Un débitant tue un de ses voisins



« J'ai eu peur »; affirme-t-il. De paisibles clients achevaient leur partie de belote, hier soir, vers 22 h 30, dans ]e café tenu par M. Fortunato Berti, 62 ans, sujet italien, et situé 23 rue Armand Carel, à Montreuil-sous-Bois. Un homme entra, jeta un rapide « bonsoir, la compagnie » et s'installa au comptoir, où il se fit servir une consommation.
M. Berti, Immédiatement, lia conversation avec lui : il le connaissait de longue date, puisque l'homme, Marceau Delépine, né à Duclair (Seine-Inférieure), en 1904, occupait une chambre dans l'immeuble même où est installé le café Berti. Quoique se déroulant à voix basse, il était visible que la conversation était très animée.
Brusquement, et presqu'en même temps, les deux hommes s'invectivèrent à voix haute. Des insultes, on en vint aux menaces. Et ce fut le drame, que les clients, justement affolés, ne purent prévenir. Se jugeant sans doute en danger, M. Berti ouvrit son tiroir-caisse, en sortit un revolver de fort calibre et tira une seule balle sur son antagoniste. « Il m'a tué », gémit Delepine en s'écroulant, cependant qu'on désarmait le sexagénaire qui, son geste accompli, semblait absolument hébété. Un médecin, mandé immédiatement, fit transporter la victime à l'hôpital Saint-Antoine. Mais tous les soins furent inutiles et Delépine y décéda sitôt son admission. Son corps a été transporté. à l'Institut médico-légal aux fins d'autopsie.
Des réponses arrachées non sans mal au débitant prostré, il semble que l'on se trouve en présence d'un drame provoqué par une question d'intérêt. Delépine payait très irrégulièrement les consommations — fort nombreuses — qu'il buvait, avec ses amis, chez M. Berti. La somme dûe était d'une certaine importance, et c'est en discutant du règlement que le drame, aurait éclaté, le débitant ayant pris uhn geste malheureux de sa victime pour une menace.


Le Petit Journal, 26 avril 1936.