68 !

Ce chiffre résonne dans mon cœur, ma tête, ma vie. Année tumultueuse, année merveilleuse... Nous étions bien loin des événements de 68 à Paris. Nous vivions comme retranchés dans notre petit village. Les traversées de la Seine par le bac suspendues des semaines entières témoignaient de ce qui se passait à l’échelle de la France. A cette époque, les familles étaient nombreuses. Je suis la 17ème sur 18 enfants. Le «Pé Bettencourt», comme on le nommait, n’était pas commode ! En bon normand, il ne sortait pas facilement ses «biftons». En septembre, comment s’offrir les barbes à papa, les berlingots, les tours de manège?... Eh bien, nous avions eu l’idée d’aller vendre ce que nous pouvions : chasser les escargots, cueillir le muguet en mai, vendre des fruits à la barrière, ramasser les champignons. Avec notre pactole, à nous balançoires, auto-tamponneuses et friandises ! Mes yeux pétillent encore de ces souvenirs joyeux avec mes frères Jannot, Daniel, Christian et ma sœur Janine, sans oublier les copains d’école.



En 1968, le comité des fêtes organise avec les bénévoles le traditionnel corso fleuri et l’élection de la Reine de Bardouville. A ma surprise, me voilà élue Jeannette Bettencourt, Reine de la commune, avec ses demoiselles d’honneur Annick Folliot et Jeannine Dutot. J’avais alors 16 ans ! M Larchevêque, le président du comité des fêtes me revêt de l’écharpe. J’en rougis encore d’émotion !J’appartiens à la première génération de femmes qui ont pu quitter la ferme. Grâce à la Maison Familiale de Routot, j’ai pris mon envol dès 18 ans alors que la majorité était à 21 ans. Et une fois partie, je n’ai pas pu m’arrêter : Vienne, Lyon, l’Allemagne, le Mexique. Elle était bien loin ma vallée. Et elle reste tout au fond de mon cœur.

Jeanne BETTENCOURT.

Source

Le Corset Rouge