Le
douanier du bord de Seine ou gabelou, un métier
disparu !
En France,
dès le XIIe
siècle, on
trouve trace de perceptions opérées sur les
marchandises en
mouvement, sous des appellations variées et pittoresques :
droit de
rêve, droit de haut passage. Il existait alors au moins un
régime
douanier par province.
Dans notre village existe encore le sentier
surélevé tout au long de la Seine,
c’était le passage obligé
des douaniers. Les rondes organisées par brigades
rejoignaient, sous
la direction d'un brigadier, la limite de leur penthière
c'est-à-dire leur secteur. Un abri pour le repos de ces
gabelous
était appuyé au pressoir du château de
la Cheminée-Tournante.
Dès
la plus haute antiquité, les Etats ont
prélevé des impôts sur les
marchandises franchissant les frontières. Ces
impôts, surtout
perçus à l'importation, répondent pour
l'essentiel à une
préoccupation fiscale: celle de remplir les caisses
publiques.
La
prohibition est également pratiquée. Elle vise,
à l'exportation, à
protéger la collectivité contre les risques de
pénurie Le
recouvrement est effectué, selon un usage largement
répandu dans le
monde jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, par des
employés de compagnies
privées auxquelles l'Etat rétrocède la
perception de l'impôt.
C'est la pratique de l'affermage.
Ainsi
en est-il des portitores romains qui sont chargés
d'apprécier la
valeur des marchandises imposables et disposent à cette fin
du droit
de les déballer, dénombrer, peser...
même si elles sont la
propriété de hauts personnages.
L'impôt
alors perçu par des fermiers est de 2,5% de la valeur des
marchandises importées.
Pendant
le Haut Moyen-âge, il arrive que des prohibitions de sortie
(grains,
espèces monétaires) soient
édictées pour retenir ces ressources
dans le pays.Au
milieu du XVIIème siècle, la France est
divisée en trois parties
principales : les provinces des "Cinq Grosses Fermes", les
provinces "réputées
étrangères", les provinces " à
l'instar de l'étranger effectif", qui forment des zones
franches.
Le
développement de la marine marchande est
encouragé par la surtaxassions des transports sous pavillon
étranger, la réservation au pavillon
français du négoce avec les colonies, la
création d'entrepôts de réexportation,
l'octroi de privilèges aux grandes compagnies.
Le commerce extérieur est alors surtout maritime. Les
employés de la Ferme surveillent les
côtes afin d'obliger les navires à
décharger dans les ports.
Une déclaration détaillée est
déposée par le propriétaire des
marchandises et enregistrée au bureau de la Ferme, elle est
vérifiée par les employés qui
dénombrent les colis et en explorent le contenu. La
pesée est un acte essentiel de ce contrôle car les
droits sont perçus principalement sur la base du poids. La
marchandise est le gage de leur paiement. Après leur
déchargement, caisses, ballots, tonneaux sont
transportés, sous l'œil d'un suisse, dans le
magasin de la cour d'entrée de l'Hôtel par des
portefaix ou des rouleurs.
Dans cette halle de dédouanement, quatre commis
appréciateurs sont chargés de vérifier
les plombs, de dénombrer et d'examiner les ballots, les
caisses, les tonneaux, tandis que trois peseurs officient au bureau du
poids.
Après
la vérification des marchandises, les portefaix et rouleurs
gagnent la cour de sortie. Ils y attendent qu'un employé
leur délivrent les brevets qui leur permettront de remettre
les marchandises à leurs propriétaires
à la grande porte de sortie.
La
direction de la compagnie est assurée
collégialement par les fermiers
généraux qui se réunissent en
"comités" spécialisés et se
répartissent
le contrôle des services extérieurs.
Ceux-ci comptent jusqu'à 42
directions en province et près de 25 000 agents appartenant
à deux
branches d'activité : celle des "bureaux" qui
vérifie, liquide et
perçoit les droits et taxes ; celle des "brigades" qui
prévient,
recherche et réprime la contrebande.
Les employés de la Ferme ne
sont pas des fonctionnaires royaux, mais ils agissent "au nom du Roi",
comme l'atteste la bandoulière qui sert d'uniforme aux
gardes du
service des brigades qui sont armés. Ils
bénéficient à ce titre de
privilèges et de la protection de la loi.
Avec la Révolution
naît l'administration des douanes moderne. Les
barrières intérieures
sont supprimées par la Constituante ainsi que la gabelle du
sel. Suite
à la résiliation du bail Mager le 21 mars 1791,
la Ferme générale est
nationalisée alors que ses effectifs sont ramenés
à 15 000 agents.
Ni les hommes ni les méthodes ne sont vraiment nouveaux,
mais une administration d'Etat vient de naître.
|
|
Les noms des douaniers trouvés dans les
registres d’état civil d’Anneville sur
Seine
A partir de 1770 les premiers
noms des employés des fermes du Roy (ancienne appellation
des douaniers). Ils n’ont rien de commun avec ceux les noms
des habitants du village, ce sont donc des horsains qui vont apporter
une nouveauté.
1770 Jacques ROUSSELIN
1771 Jacques MICHEL
1772 Jean Baptiste DIRVILLE
1777 Charles BOURDON
1778 Toussaint LORMIER
Charles FERON
Jacques BOUETTE
Pierre
MEURDA de Cherbourg
1780 Jean DENISE lieutenant
1781 Jacques BASILE
1784 Jacques PIGACHE de
Hénouville
1786 J Baptiste ROGER de Pont Audemer
1781 Pierre LACAILLE
1791 François PICARD
Basse-Normandie
Quelques préposés aux douanes
impériales et leurs supérieurs:
1809 François PREVOST
Généreux Bienheureux GONFAY
Pierre LEPAGNOL sous lieutenant
Jean
Baptiste LEBOURGEOIS |
A
partir de 1815, la surveillance douanière se renforce, non
seulement
dans le rayon des douanes (20km en deçà des
frontières), mais aussi à
l'intérieur du territoire.
Jusqu'en
1908, les agents des brigades sont organisés militairement.
Armés,
souvent casernés, ils portent l'uniforme. La discipline,
très stricte,
régit même certains actes de leur vie
privée : mariage, déplacements,
etc...
Leurs
conditions de travail sont
dures et leurs rétributions assez faibles. Les
journées de travail sont de 11 heures et, sur les 6 jours
travaillés sur 7 par semaine, il y a 3 services
de nuits. Les brigades comptent dans
leurs rangs beaucoup d'anciens militaires et de fils de douaniers. Bien
que les agents des douanes jouissent d'une ébauche de statut
(modes de recrutement et d'avancement
réglementés, régime de
congés, pension de retraite, etc... ), leur gestion souffre
d'un défaut de transparence qui prédispose au
favoritisme.
Pendant tout le XIXème siècle, ces vices sont
dénoncés sous diverses formes. Progressivement
des réformes interviennent, en particulier l'avancement par
concours.
Dans chaque commune riveraine de la Seine il y avait une brigade
comportant un brigadier, un lieutenant ou sous lieutenant jouant le
rôle de buraliste c'est à dire responsable des
comptes et normalement 6 hommes. Plusieurs brigades
dépendaient d'un lieutenant d'ordre et d'un
receveur à Duclair et un poste encore plus
important pour le receveur principal à Rouen(1)
Mariniers et douaniers travaillent ensemble sur la Seine, ils se
surveillent mutuellement puisqu’une des tâches des
gabelous de toutes les brigades de Tancarville à Rouen est
d’intercepter les produits interdits sur les bateaux. Une
visite à bord s’impose à
l’entrée de chaque village :
« C’était un rituel et rituel
aussi l’alambic à café, les verres et
le ratafia en même temps que la présentation des
papiers de douane, connaissements, etc...Puis la
cérémonie se terminait par quelques
rigolades ».(2)
Les mariniers se sont toujours défendus de
l’excès de zèle des gabelous en leur
jouant des tours pendables, c’était de bonne
guerre.
La disparition des frontières fiscales en 1993 est
l'aboutissement de cette évolution. Elle permet la libre
circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des
services à l'intérieur de la
Communauté européenne. La douane continue
à assurer ses missions dans ce nouvel environnement avec des
méthodes d'intervention et un dispositif adaptés.
Gilbert
FROMAGER
1 : Jean Pierre DEROUARD co auteur LES
FAMILLES ANNEVILLAISES ET AMBOURVILLAISES AU XVIII° ET AU
XIX° SIECLES, 1995
2 : Souvenirs sur la Seine, Prudent PREVOST 1994 Ed BERTOUT
|