Par Laurent Quevilly

Elue en 1788, la première assemblée municipale de Duclair plaida auprès des responsables départementaux pour la création d'une manufacture. On sent dans le mémoire qui fut alors rédigé l'influence du futur maire de la cité: David Caillouel. Un brillant avocat...

Mémoire que présentent les membres de la municipalité de Ducler à MM de l’assemblée du département de Rouen sur l’utilité, les moyens et les avantages d’établir quelque manufacture dans ce bourg.

Les généralités

« Les assemblées municipales doivent exercer une surveillance particulières sur tous les objets qui interresseont leur communauté, soit pour le commerce, soit pour l’agriculture, soit qu’elles proposent d’elles mêmes aux assemblées du département les bonifications qui leur paraîtront convenables, soir qu’étant consultées par le bureau intermédiaire, de son chef ou de la part de la commission intermidiaire provinciale elle ayent à répondre et à donner des éclaircissements sur ces matières » 
art 3 du 3e … de l’instruction.

Deux objets concourent à rendre un état florissant l’agriculture et les manufactures.

L’agriculture fait produire à la terre des denrées et des matières premières

Les manufactures mettent les unes en œuvre et leur donnent une plus grande valeur, les citoyens qui y sont employés consomment les autres, tout est par là en mouvement en vigueur dans un état.

Sans agriculture, c'est-à-dire sans production de matières premières, peu ou point de manufactures, et par conséquent point de commerce, parce que lorsqu’un  peuple est obligé d’acheter de l’étranger ses denrées et les matières premières, sa main-d’œuvre est a trop haut prix pour soutenir la concurrence.

D’un autre côté, sans manufactures, l’agriculture languit parce qu’ou il n’y a point de consommation, on n’a aucun motif de cultiver pour faire produire des denrées dont on ne peut se procurer la vente.

Il est donc constant que l’agriculture et les manufactures se prêtent un secours mutuel et qu’elles ne peuvent même exister l’une sans l’autre.

Ces deux branches de l’économie politique sont les seuls et vrais moyen de population et elles contribuent par conséquent plus que toutes autres à la force et à la gloire des empires.

Deux célèbres administrateurs en France les ont protégées successivement dans des temps différents, Sully et Colbert dont les noms nous rappellent les deux plus beaux règnes de notre monarchie.

Sully dans un temps où le royaume avait été désolé par des guerres malheureuses ne devit penser qu’à ranimer l’agriculture, il y donna tous ses soins.

Colbert, parvenu au ministère dans des temps plus heureux tourna ses vues du côté des manufactures et du commerce. On lui reproche d’avoir plus favorisé les manufactures de luxe que celles d’utilité première d’avoir trop négligé l’agriculture et même foulé le cultivateur pour donner tous les encouragements aux manufacturiers mais ce n’est pas ici le lieu de discuter de cette grande question.

Il nous suffit de dire que pour que l’agriculture soit vraiment florissante dans un empire, il lui faut des fabriques et du commerce, c’est une vérité aujourd’hui reconne dans toutes les parties de l’Europe.

Une autre vérité aussi incontestable c’est que plus les fabriques sont près des matières premières, moins il y aura de frais dans la fabrication et le manufacturier toutes choses égales pourra donner ses marchandises à un plrix plus modique et s’en assurer par là un plus grand débit.

Nous n’ignorons pas qu’il est des manufacturiers qui demandent le concours de plusieurs arts ne peuvent aisément s’établir que dans des villes où il y a une grande population mais il en est d’autres et en assez grand nombre ou peu d’instruments et d’ingrédients suffisent pour exerce un grand nombre de bras.

 La situation de Duclair

Trois choses sont à considérer dans l’établissement d’une manufacture. Une population surabondante dans le lieu où l’on se propose de l’établir

Un local propre (idoneus) et avantageux

Et des capitaux pour les avances indispensables dans ces sortes d’établissement.

Deux de ces objets se rencontrent à Ducler, le troisième seul y manque.

On y trouve une grande quantité de bras oisifs faute d’occupations.

Une position des plus avantageuses et des plus commodes.

Ducler est situé sur les bords de la Seine proche de l’embouchure de la rivière de l’Enne ou de Ste Austreberte.

Les prairies que cette petite rivière arrose dans son cours sont propres à une foule d’établissements.

On y trouve les découvhés les plus faciles et les transports les moins dispendieux par la navigation de la seine.

Le marché de ce bourg fournirait toutes les denrées de première nécessité à des prix plus modérés qu’on ne les trouverait dans une grande ville.

Les capitaux seuls et l’industrie qui ne peut rien faire sans avancer manquent dans ce pays.

La municipalité ne croit pas devoir déterminer en ce moment quelles espèces de manufactures ou pourait établir à Ducler. Si Mrs de l’assemblée du département prenaient, comme tout porte à le croire, cet objet en condisération, ils enverraient des commissaires sur les lieux et après l’inspection du local et les conférences qu’ils auraient avec les membres de la municipalité, ils seront dans le cas de fixer ensuite le genre de fabrique qui conviendrait le mieux à ce canton si favorisé de la nature.

Quant à l’emplacement, un des propriétaires de Ducler qui possède une prairie de quatre à cinq acres arrosée par la petite rivière d’enne prendraiet des arrangements avec les actionnaires et s’interesserait dans l’entreprise.

Il pourrait se trouver aux environs quelques personnes qui, par esprit de patriotisme, prendraient quelques intérets.

Quelques uns des Mrs soit de l’assemblée du département, soit de l’assemblée provinciale, après avoir reconnu les avantages et les facilités sans nombre de la situation pourraient encore verser quelques capitaux dans cet établissement.

Ils pouraient d’ailleurs disposer d’une petite partie des fonds que sa majesté a accordés pour l’encouragement des manufactures.

Enfin la municipalité est persuadée que lorsqu’on se sera occupé de cet objet, lorsqu’on aura reconnu les avantages qui en peuvent résulter pour le canton en particulier, et pour la privonce en général, l’assemblée provinciale emploira tous les moyens qui seront en son pouvoir pour le faire réussir.

Telles sont les vues dont la municipalité de Ducler a cru devoir faire part à Mrs du département, conformément aux insturctions qui lui ont été adressées, art. 3 du 3e… Elle se fera toujours un devoir de concourir de tout son pouvoir aux vues bienfaisantes du gouvernement et de l’assemblée provinciale.

 Signé des élus de Ducler, Neufville, Mettais, Caillouel, Gricourt, Grandchamp, Saulnier, Corvée, Geudry, etc.

Aujourd'hui, une rue porte le nom de Caillouel à Duclair. C'est là qu'était sa propriété.

Source

Document conservé aux archives départementales sous la cote C2213 et numérisés par Jean-Yves et Josiane Marchand.


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