C'était la maison du Bon Dieu. En 1844, à Sainte-Marguerite, l'auberge Pécot devient soudain l'enfer. Sordide scène de crime...

Lui avait 81 ans, elle 72. Au soir de leur vie, les Pécot tenaient toujours leur hôtellerie. Uniquement par distraction. Leur vie de labeur leur avait procuré l'aisance. Sur le chemin de Saint-Wandrille, leur charité était devenue proverbiale. Ils n'hésitaient pas à loger et nourrir gratuitement les indigents qui, attardés en chemin, n'osaient traverser la vaste forêt voisine.
Le soir du mardi 23 avril 1844, trois inconnus poussent la porte et demandent de l'eau-de-vie qui leur est aussitôt servie. Puis ils désirent avaler un morceau, annonçant qu'ils reprendraient la route vers les onze heures. Une omelette fait leur affaire. Quand vient l'heure dite, l'un d'eux plaque une pièce de 5F.

— Mais c'est beaucoup trop, s'exclame la femme Pécot. Je vais vous rendre...

Et elle s'en va chercher la monnaie sur une étagère où un vase contient une trentaine de francs.

Et soudain l'horreur...


Les trois hommes se jettent sur la pauvre femme, la terrassent au sol et lui passent une corde au cou. Au bruit de ce remue-ménage, le mari, déjà couché, se réveille en sursaut. Mais que peut faire ce vieillard face à trois forces de la nature. Jean-Baptiste Pécot a beau lutter vaillamment, il s'écroule, terrassé à coups de marteau. et pendant cette lutte inégale, la dame Pécot est retenue par un des forcenés.

— Ton argent !
vocifèrent les trois, ton argent ou on te tue comme ton mari !

Alors, ils la relèvent, relâchent la corde, elle retrouve sa respiration. Marie-Marguerite Renault donne en tremblant ses clés, tout l'argent qu'elle a sous la main.

— Ce n'est pas tout ! aboient-ils.
— Non, mais mon argent est dans un bâtiment, dehors, dans la cour.
— Eh bien elle va nous y conduire bein gentiment, la petite dame...

Mais avant de sortir, les trois malfaiteurs mettent le feu à la maison. Quand le foyer d'incendie est suffisamment vivace, il jettent soudain dans le brasier le pauvre Pécot assommé. Horrifiée, sa femme le voit se débattre un temps. Puis s'immobiliser et rôtir dans les flammes.

"Au secours, on m'assassine !"



Dehors, en rassemblant ses esprits, la dame Pécot ne dirige pas les assassins vers l'appentis où dorment plusieurs centaines de francs. Non, elle les conduit vers la maison de son neveu, à une vingtaine de mètres. Marie-Marguerite puise de dernière forces pour hurler :
— Au secours ! On m'assassine !...
Elle n'en dira pas plus. Son tortionnaire resserre la corde et lui assène un violent coup sur la tête.
LA FAMILLE PECOT

Né à Sainte-Marguerite en 1764 de Charles Pécot et Marie-Catherine-Rose Legras, Pierre Jean Baptiste Pécot avait épousé à Sainte-Marguerite, en 1793, Marie-Marguerite Renault, native de Guerbaville. Ils aujourd'hui descendance. Plusieurs enfants leur sont né : Rose Adélaïde  qui ne vécut que 12 ans, Charles Étienne marié en 1825 à saint-Wandrille avec  Marie Aimée Flore Cousin. Marie Félicitée, mariée  en 1825 à Sainte-Marguerite avec Fulgence Noël Viard. Pierre Augustin Pécot marié en 1923  à Sainte-Marguerite avec Clothilde Marie Thorel.

L'incendie a maintenant gagné l'écurie, l'étable. Tout se consume : meubles, bestiaux... Alertés par ce sinistre qui illumine la nuit, Romain Pécot et Jean-Baptiste Biget, le garde-forestier, accourent sur les lieux. Ils y trouvent le corps inanimé de la malheureuse. Elle respire faiblement. Dans la maison, seul un tronc humain entièrement carbonisé rappelle le passage sur cette basse terre de Jean-Baptiste-Charles Pécot.

On court prévenir le maire, M. Frémont. Un médecin demeurant à Sainte-Marguerite prodigue les premiers soins à la rescapée. Elle reprend peu à peu connaissance, raconte les détails de cette scène d'horreur, donne le signalement de ses agresseurs. Mais ses blessures sont trop graves. On ne donne pas cher de sa vie...

L'enquête commence...


Le 24 avril, Biget et Auguste Hannin, un cultivateur ami des Pécot, déclarent le décès de l'aubergiste en mairie. Les gendarmes de Duclair, eux, vont avertir les autorités de Rouen. Aussitôt, le  procureur du Roi, Antoine Guillemard, le juge d'instruction Boné et le Dr Lévêque grimpent dans une chaise de poste et se rendent sur les lieux. L'enquête commence. Les recherches aussi, menées par la maréchaussée locale renforcée par la brigade de Caudebec. En vain. Alors, le 24 avril, le signalement précis des meurtriers est publié dans la presse à la demande des enquêteurs.

"Les deux premier paraissaient âgés de 35 à 45 ans, taille de 5 pieds 2 pouces environ, figure pâle, nez mince et pointu, l'un d'eux ayant un collier de barbe..."

Le premier portait une veste longue de couleur bleue, une cravate de laine rouge et un pantalon bleu. Le second larron est étrangement accoutré :

"Ce dernier portait une blouse d'un bleu foncé garnie de broderies blanches au collet et unie d'un poche de chaque côté de la poitrine, un gilet à grandes fleurs très brillant et qui paraissait être en soie et une cravate de couleur amarante avec des raies blanches formant de petits carreaux. Il était armé d'un couteau à gaine et d'un marteau présentant d'un côté la forme d'une hachette.

"Le troisième individu, du même âge environ, teint légèrement coloré, nez camard et très court, était vêtu d'une veste bleue ronde comme en portent les matelots et avait une cravate jaune."

Tous les maires et autres officiers de police sont invités à transmettre tout renseignement au Parquet. Cela reste sans suite.

Le témoignage de la veuve Pécot.


Le 18 mai, le Journal de Rouen revient sur les circonstances précises du crime. "La dame Pécot, pour la vie de laquelle on avait d'abord conçu les plus grandes craintes, à cause de la violence des coups de marceau qu'elle avait reçus au visage, à la tête, à la tempe particulièrement et de la pression que quatre mains forcenées avaient exercée en même temps sur son coup pour pour opérer la stangulation commence à se lever et paraît tout à fait  hors de danger. Enfin, cette femme, si digne de l'intérêt et de la sympathie des âmes honnêtes continue de jouir de l'intégrité de ses facultées intellectuelles malgré l'affreuse commotion phusique et morale quelle a éprouvée.
Notre correspondant de Caudebec a recueilli, mardi 14 mai, les paroles suivantes de cette malheureuse mère de famille qui est douée de beaucoup d'intelligence, de sang-froid et de caractère et d'une facilité pour l'énonciation de la pensée bien rare dans les campagnes.

"Le dimanche de la quasimodo (14 avril), vers la fin du jour, deux hommes se présentèrent chez nous, demandant deux petits verres d'eau de vie qu'on leur servit aussitôt, l'un élégamment vêtu, l'autre paraissait être son domestique ou un ouvrier. Le monsieur vanta la qualité de notre eau de vie et engagea la conversation. Il se dit être le cousin de notre maire, c'était un mensonge.
— Etes-vous contents de M. Frémont ? me demanda-t-il. Est-ce un brave homme et un bon magistrat ?
— Certainement, répondîmes-nous, il est très aimé et très estimé dans la commune.
— Que je suis content d'apprendre cela !

Il nous parla ensuite de plusieurs autres personnes qu'il désignait par leur nom. S'il était venu à Sainte-Marguerite, nous dit-il, c'était pour acheter du trèfle chez un cultivateur qu'il indiqua par la position de sa masure. Il nous apprit qu'il faisait exploiter une carrière à La Fontaine (encore un mensonge) et que là, il avait huit ouvriers qui, chaque jour, lui rapportaient chacun 3F. de bénéfice, sans compter ce qu'il gagnait lui-même.
— Monsieur est heureux, lui dis-je.
— Sans doute.
— Monsieur est-il marié ?
— Oui, j'ai une jeune femme et trois petits enfants...
— Et Monsieur ? en m'adressant à son compagnon.
— Il travaille à la route de Caudebec et loge au Caudebecquet.

Ce dernier a très peu parlé.

Comme il faisait déjà nuit, ils dirent qu'ils allaient se retirer, mais avant de partir, ils nous adressèrent toutes sortes de compliements, se promettant bien de ne pas revenir au pays sans nous souhaiter le bonjour. Enfin, le monsieur se disposant à partir, prit plusieurs fois les mains de mon mari, les serra dans les siennes et l'embrassa en même temps. Il me demanda fort honnêtement à m'embrasser aussi, je le lui permis. Cela me sembla cependant singulier, mais re crus que c'était par bonté de cœur qu'il agissait ainsi."

Les malheureux époux Pécot étaient loin de supposer que cette étreinte des mains avait peut-être pour objet d'en provoquer une semblable et d'apprécier ainsi toute la force dont le vénérable et vigoureux vieillard pouvait jouir encore et que si l'inconnu l'avait embrassé, c'était pour mieux l'étouffer.

"Le mardi 23 avril, reprit l'infortunée dame Pécot, vers la fin du jour également, un individu mal vêtu, sale des mains et du visage, ayant beaucoup de barbe autour du menton, un collier, resemblant assez bien à ce que l'on nomme dans les campagnes un mognan (chaudronnier ambulant) sans en avoir les ustensiles toutefois, entra chez nous et demanda un verre d'eau de vie pour engourdir un mal de dents sont il se disait tourmenté. Il tenait son mouchoir contre sa figure. Nous avions ce soir-là le tailleur. Bientôt le dégoûtant étranger jeta une pièce de 5F sur la table et me dit :
— Payez-vous.
— Ce n'est pas la peine de changer 5F pour un sou que vous me devez.
— C'est égal, je veux payer, et d'ailleurs j'ai besoin de monnaie.

Je me payais en conséquence et il partit. Notre tailleur, ayant fini sa journée, nous quitta bientôt aussi. Peu après, notre étranger rentra, accomagnée des deux hommes dont j'ai déjà parlé.
— Tiens, m'écriai-je en m'adressant à lui, vous sortez d'ici à l'instant.
— C'est vrai, mais je suis toujours tourmenté par mon mal de dent et je veux voir si un autre petit verre ne le guérira pas.

Il demandèrent en effet de l'eau de vie. On leur mit la bouteille sur la table. Déjà, ses deux compagnonsnous avaient donné un bonjour amical, comme à d'anciennes connaissances. Ils demandèrent aussi de l'eau de vie, puis du pain, de l'eau et des œufs. On leur servit six œufs d'abord, puis six autres au bout d'une heure environ.
— Nous soupons et nous ne partirons qu'à onze heures, car, dirent-ils en riant, nous voulons aujourd'hui être maîtres ici.

Mon pauvre mari qui, comme moi, ne soupçonnait point leurs criminels projets, fut se coucher et me laissa seul avec eux. Le monsieur avait l'air si honnête !

Ils soupèrent, en effet, mangèrent peu de pain, et prirent pour boisson de l'eau de vie étendue d'eau.

— Combien devons-nous ? demandèrent-ils à l'heure indiquée.
— 24 sous, répondi-je, c'est à dire 12 sous pour les œufs et 12 sous pour l'eau de vie.
— Mais, le pain ?
— Vous en avez mangé si peu, Messieurs, que je ne le compte pas.

Etant debout, comme pour partir, ils m'offrirent une pièce de 5F. C'est alors que celui que j'appelle le mognan se jeta sur moi, me mit une main derrière le cou et l'autre sur la gorge, et me serra de toutes ses forces pour m'étrangler. Comme il ne put y réussir, le monsieur m'appliqua également ses mains et tous deux me serrèrent avec la plus grande fureur. Il ne purent atteindre leur but. Je ne perdis pas connaissance.
— Vois comme elle nous regarde pour nous reconnaître, s'écria l'un des brigands, il faut lui crever les yeux.
— Mettons-la sur la table et égorgeons-la, dit un autre, ce sera plus tôt fini.

Ils me mirent sur la table et le mognan atteignit un couteau et un marteau dont il était muni. Il m'en porta plusieurs coups.

— Mais non, il ne faut pas l'égorger, reprit le monsieur, ça ferait trop de carnage, il y aurait trop de sang, attendez, voici un ficelle (qu'il tira de sa poche), nous allons l'étrangler, c'est plus simple !
— Laissez-moi un instant me réconcilier avec Dieu.
— Tu vas tout à l'heure te réconcilier avec les diables ! s'écria le mognan.
— Messieurs !...
— Nous ne sommes pas des hommes, nous sommes des bourreaux, des chevaux !
— Oh ! mon fils !..

La pauvre femme se rappelait peut-être qu'en 1815, lors de l'invasion, son fils, à peien âgé alors de 18 ans avait terrassé deux cuisassiers prussiens qui avaient frappé son père.

— Ton fils, s'il était là, nous le hacherions en morceaux. Et qu'il prenne garde, il tombera dans nos filets. Ton argent ! ton argent !
— Il est dans ce tiroir.

Ils y trouvèrent 35 à 40F.  

— Ce n'est pas tout, tu en as encore ?
— Oui, mais il n'est pas ici.
— Où est-il ?
— Sous un bâtiment, dans la cour...
— Ne la laissons pas sortir, dit le monsieur, elle va crier et nous perdre. Ne crie pas, surtout, car tu es morte.

Ils me serrèrent la corde autour du cou, m'enveloppèrent la tête dans mon tablier et sortirent avec moi. Par moments, il lâchaient la corde pour me demander l'endroit précis où étaient les 600F que j'avais annoncés. Je les conduisis auprès d'un poulailler, distant de quelques mètres à peine de la maison de mon neveu Romain Pécot. Saisissant un moment où la corde est moins sérée, je criai mon neveu. Il me répondit. Les malfaiteurs l'entendirent et me portèrent de rots coups de marteau. Je perdis connaissance et tombai comme morte. Je pus cependant  sentir encore des coups de pieds qu'ils me portèrent quand je fus tombée. J'ignore ce qui s'est passé ensuite. Je pense que c'est la chaleur du feu de notre maison (on sait que les brigands y avaient mis le feu) qui m'a sauvé la vie, car il me semble que j'avais le froid de la mort."

La pauvre femme ne connaît pas encore toute l'étendue de ses malheurs : elle croit, d'après ce qu'on lui a dit, que son mari n'est pas pas mort et elle ignore que sa maison, ses bestiaux et tout son mobilier ont été entièrement consumés.

Il serait difficile de se faire une juste idée de la terreur et de l'indignation qui règnent dans la contrée. Les habitants s'organisent en escouades de sûreté et font la nuit des patrouilles pour remplacer les gardes nationaux qui n'exitent guèrent maintenant que sur le papier.

On voit que cette nouvelle version diffère de la première...


L'entêtement du procureur


Les jeunes docteurs Lévesque, de Rouen et Crouzé, de Duclair, auront opéré des miracles. La veuve Pécot est maintenant remise de ses blessures. "Je reconnaîtrai les coupables !" Et elle peut compter sur le l'entêtement du procureur du Roi, Guillemard, qui a été substitut à Yvetot, à Évreux puis à Rouen avant de monter en grade voici quatre ans. Il forme avec le juge Boné un redoutable tandem, présent encore longtemps dans foule d'affaires du département.
Un mois s'est écoulé depuis le drame lorsque Guillemard et Boné se rendent à Duclair. Le vendredi 24 mai 1844, on fait comparaître devant Marie-Marguerite Renault tous les hommes de la commune âgés de 25 à 40 ans. Le lundi 27, la même opération a lieu à Anneville où est convoquée toute cette tranche d'âge de la presqu'île. La veuve Pécot supporte et le trajet et ce défilé qui dure deux heures et demie. La Justice entend poursuivre ses investigations dans toutes les communes du canton. Mais est-ce la bonne piste ? Est-ce la bonne méthode ? Le signalement de ces trois hommes laisse plutôt penser à des gens de passage. On aura donc à l'œil les étrangers...

Nouvel incident


Et voilà que le dimanche 16 juin, un nouveau fait-divers attire l'attention. Vers 11h du soir, à Epinay, au hameau de Lordvason, la ferme de Marguerite Françoise Capelle, veuve Fréville, cultivatrice plus que septuagénaire, est la cible de deux malfaiteurs. Les monte-en-l'air ont d'abord cherché à pénétrer dans l'écurie où ils savaient manifestement que couchait le charretier, le seul qui pouvait faire obstacle à leur projet. Mais celui-ci, les ayant entendus, s'arme d'une fourche, déterminé à résister, et crie : Aux voleurs ! Ce qui a pour vertu de mettre les deux visiteurs en fuite. Aux gendarmes, le garçon de ferme donne un signalement qui correspond parfaitement à celui des meurtriers de l'auberge. La gendarmerie de Duclair va donc devoir redoubler de zèle pour délivrer la contrée de l'épouvante qui commence à la gagner.

Une arrestation intéressante...


C'est dans le cadre de cette enquête que, le 15 juillet, procédant à des investigations auprès des ouvriers étrangers au pays, le brigadier Derrest, de Caudebec, contrôle sur son chemin un individu porteur de papier en règles mais qui semble tourmenté. D'ailleurs, il s'appelle Arsène Benoît Tourmente, tailleur de pierre né à Baly et demeurant en dernier lieu à Saint-Contest, dans le Calvados. Une surveillance s'opère. on constate que Tourmente évite les ateliers où il pourrait trouver du travail, préférant offrir la construction de méridiens dans les presbytères. Derrest écrit alors à son homologue de Saint-Contest qui l'informe que Tourmente a quitté sa région après que sa sœur ait été assassinée le 3 août 1843. Un mandat d'amener délivré dès le lendemain par le juge d'instruction de Caen était resté lettre morte. On crut que Tourmente avait fui à l'étranger.
Le temps de cette correspondance, le suspect avait quitté le canton de Caudebec. Derrest alerte alors ses collègues de Lillebonne. Le brigadier Ludjer et le gendarme Hanouet interpellent ainsi Tourmente chez le curé de La Frenaye. Vérification faire, ses papiers sont ceux de son frère. Le Journal de Rouen se félicite: "On ne saurait trop louer l'intelligence que le brigadier de la gendarmerie de Caudebec a mise dans toute cette affaire. Le signalement de Tourmente n'offre, dit-on, aucun rapport avec celui des auteurs des crimes exécutés à Sainte-Marguerite. Mais tant d'erreurs ont été commises, parfois, en matière de signalements, qu'on croira devoir sans doute soumettre Tourmente à l'examen de la veuve Pécot qui a toujours dit qu'elle reconnaîtrait les coupables."

L'attaque du cabriolet


Entre temps, le mercredi 17 juillet, Jonquais, 20 ans, domestique chez Baudry, de Betteville, revient de Caudebec dans le cabriolet de son maître. Quand, entre la fontaine de Caillouville et la côte au Coq, sur les 10h et demi du soir, alors qu'il pleut des cordes, une ombre se jette sur les rênes de son cheval, l'arrête et crie : "Dites-moi quelle heure il est !
— Je ne sais pas, répond Jonquais. Mais en haut de la côte, je vais le demander et vous le dire.
— Non, c'est tout de suite !

Jonquais fouette alors son cheval qui se cabre quand un second individu  apparaît sur le marchepied du cabriolet. Cette fois, le cocher change de bout à son fouet pour en asséner un coup à l'assaillant. Qui tombe à terre. A ce moment, l'autre essaye de se saisir de Jonquais. Mais le cheval prend peur et part au grand galop. Et c'est alors qu'un cri de douleur déchire la nuit. Une roue a-t-elle passé sur l'un des malfaiteurs ? Le Journal de Rouen s'interroge : "Probablement M. le maire de Betteville se sera entendu avec celui de Saint-Wandrille pour opérer des visites domiciliaire. Ces deux communes, souligne le journal, son limitrophes de Sainte-Marguerite-sur-Duclair..."

Et voilà que le 21 juillet, la Gazette de France claironne : Le Journal de Rouen annonce l'arrestation d'un individu nommé Tourmente, prévenu en même temps d’assassinat sur la personnc de sa sœur, à Basly (Calvados) et du triple crime commis, il y a quelque temps, à Sainte-Marguerite-sur-Duclair... Nous n'avons pas la même lecture du quotidien rouennais qui nous a bien dit :
"Le signalement de Tourmente n'offre, dit-on, aucun rapport avec celui des auteurs des crimes exécutés à Sainte-Marguerite..."

Dimanche 25 mai 1845, pendant la messe, nous apprend le Constitutionnel, un individu d'assez mauvaise mine entra chez un épicier de Duclair, M. Berthot, et demanda un petit verre d'eau-de vie. « On ne vend pas pendant l'office divin », lui répondit une bonne femme qui s'était constituée gardienne de la boutique en l'absence des maîtres. « Tu n'étais pas aussi difficile, lui cria l'inconnu, qui paraissait en état d'ivresse, tu n'étais pas aussi difficile lorsque tu demeurais à Sainte~Marguerite et que je te passais la corde au cou tandis que mes camarades escoffiaient ton homme.
» Cette femme crut effectivement reconnaître l'un des acteurs d'un assassinat qui a fait beaucoup de bruit dans le département de la Seine-Inférieure et porta aussitôt, de toutes ses forces, un coup de poing dans le visage de l'ivrogne. Celui-ci chancela, la brave femme saisit une pelle et lui en asséna un coup qui le renversa par terre. «  Je t'ai manquée il y a un an, vociféra l'inconnu en se relevant ; mais je ne te manquerai pas cette année ! » Mais déjà des voisins étaient accourus. On reconnut cet homme pour appartenir à d'honnêtes gens qui demeuraient dans la contrée. La justice informe.

La veuve Pécot mourut le 14 juillet 1853 à Fréville à l'âge de 82 ans. Son petit-fils, Nicolas-Edmond Rivière, bourrelier, déclara le décès en compagnie d'un voisin, Jules Zacharie Douyère, tourneur sur bois.

SOURCES
Le Journal de Rouen, articles consultés par Laurent Quevilly et Jean-Yves Marchand. Rédaction  : Laurent Quevilly.