Laurent QUEVILLY.

Des marins de Jumièges participèrent à la désastreuse expédition française des Açores en juillet 1582. Nous en connaissons au moins deux. Noël Grain revit les tours de l'abbaye. Quant à Jacques Ouin, peut-être fut-il victime d'un des grands crimes de guerre dénoncés par l'Histoire. Embarquement à bord de la Marie...
 

1581. On se dispute le trône du Portugal. En France, Catherine de Médicis, la vieille reine-mère, a des prétentions. Mais elle n’est pas seule sur les rangs. Philippe II, le roi d'Espagne, s'est déjà emparé de la couronne. Et puis il y a le petit-fils illégitime d’Emmanuel: dom Antonio. Catherine finit par le soutenir. A certaines conditions plus ou moins secrètes comme nous le verrons plus loin...

Dans les premiers mois de l'année 1581, Catherine de Médicis décide d’équiper une flotte chargée de débarquer dom Antonio aux Açores.
Les Açores, Madère, les îles du Cap-Vert, occuper ces terres portugaises est tout un symbole. Et puis c'est un poste clef sur la route du Brésil. Les Espagnols n'en pensent pas moins. Ils ont déjà posé le pied là-bas. Empressons-nous d'y placer nos pions.

La Médicis a l’assentiment de son fils, Henri III. Philippe Strozzi, son cousin, est bombardé amiral de l’expédition. C'est  un homme de guerre confirmé au point de ne concevoir le métier des armes que par le célibat. Il aura pour lieutenant Charles, comte de Brissac, fils d'un grand maréchal.

Philippe Strozzi

Quelques pendaisons plus tard


Les semaines passent. Observées par les espions espagnols. Strozzi a rassemblé dans la Guyenne vingt-quatre compagnies des vieilles bandes piémontaises. L’embarquement est fixé dans le port de Brouage, là où les Terre-Neuvas de Jumièges viennent faire leur sel. Maintenant il faut trouver des navires, les armer, recruter des matelots. C’est le gouverneur du port qui s’en charge, François d’Epinay, d’une famille originaire du baillage d’Evreux.

Mais rien n'est pire que de laisser des hommes d'armes dans l'oisiveté. Pendant que les troupes réunies sont cantonnées dans la Saintonge, certains de ses éléments se font bientôt redouter pour leurs brigandages. En septembre 1581, on pend quelques mauvais sujets qui se sont permis de pirater en mer des Français, des Bretons, des Anglais ou encore des marchands de La Rochelle. Voilà qui commence mal...

Mission en Normandie


La reine rappelle Strozzi auprès d’elle. On décide d’envoyer Brissac en Normandie pour organiser la logistique de l’expédition.
Brissac est chez lui là-bas. Il y est né. Par sa mère, Charlotte d’Ecquetot, il possède de grands domaines du côté de Rouen. On le charge de trouver et fournir des navires, capitaines et soldats, maîtres, contremaîtres, pilotes, matelots et compagnons, de convoquer les bourgeois auxquels les navires appartiennent, de commander au nom du roi aux maîtres des navires de les garnir et les armer. Au besoin, il pourra aussi faire construire des vaisseaux avec le bois des forêts royales.

Pour l’épauler, Brissac fait appel à un ancien officier d'infanterie, Pierre Le Normant, sieur de Beaumont, retiré à Corneville. Celui-ci a ses entrées à la cour et il est notamment maître des eaux et forêts de la vicomté de Pont-Audemer. Suivons-le...

7 octobre 1581. Beaumont reçoit l’ordre de se rendre à Rouen, au Havre puis à Honfleur. Et là, d'arrêter les navires marchands, les bateaux de pêche à leur arrivée, d'amasser des provisions, de recruter des officiers rompus aux voyages au long cours. Bref, l’objectif est de rassembler à l'embouchure de la Seine, un certain nombre de bâtiments destinés au transport et à ravitaillement de troupes de débarquement.

Après Rouen, Beaumont gagne Le Havre. Le 14 octobre, il y nolise quelques bâtiments et fait des marchés pour les vivres. Sa mission se déroule comme prévu et il en informe la reine-mère. 

Début novembre, il est à Honfleur, siège de l'amirauté. De là, Beaumont a tout pouvoir pour réquisitionner les navires se trouvant dans tous les ports de la Basse-Seine. Alors, il en arrête. A Jumièges et à Vatteville. Et leur prescrit de se tenir prêts le jour venu.

Foule de contrats


Chez les notaires, Gonnyer, Champaigne, les encriers s’assèchent vite. Beaumont passe à tout va des contrats, secondé dans ses opérations par un marin fort habile, Louis de La Chandre, écuyer, capitaine ordinaire en la Marine.

Fin 81. Nombre de contrats portent sur le ravitaillement. Qu'emportera la flotte? Des milliers de pains-biscuits, du lard, du cidre, du vin, des fèves, du beurre... Le recrutement des matelots, l'affrétement des navires se poursuit. Les conditions sont ainsi :

Les bourgeois du navire traitent avec le commissaire royal pour six mois, à raison de 4 livres par mois et par tonneau.
Ils affrètent leur navire en bon état, garni et armé en guerre.
Ils recevront des avances de fonds.
Ils enrôleront les pilotes et les compagnons. Les pilotes seront choisis de préférence parmi ceux qui auront fait voyage de long cours.
Les maîtres de navire engageront les équipages.
Ils attireront les matelots par une paie plus forte et par des à-compte.
Ils seront chargés de la fourniture des vivres de bord.
Une partie de l'artillerie sera fournie par les arsenaux de la marine.

Le Portier de Jumièges


Et c’est ainsi que le 25 février 1582, Beaumont passe un marché avec Jacques Ouyn, dit Portier, de Jumièges et Guillaume Le Liepvre, bourgeois, demeurant à Honfleur. Ouyn sera maître et Leliepvre capitaine de la Marie. Un navire ancré au Havre et équipé de cinquante hommes dont un contremaître, deux maîtres-valets et deux pilotes rompus aux voyages au long cours. Le dit marché est conclu pour six mois, au prix de 220 écus.

Jacques Ouin n'est pas un inconnu. On le voit apparaître constamment dans les mouvements de navire vers Terre-Neuve dès 1559. Il est d'abord maître de la Louise, puis du Bon-Esprit enfin de la Marie en 1578. On retrouve aussi Jacques Ouin parmi les insurgés contre les moines dans une affaire de droit de pâture en 1575. Un temps, il se porte cautionnaire d'un débiteur en compagnie de mon ancêtre, Thomas Mainberte. Jacques Ouin, dit Portier, est appelé parfois... Jacques Le Portier, dit Ouin. Tout comme son frère Nicolas du reste. Portier semble indiquer que la famille a bénéficié du fief de la porterie à l'abbaye.
Après ces événements, on ne retrouvera plus signe de vie de Jacques Ouin dans les relevés de la marine. Faut-il en déduire que les Açores furent sa dernière expédition ?

Le pilote du Mesnil


Le 16 mars, c'est cette fois Noël Le Grain, pilote de navire, originaire de Jumièges et demeurant au Havre qui reçoit 10 écus pour faire le voyage. Noël Grain s'est marié au Mesnil-sous-Jumièges le 18 février 1574 avec Marion, la fille de Pierre Parent. Noël ira sur le navire de Pierre Pinchemont, l'Aventureuse, amarré à Honfleur. Lui, on retrouve sa trace à Terre-Neuve en 1583. Les Açores ne furent donc pas son tombeau.

Beaumont, comme coq en pâte en Haute-Normandie, avance. Même si Strozzi ou encore Henri III s’impatientent. Quinze bâtiments marchands de 40 à 300 tonneaux sont prêts au port de Honfleur. Mais le nombre de navires affrétés et leur faible tonnage sont vite apparus insuffisants. Beaumont traita avec des charpentiers pour la construction, au Havre et à Touques, de cinq vaisseaux neufs. C'est ainsi que Jean Millet construisit le Saint-Pierre, navire amiral de la flotte normande.

Sur les côtes de Normandie, tout était terminé dans les premiers jours du mois de mai 1582. Des chirurgiens ont été chargés de préparer les coffres à médicaments de chaque navire. L'argent à la main, Beaumont a recruté des capitaines parmi les figures de la contrebande et de la traite des noirs. Bref, des mercenaires comme Le Héricy ou Champaigne. Mais aussi de ces nobles « entretenuz pour le roy en la marine » comme l'Auvergnat Antoine de Roquemaurel qui armera à lui seul trois navires.
Des marins de retour de Terre-Neuve ou des Antilles sont engagés dans l'expédition. Huit compagnies de soldats, des munitions et du matériel de guerre ont été embarqués. Ces compagnies sont commandées par Ocagne, Porquel,Dorival, Roquemorel, Thomas, Crinville, Maucomble et La Ralde. Outre les équipages, on compte ainsi plus de treize cents gens de pied. Au final, les frais de l'armement ont atteint soixante-cinq mille écus.

Revenons maintenant à Strozzi. A Brouage, à Marennes, à Saintes, il poursuit de son côté ses propres préparatifs. En dépit de ses efforts, les troupes restaient toujours campées en Saintonge tandis que des navires de guerre jetaient déjà l’ancre à Belle-Isle, point de ralliement. La flotte normande, elle, attendait en rade de Villerville de faire route vers la Bretagne. Le 16 mai 1582, l’ordre arrive enfin.

La flotte normande


Avant de rallier Belle-Ile, passons donc en revue la flotte normande...

Le Saint-Pierre, 500 tonneaux, construit à Touques. 250 hommes d'équipage. C'est le navire amiral de la flotte.
5 mars 1582: « Deux canonnyers de la ville de Dieppe s'obligent envers M. de Beaumont à partir dans le navire le Saint-Pierre étant à Touque, moyennant pour l'un 30 escus et pour l'autre 20 escus. »
Le 1er avril, Simon Guérin, maître chirurgien, demeurant à Pont-Audemer, s'obligea envers Beaumont à s'embarquer et à fournir le coffre de barbier-chirurgien. Il reçut 117 écus et 30 sols.
11 mai 1582:  « Décharge du sieur de Beaumont à Jehan Millet, charpentier de navire, demeurant à Honnefleu, de la construction du navire le Saint-Pierre, qu'il a fait et bâti à Touque, suivant le marché qui en avait été fait entre eux. » Il fut construit sous la surveillance de François Beuzelin, sieur de Lierre.

Le Jacques, 300 tonneaux, 218 hommes d'équipage, Honfleur, doté d'une patache. Il fut vendu dès novembre 1581 par Guillaume Le Héricy, sieur de Pontpierre à Beaumont. Le Héricy est l'un de ces contrebandiers normands qui se livrent, dans les Caraïbes, au commerce du drap de Rouen en échange de cuir de boeuf, sucre, tabac et plantes médicinales. Mais c'est aussi un négrier.
Pour 100 écus d'or, François Moreau et Nicolas Levesque, chirurgiens, firent le coffre de chirurgie du Jacques. «Dans le cas où ledit sieur de Beaumont ferait mettre davantage d'hommes, les chirurgiens mettront plus de médicaments à raison de 30 solz par homme. »


La Marie, de Jumièges, c'est le navire de Jacques Ouin. On lui prête 160 tonneaux dans un contrat de 1580 concernant Terre-Neuve. Le navire, on l'a vu fut affrété le 25 janvier 1582. Mais un texte du 21 mars 1582 nous apprend que le comte de Brissac donna procuration à son maître d'hôtel, Jacques Advenel, sieur de Davelis, pour acheter la Marie de 200 tonneaux, au prix de 4.200 écus.
Il avait 50 hommes d'équipage.  Nous verrons bientôt que Brissac ramena en France les débris de la flotte. Il en est manifestement de la Marie. Mais quid de son équipage...
Le 13 mai 1584 la Marie fut en effet vendue par Jean-Dumont, sieur de Tourlaville, agissant au nom de Brissac à « Georges Locart, marchand écossais de Saint-Jehan Dair en Ecosse (sic) pour le prix de 1666 écus deux tiers.» Deux autres pièces datées du 25 avril 1584 nous informent que Sarlabos, gouverneur du Havre, avait prêté cette somme à Locart. La Marie portait quatre pièces d'artillerie de breteuil montées sur leurs affûts et roues.

Le Baptiste, 170 tonneaux, 45 hommes d'équipage, 120 soldats. Jacques Neveu, de Vatteville, en était le capitaine. Le 4 janvier, il reçut 200 écus. Louis de La Chandre en prit le commandement pour 900 écus d'or. Nicolas Cordier, chirurgien, fit le coffre de médicaments.  

La Salamandre, 160 tonneaux. Son contrat date du 4 janvier 1582. Il fut signé par Michel Couillard, capitaine et bourgeois agissant au nom de son fils, Henry, maître de la Salamandre. Ce navire est un terre-neuvier.
5 mars 1582: « Anthoine de Roquemaurel s’oblige à prendre le commandement des navires la Salamandre, de 150 tonneaux, et la Florence avec sa barque la Bonne-Adventure, d'ensemble 80 tonneaux, affin de faire service à l’armée de mer et de former l'équipaige des deux navires et barque fournys de maistres, pilottes, contre-maistres, maistres-vallets et aultres hommes du mestier de la mer jusqu'au nombre de soixante-douze hommes. Et ce fut faict par led. sieur de Roquemaurel moyennant le prix et somme de 1,440 escuz. »

 Antoine de Roquemaurel est originaire d'Auvergne. Capitaine d'une compagnie de Gens de pied, il armera donc trois navires de l'expédition. Ce sera son dernier voyage.

La Françoise, 120 tonneaux, 30 hommes d'équipage. 3 mars 1582: « Quittance par Guillaume Champaigne, maître du navire la Françoise et d'une patache nommée L'Eronde, au sieur de Beaumont de la somme de 1,1 60 escus, pour le payement du naulage dud. navire et barque». Guillaume Champaigne ? C'est lui aussi un contrebandier et négrier normand.
 François Faroult, écuyer, sieur du Faveril, capitaine pour le roy en la marine prit le commandement de La Françoise par un contrat de 600 écus d'or du 3 avril.

La Florissante. 120 tonneaux. 40 matelots. Capitaine: Herment Delaporte, écuyer. Acte du 20 mars 1582. Maître: Robert Hastingays.

L’Espérance, 60 tonneaux. Antoine de Roquemaurel, écuyer en prend d'abord le commandement par contrat du 4 janvier pour 200 écus.  Roquemaurel prit finalement la direction de la Salamandre tout en armant par ailleurs la Florence et la Bonne Adventure. C'est Beuzelin, sieur de Lierre qui le remplaça à bord de L'Espérance.
Parmi les matelots: Richard Ardenne. Il a reçu 3 écus un tiers et touchera du maître d'équipage un écu le jour du départ. On lui reboursera aussi les 8 écus dépensés à l'Hôtel du Corbin, chez Marie Duval.
60 tonneaux, c'est exactement la jauge d'un vaisseau nommé aussi L'Espérance et possédé, l'année suivante par Richard Boutard, dit Soisson, du Mesnil sous Jumièges.
Il semble qu'un second navire nommé lui aussi l'Espérance mais de 100 tonneaux, ait pris part lui aussi à l'expédition. Capitaine: Pierre Pelley, de Honfleur.

 Et puis il y a plusieurs barques :

L’Eronde. Barque de charge ou patache de 30 tonneaux, douze hommes d'équipage. Propriétaire: Guillaume Champaigne. Ce navire a dLe 10 février, Beaumont signa un contrat de 240 écus avec Louis Apparoc, sieur du Castillon, et Jehan Champaigne pour en prendre la conduite et la maîtrise.

L'Aventureuse, 30 tonneaux, 12 hommes d'équipage. C'est sur cette barque qu'est le pilote de Jumièges, Noël Grain. Elle appartient à Michel Couillard.
10 février: « Francesco de Marin, capitaine de la barque L’Adventureuse, de 20 tonneaux, confesse avoir receu 100 escuz affin de faire l’équipage du navire appartenant à Michel Couillart, dont est capitaine le sieur de Roquemaurel, pour le service de l’armée de la mer estant preste de mettre sus pour la Royne mère du Roy. »
Il y eut ensuite un changement de commandement.
5 mars: 1582:  « Le sieur de Beaumont fait accord avec Pierre Pinchemont, aux fins de prendre la conduite et le commandement d'une barque nommée l’Adventureuse, du port de 30 tonneaux, pour faire service à lad. armée avec douze hommes d'équipaige bons et suffisants, pendant le temps de six mois, du nombre duquel esquipaige y aura ung maistre, ung contre maistre, ung maistre-vallet et ung pilotte qui aict voyagé au long cours. Et ce fut faict par le prix et somme de 240 escuz d'or sol. »

La Florence.  3 mars 1582 « Anthoine de Roquemaurel, capitaine d'une compagnie de gens de pied, s'oblige vers mgr. de Beaumont à armer la barque nommée la Florence avec sa barque la Bonne-Adventure, équipées de cinquante-huit hommes pour faire service à lad. armée, et se soumet à fournir toutes choses quelconques pendant l'espace de dix mois ; ledit marché fait moyennant la somme de 866 escuz, et celle de 4 livres par mois, par tonneau, pour le naulage des navire et barque. »
4 avril 1582: « Quittance par Anthoine de Roquemaurel, écuyer, capitaine d'une compagnie de gens de pied, de la somme de 70 écus pour fournitures faites à l’équipage du navire la Florence. »


La Bonne-Aventure, c’est la barque de charge de la Florence. Armateur: Roquemaurel. Elle jeauge 60 tonneaux et peut transporter 40 hommes. Propriétaire: Jehan Porcher et différents armateurs dont Jehan Veillon.

la Reine. Pas de document.

Le Jésus. Pas de document.

 Navires non indentifiés :

Une barque de Honfleur appartenant à Le Héricy. Après le Jacques, c'est le second navire qu'il vend à Beaumont. 10 février 1582: « Guillaume Le Héricy, écuyer, sieur de Pontpierre, demeurant à Fierville-en-Bessin, a vendu au sieur de Beaumont une barque avec ses munitions, estant de présent sur les vases de Sainct-Léonard, à Honnefleur, par le prix de i33 escuz 20 s. »

Une galiote neuve de 40 tonneaux. 22 mars 1582: « Vente à Anthoine du Sauger, capitaine pour le roy en sa marine, par Guillaume Thuvache, charpentier, d'une barque façon de galiote, neuve et construite au havre neuf de Honnefleur, du port de 40 tonneaux, moyennant le prix de 310 escuz. »

Une chetie de 60 tonneaux, 25 hommes d'équipage.
12 janvier 1582: « Marché et accord entre (...) Beaumont, et Michel Cauvin, maître de navire, demeurant au Havre de Grâce, (...) ledit Michel Cauvin prendra la conduite et maîtrise d'une barque façon de chetie du port de 60 tonneaux, équipée de vingt-cinq hommes, dont il y aura un contremaistre, un maistre-vallet et un pilotte qui ayt voiagé au long cours. Ledit marché est arrêté pour six mois par le prix de 460 escuz sol. »

Les officiers embarqués


Nous avons déjà cité Brissac, Beaumont, Roquemaurel, Francisque de Marin, remplacé manifestement par Pinchemont, Louis de La Chandre, Champaigne, Apparoc, sieur du Castillon, Antoine du Sauger... En voici quelques autres.

Gabriel Parey, sieur de Brèvedent, officier d'infanterie.

François Maribasse. 12 mai 1582: « François Maribrasse, capitaine de navire, demeurant à Fécamp, reconnaît devoir 25 escus à un hôtelier de Honfleur. »

François Beuzelin, sieur de Lierre, marin.

Etienne de Bris, sieur de Limpiville, marin. 10 mai 1582:  « Estienne de Bris, escuier, sieur de Limpiville, capitaine pour le roy en la marine, donne quittance au sieur de Beaumont, lieutenant de M. le comte de Brissac, au faict de l'armée navalle faicte sortir hors, de la somme de 318 escuz 40 solz, pour reste et par paye de 32, 800 livres tournoiz que ledit seigneur estoyt tenu et subject de payer audit sieur de Limpiville, pour vendue de victuailles et aultres choses, suivant contrat devant les tabellions de la ville de Grâce le 2 novembre i58i. »

Les capitaines Daucaigne et Courselles.  11 et 12 avril 1582: « Deux paroissiens de Glos, au bailliage d'Evreux, en leur nom et au nom des autres paroissiens, donnent quittance au sieur de Beaumont de la somme de 80 escuz pour tous despens et dommages intérests d'avoir logé deux compagnies d'hommes de pied conduites par les sieurs capitaines Daucaigne et Courselles, pendant huit à dix jours, par le commandement de Mgr de Carrouges, les dites compagnies estant soubz la charge du sieur de Beaumont. »


Le Grand départ


Troupes de Strozzi arrivées à Belle-île

Premier groupe de compagnies.

Maître de camp: Sainte-Soulène.
Capitaines de compagnies: Sainte-Soulène, Borda (deux compagnies), Sauvât, Bazet, Monnerau, Goninville, Fautrière, Brame, La Bare, Alexandre, Lavalade, Antoine Sauget, du Rivau et Favelle.

Second groupe de compagnies.

Maître de camp:  Du Bus.
Capitaines de compagnies: Du Bus, Montmor, Labarge, du Dresnay, du Mesnil, Scavenoc, Aimar, Lecore et Duplessis.
La flotte normande est la première à Belle-Isle. De son côté, Strozzi parvient enfin à embarquer ses troupes le 22 mai. Les deux escadres se concentrèrent le 23.Trente navires et vingt pataches. On n'attendait plus que le roi du Portugal.

 Bientôt éclata une rixe entre marins et soldats de Sainte-Soulène embarqués à bord du grand navire biscaïen commandé par Aimar.

L'arrivée le 12 juin, de Dom Antonio mit un terme à cette première tempête. Il arriva de la rivière de Nantes à bord de la «réale des galères du roi» suivi de ses quelques partisans, dont le comte de Vimiosa, le vaniteux connétable du Portugal.


  
On convoqua Soulène et Aimar devant tous les capitaines et ils furent mis à l'index. Des ordonnances rappelant à la discipline furent placardées sur les mats des navires.Soulène en gardera une certaine rancœur qui expliquera sans doute son attitude au feu.

Antonio met aussitôt l'expédition sous son nom mais, secondé par Brissac, Strozzi en reste le général en chef. C'est lui qui, monté sur le Saint-Jean-Baptiste, donne enfin le signal du départ. Nous sommes le 15 juin 1582. L'armée navale de France quitte Belle-Isle, forte de cinquante voiles.

Dom Antonio
Le sieur de Fumée s'est joint à l'armada avec cinq vaisseaux et 400 soldats répartis en cinq compagnies.

En tout, nous avons 37 enseignes de gens de pieds, 5000 hommes dont 1200 gentilshommes. Plus homme de pied que marin, Strozzi ne considère pas dans ses écrits cet aramada comme une flotte de guerre. Mais comme des compagnies d'infanterie embarquées. C'est pourquoi nous aurons du mal à repérer les noms de nos navires dans les événements qui vont suivre. Strozzi, le prétendant du Portugal, sont à bord du Saint-Jean-Baptiste où ont pris place deux compagnies d'infanterie commandées par les capitaines Mesnil-Ouardel et Bazet. On y trouve aussi Jean de Coquigny, sieur de Tuville, marin. Il est le conseiller de Strozzi.

3 avril 1582 « Marché fait par un capitaine de navire de Château-d'Oléron avec noble homme Jehan de Coquigny, sieur de Tuville, capitaine ordinaire pour le roi en la marine, pour porter dix-neuf pipes et soixante-trois poinsons qui sont trente tonneaux de cidre et les embarquer sur le navire le Saint-Jehan, étant à Brest ou Brouage et appartenant à Mgr. d'Estroce, le prix arrêté à raison de 20 écus par tonneau. »

Les instructions de la Médicis sont claires: ne débarquer que là où les Espagnols de sont pas. Il s'agit d'occuper ces lieux d'escale obligés sur la route des Indes et du Brésil. On plantera ensuite la bannière française à Madère et au Cap-Vert. Après quoi, en août, Strozzi ira précisément au Brésil. Car c'est là le "secret de la Reine". Strozzi doit s'y proclamer vice-roi.


Une longue traversée


La traversée durera un mois, contrariée par le mauvais temps. Le navire amiral freine l'escadre. Si bien que le scorbut s'installe. Eprouvé, Fumée propose une relâche à Madère. L'occasion de s'emparer immédiatement des lieux. Refus de Dom Antonio.
Nous sommes encore à cent lieues des îles lorsque l'on croise une caravelle portugaise en route pour Lisbonne. Que nous dit son capitaine. Malade, le gouverneur de l'île de San-Miguel a peur de l'arrivée des Français. Son peuple en revanche les attend. Et puis onze navires espagnols y stationnent sous la bannière de Pedro Pexoto...

C'est alors que Strozzi décide d'attaquer San-Miguel, contrairement à sa feuille de route qui lui indiquait pour objectif l'île de Terceire, acquise au roi Antonio. Là, partie des Sables-d'Olone, une autre escadre avait devancé la nôtre. Huit galions transportant 800 soldats sous le commandement de Charles Landereau. On compte aussi des navires de nos alliés anglais. Tous avaient pour mission de nous attendre à Terceire et grossir ainsi l'armada.

Une barque quitte alors la flotte de Strozzi pour Terceire. Et revient en annonçant que les navires en question n'y sont plus. Dommage...

16 juillet. La flotte s'assemble devant San-Miguel. Strozzi, Brissac, les capitaines de mer et de terre vont reconnaître les navires ennemis à bord de pataches. Et par la même les conditions d'un débarquement.
La flotte ennemie, elle mouille dans la baie de Ponta-Delgada, défendue par un fort doté de puissantes pièces d'artillerie qui couvriraient les navires espagnols en cas de bataille navale. La stratégie impose donc de neutraliser ces batteries par une attaque terrestre.

Le débarquement


La mer est haute. Les navires qui transportent près de 1.200 hommes se heurtent aux rochers. Dégâts. Descendent d’abord à terre Brissac et de Brusq entourés d'une partie de leurs compagnies. Suivent ensuite pour les soutenir Philippe Strozzi et le comte de Vimiosa, accompagnés du capitaine Borda et d'une troupe d'arquebusiers. Le sieur de Sainte-Soulène mène aussi une partie de ses soldats.

Les Français détrempés, éprouvés par ce débarquement mouvementé vont récupérer dans un village tout proche: Laguna. Qu'ils pillent...

17 juillet. Toutes nos compagnies sont en ordre de marche vers la capitale à travers la montagne. Sans eau. Borda organise un bivouac quand 600 Espagnols tentent une sortie, commandés par Laurent Noguera. Ils sont vivement repoussés. De même que leurs renforts. Certains lâchent leurs armes pour fuir au plus vite. 60 Espagnols sont tués dont le gouverneur, Aguiar et Noguera.

Les Espagnols se retirent dans leur fort. Strozzi se refuse à la prendre d'assaut. "Par raison de philosophie", explique-t-il... On dira par superstition.
Côté français, Roquemaurel, notre Auvergnat, est très grièvement blessé. Sauvat aussi. Ils étaient six ou sept à s'être écartés de l'armée pour reconnaître quelques montagnes. Il y avait de La Perrière, de Hommes... Roquemaurel a reçu un coup d'épée.

Les troupes françaises se rapprochent maintenant à une lieue de la ville de Ponta-Delgada et de son fort, la citadelle de Villa-Franca. Des Portugais viennent à notre rencontre sous leurs bannières blanches.

Le 18 juillet, Roquemaurel meurt de ses blessures. Avec lui, une douzaine de soldats. Un auteur ancien, Mesnil-Ouardel, nous dit que Roquemaurel, très brave cavalier, fit coûter bien cher sa mort aux Espagnols.

Un sage de Ponta-Delgada vient vers Strozzi au nom du corps de la ville pour signifier la bienvenue au roi Antonio. Il indique que 1200 espagnols sont retranchés dans le fort de la cité. On établit un nouveau camp au plus près de Ponta-Delgada. Quelques troupes se rendent en ville et établissent des barrages pour contenir les sorties du fort. Et il y en a. Chacune est écrasée.

Resté près du rivage durant toutes ces opérations, Don Antonio débarque enfin et rejoint nos troupes. On vient de toute l'île pour lui présenter les bannières et les clefs des villes. Le roi, quant à lui, demande des vivres pour les Français. Don Antonio, l'insouciant, le jouisseur, Don Antonio s'amusa, dit Mézeray, « à faire le roy parmi les acclamations d'une légère populace ». Il prit habitation dans l'église Saint-Roch. Les soldats français sont agacés de servir de cortège à ce roitelet dans ses pompes ridicules.Ils scrutent plutôt le fort. Il faudra bien 1000, 1200 coups de canon pour en venir à bout. Alors, on débarque l'artillerie. Et puis on se restaure enfin. Car l'on n'a rien mangé depuis notre arrivée.

Une corvette capturée


Et voilà que l'on capture une corvette espagnole devant Villa-Franca. A bord: le capitaine Aguirre à la tête d'une compagnie de soldats. Cette barque, elle est envoyé par l'amiral Santa-Cruz pour avertir de son arrivée le commandant du fort, Aguiar, que l'on croit encore vivant et Pedro Pexoto. On saisit les lettres, les mémoires, une dépêche du roi d'Espagne qui donne l'ordre à Santa-Cruz de rejoindre à San-Miguel l'armée de Pedro Pexoto et d'y attendre 17 vaisseaux et 12 galères en partance de Séville. Une fois ces forces rassemblées, l'ordre est d'attaquer les Français à Tercère. Seulement, on ignorait qu'ils avaient posé le pied ici, à San-Miguel.

Strozzi fait alors appel à Beaumont, resté en mer pour garder les vaisseaux. Il sonne aussi Cocquigny, Nipinville et Maucomble pour neutraliser la flotte de Pexoto mouillée sous le fort.

La nuit suivante, quatre bateaux de nage mènent une opération. Nos capitaines découvrent des navires espagnols brisés à la côte par la tempête. Seuls quatre navires biscaïens sont intacts. On les arraisonne sous le feu de l'artillerie du fort espagnol. Ces navires regorgent de victuailles et de canons.

L'escadre de Santa-Cruz, on le sait maintenant, ne va pas tarder à apparaître. Il faut faire vite. Renforcer l'artillerie à terre. Obtenir la rédition du fort. Dom Antonio rédige à cet effet une lettre portée au commandant de la place. La réponse est négative. Mais on sait que les assiégés manquent d'eau. Alors, on attendra...

Voilà Santa-Cruz !


22 juillet, le matin. Voilà qu'apparaît l'armée navale d'Espagne. Venue de Lisbonne, elle est commandée par Alvaro de Bazan, marquis de Santa Cruz. On la signale par le travers de Villa-Franca, où se trouve un bon mouillage dans l'est de l'îlot du même nom.
 
Philippe Strozzi donne des ordres pour reconnaître la flotte ennemie dans laquelle on distingue des gallions et des hourques du plus fort tonnage. On compte 37 ou 38 voiles. Sur la droite du navire-amiral, le San-Martin, il y a le San-Mateo de Figueroa, sur la gauche, le San-Pedro de Bobadilla, bien fourni en troupes.

Que faire! Mener conjointement une bataille terrestre et navale ? Impensable. Strozzi abandonne le siège du fort et décide de réembarquer toutes les troupes. Du Bus protégera la retraite avec 400 arquebusiers postés en ville.

Il n'y a pas de vent à l'arrivée de Santa-Cruz. Les deux flottes ne peuvent engager le combat. Les Espagnols tirent quelques coups de canon d'intimidation...

23 juillet


Les conditions ne seront guère plus favorables. Tout se borne à des escarmouches et des manœuvres. L'ennemi se déplace vers l'île de Santa-Maria, au sud de San-Miguel. Par trois fois, nous tentons de doubler l'arrière-garde espagnole afin de la prendre entre deux feux. Dans la nuit, la flotte espagnole va appareiller, tous feux éteints...

24 juillet


Notre flotte est vers l'île de Santa-Maria. Celle de Santa-Cruz est sous le vent et tire cette fois vers San-Miguel. On craint qu'elle n'y rejoigne le fort. Strozzi fait avancer quelques vaisseaux pour lui barrer la route. Nous arrivons en trois colonnes sur l'arrière-garde de Don Miguel de Oquendo. Les autres capitaines espagnols revirent aussitôt de bord et se portent vivement au secours de leur confrère. Strozzi et Brissac, à bord d'un bateau de nage, apprécient avec plus de précisions les forces ennemies. Comme grands vaisseaux, ils ne comptent chez l'adversaire que deux gallions de 900 à 1000 tonneaux et une houlque plus imposante que celle de Strozzi. Pour le reste, c'est du même tonneau que la flotte française, mis à part des chateaux plus élevés côté espagnol.

La nuit suivante se lève une forte tourmente. Le navire de De Bus se brise. Il sauve difficilement sa peau avec peu de gens. Seul un tiers de son équipage fut rescapé.

25 juillet


Au matin, Stozzi et Brissac, accompagnés seulement de deux ou trois vaisseaux, sont à deux lieues de l'ennemi. Les Espagnols, le vent en poupe, prennent en chasse Beaumont qui parviendra à rejoindre notre navire amiral avec une vingtaine de vaisseaux. Les Espagnols renoncent à attaquer ce groupe car le reste de la flotte française bénéficie d'un vent favorable. Et puis, dans leurs rangs, un des plus grand navires a démâté. On préfère le prendre en remorque.

L'après-midi, à la barbe des Espagnols, toutes nos forces navales se rassemblent autour de Strozzi. A deux heures, le temps se calme. Il le restera jusqu'au Soir.

On retiendra de cette journée que La Fumée alla bombarder le navire vice-amiral et le gallion amiral. Sans le soutien des autres capitaines. "Les lâches!" cria Fumée en sautant sur le tillac de Strozzi. Fumée réclame des têtes, le remplacement des pleutres par leurs lieutenants. Strozzi a tout pouvoir pour les châtier et procéder à leur remplacement. "Ce serait leur faire trop de déshonneur". Il préfère user de la manière douce.

Conseil de guerre à bord du navire amiral. L'état-major est divisé. Certains refusent d'aller au combat, arguant notamment que le navire amiral est trop lourd et restera à la traîne des autres au lieu de conduire l'escadre. C'est décidé: Strozzi portera son pavillon sur un bâtiment plus léger. Celui de Beaumont. Le meilleur de l'armée. On attaquera demain, jour de la Sainte-Anne. Strozzi fixe à chacun de ses capitaines sa place de combat.

L'ordre de bataille


« Monsieur de Strozze dans le navire de Monsieur de Beaumont, Monsieur le comte de Brissac, le capitaine Maucomble et le capitaine Crininville aborderont ensemble l'admiral ou vis-admiral.

Monsieur de Sainte-Soleine, Monsieur de Bus, Monsieur de Borda dans la houlque verte et le sieur Escalin aborderont l'admiral ou le vis-admiral.

Les capitaines Thomas Brevedan et des Rivaux aborderont l'un des plus grands navires après l'admiral ou vis-admiral.

Les capitaines Leurre, Le Plessis et du Dresnay aborderont l'un des autres grands navires.

Les capitaines Labarge et Monmort aborderont un autre grand navire.

Les deux des quatre pris sous le fort de Sainct-Michel ès quels Monsieur le comte de Brissac a mis des hommes aborderont ensemble avec le navire Flibot.

Tous les autres navires aborderont et prendront party, chacun selon que l'occasion s'en présentera et n'y aura navire qui n'aborde.

Est fait commandement à tous les maistres et contremaistres des navires qu'en abordant, ils mettent de bonnes saisines aux navires de l'ennemi et affin que les navires de l'armée se connoissent, est enjoint à tous les capitaines et maistres de navires et pataches de mettre chacun un guidon et linge blanc au bout de l'artimon et tous les capitaines et soldats une marque ou escharpe blanche à leurs accoutrements de feste. Toutes les pataches suivront les navires et tireront arquebusades aux navires des ennemis...»


Tout le monde signa ce pathétique document. Qui malheureusement ne comporte aucun nom de navire...

26 juillet. Strozzi, le connétable du Portugal et Brissac vont de grand matin de navire en navire à bord d'une patache. L'amiral met ainsi ses troupes en ordre de bataille tel que signé la veille au soir.

Revenu à bord du Saint-Jean-Baptiste, Strozzi se restaure légèrement. Puis une barque vient le chercher, lui et Vimiosa ainsi qu'une douzaine de gentilshommes pour monter à bord du Saint-Pierre. Strozzi laissait Coquigny, son capitaine de pavillon, à bord du Saint-Jean-Baptiste. Coquigny, Beaumont, de Lierre, tous le supplièrent de rester à bord du navire-amiral. En vain...

Prudent, le roi Antonio, lui, préfère se retirer à terre et  gagner l'île de Tercere qui lui est fidèle. 

La prise du San-Mateo


On prie, on recommande son âme à Dieu.  Depuis huit heures du matin souffle un vent de nord-nord-ouest favorable aux Français.
A midi, les deux escadres, en ligne, se croisent à 18 milles au sud de Villafranca. Seulement, une vingtaine de navires français se sont défilés des autres. Derrière Strozzi on ne compte que cinq navires, derrière Brissac, à gauche, six, quatre à l'extrême-gauche derrière Sainte-Souline.

L'avant-garde française prend en chasse la flotte espagnole. A la tête de cette dernière: le San-Pedro, de Bobadilla, suivi du San-Martin, de Santa-Cruz qui tire en remorque le vaisseau d'Erasso. A l'arrière, le San-Mateo, capitaine  Don Lope de Figueroa, 60 pièces d'artillerie, se détache pour attaquer. Recherche de gloire personnelle.

Le navire de Strozzi accroche le San-Mateo par babord. Brissac lui jette des grappins à tribord. Dumesnil, Baret et un autre bombardent l'arrière du gallion espagnol. Sa partie la plus vulnérable.

Pendant ce temps, quatre autres de nos navire pilonnent et tiennent en respect la hourque San-Pedro, capitaine Bodadilla. Si l'on fait le compte, neuf navires français sont au combat. Neuf sur 73 voiles...

La contre-attaque


Pendant ce temps, La flotte espagnole vire de bord, s'organise. Elle va attaquer les lignes de Brissac et Sainte-Souline qui, lui, amorce son désengagement. Les soldats de ce dernier le conjurent de défendre Strozzi. Il s'y refuse et fuit. On dira qu'il gagnait ainsi les 60.000 écus remis par un agent espagnol au moment du départ.

 L'attaque du San-Mateo avait été extrêmement violente. Criblé de boulets, brûlé par des fusées qui avaient cinq fois allumé des incendies, la moitié de l'équipage, cent vingt-deux hommes, hors de combat, le galion espagnol était anéanti. En deux heures de combat, il avait perdu son gréement et l'on pouvait compter 500 impacts dans sa coque. On ne voyait plus sur le pont « qu'un viel homme et ung petit garson », lorsque la réserve espagnoles donna...

La Juana de Garagarza et la Galarra de Biscaie prennent Strozzi à revers, tandis que la Concepcion d'Oquendo, la Maria de Villaviciosa et le navire de Benesa enveloppent Brissac, préalablement détaché du vice-amiral espagnol par une charge à toutes voiles de la Concepcion.

Le vieux Juan de Villaviciosa qui s'est accroché à l'étrave de Brissac, est lui- même investi par le Sacre, de Dieppe. Et cet octogénaire à barbe blanche ne parvient à se rendre maître de son adversaire qu'au prix d'une blessure mortelle. Quatre-vingt-dix-sept de ses hommes gisaient près de lui. Par les sabords espagnols, on voyait « ruisseler le sang gros comme la jambe ».

Brissac menacé !


A bord de notre vice-amiral, la bordée d'Oquendo avait emporté dès le début cinquante hommes et troué le navire qui faisait eau. Entré avec se troupes par la poupe, Miguel d'Oquendo était maître du pont; le capitaine de notre compagnie de débarquement, Orival, était son prisonnier. Déjà, les vainqueurs, ayant mis à bas notre pavillon, déménageaient les meubles et jusqu'à la vaisselle d'argent de l'état-major. Seul, Brissac, barricadé dans sa cabine, résistait encore. Et bien lui en prit. Le capitaine Etienne de Bris de Limpiville, «grand marinier» évadé des prisons de Londres, arrivait à la rescousse; avec l'aide du capitaine Cavelier de Maucomble, il jetait par-dessus bord les Espagnols et dégageait son chef.

Oquendo retourné à bord de sa Concepcion, essuyait alors des salves d'artillerie et perdait ainsi quarante et un hommes. il ne put empêcher Brissac de quitter le champ de bataille. Piloté par Nipeville, de Harfleur, le navire du comte de Brissac sombra devant San-Miguel. Les deux hommes purent se hisser avec peine à bord d'une petite embarcation.

Il était déjà six heures du soir. Strozzi restait seul. Seul avec cinq navires. Tout le reste de sa flotte allait le regarder périr. Sans broncher.

Coquigny se traînait, avec sa lourde hourque, au secours de son chef. Le capitaine La Barge, gentilhomme de Brie, lui avait fait passer quelques troupes fraîches; mais les munitions manquaient, le vent devenait contraire, Strozzi ordonna la retraite et commanda à ses deux matelots, Du Mesnil et Baret, de soutenir le combat, tandis qu'il se dégagerait.


La manœuvre fut des plus malaisées, parce qu'une ancre du San-Mateo, entrée par un sabord, retenait accrochée notre capitane. Elle réussit pourtant : et Strozzi, à trois cents pas de la mêlée, se croyait hors de danger, quand la division de Santa-Cruz vint à toutes voiles se jeter sur lui. Attaqué des deux bords à la fois, son petit bâtiment de 200 tonneaux avait à lutter contre un galion de 1 200, le San-Martin, et un autre vaisseau de haut bord, la Catalina, dont les feux l'écrasaient.

Du pont, de la chambre de poupe et des hunes du galion-amiral, les mousquetaires de Gamboa, Herrera et Gallo exécutaient un tir plongeant, que secondaient, de la Catalina, les arquebusiers de Don Juan de Yivero.

Par une résistance désespérée, Strozzi parvint à faire encore subir à ses nouveaux adversaires une perte de cent cinq hommes. Mais il a la cuisse droite brisée par un tir d'arquebuse. Il perd tout son sang, refuse les soins pour diriger une résistance désespérée. Les soldats ennemis montent à bord de tous côtés. Trois-cents Français sont tués par Bastida et le capitaine Jean de Bievero, commandant de la Santa-Catarina. Le noblesse française fait bloc autour de Strozzi. Quatre tirs d'arquebuse fauchent Beaumont. Vimioso reçoit deux blessures. A bout de force, Strozzi s'effondre parmi les cadavres qui jonchent le tillac.

Quand il n'y eut plus d'espoir, dit la légende, l'enseigne du bord, plutôt que de rendre son drapeau, s'en fit un suaire et se laissa couler dans l'abîme. Mais il est dit aussi que l'étendard général fut pris par Antoine de Séville qui eut le bras emporté par un coup de canon. Des six cents hommes qui avaient combattu aux côtés de Strozzi, trois cents vivaient encore, la plupart blessés. Ils se rendent. L'ennemi s'empare de la grande lanterne au dôme doré soutenue par des cariatides, insigne du commandement. Le sieur de la Chastagneraie et ses domestiques tirent Stozzi de là mais aussi des Espagnols eux-mêmes qui portent notre amiral ensanglanté sur le gallion de Santa-Cruz. On pense ainsi lui sauver la vie car, entre gens de mer, n'est-ce pas, les règles de la guerre ont leur marque de courtoisie. Vite dit. Car les Espagnols auraient pu tout aussi bien écarteler Strozzi à l'aide de quatre bateaux à rame...

La mort de Strozzi



Alvaro de Bazan
Marquis de Santa Cruz
 Arrivé à bord du San Martin, le cousin du roi de France est placé sur un pont de corde. Soudain, par dessous, un Espagnol lui porte un coup d'épée au bas ventre. Le voilà à demi-mort. C'est alors qu'on va le présenter à Santa-Cruz. Ce dernier ne daigne le regarder. On l'imagine le dos touné, mains croisées derrières le dos, scrutant la ligne d'horizon. Sur un signe de tête de Santa-Cruz, Strozzi, respirant à peine, est jeté à la mer. Strozzi! Le cousin du roi de France...
La mort de Strozzi est entrée dans la légende. Elle a plusieurs versions.  Strozzi est présenté à Santa-Cruz qui, sans tourner la tête, jure que le Français empeste le navire. C'est alors qu'un soldat zélé porte le coup fatal. on dit encore que son corps ne fut pas jeté à la mer. Mais pendu, mort, avec les prochaines victimes de Santa-Cruz.
Quoi qu'il en soit, Vimioso fut traité avec plus d'égards. Pris par un volontaire Crémonois du nom de Mondenaro, il fut mené à Santa-Cruz qui était son parent. Et fut ainsi bien traité. Seulement, il était à l'agonie. Dans deux jours, il mourra de ses blessures.

Bataille de chiffres


Du Dresnay, en se dévouant pour sauver son chef, avait été tué. Du Mesnil était resté accroché au San-Mateo qui l'emportait "comme un milan fait d'un poulet". Quarante cadavres jonchaient son tillac, lui-même était hors de combat : « Tous noz bonshommes estoient ou mortz ou blessez, écrira-t-il; n'espérions autre grâce ou miséricorde que celle de Dieu. » Vers le soir, la brise poussa hors de la mêlée le grand galion et à sa remorque notre petit navire, qui, las de la lutte, relevèrent mutuellement leurs grappins et se séparèrent.
Brèvedent, de la division de Brissac, se dégagea de même. Attaqué par trois vaisseaux, le maître de camp de Bus, capitaine des Gardes, avait péri avec les trois quarts de ses soldats.

Au soir, on estima à 1200 le nombre de morts dans les rangs français. Dont 900 soldats du régiment de la reine. Certaines sources parlent de 3300. Les Français  revendiqueront quelque 2000 victimes chez leurs ennemis. Les versions espagnoles, on s'en doute, sont bien différentes. Elles ne concèdent dans leurs rangs que 224 morts et 553 blessés.

 Reste l'éclatante et indéniable victoire militaire du marquis de Santa-Cruz: quatre galions français coulés, quatre pris à l'abordage et deux incendiés. Toute notre flotte était disloquée, Brissac en fuite vers la France, Sainte-Souline et neuf vaisseaux en retraite sur Fayal, Don Antonio lui ayant défendu de paraître a Terceire. Le reste de la flotte, une vingtaine de navires et deux mille hommes, s'étaient réfugiés à Terceire avec Borda, Fumée, Du Mesnil, Limpiville, qui otèrent à Dom Antonio toute illusion sur le sort de la bataille. Le maréchal de camp Etienne de Borda était si découragé qu'il faisait son testament le 1er août, à bord de la Salamandre.

Un crime de guerre


Seulement, elle sera bien souillée cette victoire aux yeux de l'histoire par le traitement infligé à 313 soldats et marins mais aussi 28 seigneurs de haut rang et 52 gentilshommes. Ils ne sont pas porteurs d'un mandat officiel du roi de France. Alors, on les considère comme de vulgaires boucaniers. Rassemblés à son de trompe par Santa-Cruz de tous les navires espagnols où ils se trouvent prisonniers, on les promène d'abord dans les rues de Villa-Franca.  Du 26 juillet au 1er août, ils sont enfermés dans une église, sans eau ni nourriture, sans soins aux blessés.

Au nom de Santa-Cruz, l'auditeur général, Martin de Aranda, condamna à mort les prisonniers pour piraterie, la France et l'Espagne étant officiellement en paix. Il épargnait seulement les pilotes, précieux à la marine, mais aussi les moins de 17 ans dont on jugeait l'âge à l'absence de barbe. Alors certains s'arrachent en secret un duvet naissant pour échapper à la mort. Ceux-là, on leur promet les galères et sont mis à la chaîne.
Dans les rangs espagnols, on murmure la désapprobation. Par crainte de représailles. Ou plus prosaïquement le regret de ne point percevoir de rançon. Des voix demandent grâce.

Les bourreaux, eux, se délectent des gémissements en y ajoutant moqueries et brimades. Pire: on força, dit-on, ces hommes à user de leurs dernières forces pour s'exterminer entre eux. Ce qui semble pure légende.
Un échaffaut fut dressé sur la place de Villa-Franca et on y exposa les prisonniers sous la garde des soldats de Bobadilla. Puis on livra les victimes aux troupes allemandes qui les firent "mourir quatre à quatre". Par pendaison pour la roture, décapitation pour les nobles. En fait, ces derniers furent "égozillés". Autrement dit garrotés à la mode espagnole. Quant aux pendus, on ne les étrangla pas préalablement.
Le dernier à succomber fut l'aumônier de la flotte française, l'abbé François, qui confessa tous ses compagnons. Tué en dernier comme on le réserve aux plus vils criminels pour qu'ils endurent tout le spectacle jusqu'à leur propre supplice.

Parmi les victimes


Ils étaient simples écuyers ou puissants seigneurs. Voici la liste non exhaustive des victimes nobles de Santa Cruz :

Fabien Vivonne de La Châtaigneraie, d'Estreville de Caen, de Bussy, de Forges, de Loyselet, Jean de la Roziere, Guillaume de Saint-Clair, Jean de Latres, Pierre de Vian, huissier de la Chambre royale, Philippe Mentosi, de la maison de Guise, Claude de Ponmolin, lieutenant de Beaumont, les de Lannoy, Rémy de Saint-Martin, Alexis de La Rivière, Pierre de Marivaux, Jean de Vuis, les capitaines d'infanterie d'Orival, Jacques, Antoine de Bresio, de Porquet, le capitaine de marine Beuzelin de Lierre, commandant l'Espérance, le médecin en chef Abraham, le neveu de l'ancien ambassadeur de France à Lisbonne, Fabius Ganyet, qui, parti contre la volonté de ses parents, demanda, avant de mourir, la permission d'écrire à sa mère.

Épilogue


Le comte de Brissac ramena au pays les débris de notre flotte. 18 vaisseaux dit-on. La Marie de Jacques Ouin était-elle du nombre ? Les épaves de l'expédition réapparurent les unes après les autres en Europe. Une des hourques engagées contre le San-Mateo s'était traînée hors de la mêlée, avec quatre matelots seulement et dix-sept soldats sur cent quarante et un hommes. Quand on la découvrit de Sétubal, elle errait à l'aventure; on n'apercevait aucun marin sur le pont; à bord, pourrissaient des cadavres; sur l'un, un carnet de notes s'arrêtait au début de la bataille

Dom Antonio resta trois mois sur l'île de Tercere. Echoua dans ses tentatives de reprendre la main. Il en profita peut-être aussi pour se remplir les poches. Il restait à Terceire les troupes de Landereau et dix-sept navires français. Le 15 août, retiré dans l'île, le chevalier du Mesnil, adressa un rapport en France. Il blâme les décisions de Strozzi. Mais vante sa bravoure.

A la Cour, on reporcha à Sainte-Souline sa lâcheté, à Brissac sa brusque retraite, sans rapporter de la bataille d'honorables cicatrices et son peu de zèle à Landreau, qui était revenu lui aussi avec des propos de revanche. Borda, le seul qui échappât au blâme, fut mandé de Dax pour faire au roi la relation du combat. Sans attendre le rapport officiel, la reine mère donnait ordre d'arrêter Antoine Escalin et de le " très bien chastier, » tant il s'était mal comporté durant la campagne.
On voulut prendre une revanche maritime. A défaut, une revanche morale. Par une dépêche datée du 25 septembre 1582, le roi Henri III commanda à Paul de Foix, archevêque de Toulouse, de se rendre auprès du pape Grégoire XIII pour protester contre le roi d'Espagne. L'entrevue eut lieu en novembre. Philippe II n'était pas Santa-Cruz. Il fut blanchi. Mais la rancune du roi de France fut tenace. D'autant que cette bataille perdu marqua désormais la suprématie maritime de l'Espagne.

En 1583, on envoya Un renfort de 1200 hommes dans l'île de Tercère. Santa-Cruz s'en empara aussitôt. Les efforts de l'Angleterre pour asseoir Dom Antonio sur le trône du Portugal n'aboutiront pas plus. Il mourra à Paris...
En 1585, Sainte-Soulène fut emprisonné pour crime de lèse-majesté. Qualifié de pleutre, il perdit ses titres de noblesse. En Normandie, contrebandiers et négriers rescapés de ce désastre reprirent leur petit commerce.

Laurent QUEVILLY.



Pièces annexes



Le ravitaillement


Le 18 novembre, Laurens Ameline, Jehan Philippe, Henry Dubosc et Jehan Falluard, boulangers d'Honfleur, s'engagèrent à fournir «dix milliers de pain biscuit à livrer sur le quai d'icy à Noël, moyennant le prix de 83 escus 20 sols le millier.»
Charles Delosmone, Noël Bourgeot, Massé Dufay en livreront quant à eux 6.000 au même tarif.
Enfin ce même jour, Jehan Desplanques le Jeune, marchand de Honfleur, vend « douze milliers de lard de victuailles, au poids du roy, à raison de 36 escus 40 sols chacun millier. »
Beaumont achètera aussi à Pierre Gardilasme, tonnelier, « cinquante tonneaux de fustaille pour l’armée de la mer, à raison de 2 escuz 20 solz chaque fustaille neuve. »
Février 1582: «Achat par le sieur de Beaumont de cinq milliers de beurre, au prix de 4 escus 40 sols le cent pesant ; de six milliers de lard, à 40 escus par millier. »
Mars: « Achat par le sieur de Beaumont pour ravitaillement de l'armée de la mer, à quatre boulengers de Honfleur, de dix milliers de pain biscuit, au prix de 83 escuz 20 solz le millier ; de deux milliers et demi de chandelles, à 8 escuz le cent ; de sept cent trente-six livres de fer pour l’artillerie de l’armée mise en mer. »
Avril: « Achat de biscuit, lard, sel, cordages. »

L'armement des navires


Le 24 janvier, à Rouen, Brissac reçoit de Mathurin Lebeau, trésorier et receveur général de la marine de Ponant, « la somme de 13,000 escuz pour employer à l'esquipaige, avitaillement et armement de plusieurs navires qu’il fait armer et équiper en Normandie et sur iceulx mettre gens de guerre et mariniers pour les mener et conduire en mer tant pour la conservation des navires marchans que empescher la course des pirattes.» De nouveaux versements seront encore opérés. Jusqu'à 63 000 écus.

i582 , 10 mai. — « Quittance par le comte de Brissac :
« Comme il soyt ainsy que Leurs Maiestés eussent faict accord et convenant avec hault et puissant seigneur messire Charles de Cossey, conte de Brissac, grand pennetier et fauconnyer de France, faire et dresser certaine armée navalle à la mer occidentalle et de ponnant pour le service de Leurs Maiestés, pour laquelle dresser auroyt esté emploie et nommé par ledit acord portant dabte du vie jour de novembre mil cinq centquatre-vingtz et ung, passé à Paris, noble et puissant seigneur messire Pierre Le Normant, chevalier de l'ordre du roy, seigneur de Beaumont, lequel se seroyt vertueusement emploie à trouver et fournir vaisseaulx, capitaines et soldatz, maistres, contremaistres, pilottes, compaignons et matelots es mains duquel sieur de Beaumont auroyt esté mis à ceste fin par le recepveur Palgade establi à Rouen 17,300 escus ; par ung nommé Parent et Chastelot, demeurant à Paris, i5,ooo escus; parle trésorier Hesbert, I 3,000 escus ; et par le trésorier Beau, 17,000 escus qui seroyt pour lesdites parties 62,3oo escus. Scavoir faisons que pardevant lesdits tabellions Gonnyer et Champaigne, pour la viconté d'Auge, siège de Honnefleu, fut présent en sa personne mondit seigneur le conte de Brissac, lequel meu de sa bonne volonté, congnoissant par les mémoires, acquitz et estatz portez par ledit sieur de Beaumont, baillez et mis aux mains dudit sieur conte ainsy qu'il a confessé, que ledit sieur de Beaumont auroyt fourny, livré, esquippé, payé et emploie lesdits deniers et sommes pour ladite armée, et du tout rendu bon et fidelle estât, compte et regard et dont il est tenu à comptent et satisfait et à ce moyen acquitte et clame quitte ledit sieur de Beaumont de tout et tel argent par luy receu cydevant mentionné, administration, manutention et négociation de ladite armée en quelque sorte, manière et par quelque cause que ce soyt, encores que ledit compte ne soit particullièrement exprimé. Au moyen ci-dessus promettant ledit sieur conte sur l'obligation de ses biens garantir ledit sieur de Beaumont de touttes pertes pour ce faites, dommaiges, inthérest et recherches et l’en deffendre vers tous. Présents, Herment de la Porte, demeurant à Caudebec, et Guillaume Durand, demeurant en la paroisse de Liletot, qui ont signé : Brissac. Delaporte. Durand. »

i582, 10 mai. — « Autre acte de décharge par lequel Charles de Cossé, comte de Brissac, grand fauconnier et pennetier de France, général de l’armée de mer de ponnant, tient quitte Pierre Le Normant, seigneur de Beaumont, de la somme de 11,748 escus, distribuée pour faire le nombre de cinq vaisseaux neufs, tant au Havre de Grâce qu'à Touque, emploiez à ladite armée de mer, laquelle avait été fournie par les gentilshommes de mondit sieur le comte, assavoir : le sieur Richer, 6,755 escus en deux parties ; le capitaine La Bauve (?), 1,000 escus; de Plauses, 893 escus; Avenel, 1,000 escus; de Craville, 2,000 ; et le marchand ayant acheté les bois d'Ecquetot (appartenant au sieur de Brissac) et de Saint-Laurent, 100 escus. »


i582, 4 mars. — « Robert Roussel, du mestier de pompier et affusteur d'artillerie, confesse avoir receu de M. de Beaumont 28 escuz pour avoir de son mestier affusté sept pièces de canon de fonte et icelles monté sur roues. »

1582, 10 mai. — « Quittance par le sieur de Beaumont à Estienne Bellenger, marchand à Rouen, et à Loys de la Chandre, capitaine pour le roy en sa marine, demeurant à Honfleur, de tous et chacun les deniers qui leur auraient été baillés afin de les payer aux personnes dont il leur avait donné charge pour l’armée de mer, faicte sortir hors pour le service de la reine mère et fut ledit quittement fait de ce que dit est au moyen que ledit sieur a été satisfait des acquits des personnes auxquelles ils avaient payé. »

i582, 16 mai. — « Comme pour l'édiffication de la navire le Saint-Pierre, construit à Touque, et envictuaillement des autres vaisseaulx prins pour le service des Majestés à l’armée navalle, dressée aulx ports et havres de ceste province de Normandye, soubz la charge de très-hault et très-puissant seigneur monseigneur Charles de Cossey, comte de Brissac, grand fauconnyer et grand pennetyer de France, capitaine de cinquante hommes d'armes des ordonnances de sa Majesté et lieutenant général en ladicte armée navalle, François Beuzelin le jeune, sieur du Lierre, capitaine pour le roy en sa marine, eût été préposé par noble et puissant seigneur messire Pierre Le Normant, chevalier de l’ordre du Roy, seigneur de Beaumont, lieutenant de mondict sieur le conte à ladicte armée, tant pour avoir l’oeil à l’ediffication dudit navyre le Saint-Pierre que pour l'achapt et livraison par luy faicte de trois cent cinquante tonneaulx de sildre, dix huit milliers deux cents de lart, trois cents quarante tonneaulx de fustaille, que pour partie de l'association des compaignons et mariniers de lesquipaige dudit navire, à quoy le sieur du Lierre s’estoyt employé et avoit fait son debvoir de son possible, et pour ce subject ledit sieur de Beaumont luy avoit mis en ses mains grandes sommes de denyers , lesdits seigneurs ont quitté et clamé quittes les uns aux aultres de la recette et mise en général sans aulcune exception ni réservation Et soyt aussi que dès le commencement de ladicte année le seigneur conte de Brissac voyant la navire nommée l’Espérance, du port de 80 tonneaux ou environ, dont estoit capitaine et bourgeois le sieur du Lierre estant lors preste de faire le voiage à la coste de Pérou, pour avoir passé sa charte-partie et expédié son congé et aussy que ses victuailles et munitions estoyent dedans sa dicte navire et barque, avoit dès lors le tout retenu avec son esquipaige pour le service des Majestés à ladite armée navalle en payant le nolléage, victuailles et munitions et ce qui avoit été advancé pour ledit voiage... et fut ledit quittement et vente faite par abstraction entre es parties moyennant la somme de huit mille sept cent cinquante livres que ledict seigneur comte a promis payer audict sieur du Lierre pour luy et les bourgeois, tant au corps dudit navire que victuailleurs avec la somme de cinq cents escus cy dessus qui seroy ten tout la somme de io,25o livres revenant à 3,416 escus 40 sols, dans un an de jourd'huy prochain venant.
« Et a ledict sieur du Lierre garanty que audict navire y avoit une moyenne de fonte verte callibre de Portugal poysant mil à onze cents livres, trois grosses espoirres de fonte verte poisantes neuf cents ou environ chacune, ayant icelle neuf boettes dont y en a trois de fonte verte et les autres de fer, cinq espoirres de fonte verte poisant chacune viron deux cents livres et ayant chacune deux boettes de fer, et une autre pièce de fer de fonte poisant neuf cents ou environ Présents : Gion Blanvillain, demeurant à Honnefleu, et Louis de Cullant, escuyer, sieur de la Brosse, demeurant en la paroisse de Saint-Ouen-en-Brie. Signé : Brissac. Beaumont. Beuzelin. Lois de Cullant. Blanvillain. Pelley. Champaigne. Gonnyer. »


Sources


La vie, mort et tombeau du haut et puissant seigneur Philippe de Strozzi, Du Trosay, 1608.
Histoire de la Marine française, Roncière.
Histoire universelle, Jacques Auguste de Thou.
Ch. et P. Bréard, Documents relatifs a la marine normande

Mémoires et documents pour servir à l'histoire du commerce et de l'industrie. Julien Hayem,  1922

Dictionnaire historique & critique.
Histoire des Français, Jean-Charles-Léonard Simonde Sismondi, 1838.



Guy D. R. a écrit le 02/05/2014 : Bravo pour l'exposé sur cette malheureuse aventure:je connaissais bien sûr l'existence et le sort de cet ancètre mais pas de manière aussi détaillée .Pourrait on me donner quelques références qui me permettraient de creuser un peu son" CV " merci d'avance
Vitor O. a écrit le 01/01/2014 : Texte très utile et très bien fait qui m'a beaucoup aidé à déchifrrer quelques noms de capitaines français estropiés dans un texte du XVIème siècle en portugais très important pour l'histoire de la "royauté" de Dom Antonio aux Açores.

berybery a écrit le 25/01/2011 : Beuzelin est un nom courant aux Antilles à t-il un rapport avec ce Beuzelin de lierre évoqué dans ce texte celuici faisant parti des morts avant d'arriver ?