Par Laurent Quevilly

A Caudebec, peu avant la Révolution, se forma une loge maçonnique. Dans ses rangs : plusieurs religieux de Saint-Wandrille mais aussi de Jumièges.




Caudebec, Pugin et Gendall, 1821.


L'Union Cauchoise se constitua le 2 avril 1786 dans une ville de Caudebec où le protestantisme gagnait alors du terrain. Elle fut impulsée par la loge Raoul, de Pavilly, elle-même émanation de le Parfaite Union de Rouen.
Dotée d'un chapitre, l'Union Cauchoise comptait déjà huit ecclésiastiques parmi ses douze fondateurs. La tête de liste est
Dom René Guillaume Alexandre Coquil des Longchamps, moine de Saint-Wandrille. Né à Caen le 31 juillet 1752, il fut profès a Saint-Evroult le 2 août 1773. Religieux à Saint-Wandrille en 1778, il devient membre de la loge maçonnique l'Ardente Amitié de Rouen. Et le voilà qui crée la loge de Caudebec.
Bien que le Pape ait interdit l'adhésion à la franc-maçonnerie, nombre de religieux tant réguliers que séculiers adhèrent à ses vertus à leurs yeux philanthropiques. Particulièrement les Bénédictins, ces érudits rationnalistes portés vers le bien social...

Deux ans plus tard, en 1788, la loge de Caudebec atteignait 29 membres dont 14 prêtres, tant de Caudebec même que des abbayes de Jumièges et de Saint-Wandrille. Ils occupent les postes clefs : vénérable, adjoints au frère orateur et au frère secrétaire, maître des cérémonies, hospitalier, garde des sceaux, maître d'hôtel...

Peu avant la Révolution, la loge est tant sollicitée par les nécessiteux de l'hospice de Caudebec qu'elle renonce à soutenir le projet du Grand Orient qui est de construire quatre hôpitaux à Paris. A la Révolution, la loge tombe en sommeil le 12 octobre 1790. Résidant au Bec cette année-là, il Coquil des Longchamps déclare vouloir se retirer à Caen, sa ville natale. D'abord curé constitutionnel de Martragny (Calvados) ; mais avec les lois de 1793, « l'état ecclésiastique n'offrant plus aucune perspective rassurante », il entre dans le commerce, et se marie. Devenu par la suite officier de police judiciaire, commissaire du gouvernement près le tribunal correctionnel et directeur du jury d'accusation de l'arrondissement de Caen, il se montre « acharné républicain ». Il est encore à Caen en l'an VIII (Arch. Nat, F 7 7738). En 1817, il réorganise la loge de Caudebec, étant domicilié à Pont-l'Evèque.

En 1820, la direction des travaux passe entre les mains de Bazire, receveur de l'enregistrement, quatre religieux sont encore en activité. A Bazire succède en 1825 Julien Leleu, maire de Caudec. En 1832, la loge suspend définitivement ses travaux.
Lefèvre de La Corbinière, procureur au Châtelet, de Mangourit et enfin Fournier, officiers du G
.˙. O.˙. représentèrent l'At.˙. auprès du pouvoir central de la Maç.˙. française.

Quelques-uns des membres, nous avons retrouvé les FF.˙.  :

De La Brière

De Cussy

De Montigny
. Ce roux aux yeux bleus est né à Falaise le 12 avril 1744 et fut profès à Séez le 8 octobre 1761. A 46 ans, procureur et cellérier de l'abbaye de Jumièges, il prête serment et dessert la chapelle d'Heurteauville de 1790 à 1793. Un temps écarté, il reprend du service en 1802 et meurt à l'autel de la chapelle du Bout-du-Vent le 31 août 1811. Une mort à la Molière...

Desaulty
, moine de Jumièges, passe pour avoir fréquenté la loge.

Du Moustier de Montaigu



Dom Pierre Guillaume Bertheaux. — Professeur à Saint-Wandrille en 1790. Membre de la loge maçonnique l'Union Cauchoise de Caudebec (Inventaire Saint-Wandrille, 28 avril 1790. publié par dom Fernand Lohier dans Bull. Soc. Antiq. de Norm., 1933, pp. 157- 178). Curé constitutionnel, vivait en l'an IX à Ouilly-la Ribaude, aujourd'hui Ouilly-du-Houlley (Calvados), n'y exerçant aucune fonction. (Em. Sevestre, L'enquête gouvernementale et l'enquête ecclésiastique sur le clergé de Normandie et du Maine de l'an IX à l'an XIIL Paris, 1.91.3, p. 12). Etait en décembre 1804 professeur de mathématiques au collège secondaire de Lisieux (Dossier Lemoine, Arch. Nat)

Dom Mathurin François Brissier. — Né le 8 avril 1727 à Vitré. Membre de la loge maçonnique l'Union Cauchoise de Caudebec
(Inventaire Saint-Wandrille 1790). Mort à Rançon, le 6 Thermidor an V (Reg. Etat civil Rançon, aujourd'hui Saint-Wandrille-Rançon).

Dom Louis Marie Grognier de Sautills. — Né le 6 avril 1744 à Eu. Prêtre en septembre 1771.
(Arch. Seine-Maritime G 761, 765, 766), prieur titulaire de N. D. d'Auffay le 8 mars 1.7.66 (Arch. Seine-Maritime G 194). Sublime Prince Rose Croix de la loge maçonnique l'Union Cauchoise en 1790. Secrétaire de mairie à Saint-Wandrille en l'An II et en IV-V, instituteur et adjoint à Saint-Wandrille de l'An IV à l'An XI (Etat civil Saint-Wandrille). Desservant de Saint-Wandrille en l'an IX : pétition de sa commune (Em. SEVESTRE, op. cit. p. 327). Nommé curé de Louvetot  le 5 septembre 1802 ; démissionnaire, il est remplacé le 5 septembre 1807. (Archives Archevêché de Rouen).

Dom Louis François Joseph
Lestievetz. — Né 13 mai 1742 à Saint-Omer. Prêtre à Rouen en septembre 1771. (Arch. Seine-Maritime G 7.64, 765). Dépositaire à Saint-Wandrille en 1790. Sublime Prince Rose-Croix de la loge maçonnique l'Union Cauchoise de Caudebec (Invent. 1790). Curé constitutionnel de Bois-Himont.

Augustin Busquet de Caumont, nommé en 1813 maire de Norville. On lui prête alors des sympathies (ainsi qu'à son cousin Raoul Asselin de Crèvecœur, officier au régiment de cuirassiers d'Angoulême et à M. de Rosny) pour la loge de l'Union Cauchoise de Caudebec, seul cercle local, intellectuel et philanthropique...

Notons un ancien profès de Jumièges, maçon à Fécamp :

Dom Ignace François Broucqsault , né le 4 mai 1752 à Auchy-aux-Bois (Pas-de-Calais) ; profès à Jumièges le 25 novembre 1774. Religieux à Fécamp en 1780, il était membre de la loge maçonnique la Triple Unité siégeant au cœur même du couvent. Religieux à Ivry en 1790 il opte pour la vie privée le 22 avril. On le retrouve curé de Maffliers (Seine-et-Oise) le 1er mars 1816.

Dom Marc Decourdemanche, ancien procureur de Jumièges, tient le maillet de la loge bénédictine des Amis de la Vertu à Bernay.

En somme, l'Union Cauchoise de Caudebec, née en 1786 sous l'impulsion de religieux francs-maçons, illustre un élan philanthropique et rationaliste porté par des ecclésiastiques, avant de s'éteindre en 1832, marquant une page singulière de l'histoire maçonnique normande.




Laurent QUEVILLY.

SOURCES

Il existe un Extrait des travaux faits à l'installation de la [Loge] de l'Union Cauchoise à l'O. de Caudebec, constituée le quatrième jour du septième mois de l'an 5786 par la R. [Loge] de Raoul à l'O. de Pavilly

Un livre : Jean-Paul Lefebvre-Filleau Moines Francs-Maçons du Pays de Caux : Les Loges de la Triple Unité de Fécamp et l'Union Cauchoise de Caudebec-en-Caux.