De 1696 à 1706, l'abbé de Bertot fut curé à saint-Paër. Célèbre historiographe, il a laissé de nombreux volumes sur l'ordre de Malte et les révolutions du Portugal et de Suède.


René-Auber d'Aubeuf, abbé de Vertot, naquit au château de Bennetot, dans le pays de Caux, le 25 décembre 1655, de François Auber, seigneur de Bennetot, et de dame Louise Delangres de Mannevillette. Il fit ses études au Collége des Jésuites de Rouen, puis au Séminaire diocésain, d'où il s'échappa pour aller s'enfermer au couvent des Capucins d'Argentan, dans lequel il fit profession sous le nom de frère Zacharie. Forcé, pour cause de santé, de quitter cet Ordre, il obtint du Pape l'autorisation d'entrer dans l'Ordre moins austère des Prémontrés, dont l'abbé de Colbert était alors général.

Celui-ci, qui avait entendu parler des talents du jeune religieux, l'appela près de lui, le nomma son secrétaire et lui donna l'abbaye de Joyenval, dont le Conseil provincial le força de se démettre. L'abbé de Vertot fut alors pourvu de la modeste cure de Clichy-la-Garenne, près de Marly ; mais, désirant encore une retraite plus éloignée de Paris, pour se livrer à ses travaux d'historien, il demanda et obtint la cure de Fréville, en Caux

L'abbé de Vertot quitta la cure de Fréville pour la seconde portion de Saint-Paër, près Duclair. Voici ce que nous lisons sur le registre de l'année 1696, et qui peut tenir lieu de procès verbal d'installation. C'est un acte de décès rédigé, écrit et signé de la main du grand écrivain. Le contexte seul démontre qu'il n'émane pas de la rédaction ordinaire de l'état-civil.

« Le 27 mars 1696, par nous prestre, curé et gros décimateur d'une portion de la paroisse de Saint-Paër, a esté inhumé dans le cimetière de ceste église le corps de François Bazin, de ceste paroisse, mort subitement après avoir vécu exemplairement et avec l'édification de tous les paroissiens. Signé : de Vertot, prieur du Pubel, d'Esne et curé de Saint-Paër. »

Au mois d'avril de la même année, l'abbé de Vertot signe un acte de baptême. Pendant les années 1697 et 1698, il ne signe aucun acte. Mais M. Brunel, son vicaire, rédige les siens comme « vicaire de M. l'abbé de Vertot, curé de la deuxième portion de Saint-Paër. »

En 1699, un acte de mariage, signé par M. de Vertot, commence ainsi : « L'an de grâce 1699, le 6 d'aoust, par moy, René de Vertot, prestre curé de la grande portion de la paroisse de Saint-Paër, etc. » M. Brunel s'intitule toujours « prestre, vicaire de M. l'abbé de Vertot, gros décimateur et curé de la seconde et grande portion de Saint-Paër. » Ce qui n'empêchait nullement M. Leclerc, curé de la première, d'écrire sur le même registre et à la même page, « curé de la grande et première portion de Saint-Paër. » Ceci prouve, en passant, de combien de querelles était cause le partage de la même paroisse en plusieurs portions de cure.

En 1700 et 1701, le vicaire continua à signer seul les actes ; mais en 1702, M. Leclerc étant mort, l'abbé de Vertot, à partir du 29 octobre, réunit en sa personne les deux portions de cures, et c'est alors qu'il vint résider au presbytère de St-Paër.



Il était au comble de ses vœux. Jouissant d'un revenu de 3,000 livres, installé à la campagne avec sa bibliothèque, près de sa famille et de son pays natal, il travaillait tout à son aise à l'histoire et au salut des âmes. En 1696, l'année même de son installation à Saint-Paër, il publia son Histoire des Révolutions de Suède, qui eut un immense succès. Cinq éditions la même année et des traductions en plusieurs langues en firent le plus bel éloge. Le roi de Suède en fut si émerveillé qu'il fit offrir, par son ambassadeur, à frère René de Vertot, une somme de 2 000 écus, le priant d'entreprendre une histoire générale de la Scandinavie'. Le diplomate chargé de cette mission « crut, en arrivant à Paris, trouver l'abbé de Vertot mêlé à tous les gens de lettres et répandu dans le grand monde. Il fut bien surpris d'apprendre que c'était un curé de campagne, vivant en province, et dont les ouvrages seuls étaient connus. Il advint de là que la négociation n'eut point de suites et que l'abbé de Vertot ne fit point l'office d'historiographe de Suède. »

Ce qui surprit alors l'ambassadeur suédois en a étonné bien d'autres depuis. Nous même, ce n'est pas sans étonnement que nous avons lu, sur un registre de campagne, la signature de l'illustre abbé, que nous eussions plutôt recherchée dans les archives de l'Académie et de l'Institut.

Pendant l'année 1702 Vertot ne quitta pas Saint-Paër. Seul il fit ou du moins il signa tous les actes de baptêmes, mariages et inhumations. J'ai compté 40 signatures de sa propre main. Il écrit constamment son nom avec un U et non avec un V. L'écriture m'a paru celle d'un vieillard : « c'est plutôt celle d'un savant » me disait le greffier du tribunal. Tantôt il met de Uertot tout court, tantôt de Urtot curé de Saint-Paër.

Malheureusement les registres de 1703, 1704, 1705 sont presque détruits. On n'y voit figurer que les vicaires. Ici nous touchons à l'époque où Vertot va rompre toute relation avec sa paroisse. Il se démit de la première portion le 7 juillet 1706 en faveur de Joseph Le Daim et de la seconde le 18 décembre suivant.

« L'espérance de vous voir
me fera passer par-dessus une certaine pudeur
de philosophie. »


Lettre de Vertot à Marguerite de Launay, la future baronne de Staal.

Maintenant transportons-nous à Paris. En 1701 le roi Louis XIV avait réorganisé l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et augmenté le nombre de ses membres. L'abbé de Vertot fut nommé académicien associé. Le règlement exigeait la résidence; mais n'étant pas assez riche pour vivre dans la capitale on fit une exception en sa faveur. Il vint se fixer à Paris en 1703. En 1705 il fut nommé académicien pensionnaire, et c'est alors que commence cette série de travaux qui ne finit qu'avec sa vie. L'histoire et l'Académie attestent ses nombreux labeurs.

En 1710 parut le Traité de la mouvance de Bretagne et en 1709 l'Histoire des Révolutions de la République romaine, l'œuvre vraiment populaire et immortelle de notre auteur. A leur apparition ce fut un applaudissement universel, tant en France qu'à l'Étranger.

En 1715 le grand maître des chevaliers de Malte le nomma historiographe de l'ordre, lui permettant d'en porter la croix et autres insignes. En 1726 il publia son Histoire des chevaliers de l'ordre de Malte, ce qui lui valut le titre de commandeur. Un moment il avait été désigné pour être sous-précepteur de Louis XV. Le duc d'Orléans, fils du régent, le prit pour son secrétaire interprête, puis le nomma secrétaire des commandemements de la princesse de Bade, son épouse.

 L'abbé de Vertot jouit alors d'un grand revenu et eut son logement au Palais-Royal. C'est là qu'il est mort le 15 juin 1735, à l'age de 80 ans. Le lendemain il fut inhumé dans l'église de Saint-Eustache, par M. Oaillon, abbé du Breuil-Benoit. La fin de sa vie avait été marquée par de grandes infirmités.



Source

Les églises de l'arrondissement d'Yvetot, abbé Cochet.



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