Maurice Lefebvre
Matricule "45760" à Auschwitz


Par Claudine Cardon-Hamet



Le funeste convoi du 6 juillet 1942 vers Auschwitz comptait plusieurs déportés originaires de notre région. Maurice Lefebre était du nombre. Récit...

 Maurice Lefebvre est né le 29 juin 1907 à Duclair (Seine-Inférieure, Seine-Maritime). Il habite Duclair au moment de son arrestation (la destruction et l'incendie de la mairie de Duclair en 1944 ont fait disparaître la plupart des documents d'état civil).

Il est moniteur pour apprentis chaudronniers aux ACMS, Ateliers et Chantiers de la Seine Maritime, créés au Trait - commune voisine de Duclair - en 1917, par Hippolyte Worms.

Maurice Lefebvre est membre du Parti communiste. Il est militant de la CGT aux ACSM.

Pendant l’Occupation, Maurice Lefebvre est arrêté le 22 octobre 1941 par la police française à son domicile, comme « membre du Parti communiste ». Son arrestation est ordonnée par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly) Lire dans le blog Le "brûlot" de Rouen. Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés entre le 21 et 23 octobre. Ecroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) entre le 25 et le 30 octobre 1941. Trente neuf d’entre eux d’entre eux seront déportés à Auschwitz.

Maurice Lefebvre est interné à Compiègne le 28 octobre 1941. Il y reçoit le numéro matricule "2372". Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.


Les wagons de la Déportation

Maurice Lefebvre est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000». Ce convoi d’otages composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et syndicalistes de la CGT) et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles allemandes destinées à combattre, en France, les «Judéo-bolcheviks» responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. 


 Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45760» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d'Etat d'Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a été pas retrouvée parmi les 522 photos que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.


Dessin de Franz Reisz, 1946

Maurice Lefebvre meurt à Auschwitz le 11 octobre 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 704).

Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué en 1954 (n° 1101.12071). La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (Journal Officiel du 9 avril 1994).

Une rue de Duclair porte son nom. Celui-ci est également gravé sur le monument aux morts près de l’église.

Sources
  • Témoignage de René Demerseman (45453), qui avait à Compiègne le n° 2371.
  • Listes de déportés de Seine-Maritime établies à son retour de déportation par Louis Eudier in «Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945» (annexes).
  • Liste de militants de la CGT fusillés ou déportés pour leur action dans la Résistance établie par la CGT de Seine Maritime.
  • Listes incomplètes du registre de Compiègne reconstitué après guerre, et recopiées par André Montagne, rescapé (N° 236 à 648 et 933 à 1359) et Claudine Cardon-Hamet.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres - incomplets - de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © Site www.mortsdanslescamps.com
  • Le site de Claudine Cardon-Hamet, Déportés politiques à Auschwitz http://politique-auschwitz.blogspot.fr/
NOTA BENE
Claudine Cardon-Hamet est professeur agrégée et docteur en histoire. Dans ce très beau livre, né d'une thèse de doctorat, elle nous plonge à la fois dans une description minutieuse du fonctionnement du camp d'Auschwitz en 1942 et dans une histoire méconnue : la mise à mort d'un millier de communistes français… distincts, donc, de la population juive promise à la mort dans les chambres à gaz. Mais ne l'oublions pas, les aryens et les sbires d'Hitler souffraient alors d'une conspiration mondiale "judéo-bolchevique" ! Si ce texte de niveau universitaire brille par la qualité de ses analyses et la somme des documents fournis, il se distingue également par la profonde émotion qu'il pointe : celle d'un groupe d'hommes solidaires unis dans une ferveur commune, celle de l'idéal anti-fasciste. En mai 1945, 119 hommes seulement auront survécu à ce drame certainement rendu possible par la collaboration active de Vichy. Pour plus de renseignements sur les livres cliquer ici

En écrivant l' histoire du convoi Claudine Cardon-Hamet a pris le relais des premières recherches menées par Roger Arnould, déporté, résistant et ancien documentaliste de la Fédération Nationale des Internés Résistants et Patriotes.