Par Laurent Quevilly
Avec le concours de Jean-Pierre Hervieux

« Comment voulez-vous gouverner un pays

où il existe plus de 300 sortes de fromage ? »

Charles de Gaulle


Que vous soyez "tyrosémiophile" ou non, voici notre collection d'étiquettes et l'histoire des fromagers dans l'ancien canton de Duclair. L'article est bien fait. Je veux dire coulant. Facile à lire, quoi...
De la fromagerie Dupuis, du Bas-Mauny...


Maurice Charles Dupuis est né à Vendôme, dans le Loir-et-Cher en 1874. Il s'installa d'abord comme fabriquant de fromages à Moulineaux, canton de Grand-Couronne. Le domaine, appartenait dès 1825 à Pierre Cosserat, négociant à Rouen. Il comprend le château d’été, des ruines, et environ 9 ha en bord de Seine.
Dupuis fut dispensé de service militaire en 1894, étant fils unique de veuve. Mais il fut tout de même appelé en novembre 1895 et fut soldat de 1ère classe au 28e RI jusqu'au 29 septembre 1896.
En 1903, Dupuis est porté sur la liste électorale de Moulineaux comme fabriquant de fromage au lieu dit la Vacherie. Par jugement du tribunal de commerce de Rouen en date du 16 mars 1903, Dupuis est déclaré en liquidation. Mais il évita la faillite.

Le profil du village est
quelque peu fantasmé...

En 1908, Dupuis est localisé au Bas-Mauny. Là, on le porte en 1913 sur les listes électorales en qualité de fabriquant de fromage. Il fera toute la guerre de 14 et ne sera libéré définitivement de ses obligations militaires qu'en 1922.

Maurice Dupuis est maire de la commune de 1919 à 1927. En 1926, il ne compte sur Mauny que trois salariés : Josephine Cotonnec, de Tréguennec, Jules Lépagnol, de Bardouville et un chauffeur tchécoslovaque, Peter Traft.

La maison Dupuis aura produit un  fromage appelé le "Bouille" vendu sur une feuille de platane et conditionné en caissette en bois. La chose va se tailler rapidement une belle renommée et faire les délices des Rouennais qui fréquentent la commune natale d'Hector Malot. On le déguste entre une matelote d'anguille au cidre et des douillons aux pommes. On l'emporte pour la semaine à Rouen...

Aux début du XXe siècle, un certain M. Fromage eut l'idée de couper en deux le Bouille pour le vendre avec pour slogan : "Le fromage de Monsieur Fromage". Fabriqué par à Mauny après la Première Guerre mondiale, ce Bouille-là est donc plus petit et sa pâte un peu moins onctueuse.

Le Bouille est un fromage double crème à base de lait de vache, 60% de matière grasse, à pâte molle à croûte fleurie avec des touches plus jaunes, notamment sur le pourtour. D’un poids moyen de 500 grammes, il se présente sous forme d’un cylindre de 7 cm de diamètre. Son affinage dure deux à trois mois.

... à Herselin & Cie


En 1919, Charles Dupuis est élu maire de Mauny. Sa fille, Yvonne, née à Mesnil-sur-Blangy en 1900, épouse en mars 1921 Marcel Herselin, directeur d'exploitation forestière à La Bouille et fils d'un notaire honoraire de Paris. Marcel est né à Crève-Cœur-le-Grand en 1898.


Sous le nom d'Herselin, la fromagerie de Mauny va produire plusieurs variétés de fromages, dont du pont-l'évêque et le fameux "Bouille". Certaines étiquettes seront modernisées au fil des ans par Garnaud, Angoulème. Nous en donnons les différents versions.

Dans l'entre deux-guerres, l'entreprise comptera jusqu'à cinquante salariés, près de la Seine. On exportera aux Etats-Unis en passant par l'Italie, la Belgique

En août 1921, Herselin annonça qu'il interrompait momentanément son exploitation. Du coup, il prêta ses chevaux et ses mulets à des agriculteurs pour peu qu'ils soient sérieux. On devait s'adresser villa Vert-Gazon, à la Bouille.

Jacqueline Herselin vit le jour à Saint-Martin-aux-Chartrains, dans le Calvados, en 1922. La même année, Herselin nourrit la chronique des tribunaux. Un de ses employés, Buter, lui volait du bois. Il fut condamné à deux ans de prison et une forte amende. Il contesta le montant du préjudice arguant que deux autres employés se livraient au même trafic. Sa peine fut ramenée à un an.


L'ancienne formagerie devenue un temps un restaurant.

C'est le 6 janvier 1927 que Maurice Dupuis, toujours maire de Mauny où il est qualifié d'industriel, rend l'âme. Il avait 53 ans. On l'inhuma à Moulineaux. Il ne connaîtra donc pas ses deux autres petits-enfants.

Outre Jacqueline, ses héritiers eurent en effet deux autres filles, nées à Beauvais, Nicole Herselin en 1927 et Michèle en 1933.

Entre temps, en mai 1930, on relève un petit fait divers. Le camion de la fromagerie Herselin, conduit par André Ritz, venait d'Heurteauville lorsque, en direction de La Mailleraye, il doubla une voiture chargée de bois menée par Edgard Despré, cultivateur du cru. Au moment où le camion la doublait, le cheval fit un écart et son conducteur blessé...

Herselin sera le seul à posséder un code dans le canton : le 76 R. L'entreprise dépose encore trois marques en février 1935. A côté de la fromagerie est un élevage de 300 porcs nourris d'un mélange de petit lait et d'orge.

Jacqueline, l'aînée des Herselin, fut scolariée à l'institution catholique Rey, de Rouen. En 1942, elle épousera Bernard Dubuc. Parvenue à la troisième génératon, l'affaire familiale disparut dans les années 1960.

Le Bouille est repris par Lepetit dans l'atelier de fabrication de Saint-Maclou, dans le Calvados. Marque digérée en 1978 par Besnier. On retrouvera le Bouille commercialisé sous la marque Lancelot. Il est aujourd'hui introuvable. La maison des fromagers fut reconvertie dans la restauration

Les transformateurs laitiers du canton...

A. Godalier, affineur à Duclair

Godalier porte le code 27 B. C'est celui de Gaillard & Chavel, Fromagerie de la Croix-Blanche à Authou, dans l'Eure. L'entreprise est localisée rue Anatole-France. Le 13 août 1932, 60 bombes prennent la ferme Godalier pour cible et qui accueille cinquante réfugiés. Pas de victimes.


Le Mesnil-sous-Jumièges

Fabricant et affineur situé au Conihout du Mesnil, non loin du Passage de la Roche. L'entreprise a été créée en 1988 par Patrick Sadones. En 2018, il avait déjà acceuilli cinquante migrants et formait son troisième apprenti.


M. Gosse, à Duclair

Pas d'informations sur cette entreprise

Beurrerie Blarre et Tamion, Quevillon
Delaporte, Saint-Martin-de-Boscherville
F. et M. Decaux à Yville-sur-Seine

Une Société Decaux fut créée à Port-Yville le 1er janvier 1989. Pas d'autre infomation.


Chez nos "vézins"


Frogovel à Caudebec, Desmoulins à Caumont, le département a compté et compte encore de nombreux transformateurs laitiers. Après avoir travaillé à Noiré, démobilisé de la Première Guerre mondiale, Gustave Berthoud, un paysan de l'Eure ami de mon père et qui avait des attaches à Heurteauville, reprend son métier de fromager en février 1920 à Moulineaux, au lieu-dit La Vacherie. Il y travaille pour Maurice Hergault, qui avait racheté la fromagerie de Maurice Dupuis en 1908. Eugénie Lebreton, sont encore attestés chez Hergault en 1921. Cette fromagerie se situait dans un lieu historique, lié aux ducs de Normandie et à la production de beurre et de fromage.

Hergaultl est impliqué dans la création du Syndicat du Véritable Camembert de Normandie en 1909 et est actif dans des fédérations laitières.. Parallèlement, il est maire de Moulineaux (1919–1945) et chevalier de la Légion d’honneur en 1949. 

Après la période Hergault, la fromagerie est reprise en 1945 par la société Eugène Hauptmann & Cie, qui poursuit l’activité fromagère sur le site. L'entreprise compte jusqu'à 120 salariés, saisonniers compris. Elle est démantelée dans les années 1970.


UN NOUVEAU EN 2017



LA CHEVRERIE DU COURTIL, à Jumièges


Créée en 2017 par Loïc Patin, la chèvrerie occupe l'ancien courtil de l’abbaye de Jumièges, au cœur du Parc naturel régional des boucles de la Seine. Loïc, après une reconversion (bac agricole), élève principalement des chèvres des fossés — une race locale — ainsi que des Jersiaises, et pratique la traite à la main. Production artisanale de fromages de chèvre, vendus à la ferme et sur les marchés locaux, notamment le samedi matin à Jumièges. L'exploitation est orientée vers la pâture tournante, l'entretien des prairies, haies, fossés, pour préserver la biodiversité 

Il pratique l’éco-pâturage avec des boucs pour entretenir des zones locales (collectivités, déchetteries), notamment avec la Semvit. Initiative originale : en janvier, collecte de sapins de Noël pour alimenter les chèvres, renforçant leur santé et recyclant les déchets verts

La chèvrerie est ouverte au public, intégrée dans les parcours de l’Office de tourisme de Rouen. Ellle propose des visites pédagogiques (écoles, collectivités, centres aérés, handicap).
Horaires de vente à la ferme : du lundi au vendredi de 8h à 9h, le samedi matin sur le marché 

Adresse : 799–843 rue Alphonse Callais, 76480 Jumièges. Téléphone: 06 40 70 82 71. Courriel : chevrerieducourtiljumieges@gmail.com 

Visites guidées : notamment tous les jeudis de 10h à 15h45 (jusqu'en octobre) via l’Office du tourisme de Rouen
Dossier:
Laurent QUEVILLY.

Source



Journal de Rouen,
La Bouille, p
erle de la Seine.