Le garde champêtre ! Il vous court après depuis l'aube de la civilisation. Jadis, on l'appelait le garde messier. Celui qui garde les moissons. La Révolution va codifier ses prérogatives. Définir son statut. Ordonner une désignation dans chaque commune. Le maire soumettra son choix au conseil municipal avant d'en référer aux instances supérieures. Le garde champêtre devra savoir lire et écrire, faire montre d'une condition physique. C'est un cousin du gendarme avec qui il partage cette mission : surveiller les campagnes...


La première promotion

C'est le 1er fructidor de l'an III, autrement dit le 18 août 1795 qu'ont lieu les premières investitures de gardes champêtres dans le canton de Duclair.

A Jumièges, époux de Marie Madeleine Lefrançois, Jean Ponty est officiellement nommé dans ses fonctions.

A Notre-Dame et Saint-Pierre de Varengeville, c’est Nicolas Baudribos,  marié en 1774 avec Marie Marguerite Céleste Quibel.  Il est le seul porteur du nom dans le canton. 

A Saint-Paër, on nomme Adrien Fleury qui épousera quelques années plus tard Marie Madeleine Cornier

Le Trait désigne Denis Sehet. (En breton, ce nom signifie... j'ai soif !)

Sainte-Marguerite Jean Lebourgeois

Alors, quelles vont être les prérogatives de ces officiers de police ruale: verbaliser en cas d'ivresse et d'épanchement d'urine sur la voie publique, en cas encore de divagation d'animaux. Il arrête le vagabond, le trafiquant d'alcool, s'interpose entre voisins qurelleurs.C'est aussi un garde-chasse, un garde-pêche. L'homme tient de la mairie son équipement complet, dont ce fameux tambour qui annoncera la dernier arrêté municipal. Alors, il lui faut savoir lire, trousser un procès-verbal, compter...

A Jumièges, il officie gratis !


En fait, c'est le 27 juillet que Jean Ponty a été investi par ses pairs à Jumièges. Assistons à la cérémonie...


Ce jourd’huy, vingt neuf Thermidor, 3e année répub., la municipalité et le conseil général de la commune de Jumièges dûment convoquée et assemblée dans le lieu ordinaire de ses séances…

Lecture a été faite de la loy du 20 Messidor dernier qui ordonne l’établissement d’un garde champêtre dans toutes les communes rurales de la République, ladite loi lecturée en présence du peuple le 20 de ce mois.
Le citoyen maire a proposé à la commune de nommer un ou plusieurs gardes champêtres si elle jugeoit nécessaire, il a encore proposé que le citoyen Jean Ponty, garde messier,  s’étoit exactement acquitté de sa fonction jusqu’à présent au désir de ses concitoyens, qu’il étoit reconnu d’une probité et d’un zèle de patriotisme, pourquoi demande qu’il soit à l’instant délibéré sur la proposition cy dessus, observant que suivant l’art. 2 de la dite loy, les traitements des gardes champêtres à nommer seront fixés par le directoire du district et répartis au marc la livre de l’imposition foncière ;
La Municipalité et le Conseil général de la Commune, après avoir entendu le procureur de la commune ont arrêté que le Citoyen Jean Ponty, actuellement garde messier, est présenté aux administrateurs du district d’Yvetot pour être par eux nommé garde champêtre dans l’étenduë de la commune de Jumièges et de ses hameaux, les priant de vouloir bien agréer sa personne et de lui envoyer sa nomination.
Étoit présent led. Citoyen Jean Ponty, lequel a déclaré accepter la dite présentation et la nomination qui sera faite et a aussy déclaré se passer d’aucun traitement et à signé.
Arrêter les jour, mois et an cy devant dits
Varanguien maire, Poisson officier, D…officier, Delaruë, procureur.

Ils ne sont pas payés

Le 5 brumaire, 26 octobre 1795, nomination de Robert Hue à Launay. Époux Marie Marguerite Duthil, il est originaire de La Vaupalière.

Le même jour, les administrateurs de Duclair se plaignent auprès du Département. Si les délits sont grands, c'est que les payes sont petites. Voire inexistantes...

Duclair, le 5 brumaire an 3 de la République française une et indivisible,
Les administrateurs municipaux du canton de Duclair aux administrateurs du département de la Seine-Inférieure ;

Citoÿens,
Les délits de chasse dont vous vous plaignez dans votre lettre du 3 vendémiaire dernier ne sont que trop réels, des hommes enthousiasmés d’une fausse idée de liberté et la confondant avec la licence se permettent de chasser dans les grains et dans les bois au préjudice des propriétaires des fermiers et de l’intérêt de l’agriculture. Un délit aussi réel et non moins affligeant est la dilapidation des bois nationaux et de ceux des particuliers.
Une des principales causes de ces désordres est l’insuffisance des appointements des gardes forestiers et de la nullité de ceux des gardes champêtres, la loÿ du 20 messidor an 3 n’est point exécuté sur ce point. Elle porte que les gardes champêtres seront payés par un impôt réparti sur la contribution foncière, nous nous sommes empressés de par porter sur les états particuliers des charges locales des communes les appointements des gardes champêtres pour l’an 3 mais les états de charges locales sont restés dans vos bureaux. Nous ignorons quel’l mode on adoptera pour l’an 4 vu qu’il n’y aura point pour cette année de charges locales particulières aux communes de manière que les gardes champêtres de notre arrondissement non seulement sont privés de leur traitement mais ils n’ont pas même l’espoir certain d’être payés..
Nous vous prions donc citoyens administrateurs de vouloir bien 1° faire expédier l’état particulier des charges locales de chaque commune, 2° de nous tracer la marche à suivre pour payer les gardes champêtres de leurs appointements de l’an 4.
Guilbert, Vauquelin Foutrel, De L’espine, Gouchet Maugendre etc.

Réponse du Département :

Citoyens
Nous nous marquez dans votre lettre du cinq de ce mois que les abus dont on se plaint relativement à la chasse ne sont que trop fondés et qu’on doit s’en prendre à l’insuffisance du traitement des gardes champêtres. C'est à vous, citoyens qui connaissez leur zèle, leurs besoins et leurs obligations qu’ils ont à remplir à fixer ce traitement et à nous à vous autoriser à le répartir aux termes de la loi au marc la livre sur la contribution foncière, vous allez recevoir les états de cette répartition pour l’an 3 en même temps que ceux de l’an 4. Nous vous inviterons de plus en plus à veiller à ce que les propriétés nationales et particulières ne souffrent d’aucuns dommages.

Les nominations continuent
10 jours après cette intervention, le 15 brumaire, Louis François Dehayes est investi aux Vieux. Marié avec Marie Catherine Marais, il était garde chasse sous l’ancien régime.  Martel est nommé à Ecalles Villers.

Assistons à une nouvelle cérémonie. Celle du Mesnil, le 20 mars 1796 :

Ce jourd’hui, trente ventôse, an quatrième de la République, en l’assemblée des citoyens de la commune du Mesnil-sous-Jumièges, convoquée ce jourd’hui après avoir été dûment avertis en conséquences des ordres donnés par l’administration municipale du canton de Duclair d’assembler la commune pour nommer sous bref délai un garde champêtre dans les communes où il n’y en a pas pour la conservation des propriétés et récoltes, vu qu’il n’en existe pas dans cette commune, l’agent municipal a convoqué ce de dit jour la ditte assemblée communale pour nommer un garde champêtre conformément aux lois.
Tous les citoyens de la ditte commune étant assemblés dans la ci devant maison commune, l’agent municipal exposé aux dits citoyens de nommer un garde champêtre de suite d’après les ordres à lui donnés,

S’est présenté à la ditte assemblée le citoyen Pierre Fessard, domicilié en laditte commune . Lequel a déclaré agréer la place de garde champêtre aux conditions que l’amende des bestiaux pris en flagrant délit …iront au profit du dit garde champêtre d’après qu’elles seront fixées par le juge de Paix ou le commissaire du pouvoir exécutif près l’administration municipale du canton de Duclair. Le dit garde champêtre étant reconnu pour être de bonnes mœurs a lui enjoint de s’acquitter fidèlement de la garde qui lui est confiée, de se conformer aux lois à la police rurale et autres lois relatives, de dresser procès verbaux des délits qui seront par les bestiaux commis dans la dite commune du Mesnil, fait et arrêté les jours, mois et ans que dessus. Signé Bastille, Pierre Fessard, P.F.M. Amand, Pierre Danger, Cabut, Étienne Duparc, Durier, agent, Vauquelin, agent municipal.

18 germinal an IV (7 avril 1796).  On nomme Étienne Delaporte au Vaurouy et Pierre Fessard est officiellement confirmé au Mesnil.
Pierre Fessard est fils d’autre Pierre et Marie Anne Duquesne. Il a épousé Marie Rose Léveillard le 16 novembre 1784 au Mesnil.
Étienne Delaporte s’est marié le 2 septembre 1875 à l’âge de 26 ans avec Anne Catherine Gentais. Il était fils d’autre Étienne et de Marie Boutard. Âgée de 21 ans, elle était fille de Charles Gentais et de Catherine Thomas.

1er floréal de l’an IV (20 avril 1796) On nomme Jacques Poisson à Duclair. Il s’agit sans doute du mari de Rose Véronique Gresset, veuf, marié en premières noces avec Anne Villion et qui exerçait la profession d’horloger.

Mais que font Yainville et Villers ?

Ce n’est que le 1er frimaire de l’an V (21 novembre 1796) que Jean Le Vasseur et Claude Lafosse furent nommés respectivement gardes champêtres des communes de Villers et d’Yainville. Leur nomination pressait car on ne pouvait procéder  aux appointements des autres tant que l’état général n’était pas complet.

Nos administrateurs peuvent enfin dresser le tableau des effectifs :

Vu la lettre du ministère de l’Intérieur qui lui est parvenuë le trois messidor dernier tendant à prêter l’organisation d’un garde champêtre dans chaque commune de la république
Vu l’état nominatif des citoyens chois par l’administration municipale du canton de Duclair pour remplir les fonctions de gardes champêtres dans les différents communes de son arrondissement sous la datte du 19 brumaire,
Vu l’état supplémentaire pour les deux communes de Villers et d’Yainville, du même canton, sous la date du premier de ce mois,
Considérant qu’il est urgent d’exécuter la loÿ du 20 messidor de l’an 3 afin de faire respecter les propriétés rurales,
Considérant que les citoÿens choisis par l’Administration municipale de Duclair ne peuvent être que des hommes probes et connus pour leur civisme,
Le commissaire du pouvoir exécutif entendu arrête que les citoÿens portés tant sur l’état que sur le supplément du 15 brumaire et premier frimaire sont nommés gardes champêtres et qu’ils jouiront des appointements qu'il leur ÿ sont accordés.

Savoir

Jacques Poisson pour Duclair (200 francs)
Étienne Delaporte pour le Vauroÿ (100F)
Pierre Fessard pour le Mesnil-sous-Jumièges
Jean Pontif pour Jumièges (200f)
Nicolas Baudribose pour ND de Varengeville (100F)
Idem pour St Pierre de Varengeville (100F)
Adrien Fleury pour St Paër (200F)
Sehet pour Le Trait (150)
Jean Le Bourgeois pour Sainte-Marguerite (200)
Robert Hüe pour Launoÿ (100)
Louis François Delahay pour les Vieux (100)
Martel pour Ecalles Villers (100)
Jean Le Vasseur pour Villers (100)
Claude Lafosse pour Yainville (100)

Qu’ils se conformeront en tout aux dispositions des lois du 20 messidor en 3e et six octobre 1791 (vieux style), qu’ils toucheront le traitement qui leur est accordé d’après l’avis de l’administration de Duclair, lequel traitement sera réparti au marc la livre de l’imposition foncière, qu’ils se présenteront devant le juge de Paix chacun dans son arrondissement pour ÿ prêter le serment exigé par la Loÿ dont copie sera de suitte envoÿée à l’administration du département, que le présent arrêté sera envoÿé à l’administration municipale du canton de Duclair pour qu’elle en ait pleine et entière connoissance et que copie en soit expédiée à chaque garde champêtre qui ÿ est nommé. Fait et arrêté en séance de l’administration centrale du département de la Seine Inférieure, Rouën, le douze frimaire an cinquième de la république une et indivisible.

On voit au passage que Jean Pontif, à Jumièges, n'exerce pas gratuitement son ministère. Le 3 mars 1797, il passe le relais à Nicolas Holay qui ne va pas tarder à se plaindre du salaire.

Garde-champêtre à Jumièges : la ruine !

Aux administrateurs municipaux composant la chambre municipale du canton de Duclair
Vous expose le citoyen Nicolas Holay, garde champêtre de la commune de Jumièges, reçu le traize ventôse an cinq et ne faisant autres choses que marcher tous les jours de hameau en hameau et de triège en triège et ne pouvant pas aller au hameau d’Hertauville sans qu’il lui en coûte deux sols pour passer la traverse de la rivière de Seine, ce qu’il le réduit à une grande misère, voilà son propriétaire qui lui demande le payement de l’année de son fermage. De plus, il a emprunté une somme de douze livres pour subvenir à ces nécessités les plus urgentes, il est à la connoissance des habitants de la ditte commune que le dit Holay s’acquitte fidèlement du ministère de sa commission voilà huit mois vienne le traize brumaire que le dit Holay exerce sa ditte commission sans avoir reçu aucuns termes de son traitement, c’est pour quoy il a recours à votre administration pour luy faire passer les termes de son traitement. Nas Holay
A Jumièges, ce 7 de brumaire an six de la République.

Les délinquants d'Yainville
Aux citoyens composant l’administration municipale du canton de Duclair, ressortissant du département de la Seine-Inférieure ;

Le citoyen Alexandre Martin François Levesque, homme de loy demeurant en la commune de Caudebec, expose qu’il est propriétaire en la commune d’Yainville d’une pièce en bois taillis nommé la broche Hamel contenante le nombre de onze à douze arpents environ. Cette pièce borne d’un côté et d’un bout la forêt nationale, d’autre côté les terres en labour tant de l’exposant que celles des citoyens Leblond et Vaultier et d’autre bout le bois taillis de Pierre Renault.

Le pétitionnaire voit avec peine que, depuis l’espace au moins de quatre années, des malveillants et délinquants lui ont coupé à la scie, abattue et enlevé un grand nombre de baliveaux de la ditte pièce qu’il fait valoir par lui même. Ils font plus, ils y mettent, notamment pendant la nuit, pâturer leurs bestiaux et pour se faciliter des issues et passages, il ont maintes fois détruit et comblé des portions de fossés du côté de la forêt et le long de la campagne. Enfin, il se commet assez fréquemment des délits dans son bois taillis et on y chasse continuellement.

Les pétitionnaire ignore s’il y a un garde champêtre établi pour veiller à la conservation des propriétés de la commune d’Yainville ou, s’il en existe un, il est très peu connu et, à ce qu’il paraît, très insouciant sur les devoirs d’une fonction d’une utilité aussi importante au public.
Il est de l’intérêt public et même de l’intérêt particulier que les propriétés quelconques soient soigneusement conservées et respectées au point même que la loi autorise tous les citoyens à établir des gardes champêtres pour la sûreté de leurs biens fonds.

Ce considérant il vous plaise, citoyens administrateurs, vu que le pétitionnaire n’a pu parvenir jusqu’à ce jour à la répression des délits commis en son bois taillis malgré les affiches et avertissements réitérés qu’il a fait placés dans les communes du Trait  et d’Yainville comme il était bien instruit de l’abbatis et de l’enlèvement de ses baliveaux et d’autres bois et qu’il allait faire surveiller les délinquants ainsi que les braconniers.

Considérant enfin que l’article 2e de la loy du 20 messidor, an 4e, permet aux propriétaires d’établir des gardes particuliers pour la conservation de leurs propriétés respectives,
Il vous plaise, citoyens administrateurs, le commissaire du Directoire exécutif entendre, autoriser le pétitionnaire à vous présenter comme de fait il vous présente la personne du citoyen Denis-Nicolas Sehet, habitant et garde champêtre de la commune du Trait, voisine de celle d’Yainville afin de surveiller les délinquans en son bois taillis nommé vulgairement la Broche Hamel et au maintien des fossés qui l’environnent, à cette fin l’autorise de faire rédiger à sa requête et en son nom personnel tous procès verbaux, de les affirmer devant tel officier qu’il appartiendra en conformité des lois pour ensuite sur les déports et rapports dudit citoyen Séhet être conclu et statué contre qui et ainsi qu’il appartiendra.
Présenté à Duclair de jourd’hui vingt neuf ventôse sixième année républicaine.
Lévesque, homme de loy.

Au Trait, le garde demande à être armé
23 juillet 1798. Au Trait, Denis Séhet en a assez des volatiles et des chiens errants. Son sabre ne lui suffit pas. Il réclame un fusil !

Aux citoyens administrateurs du canton de Duclair
Expose le citoyen Sehet, garde champêtre de la commune du Trait, qu’il y a un grand nombre de volailles qui cause beaucoup de dommages sur la dite commune et qu’il ne peut les empêcher, vu que personne ne les réclame, ce pourquoi citoyens administrateurs, il réclame votre autorité à ce qu’il vous plaise luy permettre de porter un fusil pour parvenir à détruire les dittes volailles ainsi que les chiens qui sont de bandon dans la ditte commune. Et ce sur la réclamation de plusieurs individus qui se trouvent arrêtés dans la susdite commune , lesquels m’en ont fait leur déclaration verbale dont les dits chiens dévore les poulains à lait et autres animaux et se jettent même sur les personnes qui passent, vu quoi l’exposant a recours à votre justice. Présenté le cinq thermidor an 6 de la République française une et indivisible.

Leblond, Foutrel et Lesain estiment qu’il y a lieu de délibérer en séance publique le 17 fructidor de l’an 6.

Louis Bénard se plaint du garde

Denis Séhet est encore sous les feux de l'actualité cantonale, le 14 novembre 1798...

Aux citoyens administrateurs du canton de Duclair
Le citoyen Louis Bénard, cultivateur au Trait, expose que le citoyen Sehet, garde champêtre de la dite commune, se conduit à son égard avec la plus grand partialité, qu’il souffre que les récoltes de l’an présent soient dévastées par les bestiaux tandis qu’il ….avec la plus grande rigueur les bestiaux du dit exposant quand ils s’échappent sur le terrain d’autrui, il ne sait comme il a provoqué une manière d’agir si arbitraire, il n’a jamais offensé le garde champêtre et n’a rien fait qui puisse motiver la conduite qu’il tient à son égard. Comme ce fonctionnaire est sous votre surveillance, l’exposant croit devoir s’adresser à vous, citoyens administrateurs, à ce qu’il vous plaise rappeler à son devoir le garde champêtre communal du Trait et vous ferez justice. Présenté ce 26 brumaire an six de la république et notamment le 19 du présent, il a chassé des terres de l’exposant deux porcs au lieu de les conduire au dépôt.

Le citoyen Sehet, garde champêtre, a paru le 24 brumaire au lieu des séances et a répondu qu’il n’a jamais fait de procès verbaux contre le pétitionnaire, qu’il a toujours écarté de ses récoltes les animaux dévastateurs, que le fait relatif aux porcs n’est point en sa connaissance, qu’au surplus, il n’a point vu les dits porcs dévaster les pommes de terre du pétitionnaire, qu’au surplus il continuera d’exercer une stricte surveillance pour empêcher la dévastation des récoltes. Au lieu des séances de l’administration de Duclair, ce 24 brumaire au 7. Sehet.

Heurteauville réclame son garde

Liberté Égalité
Le citoyen Jean Jacques Hüe, agent et associé des copropriétaires de la harelle d’Herteauville aux citoyens administrateurs du canton de Duclair, département de la Seine-Inférieure.
Citoyens,
Autorisé de faire tout ce que je croirai convenable pour la conservation des propriétés des dits copropriétaires, je vous propose pour garde pour veiller à la conservation de leurs propriétés le citoyen Pierre Viger, demeurant au dit lieu, dont le civisme et le moralité me sont connus.
Je vous le propose aussi pour garde champêtre pour Herteauville seulement, section de la commune de Jumièges, en ce que la dite section étant partagée de Jumièges par la rivière de Seine ce qui empêche la surveillance de celui de Jumièges. Je vous observe que la section d’Herteauvile est plus grande que ne le sont en particulier les communes d’Yainville, Le Vaurouis, Launay et les Varengeville, ce faisant, vous ferez justice.
Présenté le 18 nivôse an 7 (7 janvier 1799)…

Le garde de Jumièges toujours sans le sou

Le 3 septembre 1799, la situation financière de Nicolas Holay n'est toujours pas réglée. Il insiste...


Aux citoyens administrateurs de la chambre municipale du canton de Ducler
Vous expose le citoyen Nicolas Holay, garde champêtre de la commune de Jumièges qui lui est accordé deux cent cinquante francs en numéraire métallique pour son traitement annuel et voilà vingt et un mois que le dit Holay gere de sa ditte commission ce qui lui fait quatre cent trente sept livres dix sols qui lui sont échus de laquelle somme le dit Holay a reçu cent livres et dont l’administration lui est redevable de trois cent trente sept livres dix sols. Le citoyen Holay se trouvant dans un pressant besoin a recours à la bonté de votre administration pour lui faire passer les termes échus de son traitement et vous ferez droit.
Présentée ce 17 de fructidor an 7 de la République française. Nas Holay.

Le suspect de Jumièges


Un des hauts faits d'armes du nouveau garde champêtre de Jumièges restera dans les annales. Le 15 novembre 1799, sur dénonciation d'une commère, il va surveiller un personnage suspect. Rendez-vous compte : il portait un chapeau rond (un Breton?) et mettait ses jambes l'une sur l'autre ! Vite, qu'on l'arrête !..

Ce jour d’huy, vingt quatre brumaire, an huit de la République française, sur les viron deux heures d’après midy, j’ay, Nicolas Holey, demeurant en la commune de Jumièges, garde champêtre pour la conservation des récoltes du territoire et des propriétés des communes de Jumièges, Mesnil-sous-Jumièges et Yainville reçu au tribunal du juge de paix du canton de Duclair et revêtu de mon costume, certifie que ce dit jour, étant aux fonctions de ma commission dans la commune de Jumièges, passant le long du cimetière de la ditte commune j’ay fait rencontre de la femme de Nicolas Luc de la ditte commune, laquelle m’a dit avoir vu une grande personne dans un petit bois nommé Le Parq a elle inconnu sur les viron neuf heures du matin couché et quelques heures après debout contre une sépée et d’après sur les viron une heure et demye d’après midy l’avoit encore vu couché dans la grande avenüe du dit bois derrière une sépée en me disant qu’il lui étoit suspect, ce qu’ayant entendu j’ay entré dans le dit bois et j’ay marché dans la ditte avenüe, cottoyant les sépées aux fins de n’être point vu.

Arrivé viron au milieu du dit bois, j’ay vu un homme couché sur le dos dans la ditte avenüe, viron à quarante pas de moy, lequel m’a paru avoir un chapeau rond, habillé de blanc, gillet vert et bas noirs, lequel a posé ses jambes l’une sur l’autre et ne l’ay point pu voir par le visage, ce qu’ayant vu je me suis retiré et j’ay été faire mon rapport au citoyen Delarüe, capitaine de la compagnie du Sablon, de la ditte commune, lequel m’a envoyé chez le citoyen Foutrel, agent municipal et lequel ne l’ayant point trouvé, j’ay été chez le citoyen Pierre Castel, adjoint de la ditte commune, lequel s’est rendu chez le dit Delarüe, lesquels ont conféré ensemble et pris les mesures convenables pour arrêter la personne dénoncée. Fait et rédigé le présent procès verbal le dit jour et an que dessus. Nicolas Holey.

On note au passage que notre homme se targue d'assurer la surveillance de Jumièges, Yainville et du Mesnil alors que dans ces deux dernières communes des homologues ont été nommés.

A qui doivent ils remettre leurs PV ?


A force de légiférer l'administration ne sait plus où elle en est. Surtout quand le commissaire du gouvernement démissionne dans le canton de Duclair. Nous sommes le 25 mai 1800...


25 floréal an VIII
Le commissaire du gouvernement près l’administration municipale du canton de Duclair au citoyen préfet du département de la Seine-Inférieure.

Citoyen,
La loi du 3 brumaire an 4 du code des délits et des peines porte que les gardes champêtres des communes remettront leurs procès verbaux au  commissaire du gouvernement de l’administration du canton dans lequel ils exercent leur fonction. J’ai fait juger tous ceux qui mont été remis, plusieurs gardes se sont adressés à moi pour m’en remettre de nouveaux, je ne crois pas devoir les recevoir, mes fonctions étant cessées le 24 du présent, ne cessant pas d’être utile au gouvernement, obligez moi de me dire où ils doivent les déposer. Salut et fraternité. Hüe

Rouen, le 6 prairial an 8
Le préfet au maire provisoire de la commune de Duclair.
Le citoyen Hue, ex commissaire du gouvernement près l’administration municipale de Duclair demande, par une lettre du 25 floréal dernier, dans quelles mains les gardes champêtre doivent maintenant déposer leur procès verbaux dont le commissaire était précédemment charger de suivre l’effet.
Cette question se trouve résolue par les articles 9 et 11 de la loi du 28 pluviôse dernier.
L’article 9 attribue aux sous-préfets les fonctions antérieurement exercées par les administrateurs municipaux et les commissaires de canton. L’article 11 porte qu’il n’y aura point de sous-préfet dans les arrondissements communaux ou sera le préfet.
Ainsi le canton de Duclair étant placé dans l’arrondissement de Rouen, les gardes champêtre doivent remettre leurs procès verbaux aux maires des communes respectives qui auront soin de me les transmettre et d’en exiger le dépôt au plus tard le troisième jour après la reconnaissance des délits. Vous voudrez bien faire par de cette décision au citoyen Hue afin qu’il puisse répondre d’une manière certaine aux gardes champêtres qui s’adresseraient à lui.

Laurent QUEVILLY.

Depuis...


Au Trait, du temps de la Révolution, on retrouvera aussi un certain Jean Delahaye dont la tache consiste à surveiller "si les animaux se trouvent bien aux endroits pressentis." En 1893, c'est Athanase Tribouillard. En 1899, Auguste Cordier intervient dans l'éboulement des carrières Cauvin.
Le 28 juin 1906 fut créée une amical des gardes champêtres de la Seine-Inférieure et des représentants de notre canton y siégeront comme Porchon, du Trait, Blot de Duclair...

Au Trait, Edouard Bénard cumula la fonction avec celle de cantonnier jusqu'en 1927. Sept ans militaire, père de trois enfants, il fut renversé par une voiture en juillet 1925 et disputa alors un procès avec le maire, Auguste Pestel. La voiture était conduite par une parisienne, amie du député-maire d'une ville voisine. Nous y reviendrons pas ailleurs.
Le 1er juillet 1927, Aimé Porchon (1877-1954), ancien Poilu, lui succéda. Ses moustaches lui valaient d'être comparé au Vercingétorix du monument aux morts. Il est là, aux côtés du maire Dupuich, quand arrivent les Allemands. Et il est toujours là pour constater les bombardements, les décès. Il prend sa retraite en 1946.

Louis Duchesne (1907-1966) prend la relève. Il est arrivé au Trait en 1945 avec son costume de prisonnier politique. Pas question pour l'ancien interné de s'enfermer aux chantiers. Brétéché l'embauche. Est-il en vacances que ses filles portent le courrier à la mairie. Il aide à l'occasion les bambins à chaparder des cerises. Duchesne est mort un an avant sa retraite.

En 1967, Jean Doudement lui succède. Mais Le Trait dépasse les 5000 habitants et il apparaît en 1977 avec le titre d'agent municipal. La fonction de garde champêtre est éteinte.
 
Dialogue dans le Journal de Rouen :

— M. le juge, le garde du Trait m'a qualifié de quelques épithètes dont celui de cochon. Je lui ai répondu : le cochon est sous ta casquette !
— Vingt francs d'amende ! Affaire suivante...
D'après Paul BONMARTEL.



— AVISSSSSE A LA POPULATION ! A Duclair, François Herment se souvient de M. Baron qui circulait dans les rues sur son Solex. Et vous ?....


SOURCES

ADSM L 3220 et 3221, numérisation Jean-Yves et Josiane Marchand, transcription Laurent Quevilly.

Le Trait Infos N° 143, 2010.


Le Vézillant n° 2, mars / avril 2004.