Septembre 1886. A Bliquetuit, qui a tué la veuve Sieurin ? Pour le Réveil d'Yvetot, l'enquête est vite ficelée...
Jeudi
matin, vers cinq heures et demie, la femme Piars, demeurant
à
Notre-Dame-de-Bliquetuit, au hameau d'Ectot, ayant entendu des
gémissements qui partaient de la cour de la veuve Sieurin,
âgée, de 58 ans, courut aussitôt pour
voir ce qui se
passait.
Elle trouva sa voisine tout ensanglantée, couchée
sur
l'herbe, et n'ayant pour tout vêtement que sa chemise ; au
même moment, la femme Piard. aperçut de la
fumée
sortir de la maison de la veuve Sieurin. Fort intriguée,
elle appela
au secours : plusieurs personnes vinrent à ses cris, et
pendant
que les unes s'occupaient des premiers soins à donner a la
victime qui perdait beaucoup de sang, les autres attaquaient
l'incendie, qui n'a d'ailleurs causé que fort peu de
dégâts, et dont on a pu se rendre maître
après une demi-heure environ de travail.
Voici, d'après la veuve Sieurin ce qui se serait
passé :
Vers trois heures et demie du matin, deux inconnus se seraient
introduits dans sa chambre
et lui auraient demandé :
« Vieille coquine, où est ton argent ? »
La veuve ayant refusé de répondre, l'un d'eux
l'aurait
saisie à la gorge pour l'empêcher de crier,
pendant que
l'autre fouillait les meubles.
Rusée,
elle
était parvenue à se débarrasser de
l'individu qui
la tenait, et elle était partie en courant, ayant soin
d'emporter son argent et divers papiers qu'elle avait sous son
oreiller.
Alors, les
inconnus se
seraient mis à sa poursuite et, l'ayant rejointe dans la
cour,
se seraient de nouveau jetés sur elle, la frappant
à
coups de rasoir au cou, aux bras et aux jambes, où elle
porte
effectivement la trace de huit blessures faites avec un intrument
tranchant; puis ils se seraient enfuis après lui avoir pris
350
francs.
Les blessures
de la veuve
Sieurin, dont une surtout - celle du cou - est très
profonde,
ont été examinées par M. Pasquier,
médecin
à Guerbaville, et M. le docteur
Bosquet, d'Yvetot, qui ont déclaré que, quoique
graves, elles ne mettent pas sa vie en danger.
Ils
n'admettraient pas
l'hypothèse d'un assassinat; selon eux, l'auteur des
blessures
doit être la victime elle-même. La justice a recueilli
d'autres renseignements qui paraissent confirmer cette opinion.
Le fils de la
veuve
Sieurin, qui habite avec elle, est absent depuis lundi, et il
doit la
quitter le 29 courant pour aller exploiter une ferme dans l'Eure; en
partant, il avait laissé dans le buffet de sa
mère une
somme de 300 fr. qui n'a pas été
retrouvée;
d'autre part, la veuve Sieurin avait fait augmenter son assurance il y
a très peu de temps.
De
là à
supposer que cette femme, qui a la réputation
d'être
très âpre au gain et dont les explications ont
paru
visiblement embarrassées, ait simulé une
tentative
d'assassinat et un commencement d'incendie pour s'emparer de l'argent
de son fils et toucher la prime d'assurance, il n'y a qu'un pas.
Ainsi ;
courant de
décembre 1878, la même veuve S. s'était
plainte
d'avoir été attaquée chez elle par
deux individus,
dont l'un l'avait frappée et lui avait fait
plusieurs
égratignures pendant que l'autre lui volait 700 fr.
Un homme fut
même arrêté et on dut le
relâcher, faute de preuves.