Par Jean-Pierre Hervieux

Le congrès de Rastadt réunit des diplomates français, prussiens et autrichiens ainsi que quelques princes allemands de septembre 1797 à avril 1799. Ce congrès avait pour but principal de régler l'occupation par la France de la rive gauche du Rhin.

Les diplomates chargés de représenter la France étaient au nombre de trois :




Antoine Bonnier
Ancien député de l'Assemblée législative et de la Convention, qui avait déjà participé aux négociations entre la France et l'Angleterre.
Jean Antoine Debry.
Claude Roberjot
Ancien prêtre, ministre plénipotentiaire à La Haye

L'Autriche rompt les négociations en avril 1799 mettant ainsi fin au congrès.


Pendant cette période, les armées de la République sont en guerre et les diplomates, profitant de leur immunité, espionnent les mouvement des troupes adverses. Cette activité étant découverte le 10 mars 1799, ils sont priés de regagner la France.

Le 28 avril ils sont sommés de quitter la ville sous 24 heures mais sans escorte militaire, celle-ci leur étant refusée ; ils quittent donc Ranstadt de nuit et sont attaqués peu après par des hussards autrichiens : Antoine Bonnier et Claude Roberjot sont assassinés, seul Jean Antoine Debry réussit à s'échapper.

Le gouvernement français est outré par ce double assassinat. Une fête funèbre, fixée au 20 prairial an 7 (8 juin 1799), est décrétée pour rendre un hommage national à ces deux martyrs de la République.

François de Neufchâteau, ministre de l'Intérieur, adresse une longue lettre enflammée aux administrations centrales et municipales les invitant à célébrer cette fête, '' ...dont l'objet est de nourrir et d'exalter dans l'âme des citoyens la haine de la tyrannie '', avec tout la pompe et la solennité nécessaires. Il invite les artistes à créer pour cette occasion.

L'Administration municipale du canton de Duclair rédige le programme de cette fête le 16 prairial :

- 150 hommes de la garde nationale portant un crêpe noir
- le drapeau décoré d'un crêpe noir
- les tambours revêtus de noir feront entendre un bruit lugubre
- le temple sera orné de signes de deuil
- à 10 h le rappel sera battu
- à 11 h les autorités constituées formeront un cortège qui partira de la salle des séances juqu'au temple par la voie la plus courte
- on chantera un hymne patriotique approprié à la cérémonie
- le président de l'Administration municipale du canton lira la lettre du Ministre de l'Intérieur et prononcera un discours dans lequel il invoquera la vengeance de tous les peuples contre l'Autriche
- on chantera un hymne élégique composé par le secrétaire de l'administration municipale
- une branche ensanglantée sera déposée sur l'autel de la patrie couvert d'étoffes noires pour l'occasion
- le cortège repartira ensuite dans le même ordre

Il est précisé qu'il n'y aura ni danses, ni banquet civique ni divertissement public et que les citoyens sont invités à porter des habits de deuil.

A l'occasion de cette célébration, Nicolas, Pierre Barette, ancien curé de Saint-Pierre-de-Varengeville, (un nom pourtant prédestiné pour un curé), secrétaire en chef de l'Administration municipale du canton de Duclair, n'écoutant que son zèle avait rédigé un ''himne élégique sur l'assassinat des députés français à Rastadt ou Comment goûter quelque repos'' intitulé Vengeance dont voici la teneur :

'' J'entends le cri de la douleur
répété par la Renommée
apprendre à l'Europe étonnée
un crime qui saisit d'horreur
l'ennemi cruel de la France
en foulant aux pieds tous les droits
égorge deux légats français
noir attentat qui crie vengeance (bis)

de la Paix objet de nos voeux
( les corps constitués montrent voyez l'olive ensanglantée ici une branche sanglante)
elle vous retrace l'idée
de l'attentat le plus affreux
victimes de la confiance
que leur donnait le droit des gens
périrent nos représentants
o crime affreux qui crie vengeance (bis)

la nuit dans ces tristes moments
couvrait de ses voiles funèbres
l'assassin ami des Ténèbres
qui porta des coups si sanglants
mais l'aurore dès sa naissance
de l'Autriche éclaira les traits
et manifesta ses forfaits
à l'univers qui crie vengeance (bis)

Bonnier Roberjot ne sont plus
mais il nous reste le courage
de venger un sanglant outrage
fait à nos droits trop méconnus
peuples joignez vous à la France
pour exterminer des tyrans
qui méprisant le droit des gens
ont provoqué votre vengeance (bis)


Ne doutons pas que ces paroles interprétées par Barette, qui était un solide gaillard, ont dû faire un tabac.
Jean-Pierre HERVIEUX.




SOURCES

ADSM L 3256