Le franchissement de la Seine à Duclair
par la 9
e SS-Panzer-Division

  

Un sujet de Marceau Déchamps

A la date du 21 août 1944, suivant les informations fournies par le général Stadler, ancien commandant de la division, au colonel Meyer, au cours de l'année 1984, la 9e SS1-Panzer-Division comptait 1 500 hommes et possédait, de 20 à 25 chars.

Ci-dessous des extraits du livre d'Herbert Fürbringer, Éditions Heimdal, p. 391 et suivantes :

« Le Hauptsturmführer (capitaine) Möller, alors chef de bataillon du Génie de la Division à Duclair, en aval de Rouen pour organiser le franchissement de la Seine dans la boucle formée par le fleuve. En cet endroit, la Seine est plus large qu'à Elbeuf, mais il y aura moins d'encombrements qu'à Rouen et Elbeuf. Il n'y a pas de pont mais Möller trouve un vieux bac qui peut porter 40 tonnes et qui est servi par des hommes de la Kriegsmarine. Deux pièces de Flak de 20 mm montées sur le bac tiennent les Jabos2 en respect. Ce bac à vapeur aidera beaucoup au destin ultérieur de la « Hohenstaufen »3. Le passage par les ponts de Rouen aurait certainement signifié sa destruction ! C'est alors que les hommes qui accompagnent Möller, « DK» Meier et l'Uscha4. Winnerl, ont la surprise de trouver tout leur matériel de pontonnier dans un petit bois aux alentours. Par ailleurs, cette boucle de la Seine est idéale, elle présente beaucoup de bosquets et de vergers, de bonnes routes d'accès et un terrain ferme. Quant à la Brückenkolonne (la colonne de pontonniers), elle a subi le sort commun; mitraillée le long de la route, beaucoup ont été blessés, quelques tués. L'Ostuf5.Wünscher a été blessé ; il a été remplacé par l'Ustuf6.Muthmann. Le plein est fait sur tous les véhicules de la Brüko7 qui ont du carburant d'avance. Cette bonne nouvelle pour la division sauvera des vies lors du passage de la Seine à Duclair. Les Pionniers se mettent au travail. Dès la nuit du 21 au 22, deux bacs annexes sont établis : un bac motorisé et un bac à rames. Par ailleurs les canots pneumatiques et les 2 canots d'assaut de la Brüko sont prêts. Les Pionniers sont là dans leur élément, la traversée peut commencer. On commence par transférer sur l'autre rive tous les véhicules du Pionnier-Bataillon en laissant de ce côté les deux tracteurs lourds qui seront utiles plus tard. La coopération avec les marins est exemplaire, mais la marée se faisant sentir jusqu'à Duclair, le bac ne sera pas à flot à marée basse, les deux bacs auxiliaires seront alors un heureux complément. »

Le gros de la division commence à arriver le 24 août. Vers midi, la couverture nuageuse se déchire. Alerte aérienne ! Des bombardiers quadrimoteurs passent au-dessus du bac à une altitude de 500 mètres environ. Les bombes vont s'abattre dans cette boucle de la Seine. La rive nord est indemne, des nuages noirs s'élèvent au-dessus de l'autre rive. Par miracle, aucun des bacs n'a été touché, leurs équipages sont sains et saufs. Par contre, l'enfer s'est déchaîné dans les petits bois de la boucle de la Seine. L'un des Pionniers, le Rottenführer8 Oechslein, était camouflé dans un trou près de la rampe du bac, ses cheveux sont devenus complètement blancs. Choc nerveux I Tout un secteur a été dévasté, des véhicules ont été incendiés, il y a des morts et des blessés en masse ; l'Ostuf.Suhrkâmper, officier-adjoint du Pi.Btl a été tué, il sera enterré avec ses camarades le lendemain au cimetière de Duclair. Malgré l'aspect dévastateur des destructions, elles restent limitées grâce au bon camouflage fourni par les bois et les vergers. II faut espérer seulement que cela ne recommencera pas. Les Jabos vont attaquer le bac mais ils seront tenus à distance par la Vierlingsflak9.

Dans la nuit du 24 au 25 août, le ciel se couvre et il se met à pleuvoir à seaux. L'aviation ennemie est alors inexistante. La traversée du bac, y compris le chargement et le déchargement, est de 15 minutes. On peut y monter 8 camions moyens, si bien que 30 camions peuvent être transférés chaque heure sur l'autre rive. Avec les creux dus à la marée le bac ne peut être utilisé que 12 heures par jour — 350 camions moyens peuvent être transférés en une journée. Les petits bacs auxiliaires servent au transfert des véhicules légers, des motos et des autres petits véhicules. Le bac auxiliaire a transféré 150 véhicules légers dans la journée. Les canots pneumatiques et les bateaux d'assaut servent au transfert de la troupe. Malgré les marées, malgré les Jabos et les bombes, aucun véhicule n'est allé à l'eau. Le bilan de 10 jours de transfert est le suivant : — environ 3 500 véhicules avec le bac à vapeur, — environ 1 500 véhicule avec le bac à moteur, — environ 700 véhicules avec le bac à rames, soit un total d'environ 5 700 véhicules. II s'agit avant tout de véhicules de la « Hohenstaufen » mais aussi de la « Frundsberg »10, de la Luftwaffe, de l'Organisation Todt. A l'aube du 26 août, le Regiment « H » occupe la ligne deBourgtheroulde - le Bosc-Roger - Elbeuf. Dans l'après-midi, 30 chars ennemis arrivent dans Bourgtheroulde et tentent de poursuivre vers La Bouille. L'Ostubaf.Zollhôfer déplace son PC vers St-Ouen-du-Tilleul. Maintenant, au bac de Duclair, les premiers sont les derniers ; les véhicules lourds du Pionier-Bataillon effectuent leur traversée. Le bac est maintenant couvert par une Flak Batterie de 88.

Le 27 août arrive ce que l'on pouvait craindre, l'ennemi réussit en début d'après-midi à percer le secteur du LXXIV.(74)AK entre Criquebeuf et Pont-de-l'Arche, à atteindre la Seine avec des forces importantes, à former une tête de pont et à prendre Sotteville, Freneuse et la cote 85. Il n'y a plus que 12 km jusqu'à Rouen. Dans le secteur du Regiment « H », l'ennemi tâte le terrain mais les hommes de Zollhöfer savent qu'ils peuvent compter sur les Werfer11 craints comme la peste ; la SS-Werfer-Abt.102 tire plusieurs salves sur Caumont.

Le 28 août à l'aube, l'adversaire parvient à la Halboterie et à Barneville-sur-Seine. Le Werfergruppe Nickmann écrase l'ennemi à Barneville avec les fusées dont il dispose encore. La poussée ennemie se prolonge devant les positions de la Haye-Mauny - sud de Moulineaux. La traversée de la Seine se fait maintenant sous le tir de l'artillerie ennemie. Une brèche est faite par l'ennemi entre Ymare et Gouy, il y a peu de chose pour la combattre. La 3.Panzerjàger-Kompanie de l'Ostuf. Thiemann est alors rattachée au SS Pz.Rgt.9 ; elle dispose encore de 6 pièces de Pak de 75 mm tirées par des SPW12 lorsqu'elle sort de la Poche de Falaise. D'autres pertes ont survenu entre Trun et Duclair et il ne reste plus alors qu'une pièce et son SPW sous le commandement du chef de pièce Wulf. L'équipe de Wulf va passer la Seine mais disparaîtra dans la retraite.


Enterrement de l'Obersturmbannfürhrer Otto Meyer.

Ce 28 août, un petit bombardement a lieu dans la boucle de la Seine sur la rive sud. Le commandant du SS-Pz.Rgt.9, l'Ostubaf. Meyer trouve la mort. Les hommes de l'EM de la division, de l'EM du Pi.Btl. et ceux du PC radio de l'avant ont été témoins de ce bombardement sur le bac de Duclair depuis un petit bois qui se trouve près du cimetière de Duclair. Comme tous ceux qui avaient déjà traversé, ils ont assisté impuissants au sort de leurs camarades restés sur l'autre rive et qui ont subi le bombardement. Même si certaines d'entre elles sont engagées sur le front, elles doivent être retirées aussitôt et passer sur la rive nord. Ainsi, la 331. Infanterie-Division continuera de tenir les positions près de Mauny et de Moulineaux.

(Collection Jean-Raymond Legallet)

Le GFM (maréchal) Model a compris l'intention de l'ennemi qui souhaite procéder à un encerclement général du Heeresgruppe13 B à la hauteur d'Amiens - Arras. II donne aussitôt l'ordre aux Panzergruppen Bittrich et Schwerin de rejoindre Soissons et Laon par Compiègne afin d'y bloquer l'ennemi. Le combat sur la Seine entre maintenant dans sa phase finale. Le 29 août, après une forte préparation d'artillerie, l'adversaire prend d'assaut Rouen par le sud à partir de 6 heures du matin. Pour évacuer tout le secteur de la vallée de la Seine, toutes les unité de la 5.Pz Armee et celles de la 15.Armee ont ordre de décrocher d'une seule traite sur la Somme dans la nuit du 30 au 31, afin de constituer une ligne de défense sur la Somme avec assez de forces combattantes. Le bac à rames est perdu dans la journée du 29 août par un coup au but de l'artillerie, il y a des morts et des blessés ; mais les canots d'assaut sauvent une bonne part des naufragés. Le transfert se poursuit dans la soirée et la nuit. Il reste encore à transférer sur la rive nord : des éléments du Panzer-Regiment, de l'EM de la division, les motocyclistes et une batterie de la SS-Werfer-Abt.102 dont les 3. et 4.Batterie tiennent encore une petite tête de pont avec le Regiment « H » de Zollhofer devant Duclair. Les Werfer du Hstuf.Nickmann tiennent l'ennemi à distance respectueuse. Pendant tout le jour l'activité de l'artillerie et de l'aviation ennemie est intense ; il y a de nouvelles pertes en hommes et en matériel.

Dans la nuit du 29 au 30 août, le bac auxiliaire est démonté et récupéré. Il en est de même pour les canots pneumatiques et les canots d'assaut qui sont amenés sur la rive nord. Lorsque le jour point, à l'aube du 30 août, les premiers éléments ennemis apparaissent sur la rive sud mais des nuages de brouillard artificiel camouflent la rive nord. Le fidèle bac à vapeur est détruit, après son dernier voyage, par les marins et les Pionniers. La traversée de la Seine par la «Hohenstaufen » est maintenant achevée.

 Retranscrit et mis en forme par Marceau Déchamps

Mise à jour du 25 mars 2014

1 SS, contraction de Schutzstaffel, force paramilitaire

2 contraction de Jagdbomber, chasseur-bombardier en allemand

3 nom de la 9e SS Panzer Division

4 Unterscharfürer , grade dans la SS, équivalent à sergent

5 Obersturmführer, grade dans la SS, équivalent lieutennat

6 Untersturmführer, grade dans la SS, équivalent sous-lieutenant

7 contraction de Brückenkolonne , équipe de pontonniers ?

8 grade dans la SS, chef d’équipe, chef de groupe, (caporal)

9 canon anti-aérien

10 nom de la 10e SS Panzerdivision

11 lance-torpille,

12 blindé semi-chenillé, équipé d’une mitrailleuse

13 Groupe d’armée Nord