Par Jean-Pierre Hervieux.
"Monsieur Hervieux,
Je
suis medicin que vous avez écrit le janvier passé. Madame
de Bellegarde vous a dit à propos de notre séjour
à sa gîte auprès des environs de Camp Twenty
Grand..."

Des Américains occupèrent à nouveau le château dès le mois de janvier 1945.

Coll. Nicolas Navarro, musée de la Seconde Guerre, château du Taillis.
Ce camp, comme les autres, conçu selon les normes définies par l'armée américaine, était une véritable ville, vivant sur elle-même. Le camp poussa en quelques jours avec les méthodes, la vitesse et l'ampleur des moyens qui sont de règle aux États-Unis.
Le camp fonctionnait nuit et jour, 24 heures sur 24 heures. Pour niveler le terrain, d'énormes engins de chantier étaient sans cesse en mouvement. Les Américains utilisèrent des gravats provenant des bombardements de Rouen. Un ballet de camions amena des centaines de tonnes de gravats selon le trajet suivant : Rouen, Canteleu, Saint-Martin-de-Boscherville, la Fontaine, Camp Twenty Grand, Saint-Pierre-de-Varengeville, la Maine, Rouen.
Ces camions circulaient nuit et jour à très grande vitesse sans se soucier des moindres règles de sécurité.
Avant la guerre, la montée de l'Anerie, qui relie le hameau de l'Anerie, situé au bord de la Seine, à la RD 43, n'était qu'un simple et modeste chemin rural. Les Américains l'élargirent et l'empierrèrent afin de permettre le passage de leurs véhicules. Ils utilisèrent des matériaux qu'ils allaient chercher aux carrières de Jumièges. Il existe aux Sablons, à la limite des communes de Jumièges et Mesnil-sous-Jumièges, une rue des Américains.

Le camp Twenty Grand se mit en place en décembre 1944. Il était l'un des trois premiers camps créés par l'armée américaine. Il fut le premier à être appelé d'une marque de cigarettes, suite à la réunion du entucked. Il avait une capacité de 20.000 hommes mais reçut certains jours, d'après les témoignages, plus de 30.000 hommes.


Le foyer du camp, le Red Cross, fut récupéré par la commue de Saint-Pierre-de-Varengeville en 1946. Démonté puis remonté dans le bourg, c'est l'actuelle salle des fêtes de la commune.
LE MESS DES OFFICIERS DU CAMP TWENTY GRAND
En juillet 1946 s'y déroula le repas des anciens. Restauré en 1985, l'ossature du bâtiment est d'origine.
Le mercredi 9 mai 1945, lendemain de l'Armistice, Monsieur Louis Robin, maire, et le conseil municipal de Saint-Pierre de Varengeville recevaient officiellement me colonel Lambert, commandant du camp Twenty Grand et lui adressaient le message suivant :
"Au lendemain du jour mémorable qui a marqué officiellement pour les Alliés la fin de la guerre la plus cruelle que l'humanité ait jamais connue, la municipalité de saint-Pierre-de-Varengeville est heureuse et fière d'accueillir en son hôtel-de-ville Monsieur le colonel Lambert, commandant de l'unité américaine cantonnée au camp du Bourg-Joly. Elle lui adresse l'expression de sa vive amitié et lui demande de bien vouloir apposer sa signature sur le registre des délibérations du conseil municipal. Elle saisit cette occasion pour adresser son souvenir ému à la mémoire du grand citoyen Franklin Roosevelt, dont les idées de justice et de liberté ont triomphé de la barbarie du peuple germanique comme ils triompheront de l'esprit de conquête du peuple japonais."
Le camp Twenty Grand, comme les autres camps américains, disparut en février 1946. Le 2 février 1946, la municipalité de Saint-Pierre-de-Varengeville, menée par son maire, Monsieur Raymond Faudeux, reçut le commandant du camp Twenty Grand".
"En ce jour, la municipalité reconnaissante est heureuse de prouver ses vifs sentiments de gratitude à Monsieur le major Charles Coddington, commandant du camp américain Twenty Grand de Saint-Pierre-de-Varengeville qui a comblé la population et les enfants de la commune de bienfaits et lui demande de lui faire l'honneur, avant son départ, d'apposer sa signature sur le présent registre des délibérations du conseil municipal."

Le camp Twenty Grand ferma le 6 février 1946 à 18 h. Aujourd'hui, il ne reste plus comme traces de cette ville éphémère que les arbres gravés qui longent la route de Duclair et la salle des fêtes (mess des officiers reconstruit au centre du village).
Jean-Pierre HERVIEUX.

LIEN