Les biens nationaux situés en la paroisse de Duclair étaient tous de la catégorie dite de première origine, c'est-à-dire appartenant aux congrégations ou au clergé. Ils comprenaient les biens de la cure, ceux de l'abbaye de Jumièges, enfin ceux de la Fabrique de l'église.



Biens de la Cure


Ils consistaient seulement dans le presbytère avec ses bâtiments, grange, écurie. bâtie par le curé d'alors, petite cour d'entrée et petit jardin d'environ chacun quatre à cinq perches. Il était grevé d'une rente annuelle de 20 livres au profit de l'abbé de Jumièges.

Devenu bien national, le presbytère allait être mis en vente quand l'administration communale de Duclair le réclama comme pouvant servir de maison d'école et de logement pour l'instituteur. 

Il fut fait droit à sa demande. Mais au mois de messidor an IV, un nommé Balland en réclama la vente et le soumissionna. La commune protesta. Balland adressa alors, le 28 messidor, un mémoire à l'administration départementale dans lequel il exposait que le presbytère ne servait pas à l'usage pour lequel la commune l'avait réclamé. « D'ailleurs, ajoutait-il, cet immeuble ne peut être réservé pour un instituteur, au préjudice du local qui, de tous temps, a servi à cet usage et a été construit à cet effet par les frères ignorantins dits de Saint-Yon, qui logent à l'année deux de leurs frères pour instruire la jeunesse de Duclair et des environs. Aujourd'hui, l'instituteur, payé par la Nation, y tient encore les écoles et y est logé. » 

Il concluait à ce que ce dernier local, construit pour une école, soit perpétué à cet usage et que l'on fasse droit à sa soumission concernant le presbytère.

La pétition de Boulland fut renvoyée d'abord à l'adjoint communal de Duclair qui répondit qu'en ne mettant pas en vente le presbytère, elle n'avait fait qu'obéir aux lois des 8 mars 1793 et 28 ventôse an IV, ainsi que de l'arrêté du département du 25 germinal an III.

« Aux dispositions des lois précitées, ajoutait-elle, se joint le besoin reconnu pour la commune de Duclair de cette maison pour une école. Les deux sexes ne pourront être éduqués dans le même local, conséquemment deux maisons d'instruction sont absolument nécessaires. »

L'administration municipale du canton partagea le même avis qu'elle appuya de ces considérations : « La maison ayant servi jusqu'alors à tenir les petites écoles est très insuffisante et ne remplit nullement le vœu de la loi du 3 brumaire an IV. Il n'y a ni cour. ni jardin attenant, ni dépendances elle est située sur une rue très fréquentée et vis-à-vis un carrefour, de manière qu'elle expose les élèves à mille dangers de distraction et même au danger d'être blessés par les chevaux et les voitures qui passent fréquemment près de cet endroit ; les pièces qui la composent sont humides et malsaines en outre, cette maison n'a jamais été habitée par les frères de Saint-Yon, comme il a été faussement avancé, ni même fut une maison d'éducation proprement dite elle était destinée au logement d'un clerc qui tenait ordinairement les petites écoles, et sa destination à cet objet n'a été que provisoire et seulement pour donner au curé titulaire le temps d'évacuer la maison presbytérale. 

« Cette dernière est le seul local qui convienne aujourd'hui pour le logement d'un instituteur, ayant cour et jardin et étant assez solide pour ne ne pas courir de grands frais d'entretien. Elle est d'autant plus nécessaire aujourd'hui pour la tenue des écoles que, Duclair étant un chef-lieu de canton, il doit s'y rendre beaucoup plus d'élèves que par le passé. Enfin il serait à désirer que les deux maisons fussent conservées, mais, en tout cas, la maison presbytérale mérite la préférence à tous égards. »

Le directeur des domaines nationaux partageant cette opinion, et l'administration départementale, par un arrêté du 9 fructidor, déclara inadmissible la soumission de Balland et arrêta que le presbytère de Duclair n'était pas aliénable.

Mais Balland n'avait pas perdu son temps à attendre la décision départementale. Il avait su intéresser à son affaire le représentant du peuple Delahaye, qui en référa au Ministre des Finances, de Ramel. Celui-ci ignorant encore la décision prise, écrivait le 18 fructidor, à l'administration départementale, pour demander des éclaircissements. On les lui donna et l'affaire en resta là, du moins pour le moment.

Biens de l'Abbé de Jumièges


L'abbé de Jumièges possédait pour sa part à Duclair :

Trois moulins avec maisons et divers bâtiments d'exploitation, une masure contenant une acre et une vergée de terre, loués avec le moulin de Launay, à Antoine Valois, par 6,000 livres de fermage, 24 poules tendres et 1,800 pots de vin.

Ces trois moulins furent vendus comme biens nationaux l'un le 21 mars 1791, à Charles Dumont, de Saint-Wandrille, avec demi acre dé masure et deux vergées de prairie, par le prix de 20,100 l., le seconde sis sur un îlot, et dit à deux tournants, à M. Jacques Savalle, d'Enneville, par le prix de 45,100 l., et le troisième, le même jour, à Charles-Antoine Secard, meunier, aux Vieux, par 15,700 l. ;

Le droit de passage à Duclair, affermé à M. Seugré, par le prix de 600 l., avec 100 l. de pôts de vin. A la Révolution, ce droit de passage fut tout simplement aboli.

La ferme nommée la Cour du Mont, anciennement exempte de dimes, louée à Denis Lécouteulx moyennant un loyer de 3,250 l. et 330 l. de pots de vin. Elle comprenait alors, au dire de l'abbé, 82 acres de terres labourables, 6 acres de pâture, 4 acres de masure et 1 acre de bois-taillis en lisière. A cette ferme étaient joints doux tiers d'une portion de la grosse et menue dime pouvant être évaluées à 900 l. Elle était grevée, en outre, d'une rente de 40 boisseaux d'avoine envers le fermier du baron de Beaumets.

Elle fut adjugée, sans les dîmes alors abolies, le 18 mars 1791, à M. Lecoq de Vidanne, de Rouen, par 90,000 l., puis bientôt revendue, comme on le verra plus loin

Les rentes seigneuriales de la ci-devant baronnie de Duclair, afermées M. Hucher, greffier de la haute justice, par 700 l. Elles se composaient de 397 1. 11 s., en argent, 130 boisseaux d'avoine, 98 poules et chapons, 10 boisseaux et une mine d'orge, 2 livres de cire, etc.

Les treizièmes de la même baronnie estimés entre 700 et 800 l, après avoir été cotées 1,000 1.

Ces deux articles tombèrent en non-valeur par suite de l'abolition des droits féodaux

Les halles de Duclair avec le droit de coutume, affermées en 1790 à M. Jattra, de Caudebec, par 2,800 l. En 1791, le fermage tomba subitement à 1,800 l. Ces halles furent acquises par la municipalité de Duclair

Le bois dit des Fontaines, contenant neuf acres, et vendu avec la Cour du Mont;

Deux tiers de grosses et vertes dimes affermées à Denis Leclerc, par 2,000 l., et 840 l. de pots de vin. La grange dîmeresse fut achetée le 25 juin 1791, par Nicolas Neufville et Etienne Vatier pour 1,475 l. 

L'abbé de Jumièges se faisait ainsi rien qu'à Duclair, un revenu de 20.570 l., monnaie de l'époque. Ses charges ne consistaient guère qu'à l'entretien de la maîtresse d'école, établie soixante ans environ avant la Révolution. Il devait lui fournir le logement pour elle et l'école, avec tout le mobilier nécessaire, et lui faire une rente de 250 l. Il lui donnait, en outre, de petites sommes pour acheter des remèdes aux malades pauvres.

Biens des Religieux de Jumièges


A côte de l'abbé, les religieux. de Jumièges étaient fort bien pourvus à Duclair, où ils possédaient :

La ferme du Tronc, comprenant 133 acres 1 vergée 36 perches de terre, 3 acres de prairies, 8 acres de masure, affermée à J.-B. Durdent, moyennant 3,200 l. en argent, 100 boisseaux de blé-froment, 8 poules grasses et 8 canards. Elle fut vendue le 8 mars 1791 à M. Louis Beaudouin, de Rouen, par 111,000 l. Le paiement de cette somme devait se faire par douzième, d'année en année.

Une ferme contenant 10 acres de terre et 3 acres de masure, louée à Thomas Lecouteulx, 3001., et qui fut vendue le 7 février 1791, à M. Hilaire, de Caudebec, par 11,200 l.;

La pêche sur la Seine dans toute l'étendue de la paroisse de Duclair, affermée à Nicolas Dumoulin, par 300 l. Cette pêche devint propriété de l'Etat, qui se la réserva.

Trois baux emphitéotiques de 99 ans, commençant le 29 septembre 1788, dont deux en faveur de Pierre Gratigny, l'un pour une petite masure, clos en labour et plant, maison et four, contenant trois vergées et demie, moyennant 60 l. de fermage; l'autre d'une masure plantée d'arbres fruitiers, terre, maison et bâtiments d'exploitation, le tout contenant deux acres environ, pour un fermage de 100 l.

Le troisième bail commençant en 1786, en faveur de Nicolas Dumoulin, comprenait une petite ferme consistant en une maison et un jardin sur la roche sous laquelle était une cave, avec deux acres de terre et une vergée de bois taillis; moyennant 110 l. de fermage. 

Biens de la Fabrique de l'Eglise


La maison occupée par le clerc et servant aux petites écoles. La municipalité de Duclair y tint pendant quelque temps ses réunions

Un petit jardin de 32 perches, affermé à vie au curé, à charge d'acquit de fondation. A la Révolution, ce jardin continua à lui être réservé ;

Un autre jardin de trois vergées, loué à Jacques Morel, jardinier, par 126 l. et acquis par lui le 4 mai 1795, moyennant le prix de 10,300 l. payables en assignats dans le délai de six ans

Neuf pièces de terre contenant ensemble sept acres trois vergées et affermées 304 l. Elles furent vendues le 15 février 1793, 6 mars 1794, 15 février, 19 mars et 4 mai 1795, a MM. Jean Boulon Louis-Denis Leclerc, Louis Dubos, Charles Lebreton, les frères Decaux et Charles Dumont.

Enfin, une acre de terre ayant appartenu à la cure de Launay, fut vendue le 30 août 1792, à Antoine Secard, par 1,225 l.


La Côte des Moulins et le Castel

Pour des motifs d'ordre privé, l'adjudication faite le 18 mars 1791, à M. Lecoq de Vidanne, de la ferme de la Cour du Mont, ne fut pas suivie d'effet, et le 23 août 1792 le district de Caudebec-en-Caux procédait à une nouvelle vente de cette ferme, en même temps que de celle dite du Pavillon Toutes deux furent adjugées à Jean Darcel, demeurant Rouen, place de la Pucelle, 5, moyennant la somme de 82,000 livres. Et là naquit une polémique. Lire :



SOURCES

A. Clément, La Normandie littéraire, 1903.