Pierre François Frissard, déjà cité).
Le Marais-Vernier : Beaucoup de vieux marins encore existants ont vu il y a six ans qu'un navire fut incendié sous le château du marais Vernier, où était alors une posée (Boismare, déjà cité).
La Carrière : Commune de Saint-Vigor-d'Ymonville. A un kilomètre en aval du cap du Hode. C'est le fort des carrières qui servit de refuge pendant la guerre de Cent ans. C'est peut-être là que se trouvait port Nerval, port Merval ou Porquierval mentionné en 1369 comme dépendant du fief de Drumare (Charles de Beaurepaire, Commentaire sur un accord de 1418 conclu par Robert de Baraquement, amiral de France, entre les capitaines du parti de Bourgogne et les capitaines du parti d'Orléans en garnison dans la Haute Normandie, 1865 ; Alphonse Martin, "Sur la route de Harfleur à Tancarville", Société havraise d'études diverses, 1925).
Cressonval ou Cressenval : A la limite de la Cerlangue et de Saint-Vigor-d'Ymonville. Vallon dans les falaises de la rive nord.
L'estrang ou l'Estranglé ou l'Estrand: Commune de Saint-Vigor-d'Ymonville. Vallon dans les falaises de la rive nord. Signalé en 1679 comme "posée ordinaire" (Tancarville, un château, un pont, un canal, toute une histoire, 2010). L’Etranglé donne aussi son nom à un banc de sable.
Posée Saint-Jacques ou du Val-Hulin : Commune de Saint-Vigor-d'Ymonville. Le Val-Hulin est un vallon dans les falaises de la rive nord, au bas duquel se trouvait un prieuré Saint-Jacques fondé au XIIIè siècle ; à la Révolution, il est vendu comme bien national et abrite un poste de douane. Le Val-Hulin était l'un des points de départ possibles des bacs pour Quillebeuf appartenant au seigneur de Tancarville. Le 22 août 1779 est inhumé à Quillebeuf un noyé découvert "au rivage de la vieille posée de St Jacques" ; le 18 juin 1790, Jean Durand tombe du bateau dont il était mousse à la posée de St Jacques. Saint-Jacques apparaît comme la posée principale de ce secteur, le règlement du pilotage pour 1805 prévoit ainsi que les maîtres de navire s'arrêtant à cette posée ne paieront qu'un tiers du tarif dû jusqu'à Villequier. Un banc se forme cependant au début du XIX° siècle si important que les habitants y mènent leurs bêtes et construisent pour cela un pont de pierre sur un fossé. En 1834, la Seine a repris son érosion et les pierres éparses de ce pont gênent la posée qui s'est ainsi formée de nouveau (Henri Wallon, Le magasin de sauvetage de Quillebeuf, 1902). Le 6 mai 1856, l'ingénieur Partiot choisit Saint-Jacques pour observer le mascaret parce que « c'est l'endroit de la côte où le mascaret se fait sentir avec le plus de violence » et parce que la Seine y coule au milieu de bancs ("Mémoire sur le mascaret", Annales des Ponts et Chaussées).
La vieille posée : Commune de la Cerlangue, sur la rive nord.
Posée du Val-Salé : Commune de Tancarville. Vallon juste en aval du nez de Tancarville.
Tancarville
:
Posée jugée mal commode à cause des
courants (Pierre-François
Frissard, déjà cité).
Dans l'anse qui termine le nez de
Tancarville, on remarque quelquefois, le long des rochers qui
conduisent à ce village, un banc qui se continue avec le
rivage ;
mais le plus souvent il existe un chenal offrant une posée
sous le
château ; elle est mauvaise, à cause des roches
détachées qui s'y
trouvent, et sur lesquelles le courant d'ebe porte (Boismare, déjà
cité). Vingt pieux sont placés en 1834
au bout du nez de
Tancarville (Henri Wallon, déjà
cité).
Du Hode au cap de Tancarville
Carte du cours de la Seine depuis le Havre au Pont de Larche, par Jean et Nicolas Magin, 1750.
Jusqu'à Villequier
Les bancs, ripuaires, sont ici mieux fixés, mais le fleuve présente encore de très faibles profondeurs en morte-eau sur les bancs du Tot ou les traverses d'Aizier et de Villequier. Le mascaret continue à se faire fortement sentir.
Radicatel : Commune de Saint-Jean-de-Follleville, sur la rive nord. En 1887, des aménagements sont projetés au mouillage de Radicatel (A. Le Corbeiller, Histoire du port de Rouen, 1902).
Quillebeuf : Ce n'est qu'avec des conditions exceptionnelles de flot et de vent que les navires venant du Havre peuvent parmonter Quillebeuf et arriver jusqu'à Villequier en une seule marée. Mais la plupart des bâtiments arrivent à Quillebeuf à marée basse et sont obligés d'y poser en attendant le flot pour passer à pleine mer les hauts fonds des traverses. L'attente est parfois longue et « on a souvent vu cent navires et plus à la fois à la posée de Quillebeuf » (Alfred Canel, Essai historique, archéologique et statistique sur l'arrondissement de Pont-Audemer, 1834). A la descente, les navires ayant passé les traverses à pleine mer arrivent à Quillebeuf à marée basse et sont également obligés d'y poser. Les navires sont amarrés au quai ou à des pieux. La rade découvre à marée basse et les bâtiments s’échouent dans la vase.
Mouillage de la Corvette, sous les côtes de Trouville-la-Haule. Le mascaret violent au niveau de Saint-Léonard « s'apaise notablement au mouillage de la Corvette » (Jules Alfred Pierre Rouche, Traité d'océanographie, 1892). Prudent Prévost le fréquentait quand il pratiquait le bornage à la voile entre 1909 et 1914 : « La Corvette était un lieu habituel de mouillage de tous les bateaux descendant sur le Havre. Tous les vapeurs mettaient bas l'ancre à cet endroit pour y attendre le flot qui leur permettrait d'engainer l'estuaire. Il y en avait à chaque marée. J'en ai compté parfois jusqu'à douze. C'est pour vous dire que c'était un endroit plutôt dangereux pour les ancres. Pour une abandonnée, il y en avait bientôt deux, et au fil des années cela faisait des tas considérables. Car le capitaine du bateau ne s'embêtait pas : s'il ne pouvait rentrer son ancre, il coupait la chaîne au ras de l'écubier et tout était dit, il ne perdait pas sa marée » (Prudent Prévost, Souvenirs sur la Seine publiés en 1994). A partir de 1882, Villequier fut le port d'attache de la chaloupe de Persil chargé par la Chambre de commerce de procéder au sauvetage des ancres et des bouées gênant la navigation entre Villequier et Aizier. (Henri Wallon, déjà cité)
Vieux-port : les navires montant peuvent y poser, s'ils ne l'ont fait à Quillebeuf, en attendant le flot pour passer les traverses (Noël, déjà cité, 1795).
Quelquefois il existe une posée assez près de la traverse d'Aizier mais il est souvent imprudent d'y chercher refuge (Boismare, déjà cité).
Un fanal est prévu en 1829 à la posée de la Vacquerie (Journal de Rouen).
La Courbe entre la Vacquerie et Vatteville. Le mascaret violent sur le banc des Flaques « se calme dans les eaux profondes de la Courbe » (J.A.P.Rouche, déjà cité). La Courbe est signalée en 1896 comme « le seul bon mouillage près de la mer » où les yachtmen puisse « prendre le flot en toute sécurité » (Le Gaulois du 5 janvier). Une carte1 pour la navigation de plaisance entre Tancarville et Rouen non datée mais de la fin des années 1950 signale « le bon mouillage de la Courbe ».
Un poste d’amarrage pour les navires descendant ou remontant la Seine en deux marées est toujours d’actualité à Vatteville.
Villequier : Les navires descendant y avaient leur première posée, dans l'attente de la marée haute pour passer les bancs des traverses. Les bâtiments montant peuvent, quand les conditions de vent et de marées sont favorables, y arriver d'une haleine, et y font leur première posée ; le plus souvent c'est leur deuxième posée, après Quillebeuf.
Villequier est la seconde posée de la Seine : c'est là que s'arrêtent, soit en montant, soit en descendant, les navires que le jusant ou la marée forcent de suspendre momentanément leur voyage ; c'est là qu'ils attendent le moment de le reprendre. Quelquefois, dans les basses mers, les bâtiments qui descendent de Rouen sont forcés de rester plusieurs jours à l'ancre devant Villequier, en attendant que le revif, donne assez de profondeur entre ce point et Quillebeuf (Girault de Saint-Fargeau, Histoire naturelle et dictionnaire géographique de toutes les communes du département de la Seine-Inférieure, 1828). Il n’y a pas de port à Villequier, les navires patientent mouillés au milieu du fleuve.
La carte de navigation déjà exploitée mentionne un « mouillage pour supporter le mascaret en face du Château-Roulleau à 80 mètres de la rive ». J.J.Baude ("La Seine maritime", Revue des Deux Mondes, 1861) en est témoin le 5 octobre 1861, à l'annonce d'un fort mascaret, « les embarcations assez nombreuses qui stationnaient devant Caudebec se détachèrent des quais et se portèrent en ordre sur la rive gauche vis-à-vis le Château-Roulleau, où l'inflexion du lit détermine le flot à appuyer sur la rive droite. » Le Château-Roulleau est plus souvent connu sous le nom de château de la Martinière.
Jusqu'à Rouen
Le fleuve présente encore des hauts fonds au niveau d'îles ou de trous dans les rives, mais ne présente plus de grosses difficultés : jusqu’en 1921, le pilotage est facultatif en amont de la Mailleraye. Le halage peut suppléer au manque de vent mais est extrêmement lent.
Bliquetuit : un « très bon mouillage » y est signalé en 1795 (Noël, déjà cité).
La Mailleraye : La Mailleraye est la première posée de la Seine, en descendant de Rouen ; mais les bâtiments n'y restent que dans les marées où le fleuve manque de profondeur dans les passes de Caudebec (Girault de Saint-Fargeau, déjà cité).
Au XVIIIè siècle, la voiture de Caudebec2 séjourne souvent à la Mailleraye, dont le « port forme un abri », quand les « barres et éteules » de ce qu'on n'appelle pas encore mascaret rendent le quai de Caudebec périlleux (Archives Départementales de la Seine-Maritime, 6BP8 et 9).
Le conseil municipal demande en 1873 qu'on conserve la cale du bac car elle forme un renfoncement où les « petits bateaux peuvent se mettre à l'abri des glaces et du mauvais temps » (Archives Départementales de la Seine-Maritime, 3S306)
Le Trait : A peu près à demi-distance entre Rouen et Tancarville, à l'entrée de la grande boucle occupée par la forêt du Trait, le mascaret ne se fait jamais sentir et la Seine conserve toujours son régime normal. Le mouillage du Trait est donc un lieu de stationnement parfait qui permet à tous les navires de laisser passer la barre en repos (Charles Lenthéric, Côtes et port français de la Manche, 1906).
La carte de navigation déjà mentionnée indique un « excellent mouillage » près de la cale rive droite du bac de Yainville.
La même carte note un autre « excellent mouillage » au niveau de la Cheminée Tournante, un château près de la rive, à Anneville. Prudent Prévost fréquentait aussi ce mouillage (Souvenirs cités).
Prudent Prévost, déjà cité, utilisait un mouillage à l’île Clépoint, un peu en amont de Duclair.
Caumont : 10 janvier 1760, à cause du vent du nord qui l'empêche de continuer sa route, la voiture de Duclair3havres de Caumont où plusieurs bateaux furent contraints de rester » (Archives Départementales de la Seine-Maritime, 6BP8). 21 décembre 1762, la Seine charriant des glaces, Michel Cocagne, conducteur de la voiture de Caudebec, cherche un abri dans les havres de Caumont mais n'en trouve qu'un « peu commode et peu sûr parce que les autres [sont] occupés par d'autres navires et bateaux » (Archives Départementales de la Seine-Maritime, 6BP8).
La Bouille : 9 janvier 1786 La voiture d'eau de Caudebec stationne dans le heurt de la Bouille (Archives Départementales de la Seine-Maritime, 6BP9).
1 Il faut savoir que cette carte ne signale qu'un seul "bon mouillage" et que deux "excellents mouillages".
2 Cette voiture d'eau partait de Rouen le mercredi pour être à Caudebec au marché du samedi.
3 Cette voiture d'eau partait de Rouen le samedi pour être à Duclair au marché du mardi.