Dossier : Laurent Quevilly-Mainberte

Voici une enquête datée de 1452 et 1453 sur le passage et le port de Jumièges par les commissaires de l'échiquier. On y voit apparaître foule de personnages et d'événements et de coutumes de l'époque.

Voici tout d'abord sa version en français moderne suivi de sa forme originale.
Cette enquête a fait l'objet d'une étude de Jean-Pierre Derouard. On peut la consulter dans Les Gémétiques, bulletin de l'Association des Baronnies de Jumièges et Duclair, n° 4, pp. 61-68



Information recueillie au port de Jumièges, le dimanche 10 décembre 1452, et les jours suivants, par nous, Pierre Daron, lieutenant général de noble homme, monsieur Guillaume Cousinot, chevalier, seigneur de Montreuil-sur-le-Bois, conseiller du roi notre sire et son bailli de Rouen, et Guillaume Gombaut, vicomte dudit Rouen, commissaires en cette affaire, mandatés par les seigneurs de l’Échiquier, sur le contenu des lettres de ces derniers, remises aux religieux, abbé et couvent de Jumièges. Ces lettres mentionnent certains droits que les fermiers de la vicomté de l’eau de Rouen tentaient de percevoir au port desdits religieux, ce dont ces derniers se plaignaient, conformément au mandat des seigneurs de l’Échiquier, dont voici la teneur :

Les gens tenant l’Échiquier de Normandie à Rouen, au terme de la Saint-Michel, l’an 1452, au bailli et vicomte de Rouen ou à leurs lieutenants, salut.

Les religieux, abbé et couvent de Saint-Pierre de Jumièges, nous ont exposé, en se plaignant, que, par droit de fondation ou d’agrandissement de leur église, qui est une fondation et un don royal, ils possèdent le port de Jumièges, avec les droits, travers et redevances qui s’y rattachent. Ils en ont toujours été, ainsi que leurs prédécesseurs, en bonne possession, depuis un temps si ancien qu’il n’existe aucun souvenir du contraire. Ils affirment également devoir maintenir un bac pour traverser ledit port. Ils déclarent disposer d’une voie et d’un chemin menant au port, large de 24 pieds et long de 790 perches, nommé la Nouvelle Quievoye (Quiesnaye). Les droits de ce port, de son travers et de ses appartenances, leur rapportaient autrefois 200 ou 2400 livres tournois par an.

Bien que lesdits religieux aient joui et possédé ce port et ses revenus, comme mentionné, en présence et avec la connaissance du vicomte et des autres officiers du roi, notre seigneur, ainsi que des fermiers de la vicomté de Rouen, sans que ceux-ci ou quiconque leur ait causé trouble ou empêchement, ni perçu ou appliqué de droits au nom du roi ou autrement, récemment, depuis un mois ou six semaines, un nommé Miquelot Dubusc, se disant fermier de la vicomté de l’eau de Rouen, sous prétexte qu’à proximité du port de Jumièges, en un lieu appelé Le Kai-le-Roi, situé hors des fiefs desdits religieux, on percevait autrefois quelques deniers sur ceux qui chargeaient pour remonter ou descendre la rivière – et non pour le travers de l’eau –, droits ne dépassant jamais quatre à six livres tournois, a voulu et veut encore, et s’est efforcé et s’efforce de faire payer certains deniers aux personnes traversant ledit bac, contre droit et raison, bien que celles-ci aient déjà payé auxdits religieux tous les droits et redevances habituellement acquittés en ce lieu.

À cause de cette nouveauté et de cette entreprise déraisonnable de ce Dubusc, les gens du pays et d’ailleurs, qui ont besoin ou sont habitués à traverser par ce bac, refusent désormais de s’y rendre, ce qui a presque entièrement annihilé les revenus du port. Les religieux demandent qu’un remède de justice leur soit accordé.

Pour ces raisons, considérant ces faits, nous vous ordonnons et chargeons, par les présentes, de convoquer l’avocat et le procureur du roi, notre seigneur, au bailliage de Rouen, de vous informer et d’enquêter soigneusement sur les points mentionnés ci-dessus, ainsi que sur les droits que le roi, notre seigneur, et lesdits religieux peuvent avoir en cette affaire, comme il était d’usage par le passé, et sur toutes les circonstances pertinentes. Vous devrez accorder auxdits religieux une décision conforme à ce que vous jugerez juste et raisonnable, sur la base de cette enquête ou autrement. En cas de litige ou d’opposition, après avoir entendu les parties, vous administrerez une justice rapide et équitable. Nous vous donnons pouvoir et commission pour ce faire. Nous ordonnons en outre à tous ceux concernés d’obéir à vos instructions dans cette affaire. Donné à Rouen, l’an et à l’Échiquier mentionnés ci-dessus. Signé : Par les gens de l’Échiquier. Daniel. Présents et convoqués à cet effet : sieur Laurens Guedon, avocat, et maître Michiel Boute, procureur du roi, notre seigneur, au bailliage de Rouen.

Dans le cadre de cette enquête, les personnes dont les noms et dépositions suivent ont été interrogées :

Simon Tournache, de la paroisse de Hauville, homme n’étant pas vassal desdits religieux, âgé d’environ 77 ans, marchand de bois fréquentant ledit port, interrogé sur le contenu du mandat, déclare et témoigne que, de tout temps, il a vu et constaté que, au port de Jumièges, de part et d’autre de l’eau, lesdits religieux ont le droit et l’habitude d’utiliser un bateau, appelé bac, destiné à transporter personnes, chevaux, charrettes, chariots, denrées et marchandises, moyennant certains droits pour le passage, à savoir : un denier par personne, deux deniers tournois par cheval, et lorsqu’une personne est à cheval, le cheval couvre le paiement pour la personne. Il n’a pas connaissance ni n’a jamais entendu parler d’autres droits, redevances ou revenus que les religieux percevraient pour ce bac ou ce travers. Il ajoute que, pour ce droit de passage ou de travers, il a toujours vu et constaté que lesdits religieux étaient et sont en bonne possession. Concernant l’entretien du chemin de la Nouvelle Quievoye, il déclare n’avoir pas connaissance de réparations effectuées de son temps et ne sait pas précisément à qui incombe cette responsabilité, sinon qu’il lui semble que, si des réparations sont nécessaires, le fermier desdits religieux devrait s’en charger, ou les religieux eux-mêmes s’ils n’ont pas de fermier. Il ajoute qu’il n’a pas souvenir que lesdits religieux aient géré directement ce travers, qui a toujours été affermé pour trois ans, parfois pour 30 livres, parfois pour 40, parfois pour 60, comme c’est encore le cas actuellement, chaque année comprenant la coutume des denrées et marchandises vendues dans la ville et la paroisse de Jumièges par les vassaux desdits religieux résidant dans cette paroisse.

Interrogé sur le port, le travers ou les droits que le roi, notre seigneur, ou ses officiers perçoivent au port de Jumièges et au lieu nommé Le Kai-le-Roi, il déclare avoir connaissance qu’en un certain endroit, dans la paroisse du Landin, sur la rivière de Seine, face au port de Jumièges, il existe un lieu appelé Le Kai-le-Roi, qui s’étend d’un côté à la Nouvelle Quievoye, de l’autre à la rivière de Seine, et en aval de ladite rivière. À ce Kai, il a vu et constaté que les bateaux et navires chargés de bois, arrêtés pour forfaiture, sont placés et gardés. Ceux qui résident dans certaines maisons à cet endroit sont tenus de les surveiller pendant un certain temps, une nuit et un jour selon lui, à leurs risques et périls, en raison des héritages qu’ils possèdent, et ces forfaitures sont ensuite conduites à Vatteville, en raison de la forêt de Brotonne.

Interrogé si, à ce titre, le roi perçoit d’autres droits que la forfaiture, ou si d’autres bateaux chargés de bois ou d’autres denrées, ou qui chargeraient à ce Kai, doivent payer un droit au roi, notre seigneur, il déclare n’en rien savoir et n’avoir jamais vu ni entendu parler de subsides, redevances ou droits perçus à cet endroit, ni d’aucun officier, fermier ou autre personne agissant pour le roi, sauf pour ce qui concerne les forfaitures mentionnées, sinon que, depuis les guerres anglaises, il a parfois vu, mais pas toujours, un nommé Lepoulailler, de Quillebeuf, au port, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre de l’eau, collectant l’imposition ou le domaine forain, il ne sait lequel, sur les denrées et marchandises exportées hors du royaume. Il ajoute, interrogé à ce sujet, qu’il n’a jamais vu ni constaté que des navires ou des personnes, montant ou descendant la rivière ou la traversant, aient été contraints de charger, décharger ou accoster au Kai-le-Roi ; au contraire, chacun a toujours eu la liberté de s’arrêter où bon lui semblait.

Monsieur Guillaume du Quesnay, chevalier, résidant dans la paroisse du Boucachart, âgé d’environ 66 ans… Interrogé s’il pense que le roi a un droit sur ce passage, en raison de sa vicomté de l’eau de Rouen, du Kai-le-Roi ou autrement, il déclare qu’il ne le pense pas, et que, si un tel droit existait, les vicomtes, officiers ou fermiers du roi l’auraient perçu et exercé par le passé.

Dom Guillaume Deschiens, prieur du Boucachart, âgé d’environ 50 ans, déclare qu’il est natif de Blinquetuit, sur la rivière près du port de Jumièges… qu’en sa jeunesse, il a entendu dire que les Morans, de Blinquetuit, avaient un droit sur ledit Kai-le-Roi, mais il ne sait par quel moyen ; il a aussi entendu que Thomas Poingnant revendique ce droit en raison de l’acquisition de l’héritage desdits Morans.

Robin Giueffroy, résidant à la Haye-de-Routot, âgé d’environ 62 ans, ouvrier de futs à carde et laboureur, non vassal desdits religieux, déclare et témoigne qu’il fréquente le port de Jumièges depuis plus de 50 ans, car son père et lui étaient sergents dans la forêt de Brotonne. Interrogé sur le droit que le roi, notre seigneur, a et perçoit sur le lieu nommé Le Kai-le-Roi, il déclare connaître ce lieu, situé près et adjacent au port desdits religieux, et que le roi y a un droit selon lequel certaines personnes, en raison de leurs héritages sur ledit Kai-le-Roi et des franchises qu’ils possèdent dans la forêt de Brotonne, sont tenues, lorsque les sergents de ladite forêt leur amènent des personnes prises pour vagabondage ou autres méfaits, ou des navires forfaitaires ou transportant du bois illégal, de les garder un jour et une nuit. Si, dans ce délai, ils ne sont pas libérés, elles doivent les conduire à Vatteville, au marché. Il ajoute, interrogé à ce sujet, que ledit Kai-le-Roi, tel qu’il s’étend, se trouve sur les fiefs et le territoire du roi, dans la paroisse du Landin, vicomté de Pontaudemer, et non sur les fiefs desdits religieux.

Jehan Deshaies, de la paroisse de Bouquetot, âgé de 60 ans ou plus… déclare qu’il ignore quels droits le roi, notre seigneur, ou ses officiers perçoivent sur ledit Kai-le-Roi. Bien qu’il ait vendu à plusieurs reprises de grandes quantités de blé à divers marchands, à La Bouille et ailleurs, sur la rivière de Seine, il n’a jamais eu connaissance qu’un droit ou une coutume ait été payé.

Colin Cavelier, résidant actuellement à Saint-George de Bauquierville, non vassal desdits religieux, âgé d’environ 60 ans, témoigne que, de son temps, il s’est occupé du commerce de bétail, porcs, bœufs et chevaux, à la foire ; depuis 40 ans, il a l’habitude de traverser et retraverser ledit port avec ses denrées et marchandises, payant le passage au fermier du port, pour les religieux, qui en ont toujours joui paisiblement. Il n’a jamais vu d’empêchement causé par les officiers du roi, qui en avaient ou pouvaient en avoir connaissance, si bien que nul ne pouvait prétendre ignorer cela, que ce soit à Rouen, à Caen ou ailleurs.

Jehan Hulot, de Sainte-Marguerite-sur-Duclair, non vassal, âgé d’environ 46 ans, déclare qu’il est marchand et s’en est occupé depuis 30 ans ; lui et son père ont fait traverser et retraverser leurs bétails, denrées et marchandises audit lieu de Jumièges. Ces bétails venaient du pays d’outre-l’eau. Pour les faire traverser vers Rouen, ils payaient le passage au fermier desdits religieux. Il ajoute que, pour les denrées et marchandises qu’il a fait traverser par le bac desdits religieux, qu’elles viennent de Dieppe, du pays de Caux ou d’outre-l’eau vers le pays de Caux, jamais rien ne lui a été demandé, ni n’a entendu parler d’un quelconque prélèvement.

Guillaume Deshaies, de la paroisse de Routot, homme non vassal… âgé d’environ 80 ans, déclare qu’il est marchand de filasse… Il ajoute qu’il n’a jamais entendu dire que le roi, notre seigneur, ou ses officiers demandaient des droits, travers ou redevances au lieu du Kai-le-Roi ou ailleurs audit port. Il a bien entendu dire et vu parfois que certaines personnes, se disant fermiers de l’imposition foraine, depuis les guerres, demandaient cette imposition sur les marchandises exportées hors du royaume. Il a également vu que, si des navires étaient arrêtés près dudit port pour ne pas avoir été dûment acquittés dans la vicomté de l’eau, ils étaient retenus et placés sous la garde d’un nommé Jehan du Port, puis ramenés à Rouen.

Jehan Benart, marchand de fourches, pelles et travaux de tour, âgé d’environ 75 ans, résidant à la Haye de Routot, témoigne qu’il fréquente le port de Jumièges depuis plus de 50 ans… Il déclare avoir entendu parler d’un nommé Massieu Guillebert, qu’il a connu, mais que celui-ci n’avait aucune charge de perception de droits ou de passage audit port, de part et d’autre de l’eau, sinon qu’il était percepteur de la paroisse du Landin.

Goret Heudier, de la paroisse de Saint-Michel de la Haye, âgé d’environ 60 ans ; Guillaume de la Haye, de la même paroisse, âgé de 60 ans ; Thomas Gouye, de la paroisse du Rougemonstier, âgé de 50 ans ; Jehan Delamare, de la même paroisse, âgé d’environ 60 ans ; tous non vassaux desdits religieux. Ceux du Rougemonstier sont boulangers, les autres se sont parfois occupés de commerce de bétail et de poisson (foire). Ils déclarent unanimement que, lorsqu’ils vendent leurs marchandises au marché desdits religieux ou sur leur terre, ils paient un denier de coutume et deux deniers pour le passage d’un homme et d’un cheval. Mais s’ils ne vendent rien sur le territoire des religieux, ils ne paient que le passage. Ils ajoutent, interrogés à ce sujet, que depuis la guerre et la révolte de Dieppe contre l’obéissance anglaise, certains percevaient l’imposition foraine, comme on disait (car ils ne les ont jamais vus ni connus), sur les denrées exportées hors de l’obéissance.

Jehan Gasselin, résidant à Jumièges, vassal desdits religieux, âgé d’environ 60 ans, déclare avoir autrefois servi comme clerc à l’abbaye de Jumièges… Il ajoute avoir entendu dire que, lorsque des navires sont poursuivis pour forfaiture, que ce soit pour du bois non marqué ou mal acquis trouvé sur la rivière de Seine, ils sont conduits au lieu nommé Le Kai-le-Roi pour y être gardés, comme en prison, jour et nuit, comme mentionné précédemment. Il déclare également se souvenir que, il y a environ dix ans, un fermier de la vicomté de l’eau, dont il ignore le nom, est venu au port et a causé des troubles à certains marchands et marchandises venant, disait-on, de Bretagne et traversant ledit port, en leur demandant une imposition foraine, mais il ignore comment l’affaire s’est conclue. Il ajoute… que, depuis environ un mois, il a vu, au port de Jumièges, au lieu dit Le Kai-le-Roi, à deux reprises lors de ses déplacements à Routot, un homme qu’on disait être Miquelot, fermier de la vicomté de l’eau de Rouen, accompagné d’un sergent ; une fois, il y vit deux sergents. Il a vu et constaté que l’un d’eux ou une autre personne en leur compagnie tenait une boîte et un écusson à fleur de lys. Il ne les a pas vus forcer quiconque à payer, mais a entendu dire qu’ils ont fait payer deux deniers à une femme pour des chevaux. Il lui semble, et il croit, que cette entreprise est une nouveauté indue.

Raoul de Conyhoult l’aîné, âgé de 65 ans, qui s’est parfois occupé de navigation en mer et sur la rivière de Seine ; Jehan de Conihoult, âgé d’environ 50 ans ; Guillaume Rouxel, âgé d’environ 45 ans, tous de la paroisse de Jumièges ; Perrenot Tuevaque, laboureur, âgé d’environ 60 ans, de la paroisse du Mesnil de Jumièges, tous vassaux desdits religieux, témoignent… qu’ils ont entendu dire que, depuis une quinzaine de jours, un homme de Rouen demande un certain droit sur les denrées et marchandises passant par ledit port, ce qui leur semble une nouveauté. Ils ajoutent que, si ce droit était perçu, le port perdrait rapidement toute valeur, car les marchands iraient traverser ailleurs. Ils savent déjà que plusieurs sont allés à Caudebec, notamment un chariot chargé de vins venant d’Orléans pour aller à Dieppe. Ces vins étaient passés par le port à l’aller, mais, ayant été contraints de payer, ils sont repartis par Caudebec. De même pour plusieurs pêcheurs et autres. Le fermier s’en plaignait et menaçait d’abandonner la ferme si aucune mesure n’était prise. Ils estiment que c’est un scandale et une nouveauté.

Du lundi 11 décembre 1452.

Jehan Yvelin, de la paroisse de Hauville, résidant à l’hôtellerie desdits religieux et leur fermier audit lieu, âgé d’environ 66 ans… au sujet du Kai-le-Roi, déclare avoir toujours entendu dire et considéré que certains vassaux résidant audit lieu, en raison de leur héritage sur ledit Kai et des franchises qu’ils possèdent dans la forêt de Brotonne, sont tenus de garder les navires, bois ou autres choses confisqués… et, s’ils ne sont pas libérés dans la nuit et le jour, ils doivent, à leurs frais et risques, les conduire ou faire conduire jusqu’à Vatteville, devant le château du lieu. Cela est encore consigné par écrit dans le registre de Vatteville, du temps du comte de Meulan. Il a parfois vu venir au port des fermiers ou commissaires de l’imposition ou du domaine forain, notamment lors du passage de porcs et de bétail ; ces fermiers ou commissaires demandaient ladite imposition ou domaine forain sur les bétails et marchandises exportés hors du royaume ou de l’obéissance ; mais il n’a jamais vu ni entendu parler d’autres droits, travers ou redevances perçus pour le roi.

Rogier le Mercier, résidant au port de Jumièges, âgé de 56 ans ou environ, déclare avoir entendu dire qu’on peut poursuivre et arrêter les navires passant par la rivière pour les impositions foraines, tant par les fermiers de Caudebec que de Rouen, mais il n’a jamais vu rien percevoir ni qu’il y ait eu de boîte ou d’enseigne, jusqu’à récemment, lorsque Miquelot Dubusc a demandé certains droits en ce port. À cause de cela, les marchands, qui avaient l’habitude de passer par là, ont pris le chemin de Caudebec et d’ailleurs ; si ce droit était maintenu, le port deviendrait sans valeur. Il considère cela comme une nouveauté indue, selon lui.

Jehan Gueroult, âgé de 50 ans, tuilier ; Guillaume Vauquelin, âgé de 60 ans, marinier ; Guillaume de Breaulté, âgé de 60 ans, tuilier et laboureur ; Robin le Zemble, âgé de 60 ans, laboureur ; Colin Delamare, tuilier, âgé de 45 ans ; Raoul le Danp, âgé de 45 ans, tuilier ; Perrenot Regnault, également tuilier, âgé de 45 ans ; tous de la paroisse du Landin, non vassaux desdits religieux, sauf ledit Regnault, qui est leur vassal pour quatre ou cinq acres de terre… déclarent connaître le travers et le passage dudit port, qui appartiennent auxdits religieux et sont gérés par leurs fermiers, avec la coutume des denrées et marchandises vendues dans la ville et la paroisse. Ces droits sont généralement affermés pour trois ans ; ils les ont vus valoir, en temps de paix, jusqu’à 800 ou 200 livres tournois. Actuellement, ils ne sont affermés que pour 65 livres tournois par an.

Colin Delamare ajoute qu’il a entendu un nommé Guieffin de Moriau, encore en vie, dire que ses prédécesseurs étaient vassaux des maisons situées sur le Kai-le-Roi, et qu’en raison de la garde des forfaitures, ils avaient des franchises dans la forêt ; ils recevaient également deux deniers de heurtage lorsqu’un bateau accostait pour charger. Cependant, ni Delamare ni les autres mentionnés n’ont jamais vu cela payé.

Guillaume Vauquelin déclare avoir entendu, il y a 15 ou 16 ans, un nommé Massiot Guillebert dire qu’il y a longtemps, il avait pris à ferme un droit sur les navires chargeant des grains audit lieu ; mais ce Massiot disait qu’il n’en avait jamais rien tiré et que cela lui avait coûté quatre ou six francs ; il tenait cette ferme de la vicomté de l’eau. Présent à cet examen, Colin de Ronnes, sergent de Saint-Goire, qui avait convoqué les personnes mentionnées audit lieu du Landin, rapporte et témoigne que, ce matin, alors qu’il était sur place pour rassembler ces personnes, il a parlé à la veuve dudit feu Guillebert, une femme âgée mais encore lucide. Il lui a demandé quelles fermes ou droits son défunt mari avait tenus au port de Jumièges ou au Kai-le-Roi par le passé. Elle a répondu se souvenir qu’une fois, son mari avait une ferme du roi, sans savoir précisément s’il s’agissait de la vicomté de l’eau de Rouen ou autre, mais elle savait qu’il n’en avait rien tiré et avait dû la payer.

Interrogés sur ce qu’ils pensent de la ferme que Massiot Guillebert avait autrefois prise, à savoir si le droit qu’il demandait était dû ou non, et sur quoi il portait, les plus anciens d’entre eux déclarent qu’il voulait le percevoir sur les grains, mais ils ignorent combien, et les autres n’en savent rien, sinon qu’ils ont connu Guillebert comme un homme actif, qui se mêlait de nombreuses affaires et trouvait de nouvelles manières de tirer profit, fréquentant volontiers les tavernes et les compagnies. Ils croient donc plutôt que cette initiative était une nouveauté de sa part, sans fondement légal ni habituel.

Jehan le Valois, laboureur, âgé de 90 ans ; Valentin Duquesne, charpentier de bateaux, âgé de 70 ans ; Guillebert le Rouge, âgé de 72 ans, charpentier de maisons ; Guillaume Costart, laboureur, âgé de 60 ans ; Raoul le Maçon, maçon, âgé de 70 ans ; Robin Delamare, laboureur, âgé de 60 ans ; Perrin des Rues, marchand de bois, âgé de 52 ans ; Robin Marescot, charpentier de bateaux, âgé de 45 ans, tous de la paroisse de Jumièges, vassaux desdits religieux… déclarent qu’un nommé Morant a autrefois tenté de soutenir qu’il avait droit à deux deniers sur les navires chargeant du bois près du Kai-le-Roi. Pour ces deux deniers, il avait fait saisir un bateau appartenant audit Desrues, chargé de bois, mais il l’a ensuite libéré, et on n’en a plus entendu parler. Interrogés sur la ferme que tenait Massiot Guillebert et sur les deux deniers de heurtage demandés par les Morans, ils déclarent que, quoi que Guillebert ait fait, lui qui était homme à prendre des initiatives audacieuses, ou ce que les Morans ont pu demander, ils n’ont jamais vu ni entendu qu’un tel droit ait été perçu ou payé. Si ces droits étaient effectivement levés, cela retarderait et gênerait les marchands, marchandises et bétails venant au port pour le passage. Déjà, le port est fort scandalisé, et plusieurs chariots et marchandises ont cessé de s’y rendre, ce qui, selon eux, pourrait causer au fermier du passage un préjudice de 10 livres tournois, compte tenu de la saison de la foire, et, par conséquent, réduire les revenus desdits religieux et de tous les résidents de leur terre. À terme, le port risque de perdre toute valeur, et ils ne trouveraient plus personne pour l’exploiter.

Du mercredi 28 mars 1452, devant ledit lieutenant.

Robin Groimel, résidant à Rouen, du métier de taillanderie et de commerce de vins… témoigne qu’il est natif de Touberville, et qu’il y a environ 30 ans, il a quitté son lieu de naissance pour s’installer à Rouen. Il y a environ 20 ans, il s’est marié et a épousé la fille d’un nommé Massiot Guillebert, décédé il y a six ans environ. Il y a 36 ans environ, ledit Massiot était fermier branchier sous les fermiers de la vicomté de l’eau de Rouen, pour la branche du port de Jumièges. Lui, qui témoigne, et ledit Massiot étaient associés dans certaines marchandises, notamment des vins de Cognihoult, qu’ils envoyaient parfois par mer en Flandres, en Angleterre et ailleurs. Par ce biais, il a eu une certaine connaissance de cette perception de droits. Selon lui et d’après ce qu’il en sait, toutes les marchandises devant acquitter un droit dans la vicomté de l’eau, et qui étaient chargées entre le port de Moulineaux et celui de Jumièges en descendant la rivière, des deux côtés, sauf sur la terre de Jumièges, payaient un droit audit Massiot. Les denrées et marchandises remontant la rivière ne payaient rien audit Massiot, car le droit était acquitté à la vicomté, à Rouen. Concernant le port de Jumièges, il se souvient que les vins, denrées et marchandises accostant du côté de Hardeauville, pour charger sur des navires de mer et descendre la rivière, payaient ces droits audit Massiot. Il en aurait été de même de l’autre côté pour les denrées et marchandises accostant au port, d’un côté ou de l’autre, pour traverser la rivière ; cependant, il n’a connaissance que d’un paiement pour le fret et le passage uniquement. Interrogé sur la valeur et le revenu de ce droit à l’époque, et combien de temps Massiot l’a tenu, il déclare que Massiot a tenu ce droit plusieurs années, sans pouvoir préciser combien. Il n’est pas sûr du montant exact, mais il l’a parfois tenu pour 9 livres tournois. Il a vu une fois une quittance indiquant que Massiot avait payé 60 sous tournois pour un terme de cette ferme, sans savoir si c’était pour un quart ou un demi-an. Interrogé si Massiot était alors fermier du passage du port pour lesdits religieux, comme il l’était pour la branche de la vicomté, il répond que oui, et que c’est ce qui le poussait à prendre cette branche. Il ajoute se souvenir que lesdits religieux ont poursuivi Massiot devant la vicomté de l’eau de Rouen, probablement parce qu’il avait perçu un droit sur les vassaux de leur seigneurie, pour des denrées ou marchandises produites localement. Massiot a été condamné et a dû faire amende, comme il l’a lui-même entendu de sa bouche. Il ajoute, interrogé à ce sujet, qu’il y a 18 ou 20 ans que Massiot n’était plus fermier branchier de ce droit.

Témoins réentendus, interrogés et examinés à Rouen, le mardi 27 mars 1452 avant Pâques, et les jours suivants, par nous, Pierre Daron, lieutenant général de noble homme, monsieur Guillaume Cousinot, chevalier, seigneur de Monstreul-sur-le-Bois, conseiller du roi, notre seigneur, et son bailli de Rouen ; en présence de Guillaume Duval, tabellion audit Rouen, sur le fait qu’ils avaient été précédemment interrogés par Guillaume Coudren, lieutenant du vicomte de l’eau de Rouen, concernant la perception des droits de ladite vicomté au port de Jumièges.

Estienne Cauchevaque, résidant à Moulineaux, âgé d’environ 70 ans, déclare et témoigne, interrogé à ce sujet, qu’il se souvient bien que, l’an dernier, il a été convoqué par un petit sergent de la vicomté, nommé Robinet, pour comparaître devant Guillaume Coudren, lieutenant du vicomte de l’eau, afin de dire et témoigner la vérité sur ce qu’on lui demandait, à savoir s’il avait jamais vu payer un droit ou un travers, par le passé, aux ports de Moulineaux et de Jumièges, pour le roi, notre seigneur, dans le cadre de la vicomté de l’eau. Selon lui, il a alors déclaré, et le redit maintenant, que, de tout le temps dont il peut se souvenir, il a vu et constaté que, sous le château de Moulineaux, à l’endroit de la maison et de l’héritage où il réside, commençait une chaussée qui traversait les prés jusqu’à la Seine, et qui existe encore. Par cette chaussée, tous les marchands, marchandises, chariots, charrettes et voitures allaient jusqu’au bord de la rivière de Seine, où ils chargeaient sur des bateaux et traversaient la rivière pour décharger de l’autre côté, vers Sahurs ; de là, ils partaient par la forêt de Rommare, où bon leur semblait. Il ajoute, interrogé à ce sujet, qu’il a vu les fermiers de la vicomté de l’eau de Rouen ou leurs commis percevoir le droit ou ledit travers, tant pour les vins que pour d’autres denrées et marchandises, comme on le ferait dans la vicomté de l’eau de Rouen. On y percevait, pour une queue de vin, 17 deniers ; il a parfois vu ces fermiers ou collecteurs menacer les passants traversant ledit port de crier Haro sur eux et de les obliger à se rendre à Rouen s’ils ne payaient pas leurs travers. Interrogé sur les personnes qu’il a vues comme fermiers ou collecteurs audit port ou travers de Moulineaux, il déclare se souvenir d’un surnommé Moreau, qui y fut longtemps, et n’a pas mémoire d’en avoir vu d’autres, du temps où chariots, charrettes et chevaux y passaient. Après le décès de ce Moreau, la chose a commencé à décliner. Il ajoute qu’il y a environ 40 ans que ledit Moreau est mort. Interrogé si ce Moreau était serviteur, collecteur ou fermier, et quelle était la valeur de ce revenu, il déclare qu’il lui semble qu’il le tenait à ferme des fermiers de la vicomté ; mais il ne peut témoigner de la valeur ou du montant exact. Depuis ce temps, la chose a été affermée, et l’est encore, pour environ 40 sous tournois par an, ou moins. Il n’y a plus, dans cette ferme, que trois vergées de pré, appelées la Mare-le-Roi, et on n’y passe plus.

Interrogé sur le droit du port et travers de Jumièges, il déclare et témoigne que, dans sa jeunesse, il allait parfois aider à la voiture avec son père, voiturier par terre, qui conduisait généralement un chariot au service des marchands. Ainsi, ils passaient et repassaient par ledit port de Jumièges. D’après ses souvenirs, un homme menait et conduisait les bateaux et flottes dudit port d’un côté à l’autre de la rivière. De l’autre côté, vers Hardeauville, il y avait un endroit appelé le Kai-le-Roi, où cet homme, qui conduisait les bateaux et flottes, aimait charger et décharger, car ce Kai-le-Roi est en pierre et plus facile à monter et descendre que celui des moines de Jumièges, un peu plus en aval. Interrogé sur l’identité de celui qui menait les flottes et bateaux dudit port, et à qui on payait le droit du travers, il déclare n’avoir mémoire que d’un seul, celui qui conduisait ces flottes et bateaux, appelé le fermier ou l’acquéreur. Parfois, les marchands se demandaient entre eux : « Avez-vous payé au fermier ou au passeur ? » Et lorsqu’on répondait oui, ils disaient : « Allons-y hardiment. » Interrogé à qui appartenait ce fermier et de quelle autorité il agissait, et à qui étaient les flottes et bateaux faisant le passage, il déclare avoir toujours cru, et croit encore, que le passage et le passeur appartenaient au roi, de même que les flottes et bateaux, car, de l’autre côté, ils montaient et descendaient sur le Kai-le-Roi, comme dit. Il n’a pas d’autre connaissance des droits et de l’autorité desdits religieux audit port. Interrogé sur l’endroit où résidait ce fermier ou passeur, et s’il a vu au Kai-le-Roi une boîte ou une enseigne à fleurs de lys ou autre, comme il est d’usage pour les travers et droits royaux, il déclare que le passeur résidait du côté de Jumièges ; il n’a jamais vu au Kai-le-Roi ni alentour de signe, de boîte ou autre chose. Depuis l’arrivée des Anglais, il n’est plus retourné au port de Jumièges, et il n’en sait pas plus.

Du mercredi suivant, 27 mars de la même année.

Philippot de la Rue, dit Moreau, résidant à Sahurs, âgé d’environ 80 ans, jure, etc., déclare et témoigne que, depuis environ six mois, il a été convoqué par Robinet le Barrier, sergent de la vicomté de l’eau, pour comparaître devant Guillaume Couldren, lieutenant du vicomte dudit lieu, afin de témoigner sur le paiement du droit du travers du port de Jumièges. Il ne lui semble pas, sous réserve, qu’il ait tout dit conformément à ce qu’il a entendu lire dans sa déposition écrite à l’époque, notamment en ce qui concerne l’impression qu’il aurait vu payer un droit audit port de Jumièges depuis la réduction du pays de Caux. Car, depuis cette réduction, il n’a ni fréquenté ni visité ledit port. Pour le reste, il déclare et témoigne de nouveau, après y avoir bien réfléchi, comme il dit, qu’il y a 50 ans, avant la réduction du pays de Caux, il a vu, à plusieurs reprises, des gens à pied et à cheval, des charrettes, chariots et toutes sortes de denrées et marchandises traverser et retraverser ledit port de Jumièges. À cette époque, il y allait car il était voiturier par eau et commerçait du bois de merrain, du bois de chauffage, du foin et autres choses, qu’il transportait à Rouen, Paris et ailleurs. Il se souvient bien que le bac, les flottes et bateaux qui traversaient ledit port appartenaient aux religieux de Jumièges. Ils étaient conduits et menés par leur fermier, qu’il nomme, selon lui, Vauquelin. Il n’en a vu aucun autre, car ce Vauquelin y fut longtemps.

Il ajoute que ce Vauquelin était fermier de la vicomté de l’eau du roi, à Rouen ; ainsi, il était fermier du roi et des religieux, et déchargeait où bon lui semblait. Interrogé sur les droits et redevances payés pour le roi à ce travers, que ce soit à cause du Kai-le-Roi ou autrement, sur les chariots, charrettes, chevaux chargés de vins ou autres marchandises, il déclare avoir parfois vu charger, au Kai-le-Roi, des vins apportés par charroi audit port. Ces vins étaient chargés sur des navires de mer pour descendre la rivière, où bon leur semblait ; mais pour remonter, il n’a pas mémoire d’en avoir vu charger. Pour ces vins ainsi chargés, le passeur faisait payer le droit de la vicomté de l’eau, soit 17 deniers par queue de vin transportée en mer, comme dit. C’est le droit dont il se souvient le mieux.

Interrogé sur les droits payés et perçus sur les chariots, charrettes et chevaux chargés, ainsi que sur les vins et autres denrées traversant depuis le Kai-le-Roi, il répond que, pour les chariots et charrettes chargés de vins traversant entièrement ledit port, ou pour d’autres denrées et marchandises traversant de même, il n’a pas mémoire d’un droit de vicomté payé, sinon le passage des bateaux uniquement. Il n’a vu le droit de vicomté payé que pour les vins déchargés sur le Kai-le-Roi pour descendre la rivière, comme dit.

Du 29 mars de la même année.

Colin le Cointe, résidant à Sahurs, âgé d’environ 76 ans, déclare et témoigne qu’il est vrai que, depuis environ six mois, il a été interrogé par Guillaume Couldren, lieutenant du vicomte de l’eau de Rouen, sur le droit du port de Jumièges. Il est également vrai qu’il a témoigné alors selon ce qui est consigné dans sa déposition, lue devant lui, à savoir qu’il avait été fermier de la vicomté de l’eau en compagnie de Jehan Cauchevaque et Jehan Barate. Cette ferme, ils la tenaient pour 18 livres tournois, pour trois ans, incluant les fermes des quatre pieds et des petits paniers. Il a peut-être déclaré alors que lui et ses compagnons, fermiers de la vicomté, donnaient à ferme la branche du droit du port de Jumièges ; mais la manière de le percevoir n’est pas aussi clairement détaillée dans sa déposition qu’il comprend la vérité de l’affaire. À ce sujet, interrogé de nouveau, il déclare et témoigne qu’il y a plus de 50 ans, lui et lesdits Cauchevaque et Barate furent fermiers de la vicomté, comme dit ; mais ils ne la tinrent pas les trois ans entiers, car un nommé Guillaume Dufou, bourgeois de Rouen, surenchérit sur eux et devint fermier. Ils ne tinrent la ferme qu’un an ou un an et demi. Pendant ce temps, ils affermèrent les branches de cette ferme, comme le port de Moulineaux et celui de Jumièges. Ces branches étaient données pour trois ans, comme ils tenaient la ferme de la vicomté. Interrogé sur ce que sont ces branches, comment elles s’entendent, sur qui et comment elles étaient perçues, et qui les tenait de leur bail, il déclare d’abord qu’ils donnaient la branche du port de Moulineaux, selon lui, à un surnommé De la Rue, dit Moreau. Dans cette branche, ceux qui arrivaient au port de Moulineaux ou de La Bouille, déchargeant leurs marchandises, qu’il s’agisse de blés, vins ou autres, et chargeant au port sur des navires de mer ou autres pour descendre la rivière, devaient payer le même droit que dans la vicomté de l’eau. Mais pour ce qui arrivait au port uniquement pour traverser la rivière, il n’a pas connaissance qu’un droit ait été perçu pour la vicomté. Il ajoute qu’à cette branche du port de Moulineaux appartenait le revenu d’une certaine pièce de pré, appelée Lamare, contenant environ trois vergées. Concernant la branche du port de Jumièges, il déclare de même que toutes les denrées ou marchandises, vins, blés ou autres, arrivant sur la rivière de Seine, par chariots, charrettes ou autrement, depuis Caumont en descendant jusqu’au port de Jumièges inclus, qui sont déchargées et chargées sur des navires de mer ou autres pour descendre la rivière, doivent payer aux fermiers de cette branche le même droit qu’ils paieraient à la vicomté s’ils passaient devant Rouen. Plus précisément, pour le port de Jumièges, il déclare y avoir fréquenté longtemps et savoir que le bac, les flottes et les bateaux qui s’y trouvaient, faisant le passage de la rivière, appartenaient aux religieux de Jumièges et étaient conduits par leur fermier ou passeur. Là, on payait uniquement le coût du passage, selon lui. Car, pour le droit de la vicomté, le fermier branchier ne percevait aucun droit pour le travers, dont il ait connaissance. Au port, le droit de la vicomté était perçu par le fermier branchier sur toutes les denrées et marchandises accostant et déchargeant au port pour être chargées sur des navires et descendre la rivière, tout comme pour les ports de Moulineaux, La Bouille, Caumont et autres. Il n’a jamais entendu dire que, pour le travers, un droit ait été payé à la ferme de la vicomté.

Interrogé sur les fermiers branchiers qu’il a connus de son temps audit port de Jumièges, il déclare se souvenir d’un surnommé Hervieu, qui percevait ce droit et résidait au port, du côté de la Quievoye, et n’a mémoire d’autres fermiers. Il ajoute, interrogé à ce sujet, qu’il ignore comment on gère ou a géré ce droit depuis l’arrivée des Anglais en Normandie, car il n’y a plus fréquenté depuis.

Du vendredi 6 avril 1453, après Pâques.

Thomas Deron, résidant actuellement à Saint-George sur Fontaines-le-Bourg, âgé d’environ 69 ans, jure, etc., déclare et témoigne qu’il se souvient bien que, depuis environ six mois, il a été interrogé par Jacques Garoul, lieutenant général du vicomte de Rouen, et sa déposition consignée concernant ce qu’il avait vu et connu par le passé des droits et redevances que le roi ou ses officiers de la vicomté de l’eau de Rouen percevaient au port et travers de Jumièges. Il ajoute, interrogé à ce sujet, qu’à peu près à cette époque, Guillaume Couldren, lieutenant du vicomte de l’eau, en discutant avec lui, sans forme d’examen ni écrit, dont il ait connaissance, lui a demandé des informations sur ce droit. Il lui a répondu ce qui lui semblait juste, et il pense avoir parlé à l’un et à l’autre. Après y avoir bien réfléchi, comme il dit, il témoigne de nouveau : pendant environ 40 ans, jusqu’à il y a environ 9 ans, il a été officier dans ladite vicomté de l’eau, tant à l’office du poids qu’à celui de sergent.

Il ajoute, interrogé à ce sujet, que de tout son temps, il a vu les fermiers de la vicomté de l’eau affermer les branches de leurs fermes. Parmi celles-ci se trouvaient : le port de Moulineaux, de La Bouille, de Caumont, le Val des Leups, Saint-Joire, la Foullerie, Anneville, les Tieulleries, Yville et le port de Jumièges, qui sont des lieux de passage et de chargement de denrées et marchandises pour remonter ou descendre la rivière. Il a toujours vu et constaté que, lors de ces baux, on précisait la manière de percevoir le droit : lorsque des denrées ou marchandises, vins, blés ou autres, arrivaient dans l’un de ces lieux ou ports pour être transportées en amont jusqu’à Rouen ou dans sa banlieue, elles ne payaient rien aux fermiers branchiers, mais à la vicomté de l’eau. Cependant, si elles étaient déchargées de l’eau à terre dans ces ports, celles venant d’aval pour être déchargées dans les ports mentionnés payaient aux fermiers branchiers. Pour les denrées et marchandises chargées de terre à l’eau dans ces lieux pour descendre vers la mer, elles devaient le droit aux fermiers branchiers. Depuis la banlieue de Rouen en descendant, elles pouvaient payer, si elles le souhaitaient, dans les lieux et ports où elles chargeaient, ou au port de Jumièges, au lieu dit le Peel du Kai-le-Roi. Mais elles ne pouvaient passer ce Peel sans risquer une poursuite, une amende ou une forfaiture. Concernant la perception de ce droit sur les denrées et marchandises entrant, passant ou traversant dans le bac, les flottes ou bateaux des religieux de Jumièges audit port, il n’en a jamais entendu parler et ne sait pas qu’un droit ait été payé à cet effet. Si un tel droit devait exister, il serait logique que le roi gère le bac et le passage. Il ajoute expressément que, lors des baux aux fermiers branchiers, on leur précisait qu’ils percevraient sur ce qui était chargé dans la banlieue pour aller en mer, mais rien sur ce qui était chargé pour remonter dans la banlieue. Il n’était nullement question des denrées traversant dans le bac ou les bateaux dans les lieux mentionnés.

Interrogé s’il a fréquenté et connu les ports et lieux mentionnés pendant qu’il était officier dans la vicomté de l’eau, il déclare y être allé et avoir été envoyé plusieurs fois, tant pour l’imposition foraine que pour le domaine forain. Il a vu que les denrées chargeant selon les modalités mentionnées, d’amont et d’aval, payaient un droit aux fermiers branchiers, mais il n’a jamais vu ni entendu dire que celles traversant simplement la rivière, par le bac, bateaux ou flottes des religieux de Jumièges, payaient un droit auxdits fermiers branchiers.

Interrogé sur les fermiers branchiers qu’il a vus de son temps dans ces lieux et ports, il déclare n’en avoir mémoire que de deux : Colin le Comte et Massiot Guillebert, qui percevaient ces droits selon la manière décrite. À l’époque, il a entendu dire que Massiot avait été poursuivi dans la juridiction des religieux de Jumièges pour avoir tenté de percevoir un droit sur les choses traversant la rivière dans leur bac. On disait qu’il avait dû faire amende et demander pardon à l’abbé, qui lui avait accordé cette amende.

Interrogé sur le nombre de branchiers dans ces ports et la valeur de leurs revenus, notamment pour le port de Jumièges, il déclare qu’à ce port, il y avait un fermier branchier, car il était éloigné des autres et difficile à gérer autrement. Pour les autres ports, il n’y avait qu’un fermier branchier, car ils étaient assez proches les uns des autres, bien qu’ils puissent avoir des associés. Concernant la valeur, il dit qu’elles étaient faibles, comme chaque branche, soit environ 40 sous tournois pour le port de Jumièges, et environ 6 livres pour l’autre branche regroupant plusieurs ports.

Jehan le Vigneur, dit Frontebosc, résidant en la paroisse de Saint-Andrieu, âgé d’environ 65 ans, jure, etc., témoigne que, longtemps auparavant, dans sa jeunesse, vers 1405, 1406, 1407 et 1408, il fréquentait régulièrement le port de Jumièges grâce à un notable, riche marchand de Rouen, nommé Jehan Langloiz, qui commerçait, entre autres, du bois de chauffage. Pour compter ce bois, lui, qui témoigne, était occupé audit port de Jumièges. Il se souvient avoir vu une fois un bateau saisi et poursuivi pour ne pas avoir payé le heurtage au Kai-le-Roi. Il fut ramené d’amont, d’où il venait, et conduit au château de Vatteville. On disait que telle était la coutume.

Il ajoute qu’il est vrai que, depuis six mois, alors qu’il passait devant l’hôtel de la vicomté de l’eau, Guillaume Couldren, lieutenant du vicomte, l’a interpellé et lui a demandé, devant tous ceux présents, sans forme d’examen ni écrit, ce qu’il savait de ce droit. Il lui a dit ce qu’il en savait alors. Depuis, et maintenant, il s’est ravisé et mieux informé, comme il a témoigné ci-dessus. Concernant la mention dans la déposition écrite par Couldren des denrées et marchandises traversant le port de Jumièges en 1407, lors des grandes gelées où la Seine était gelée, il déclare qu’il est vrai qu’à cette époque, dans la fosse de Leure, il y avait une grande affluence de navires, jusqu’à 52 nefs à château, chargées de marchandises comme des harengs, figues, vins doux et autres. Comme les marchands étaient pressés, à l’approche du Carême, de transporter leurs denrées, et qu’ils ne pouvaient traverser leurs navires à Honfleur pour ceux allant outre-Seine, ils en firent charger un grand nombre sur des chariots et les firent venir au port de Jumièges pour les faire passer sur la glace. Comme les bords de la rivière n’étaient pas fermés, à cause du flux et reflux de la mer, le pontonnier ou passeur du bac des religieux, nommé alors Guillaume Hervieu, également fermier branchier avec un nommé Cauvyn, de la vicomté de l’eau, installa des solives et longues pièces de bois pour aller de la terre à la glace solide de la rivière, évitant les dangers des bords. Par là, chariots et marchandises passaient des deux côtés de la rivière. Ce faisant, le passeur et ses aides avaient grand peine et travail, et il percevait son passage. Mais il n’a pas connaissance qu’il ait perçu un droit au nom de la vicomté.

Interrogé sur les autres fermiers branchiers qu’il a vus audit port, il déclare avoir vu Cauvyn après le décès de Hervieu, et ensuite Massiot Guillebert, dont on disait qu’il avait perçu un droit au port ou passage de Jumièges, à Herteauville, sur les vassaux des religieux ; pour cela, il avait eu un grave procès, au point de se rendre à Vernon, auprès de l’abbé, pour faire amende et demander pardon. Interrogé sur le revenu de ce droit audit port, il déclare ne pas pouvoir en témoigner précisément, mais, d’après ses souvenirs, il n’était pas affermé à grand prix. S’il valait 8 ou 10 livres, c’était déjà beaucoup ; il ne sait pas si c’était pour trois ans ou par an.

Robert Dufay, résidant en la paroisse Saint-Étienne aux Tonneliers de Rouen, âgé d’environ 50 ans, jure, etc., déclare et témoigne qu’il est vrai que, depuis environ six mois, Guillaume Couldren, lieutenant du vicomte de l’eau, lui a parlé à son hôtel, où il l’avait convoqué par Baleure, sergent. Le lieutenant lui a demandé ce qu’il savait du droit. Il a répondu alors ce qu’il savait et est prêt à redire, à savoir : qu’il est natif de Vatteville et que, jeune, il servait à Conyhoult, dans la paroisse de Jumièges, chez un nommé Vitou, marinier, où il est resté deux ans. Ensuite, il est retourné vivre à Vatteville, chez son père. Puis, lors de la réduction du pays de Caux, en 1435, il est venu s’installer à Rouen. Depuis lors, il est marié et exerce le métier de marinier. Il se souvient bien avoir, à plusieurs reprises, depuis sa jeunesse, traversé et retraversé la Seine au port de Jumièges, parfois à cheval, parfois à pied. Il sait où se trouve le Kai-le-Roi et l’endroit où était fiché un pieu, où l’on disait que les bateaux forfaitaires ou mal acquittés étaient attachés, et il en a vu parfois. Mais il ne peut témoigner de l’amende ou de la forfaiture qu’ils payaient, ni à qui elle revenait.

Il ajoute se souvenir qu’en l’année des grandes gelées, lorsque Venable fut exécuté, vers 1434, il a traversé à cheval la rivière au port de Jumièges, sur la glace et la neige, sans rien payer, et on ne lui a rien demandé. Il ne peut en dire plus sur les droits, malgré ce qui a pu être écrit. Signé : G. du Val.

Suivent les dépositions des témoins interrogés par Guillaume Couldren, lieutenant de Louis de Cormeilles, écuyer, vicomte de l’eau de Rouen, dont le recollement a été fait par Pierre Daron, lieutenant général de noble homme, monsieur Guillaume Cousinot, chevalier, seigneur de Monstreul-sur-le-Bois, conseiller du roi, notre seigneur, et son bailli de Rouen, en présence de Guillaume du Val, tabellion de Rouen, aux jours et de la manière déclarée ci-dessus.

Premièrement.

Thomas Deron (recelé par Pierre Daron, lieutenant, etc., présent G. du Val, tabellion, le 6 avril 1453 après Pâques), résidant à Saint-George sur Fontaines-le-Bourg, âgé d’environ 72 ans, jure, etc., déclare et témoigne qu’il a été officier dans la vicomté de l’eau pendant plus de 30 ans, tant à l’office du poids qu’à celui de sergent. Il a vu, de tout son temps, que les fermiers de la vicomté affermaient le passage et le travers du port de Jumièges à leur profit, et que, dans ce port, le fermier percevait des droits sur les denrées passant et traversant la Seine, similaires à ceux perçus dans la vicomté de l’eau pour celles passant devant Rouen. Interrogé s’il se souvient des fermiers de l’époque ou de ceux à qui ils donnaient ce port, il déclare n’en avoir mémoire que d’un nommé Massiot Guillebert, qui a tenu ce port depuis l’entrée des Anglais à Rouen. On le lui donnait pour le percevoir selon la forme et la manière habituelles avant la conquête anglaise. Il ne peut en dire plus sur cette matière.

Robert Dufay, résidant en la paroisse Saint-Étienne en la rue aux Tonneliers de Rouen, âgé d’environ 50 ans, jure, etc., déclare et témoigne qu’il a vu percevoir au port de Jumièges, en un endroit appelé le Kai-le-Roi, sur les denrées et marchandises traversant la rivière audit port, un droit identique à celui payé dans la vicomté de l’eau de Rouen. Un homme payait, pour lui et son cheval chargé de marchandises, un blanc ou un demi-breton, appelé la coutume du roi. Il a vu Massiot Guillebert comme fermier, qui avait commis celui qui gérait le port de Jumièges pour percevoir ce droit et travers pour le roi, notre seigneur. Il se souvient avoir vu la Seine si gelée qu’il traversait sur la glace ; mais, comme il ne portait rien, le passeur du bac ne demandait rien, car il ne passait pas par le bac. S’il avait porté des denrées, il aurait payé un droit pour le roi, comme dit. Il n’en sait pas plus.

Jehan le Vigneur, dit Frondebosc, résidant en la paroisse Saint-Andrieu de Rouen, âgé d’environ 60 ans, jure, etc., déclare et témoigne qu’il a vu, de tout son temps, percevoir un droit pour le roi sur les denrées passant et traversant par le port de Jumièges, en un lieu nommé le Kai-le-Roi. Il y a 40 ans, il y vit un homme qui tenait ce passage à ferme sous les fermiers de la vicomté de l’eau de Rouen. Il a vu une charrette et des chevaux chargés de marchandises traverser sur la glace, et ce fermier percevait le droit sur ces denrées. Il servait alors un nommé Vassi. Une fois, il était avec lui lorsqu’il vit passer un riche homme, Jehan Langloiz, de Routot, qui allait acheter à Harfleur toutes sortes de denrées, comme garance, figues, vins doux et autres, qu’il faisait transporter par charroi et traverser sur la glace, car la rivière était si gelée que charrettes et chevaux passaient chargés. Ces denrées, charrettes et chevaux, le marchand les acquittait comme il l’aurait fait dans la vicomté de l’eau de Rouen. Mais il ne sait si ce droit était pour le roi ou non, et pense plutôt que c’était pour le roi, car le bac des religieux ne servait à rien pour ceux qui traversaient alors. Il n’en sait pas plus.

Philippot de la Rue, dit Moreau, résidant à Sahurs, âgé d’environ 80 ans, jure, etc., déclare et témoigne qu’il y a 50 ans et depuis, il a vu les fermiers de la vicomté de l’eau, depuis la rébellion du pays de Caux, affermer le port et le travers de Jumièges, pour percevoir, par ceux qui le tenaient, sur les denrées passant et traversant par ce port, de la même manière que les marchands propriétaires de ces denrées auraient payé dans la vicomté de l’eau de Rouen s’ils avaient passé par la Seine à Rouen. Mais il dit que ce qui a aboli le droit du roi audit port est que ceux qui tenaient le bac des religieux de Jumièges prenaient cette ferme des fermiers de la vicomté ou de ceux à qui ils l’avaient donnée. Cela a longtemps été sans valeur, car, pendant la guerre, personne n’osait se porter fermier ni acquéreur. Celui qui tenait le bac percevait toujours, avec son passage, le droit du roi ; ainsi, beaucoup de ceux qui passaient ignoraient si ce que le passeur demandait était pour le roi ou pour les religieux de Jumièges. Il n’en sait pas plus. Signé : Couldren (recollé le mercredi 18 mars 1452, présent ledit tabellion).

Cette présente copie a été collationnée aux originaux des informations et recollements transcrits ci-dessus le 4 août 1453, et, par ordonnance de justice, remise et délivrée, close et scellée, aux religieux, abbé et couvent de Saint-Pierre de Jumièges, pour leur servir et valoir, en temps et lieu, ce qu’il appartiendra. Cette collation a été faite sur commandement de Pierre Daron, lieutenant général de monseigneur le bailli de Rouen, par moi, Jehan Dauteny, greffier dudit bailliage, l’an et jour susdits. (Signé) J. Dauteny.




LE TEXTE ORIGINAL



Informacion faicte au port de Jumieges, le dymence Xe jour de décembre, l'an mil CCCC LII, et autres jours subsequens par nous Pierres Daron, lieutenant general de noble homme, monsieur Guill. Cousinot, chevalier, seigneur de Montreul-sur-le-Boys, conseiller du Roy nostre sire et son bailli de Rouen, et Guill. Gombaut, viconte dud. Rouen, commissaires en ceste partie de nosseigneurs de l'Eschiquier, sur le contenu des lettres de nosd. seigneurs de l'Eschiquier, à nous bailliées, par les religieux, abbé et convent de Jumiéges, faisans mencion de certains acquitz que s'efforçoit prendre ou port desdis religieux les fermiers de la viconté de l'eaue de Rouen, dont se complaignent lesd. religieux, jouxte le mandement de nosd. seigneurs de l'Echiquier, duquel mandement la teneur ensuit :

Les gens tenans a Rouen l'Eschiquier de Normendie, au terme St-Michiel, l'an mil CCCC LII, au bailli et viconte de Rouen ou à leurs lieuxtenans salut.

De la partie des religieux, abbé et convent de. S. Pierre de Jumieges nous a esté exposé en complaignant comme au droit de leur fondation ou augmentation de leurd. eglise, qui est de fondation et don royal, leur compette et appartiengne le port de Jumieges, avec les droiz, travers et acquitz, qui y appartiennent ; et en sont et ont tousjours esté et leurs predecesseurs en bonne saisine et possession, de tel et si long temps qu'il n'est memoire du contraire. Et avec sont tenuz lesd. complaignans tenir ung bac par où l'en passe aud. port. Et si dient avoir voie et chemin aud. Portde XXIIII piez de ley et VIIxx et X perques de long, nommée : La neufve quiefvoye (Quiesnaye). Le droit duquel port, travers et appartenances leur souloit valoir IIe ou XIIxx  livres tournois par an.

Et jasoit ce que dud. port et des revenues d'icellui iceulx religieux aient jouy, possédé comme dit est, en la presence et au veu et sceu du viconte et autres officiers du Roy, nostred. seigneur, et des fermiers de la Viconté de Rouen, sans ce qu'ilz ne aucun d'eulx leur ait, en ce temps passé, mis ou donné aucun trouble ou empeschement, ne levé, prins, ne à eulx appliqué au droit du Roy, nostre sire, ne autrement aucuns drois ne devoirs, ce non obstant, de nouvel et puis ung mois ou six sepmaines ença, ung nommé Miquelot Dubusc, soy disant fermier de lad. viconté de l'eaue de Rouen, soubz umbre de ce que aupres dud. port de Jumieges, à ung lieu nommé : Le Kay-le-Roy, lequel est hors des fiefz desd. religieux, auquel l'en souloit cueillir aucuns deniers sur ceulx qui y chargoient pour aler amont ou aval la riviere et non pas pour le travers de l'eaue, qui ne valoient ne valurent oncques plus de quatre à six livres tournois, a voulu et veult et s'est efforcié et efforce faire païer aux gens qui ont passé aud. bac, certains deniers contre droit et raison, jasoit ce qu'ilz aient païé ausd. exposans, tous les drois et acquitz qu'ilz ont acoustumé estre paiez aud. lieu....
Pour cause de laquele novalité et entreprinse desraisonnable dud. Dubusc, les gens d'icellui pais et autres, qui ont besoing et acoustumé estre passez aud. bac, ne veullent plus passer ne venir aud. port, parquoy la revenue d'icellui est comme du tout adnichilée.... Requerans leur estre sur ce pourveu de remede de justice....

Pourquoy nous, ces choses considerées, vous mandons et commettons, par ces presentes, que appelez les advocat et procureur du Roy, nostred sire, ou bailliage de Rouen, vous informez et enquerez bien et deuement sur les choses dessusd. et sur les drois que ont et pevent avoir, en ceste partie, le Roy nostred. seigneur et lesd. religieux ; comme l'en a acoustumé d'en user ou temps passé et de toutes les circonstances qui sont assavoir, et enquerir en ceste partie; en faisant et donnant à iceulx religieux telle provision que, par lad. informacion ou autrement, verrez estre à faire par raison et justice; en administrant au surplus, en cas de debat ou opposition, aux parties, icelles ouyes, bon et brief droit et acomplissement de justice. De ce faire vous donnons povoir et commission : mandons en outre à tous à qui il appartient que à vous, en ce faisant, soit obbey. Donné à Rouen, en l'an et Echiquier dessusd. Ainsi signé : Par les gens de l'Eschiquier. Daniel. Presens et appelez à ce : sires Laurens Guedon, advocat, et maistre Michiel Boute, procureur du Roy, nostre sire, au bailliage de Rouen.
En faisant laquelle informacion. ont esté examinez les personnes dont les noms et depposicions ensuivent  :

Simon Tournache, de la parroisse de Hauville, homme non tenant desdiz religieux, aagié de LXXVII ans ou environ, marchant de bois frequentant aud. port, enquiz sur le contenu oud. mandement, dit et deppose que, de tout temps il a veu et congneu que, au port de Jumieges, deça et delà l'eaue, lesd. religieux ont droit et acoustumé d'avoir ung vaissel, nommé bac, lequel est approprié à passer gens, chevaulx, charettes, chariotz, denrees et marchandises, dont ilz prennent certains drois pour le passage, comme : de la personne, ung denier ; du cheval, deux deniers t. ; et quant la personne est à cheval, le cheval acquitte la personne. Et n'a point de congnoissance ne ne ouyt oncques parler que, à cause dud. bac ou travers. iceulx religieux aient autres droittures, acquitz ou revenues. Dit oultre que, d'icellui droit de passage ou travers aud. bac, il a tousjours veu et congneu que lesd. religieux ont esté et sont en bonne saisine et possession. Dit oultre, au regard de la maintenue du chemin de la neufve quesnaye que il n'a point de congnoissance que, en son temps, aucune repparacion y ait esté faicte ; et ne scet bonnement à qui lad. repparacion appartient à faire, sinon qu'il lui semble que, se repparacion y convient, le fermier desd. religieux le seroit tenu faire, ou lesd. religieux s'ilz n'avoient point de fermier. Dit oultre qu'il n'a point de souvenance que lesdiz religieux aient tenu led. travers en leur main, et qu'il n'ait esté baillé à ferme, pour trois ans, aucunesfoiz pour xxx l., aucunes foiz pour XL, aucunesfoiz pour LX, comme il est encores de present, pour chascun des trois ans, en ce comprins la coustume des denrées et marchandises vendues en la ville et parroisse de Jumièges, par les hommes tenans etres séans desd. religieux, en icelle paroisse...

Enquiz quel port, travers ou droitture de acquis le Roy, nostre sire, ou ses officiers prennent audit port de Jumiéges et au lieu nommé le Kay-le-Roy. Dit qu'il a bien congnoissance que, en certaine place, en la parroisse du Lendint, sur la riviere de Seyne, à l'endroit du port devers Jumieges, a une place nommée le Kay-le-Roy, qui s'estend, d'un costé, à lad. Neufve Quesnaye, d'autre costé à la rivière de Seyne, d'un bout aval lad. rivière. Auquel Kay il a veu et congneu que les bateaux et vaisseaux, chargiez de boys, qui sont arrestez en cas de forfaiture, sont mis et posez. Et ceulx qui demeurent en certaines maisons, à l'endroit dud. kay, sont tenus de les garder certaine espasse de temps, comme [ une ] nuyt et [un] jour, se lui semble, à leurs périlz et dangiers, à cause des heritaiges qu'ilz en tiennent, et icelle forfaiture meynent à Vatteville, à cause de la forest de Brotonne.

Enquiz se, à cause de ce, le Roy prent aucune droicture autre que la forfaiture, ou se autres bateaux chargez de bois ou autres denrées ou qui chargeroient aud. kay, paient ou doivent aucune droicture au Roy nostred seigneur : Dit que riens n'en scet et que oncques aucune subside, acquit ou droicture n'y vit cueillir ne lever ; ne aucun officier, fermier ou autre personne, par le Roy, y estre ne assister en aucune maniere ne plus oultre que devant est dit des forfaitures, sinon que, depuis les guerres des Angloiz, il a bien veu aucunes foiz et non pas tousjours que ung nommé Lepoulailler, de Quillebeuf, estoit aud port, puis deçà puis de là l'eaue, et cueilloit l'imposition ou demaine forain, ne scet lequel, dès denrées et marchandises qui alloient hors du royaulme. Item, dit sur ce enquiz, qu'il n'a point veu ne congneu que aucuns vaisseaux ou gens, montans ou avallans ou traversans lad. riviere, aient esté contrains de venir chargier, deschargier ne aborder aud. Kay-le-Roy ; mais, en ce cas, aveu tousjours chascun en sa franchise de venir et aborder ou bon lui sembloit...

Monsieur Guill. du Quesnay, chevalier, demourant la parroisse du Boucachart, aagié de soixante six ans ou environ.... Enquiz s'il croit point que le Roy ait aucune droiture aud. passage, à cause de sa viconté de l'eaue de Rouen, dud. Kay-le-Roy ou autrement : Dit qu'il croit que non, et que, s'aucun en avoit, les vicontes, officiers ou fermiers du Roy, au temps passé, l'eussent cueilli et exercé...

Damp. Guillaume Deschiens, prieur du Boucachard, aagié de cinquante ans ou environ, dit qu'il est natif de Blinquetuit, sur la riviere aupres dud. port de Jumièges.. . que, au temps de sa jeunesse, il a bien ouy dire que les Morans, de Blinquetuit avoient droit sur led. Kay-le-Roy, mais ne scet par quel moyen ; et si a ouy dire que Thomas Poingnant reclame icellui droit ; à cause de l'acquisicion de l'eritaige d'iceulx Morans.

Robin Giueffroy, demourant à la Haye-de-Routot, aagié de LXII ans ou environ, ouvrier de fustz à carde et laboureur, non tenant desd, religieux ; dit et deppose qu'il a cinquante ans et plus qu'il reppaire et fréquente aud. port de Jumieges, parce que son pere et lui ont esté sergens en la forest de Brotonne Enquiz quelle droicture le Roy, nostre sire, a et prent sur et à cause du lieu nommé le Kay-le-Roy : Dit qu'il congnoist bien led. lieu dud. Kay-leRoy aupres et jongnant du port desd. Religieux et que le Roy a telle droicture que il y a certaines personnes qui, à cause de leurs heritaiges que ilz ont sur led. Kay-le-Roy, et par certaines franchises que ilz ont en la forest de Brotonne, sont tenus et subgiez, quant les sergens de lad forest leur amaynnent et baillent aucunes personnes qu'ilz tiennent vaucreans (Vautreeurs) en la forest ou autrement mal faisant, ou aulcuns vaisseaulx forfais ou portans bois forfait, ilz sont tenus de les garder ung jour et une nuyt. Et se, dedens ce temps, ilz ne sont delivrez, ilz sont tenus de les mener jusques à Vateville chieulx le cheppier. ... Dit oultre, sur ce enquiz, que led. Kay-le-Roy, ainsi qu'il s'extend et pourporte, est sur les fîefz et territoire du Roy ; et, les tenans et resseans du lieu, de la parroisse du Lendint, en la viconté du Pontaudemer, et non es fiefz desd. religieux.

Jehan Deshaies, de la parroisse de Bouquetot, aagié de soixante ans ou plus.... Dit qu'il ne scet quelles droictures le Roy, nostre sire, ne ses officiers prennent sur led. Kai-le-Roy. Car, combien qu'il ait vendu, par pluseurs fois, grant nombre de blé à plusieurs marchans, à la Bouille et ailleurs, sus la riviere de Seyne, si n'a il point eu de congnoissance que aucun acquit ou coustume en ait esté paié...

Colin Cavelier, à present demourant à S. George de Bauquierville, non tenant desd. religieux, aagié de LX ans ou environ, deppose que, de son temps, il s'est entremis du fait de marchandise de bestaulx, pors, beufz et chevaulx, à la harengueson ; et, passé a quarante ans a acoustumé de passer et rappasser aud. port, à tout ses denrées et marchandises et païoit le passage, au fermier dud. port, pour les Religieux, qui toujours en ont jouy paisiblement.. et oncques ne vit que empeschement leur feust donné par les officiers du Roy, qui en avoient ou povoient avoir congnoissance, et telement que aucun n'en povoit prétendre ygnorance, feust à Rouen, à Caen ou ailleurs....

Jehan Hulot, de Ste-Marguerite-sur-Ducler, non tenant, aagié de XLVI ans ou environ : Dit qu'il est marchant et s'en est entremis depuis xxx ans ença ; et a fait passer et rappasser, lui et son père, leurs bestaulx, denrées et marchandises aud. lieu de Jumieges. Lesquelx bestaulx il amenoit du païs d'oultre l'eaue. Et, pour faire passer à aller à Rouen, en païoit le passage au fermier desd. Religieux. Dit oultre que, des denrées et marchandises qu'il a fait passer et rappasser par le bac desd. Religieux, feust en venant de Dieppe ou du païs de Caux, ou en venant d'oultre l'eaue aud. païs de Caulx, oncques ne lui fut riens demandé, ne ouy parler que aulcune chose en feust cueilli....

Guillaume Deshaies, de la parroisse de Routot, homme non tenant.... aagié de IIIIxx ans ou environ, dit qu'il est marchant de fillez... Dit oultre que il n'a point ouy parler que led. Seigneur Roy ne lesd. officiers demandassent au lieu du Kay-le-Roy ne ailleurs, aud. port, aucunes droitures, travers ou acquitz. Bien a il ouy dire et veu aucunes foiz que aucunes gens, qui se disoient fermiers de l'imposicion foraine, depuis le temps des guerres demandoient l'imposition des marchandises, qui aloient hors du royaume. Et si a bien veu que s'aucuns vaisseaux estoient arrestez aupres dud. port, pour non avoir esté deuement acquitez en la viconté de l'eaue, ilz estoient arrestez et mis en la garde d'un nommé Jehan du Port et estoient remenez aud. lieu de Rouen....
Jehan Benart, marchant de fourques et de pelles et de ouvrage de tour, aagie de LXXV ans ou environ, demourant à la Haye de Routot, deppose que il a plus de .L. ans qu'il reppaire et frequente audit port de Jumieges.... Dit que bien a ouy parler d'un nommé Massieu Guillebert et le congneust, mais il n'avoit aud. port, deça ne delà l'eaue, aucune charge de acquit ne de passage, sinon qu'il estoit impositeur de la parroisse dud. lieu de Leudint....

Goret Heudier, de la parroisse de S. Michiel de la Haye, aagié de soixante ans ou environ ; Guillaume de la Haye, de lad. parroisse, aagié de soixante ans ; Thomas Gouye, de la parroisse du Rougemonstier, aagié de .L. ans ; Jehan Delamare, de lad. parroisse, aagié de LX ans ou environ; tous non tenans desd. religieux. Iceulx du Rougemonstier boulengiers et les autres se sont meslez aucunes foiz de marchandise de bestaulx et de chasser marée (harangueson), depposent tous accordablement que quant ilz vendent aucunes de leurs marchandises aud. lieu du port, au marchié desd. religieux ou sur leur terre, ilz ont païé 1. d. de coustume et II. d. pour passage d'omme et de cheval. Mais s'ilz ne vendoient riens en territoire desd. religieux, ilz ne paieroient que led. passage... Dient oultre, sur ce enquiz, que depuis la guerre et que la ville de Dieppe a esté contraire de l'obbeissance des Angloiz, il y avoit aucunes gens qui cueilloient l'imposicion foraine, comme on disoit (car ilz ne les virent oncques ne congnurent ) des denrées qui aloient hors l'obbeissance

Jehan Gasselin, demourant à Jumieges, homme tenant desd. religieux, aagié de LX ans ou environ, dit qu'il a autresfoiz servy comme clerc en lad. abbaye de Jumieges... Dit oultre que il a bien ouy dire que quant aucuns vaisseaux sont poursuis à forfaiture, soit pour bois non deuement merqué ou mal acquit, trouvez en la riviere de Seyne, que ilz estoient admenez au lieu nommé le Kay-le-Roy en garde, comme en geolle, et tenus et gardés jour et nuyt, comme dit est devant. Dit oultre, qu'il a bien mémoire que puis .x. ans ou environ, ung fermier de la viconté de l'eaue, dont il ne scet le nom, vint aud. port et donna empeschement à aucuns marchans et marchandises, venans comme l'en disoit du païs de Bretaigne et traversans aud. port, à cause de ce qui leur demandoit imposicion foraine, maiz ne scet comme la chose se concluy. Item, dit.... que puis ung mois ou environ il a veu, au port de Jumiéges, au lieu dit le Kay-le-Roy, par deux foiz qu'il est alé à Routot, ung homme que l'en disoit Miquelot, fermier de la viconté de l'eaue de Rouen, et ung sergent en sa compaignie ; et une foiz y vit deux sergens. Et vit et apperceut que l'un d'eulx ou ung autre homme, en leur compaignie, tenoit une bouette et un escusson à fleur de liz. Et ne leur vit aucune personne contraindre pour païer ; maiz a bien ouy dire qu'ilz firent païer à une bonne femme, deux deniers pour chevaulx. Et lui semble et si croit que lad. entreprinse soit novalité indeue....

Raoul de Conyhoult l'ainsné, aagié de LXV ans, qui aucunes foiz s'est meslé de marinier en la mer et en la riviere de Seyne ; Jehan de Conihoult, aagié de .L. ans ou environ ; Guillaume Rouxel, aagié de XLV ans ou environ, tous de la parroisse de Jumiéges ; Perrenot Tuevaque, laboureur, aagié de .Lx. ans ou environ, de la parroisse du Mesnil de Jumiéges, tous hommes et tenans desd. Religieux, depposent... qu'ilz ont ouy dire que, depuis quinze jours ou environ, ung homme de Rouen demande certain acquit sur les denrées et marchandises passans par led. port, qui leur semble chose nouvelle... Et si dient oultre que, se led. aide estoit cueilli, led. port seroit brief de petite ou de nulle valeur, pource que les marchans yroient passer ailleurs. Et desja ont congnoissance que plusieurs sont allez passer à Caudebec, et par especial, ung cariot chargié de vins qui estoient venus d'Orleans pour passer à Dieppe. Lesquelx, en venant, estoient passez aud. port. Et, pour ce qu'ilz avoient esté contrains à païer aud. port, s'en retournoient par Caudebec. Et semblablement plusieurs cacheurs de marée et autres. Et aussi le fermier s'en complaignoit et vouloit delaisser lad. ferme et feroit se provision n'y estoit mise. Et leur semble que c'est esclande et novalité, etc.

Du lundi, XIe jour de decembre M CCCC cinquante deux.

Jehan Yvelin, de la parroisse de Hauville, demourant en l'ostel desd. religieux et leur fermier aud. lieu, aagié de soixante-six ans ou environ, ... au regard du Kay-le-Roy a tousjours ouy dire et tenir que aud. lieu sont certains tenans etres seans qui, à cause de leur heritaige sur led. Kay et des franchises qu'ilz en la forest de Brotonne sont tenus garder... les vaisseaulx, bois ou autres choses farfaites,... et, se dedens la nuyt et le jour ilz n'estoient despeschiés et délivrés, ilz estoient tenus, à leurs coustz et dangiers, de les mener ou faire mener et conduire jusques à Vatteville, devant le chastel du lieu. Et encores est-il porté, par escript, ou greel de Vateville, du temps du conte de Meulenc. Bien a veu aucunesfoiz venir aud. port aucuns fermiers ou commissaires de l'imposicion ou demaine forain, par especial, en temps qu'il estoit passaige de porcs et de bestaulx; lesquelx fermiers ou commissaires demandoient lad. imposicion ou demaine forain des bestaulx et marchandises qui aloient hors du royaulme ou de l'obbeissance ; mais que oncques autre acquit, travers ou droicture ne a veu ne ouy parler y avoir esté cueilli ne levé, pour le Roy....

Rogier le Mercier, demourant au port de Jumieges, aagié de LVI ans ou environ dit que il a ouy dire que l'en puet suir et arrester les vaisseaulx passans par la riviere, pour les imposicions foraine, tant par les fermiers de Caudebec que de Rouen, mais oncques n'y vit aucune chose cueillir ne qu'il y eust boecte ne ensaigne, jusques à nagueires que Miquelot Dubusc a demandé certains acquitz en icellui port. A cause de laquelle chose, les marchans, qui y avoient acoustumé de passer, ont prins leur chemin par Caudebec et ailleurs ; tellement que, se led. acquit avoit lieu, led. port seroit de nulle valeur. Et si seroit novalité indeue, comme il lui semble. Et plus n'en scet.

Jehan Gueroult, aagié de .L. ans, tieulier ; Guillaume Vauquelin, aagié de .LX. ans, marinier ; Guillaume de Breaulté, aagie de .LX. ans, tieulier et laboureur; Robin le Zemble, aagié de .LX. ans, laboureur; Colin Delamare, tieulier, aagié de XLV ans ; Raoul le Danp, aagié de XLV. ans, tieulier ; Perrenot Regnault, aussi tieulier, aagié de XLV ans ; tous de la parroisse du Lendint, non tenans desd. religieux, si non led. Regnault qui est leur tenant de quatre ou cinq acres de terre.... ont bien congnoissance que le travers et passage dud. port est ausd. religieux et qu'il se cueult par les fermiers avec la coustume des denrées et marchandises qui sont vendues en lad. ville et parroisse. Et se baillent communement pour trois ans ; et l'ont veu valoir, en temps paisible, jusques à VIIIXX ou .II.e livres tournois. Et, de présent, n'est baillé que pour .LXV. liv. t. par an....

Dit oultre, led. Delamare, qu'il a ouy dire à ung nommé Guieffin de Moriau, qui encores est vivant, que ses predecesseurs estoient tenans des maisons assises sur le Kay-le-Roy, et que, à cause de garder lesd. forfaitures ilz avoient lesd. franchises en la forest ; et aussi avoient-ils deux deniers de heurtage, quant aucun batel y venoit aborder pour charger. Mais, ne led. Delamare, ne les autres dessus nommez n'en virent oncques riens paier....

Item, dit led. Vauquelin qu'il a bien ouy dire à ung nommé Massiot Guillebert, passé sont .XV. ou .XVI. ans, que, long temps a, il avoit mis à pris une ferme de l'acquit des vaisseaulx qui chargeoient de grains aud. lieu ; mais disoit ledit Massiot qu'il estoit encores à estrener du premier denier. Car il n'en avoit oncques riens receu, et lui avoit bien cousté quatre ou VI frans ; et tenoit lad. ferme de la Viconté de l'Eaue. Present à ce present examen Colin de Ronnes, sergent de Saint Goire, par la semonce duquel les dessus nommez estoient venus aud. lieu de Lendint. Lequel nous recorda et depposa que, aujourd'huy matin, ainsi qu'il estoit aud. lieu pour assembler les dessus nommez, il a parlé à la deguerpie dud. feu Guillebert, laquelle est ancienne et neantmoins a bon sens et entendement. Laquele il a enquise quelles fermes ou droictures sond. feu mari avoit et tenoit aud. port de Jumieges ou au Kay-le-Roy, ou temps passé. Laquelle femme lui respondi qu'elle est bien memoratifve que une fois son mari oult une ferme du Roy, ne scet bonnement se ce fut de la ferme de la Viconté de l'Eaue de Rouen ou d'autre, mais savoit bien qu'il n'en avoit riens receu et si avoit esté contraint de la païer.... Enquiz que ilz croient de lad. ferme, que print anciennement led. Massiot Guillebert, savoir se l'acquit qu'il demandoit estoit deu ou non, et sur quoy ? Dient les anciens d'eulx qu'il les vouloit prendre sur grains, mais ne scevent combien et les autres n'en scevent que dire, si non qu'ilz congnurent led. Guillebert estre homme actif, qui s'entremesloit en plusieurs choses et trouvoit beaucop de nouvelles manieres de faire et d'avantages, et hantoit voulentiers les taverniers et les compaignies. Et, parce, croient mieulx que la chose feust par lui mise sus de nouvel et par voulenté que qu'elle feust loyaulment ne acoustumeement deue.

Jehan le Valois, laboureur, aagié de IIIIXX et dix ans ; Valentin Duquesne, carpentier de bateaux, aagié de LXX ans ; Guillebert le Rouge, aagié de LXXII ans, carpentier de maisons; Guillaume Costart, laboureur, aagié de LX. ans; Raoul le Maçon, maçon, aagié de LXX. ans; Robin Delamare, laboureur, aagié de LX. ans ; Perrin des Rues, marchant de bois, aagié de LII. ans; Robin Marescot, carpentier de bateaux, aagié de .XLV. ans, tous de la parroisse de Jumieges, hommes et tenans desd. Religieux.... dient que ung nommé Morant a pieça voulu soustenir qu'il avoit droit de deux deniers sur les vaisseaulx qui chargeoient de bois environ led. lieu du Kay-Ie-Roy. Pour lesquelx deux deniers il fist faire arrest sur ung vaissel appartenant aud. .Desrues. chargé de bois, dont il fist delivrance et depuis n'en ouyt parler.... Enquis sur la ferme que tenoit Massiot Guillebert et aussi sur les deux deniers de heurtage, que demandoient les Morans : dient que quelque chose que led. Guillebert ait faicte le temps passé, qui estoit homme de meunue entreprinse, ne pour chose que les Morans en aient demandé, ilz ne virent oncques ne ouïrent parler que aucune chose en feust levée ne païée.... Et, s'il estoit ainsi que iceulx acquis y feussent alevez et cueilliz, ce seroit ou retardement et destourbier des marchans, marchandises et bestaulx illec venans et affluans, pour le fait dud. passage. Et desjà en est led. port fort scandalizé, et ont plusieurs charois et autres marchandises cessé d'y venir dont le fermier dud. passage, pour cause de l'empeschement dud. nouvel acquit, peult bien estre, à leur advis, endommagé de la somme de .x. l. t., actendu le temps de la harengueson, et, par consequent seroit à la dyminucion de la revennue desd. religieux et de tous les demourans en la terre desd. religieux. Et, à trait de temps, seroit led. port du tout en non valoir; et ne trouveroient qui les voulsist servir en iccllui.

Du mercredi XXVIIIe jour de mars M. CCCC. cinquante deux, devant led. lieutenant.

Robin Groimel, demourant à Rouen, du mestier de taillanderie et de marchandise de vins.... deppose qu'il est natif de Touberville, et sont environ xxx ans qu'il parti du lieu de sa nativité et s'en vint demourer en ceste ville de Rouen. Et, environ sont xx ans qu'il se maria et espousa la fille d'un nommé Massiot Guillebert, lequel Massiot trespassa six ans a ou environ. Et a xxxvi ans ou environ que led. Massiot fu fermier branchier soubz les fermiers de la viconté de l'eaue de Rouen, de la branche du port de Jumieges. Et lui qui deppose et led. Massiot estoient compaignons en aucunes marchandises, en especial de vins de Cognihoult, qu'ilz envoïoient aucunesfoiz, par la mer, en Flandres, en Angleterre et ailleurs. Et, en tant que par ce moïen il frequentoit avec led. Massiot, il a aucunement eu congnoissance du fait dud. acquit. Lequel est tel, ainsi qu'il lui semble et qu'il en a peu avoir congnoissance. C'est assavoir : Que toutes les marchandises qui devoient acquit en la Viconté de l'Eaue et qui se chargoient entre le port de Moulineaux et de Jumieges, en avallant par lad. riviere, tant de costé que d'autre. si non au regard de la terre de Jumieges, païoient acquit aud. Massiot. Et des denrées et marchandises, qui montoient amont lad. riviere n'en paioient riens aud. Massiot, car l'acquit en estoit païé à lad. viconté, aud. lieu de Rouen. Et, au regard dud. port de Jumieges, dit qu'il a bien souvenance que les vins, denrées et marchandises qui venoient aborder du costé de Hardeauville, aud. port de Jumieges, pour charger en vaisseaux de mer et aler aval la riviere païoient lesd. acquitz aud. Massiot. Et aussi bien eussent-ilz fait, de l'autre costé, des denrées et marchandises qui venoient et abordoient aud. port, feust de costé ou d'autre, pour traverser lad. riviere ; scullement n'en estoit riens cueilli ne demandé, dont il ait aucune congnoissance, si non le frait et salaire du passage tant seulement. Enquiz de quelle valeur et revenue estoit lors led. aquit, en la main dud. Massiot, et de combien de temps il a tenu? Dit que led. Massiot a tenu led. acquit par plusieurs années, ne scet pas dire quantes. Maiz du pris par quoy il la tenoit n'est pas bien memoratif, si non qu'il l'a aucunesfoiz tenue par .ix. livres t. Et si vit une foiz une quictance, qui contenoit que led. Massiot avoit païé, pour ung terme de la ferme de lad. branche. LX. s. t. Ne scet se c'estoit pour ung quart d'an ou pour demi-an. Enquiz se lors led. Massiot estoit fermier du passage dud. port pour lesd. Religieux, ainsi qu'il estoit de la branche de lad. viconté? Dit que ouy, et qu'il estoit fermier desd. Religieux aud. passage; et c'estoit ce qui le mouvoit de prendre lad. branche. Dit oultre qu'il a bien souvenance que lesd. Religieux mistrcnt en procès led. Massiot en lad. viconté de l'Eaue de Rouen, à la cause, comme il lui semble, de ce qu'il avoit aucunement [pris] l'acquit sur les hommes de la seigneurie desd. Religieux, à cause des denrées ou marchandises qui y avoient creu. Dont led. Massiot fut sucombé et en fist amende, ainsi mesmes qu'il a ouy dire aud. Massiot. Dit oultre, sur ce enquiz, qu'il a bien XVIII ou XX ans que led. Massiot ne fu fermier branchier aud. acquit. Et plus n'en scet.

Tesmoings recollez, ouys et examinez à Rouen, le mardi .XXVIIe. jour de Mars, l'an mil. CCCC. LII. avant Pasques, et autres jours ensuivans, par nous Pierres Daron, lieutenant general de noble homme, monsieur Guillaume Cousinot, chevalier, seigneur de Monstereul sur le bois, conseiller du Roy, nostre sire, et son bailli de Rouen; appelé et present à ce Guill. Duval, tabellion aud. Rouen, sur ce que autresfoiz ilz avoient esté examinez par Guillaume Coudren, lieutenant du viconte de l'Eaue de Rouen, touchant le fait de l'acquit de lad. viconté de l'eaue au port de Jumieges.

Estienne Cauchevaque, demourant à Moulineaux, aagié de LXX ans ou environ, dit et deppose, sur ce enquiz, qu'il a bien memore et souvenance que, puis ung an ança, il a esté convenu par ung petit sergent de la viconté, nommé Robinet, à aler devers Guill. Coudren, lieutenant du viconte de l'eaue, pour dire et depposer verité sur ce que on lui demandoit s'il avoit oncques veu païer acquit ou travers, le temps passé, aux ports de Moulineaux et de Jumiéges, pour le Roy, nostre sire, soubz l'acquit de lad. viconté de l'eaue A quoy, comme il lui semble, il dit lors et depposa et encores dit et deppose, que aucunement . de tel temps qu'il puet avoir memore, il a veu et congneu que, soubz le chastel de Moulineaux, à l'endroit de la maison et heritaige où il qui deppose demeure, commenchoit la cauchée qui s'en aloit au travers des prez en Seyne, et encores y est. Par laquele tous marchans et toutes marchandises, chariotz, charettes et voictures dloicnt jusques sur le bort de la riviere de Seine, et illec chargoient en flettes et bateaulx et traversoient lad. riviere et s'en aloient deschargier de l'autre costé, vers Sahurs ; et delà s'en aloient par laforest de Rommare, où bon leur sembloit. Item dit, sur ce enquiz, que aux fermiers de la viconté de l'eaue de Rouen ou à leurs commis il a veu cueillir l'acquit ou dit travers, tant de vins que d'autres denrées et marchandises, ainsi, se lui semble, comme on eust païé en la viconté de l'eaue de Rouen. Car l'en y cueilloit, pour queue de vin, XVII. d. ; et a aucunesfoiz veu que iceulx fermiers ou collecteurs menachoient les passans, traversans oudit port, de crier Haro sur eulx et de les faire aler à Rouen ou cas qu'ilz ne paieroient leurs travers. Enquiz quelles gens il a veu fermiers ou collecteurs aud. port, ou travers de Moulineaux? Dit qu'il a bien memore qu'il .y vit ung surnommé Moreau, qui y fut longuement, et n'a point souvenance qu'il y en ait veu d'autre, pour le temps que les chariotz, charectes et chevaulx y passoient. Et, quant led. Moreau fu trespassé, la chose commença à aneantir. Et si dit qu'il y a bien quarante ans ou environ que led. Moreau trespassa. Enquiz se led. Moreau en estoit serviteur, collecteur ou fermier et combien la revenue en valoit ? Dit qu'il lui semble qu'il le tenoit à ferme des fermiers de lad. viconté ; mais de la valeur et revenue d'icellui ne par combien il le tenoit, dit qu'il n'en sauroit depposer. Et, depuis ce temps, a esté la chose baillée et encores est, communs ans, la somme de environ XL. s. t., ou moins. Et n'y a mais, en la baille, que trois vergies de pré, que on nomme la Mare-le-Roy. Et n'y passe l'en plus.

Enquiz oultre sur led. fait de l'acquit du port et travers de Jumiéges : Dit et deppose que, au temps de sa jeunesse, il aloit aucunesfoiz servir à la voicture avecques son pere, qui estoit voicturier par terre, et menoit cominimement ung chariot et servoit les marchans. Et, en ce faisant, passoient et rapussoient par led. port de Jumieges. Et, ainsi qu'il en puet avoir souvenance, y avoit ung homme qui menoit et conduisoit les bateaux et flectes dud. port de l'un costé et de l'autre de lad. riviere. Et ou costé de delà, c'est assavoir vers Hardeauville, estoit ung endroit appelé le Kay-le-Roy, ouquel kay cellui qui conduisoit lesd. bateaux et flettes d'icellui port les faisoit voulentiers chargier et desehargier, pource que icellui Kay-le-Roy est de pierre et plus aisié à monter et descendre que cellui aux moignes de Jumieges, qui est ung pou plus aval la riviere. Enquiz oultre qui estoit cellui qui menoit et conduisoit les flectes et bateaux dud. port, et aussi qui estoit cellui à qui ilz païoient le port du travers : Dit qu'il n'a point de memore qu'il en veist que ung : c'est assavoir, cellui qui menoit et conduisoit lesdictes flectes et bateaux, que l'en appelloit le fermier ou l'acquiteur. Et aucunesfoiz les marchans demandoient les ungs aux autres : « Avez-vous païé au fermier ou passagier ? » Et quant l'en disoit : Ouy ; lors ilz disoient : « Alons-nous ent doncques hardiment : » Enquiz à qui estoit led. fermier et de quele auctorité il usoit, et à qui estoient les flettes et bateaux qui faisoient le passage? Dit qu'il a tousjours eu ymaginacion et encores a que. le passage et passagier feussent au Roy, et les flettes et bateaux aussi semblablement, pource que, du costé de delà, ilz montoient et descendoient sur le Kay-le-Roy, comme dit est. Et n'a point d'autre congnoissance du droit et de l'auctorité desd. religieux aud. port. Enquiz où demouroit led. fermier ou passagier et s'il vit oncques aud. Kay-le-Roy, aucune boette ou ensaigne à fleurs de liz ou autrement, ainsi que l'enaacoustumé faire en travers et acquiz royalz? Dit que led. passagier demouroit au costé de deça, vers Jumieges ; et si ne vit oncques aud. Kay-le-Roy ne environ aucun signe ou ensaigne de boette ne d'autre chose. Et autrement bonnement n'en saurait parler, car, depuis la descente des Angloiz, il ne fut and. port de Jumieges, et antre chose n'en scet...

Du mercredi ensuivant, XXVIIe jour dudit mois de mars, oud. an.

Philippot de la Rue, dit Moreau, demourant à Sahurs, aagié de IIIIxx ans ou environ, jure etc., dit et deppose que, depuis demi an ou environ, il fu convenu par Robinet le Barrier, sergent de la viconté de l'eaue, à aler pardevant Guillaume Couldren, lieutenant du viconte dud. lieu, pour depposer sur le fait du paiement de l'acquit du travers du port de Jumieges, et ne lui semble pas, soubz correction, que en toutes choses il depposast selon ce qu'il a ouy lire en sa depposicion, qui lors en fu escripte, en especial au regard de ce que il semble, par lad. depposicion, qu'il ait veu païer l'acquit aud. port de Jumieges, depuis la redduction du païs de Caux. Car depuis icelle redduction il n'a fréquenté ne reppairé aud. port de Jumieges. Et, quant au surplus, dit et deppose de nouvel, lui sur ce bien ad visé et adverti, comme il dit, que passé a cinquante ans, et depuis audevant de lad. redduction du païs de Caux, il a bien memore que il a veu, par plusieurs fois, gens à pié et à cheval, charettes, chariotz et toutes denrées et marchandises passer et rappasser au travers dud. port de Jumieges. Et en ce temps il y reppairoit pource que il estoit voicturier par eaue ; et si marchandoit de bois à mesrien, de bois à ardoir, de foing et de telles choses, à porter à Rouen, à Paris et ailleurs. Et, à celle cause, souvent aloit aud. port de Jumieges ; et lui souvient bien que le bac et les flettes et bateaux, qui passoient aud. port et travers, estoient et appartenoient aux religieux de Jumieges. Et estoient conduiz et menez par leur fermier, lequel il nomme, à son adviz, Vauquelin. Et n'y en a point veu d'autre, pource que icellui Vauquelin y fu par long temps.

Item, dit que led. Vauquelin estoit fermier de ceulx de la viconté de l'eaue du Roy, Rouen ; et ainsi il estoit fermier du Roy et des religieux, et deschargoit auquel desd. Kays qu'il lui plaisoit.
Enquiz quelz acquitz et droictures, pour le Roy, il a veu païer audit travers, feust à cause dud. Kay-le-Roy ou autrement, feust aussi sur chariotz, charettes, chevaulx chargiez de vins ou d'autres marchandises? Dit que il a aucunes foiz veu charger, aud. Kay-le-Roy, les vins venans par charroy aud. port. Et estoient iceulx vins chargiez en vaisseaulx de mer, pour aler aval, ou bon leur sembloit ; mais, pour venir amont, n'a point memore qu'il y en ait veu aucuns chargier. Et à iceulx vins, qui ainsi estoient chargiez, faisoit ledit passagier païer l'acquit de lad. viconté de l'eaue, c'est assavoir : XVII d. pour queue de vin mené en mer, comme dit est. Et est l'acquit dont mieulx lui souvient.

Enquiz oultre quelz acquitz se paient et estoient cueilliz sur chariotz, charectes et chevaulx chargez, et aussi des vins et autres denrées, qui traversoient dud. Kay-le-Roy? Dit et respond, au regard des chariotz et charectes chargées de vins, qui passoient toutes chargées au travers dud. port ne sur autres denrées et marchandises, qui traversoient semblablement, n'a point memore qu'il ait veu païer aucun acquit de viconté, si non le passage des bateaux tant seulement. Et n'a veu païer led. acquit de viconté si non des vins que l'on deschargoit sur led. Kay-le-Roy pour aler aval comme dit est.

Du XXXIXe jour dud. mois de mars, oud. an.

Colin le Cointe, demourant à Sahurs, aagié de LXXVI ans ou environ, dit et deppose qu'il est vray que, depuis demi an en ça ou environ, il a esfé examiné par Guillaume Couldren, lieutenant du viconte de l'eaue de Rouen, sur le fait de l'acquit du port de Jumieges. Et si est vray qu'il depposa lors selon ce qu'il est contenu en sa depposition, qui lui fut leue, que il avoit esté fermier en lad. viconté de l'eaue en la compaignie de Jehan Cauchevaque et de Jehan Barate. Laquele ferme ilz tenoient à XViii. L. t., pour trois ans, en ce comprins, les fermes des quatre piez et des petits penniers Et si puet bien estre qu'il depposa lors que lui et ses autres compagnons, fermiers de lad. viconté, bailloient à ferme la branche de l'acquit dud. port de Jumieges ; mais, de la maniere du cueillir n'est point si amplement contenu en sad. depposition comme il entend la vérité de la chose. Sur quoy de nouvel il a esté examiné et dit et deppose, sur ce enquiz, qu'il a passé cinquante ans que lui et lesd. Cauchevaque et Barate furent fermiers de lad. viconté, par la maniere que dit est ; maiz ne la tindrent pas les trois ans entiers, car ung nommé Guillaume Dufou, bourgois de Rouen, l'enchiery sur eulx et en demoura fermier. Et ne tindrent lad. ferme que ung an ou an et demi. Pendent lequel temps qu'ilz tindrent et occuperent lad ferme, ilz baillerent les branches d'icelle, comme le port de Moulineaux et le port de Jumieges. Et se bailloient icelles branches pour les trois ans, ainsi qu'ilz tenoient lad ferme de la viconté. Enquiz que c'est et comme s'entendent lesd. branches, et sur qui et comment elles se cueilloient, et qui furent cellui ou ceulx qui les tenoient de leur bail? Dit premierement que ilz baillerent la branche du port de Moulineaux, selon son adviz, à ung surnommé De la Rue, dit Moreau. En laquele branche estoient subgiez ceulx qui venoient arriver aud. port de Moulineaux ou de la Bouille ( qui deschargoient leurs marchandises, feussent blez, vins ou autres choses et qui chargoient aud port en vaisseaulx de mer ou autres, pour aler aval lad. riviere, ) de païer autel et semblable acquit comme en lad. viconté de l'eaue. Mais de ce qui arrivoit aud port pour traverser lad. riviere seulement n'a point de congnoissance que aucune chose en ait esté cueilli, touchant l'acquit de lad. viconté. Et si dit que, au droit de lad. branche du port de Moulineaux, appartcnoit la revennue de certaine piece de pré, nommée Lamare, contenant trois vergées ou environ. Item, quant au regard de la branche dud. port de Jumieges, dit semblablement que toutes denrées ou marchandises, soient vins, blez ou autres choses, qui viennent et abordent sur lad. rivière de Seyne, en chariotz, charettes ou autrement, depuis Caumont, en venant en aval, jusques et comprins led. port de Jumieges, qui descendent et sont chargez en vaisseaux de mer ou autres pour aler aval lad. riviere, doivent et sont tenuz païer semblable acquit aux fermiers de lad. branche comme ilz feroient en l'acquit de lad. viconté, s'ilz passoient par devant lad. ville de Rouen. Et, à parler particulièrement dud. port de Jumieges, dit qu'il y a hanté et fréquenté long temps a et congnoist bien que le bac, les flettes et les bateaux, qui lors y estoient et qui faisoient le passage dud. travers de lad. riviere, estoient et appartenoient aux religieux de Jumieges et estoient menez et conduitz par leur fermier ou passagier. Et là païoit-on la peine du passage seulement, comme il lui semble. Car, pour led. acquit de la viconté, le fermier branchier ne prenoit aucun acquit, pour led. travers, dont il ait congnoissance. filaiz aud. port se prenoit l'acquit de lad. viconté, par la main dud. fermier branchier, sur toutes icelles denrées et marchandises, qui venoient aborder et descendre aud. port, pour chargier en vaisseaulx et mener aval lad. riviere, tout ainsi et par la maniere que dit est du port de Moulineaux, de la Bouille, de Caumont et des autres. Ne il n'ouyt oncques parler que, pour ledit travers, aucune chose feust païée à lad. ferme de la viconté.

Enquiz quelz fermiers branchiers ont esté de son temps et de sa congnoissance aud. port de Jumieges? Dit qu'il a memore d'un surnommé Hervieu, qui cueilloit led. acquit et demouroit and. port, du costé et soubz la Quiefvoye, ne d'autres fermiers n'a point de souvenance. Dit oultre, sur ce enquiz. qu'il ne scet pas comme on se gouverne ne comme on s'est gouverné ou fait dud. acquit, depuis la venue et descente des Angloiz en Normendie, pource que depuis ce temps il n'y a point frequenté ne repairé.

Du vendredi VIe jour d'avril M. CCCC. LIII, après Pasques,

Thomas Deron, demourant a present à Saint-George, sur Fontaines-le-Bourg, aagié de LXIX ans ou environ, jure etc., Dit et deppose qu'il a bien memore que, depuis demi-an ença ou environ il a esté examiné par Jacques Garoul, lieutenant general du viconte de Rouen, et sa depposicion escripte sur savoir qu'il avoit veu et congneu le temps passé de l'acquit et droicture que le Roy ou ses officiers en la viconté de l'eaue de Rouen avoient et prenoient au port et travers de Jumieges Dit oultre, sur ce enquiz, que, environ ce temps qu'il fu examiné, Guill. Couldren, lieutenant du viconte de l'eaue, en parlant et communiquant avec il qui deppose, sans fourme d'examen et sans aucune chose escripre, dont il ait congnoissance, lui demanda du fait dud acquit. Auquel il lui en respondi ce que bon lui en sembloit, et lui semble que lors il en parla à l'un et à l'autre. Et encores, lui sur ce bien advisé comme il dit, en deppose de nouvel. C'est assavoir : Que, par l'espace de XL ans ou environ, il a esté, le temps passé, audevant de IX ans ou environ, officier en ladicte viconté de l'eaue, tant à l'office du poix que à l'office de sergent.

Dit oultre, sur ce enquiz, que de tout son temps il a veu que les fermiers de la viconté de l'eaue bailloient les branches de leurs fermes. Entre lesquelles estoient : le port de Moulineaux, de la Bouille, de Caumont, le val des Leups, Saint Joire, la Foullerie, Anneville, les Tieulleries, Yville et le port de Jumieges, qui sont lieux et places de passage et de chargier denrées et marchandises pour aler amont et aval. Et a tousjours veu et congneu que, en faisant iceulx baulx, l'en faisoit declaration de la maniere de l'acquit. C'est assavoir, que quant en aucuns d'iceulx lieux et portz chatoient denrées ou marchandises, feussent vins, blez ou autres choses, et c'estoit pour mener amont la riviere, jusques à Rouen ou dedens la banlieue, ilz ne païoient point aux fermiers branchiers, maiz païoient à lad. viconté de l'eaue. Maiz s'ilz deschargoient à aucuns d'iceulz portz de l'eaue à terre les denrées et marchandises qui venoient d'aval amont deschargier es pors et lieux dessusdiz, ilz païoient aux fermiers branchiers. Et au regard des denrées et marchandises qui chargent de terre en l'eaue en iceulx lieux et pors pour aler aval vers la mer ilz doivent l'acquit ausd. fermiers branchiers. Et depuis la banlieue dud. Rouen en avalant pevent païer s'il leur plaist en iceulx lieux et ports où ilz chargent ou aler ce païer aud. port de Jumieges, au lieu dit le peel du Kayle-Roy. Maiz ne pevent passer led. pel que ce ne soit en dangier de la poursuite ou de l'amende ou forfaiture. Maiz au regard de prendre ledit acquit sur les denrées et marchandises entrans, passans et traversans ou bac, flettes ou bateaulx des religieux de Jumieges aud. port, il n'en ouyt oncques faire aucune mention et ne scet point que aucun acquit en feust paié à celle cause et que, se aucun en devoit estre paié, il seroit en raison que le Roy querist le bac et le passage. Et aussi, dit oultre, que expressement, quant lesd. baulx se faisoient ausd. fermiers branchiers, on leur desclairoit qu'ilz prendraient sur ce qui seroit chargé en la banlieue pour aler en la mer et ne cueildroient riens de ce qui seroit chargé pour venir amont, dedens la banlieue. Et n'estoit en riens parlé des denrées qui traversoient en bac et en bateaulx ès lieux dessus declairez.

Enquiz se pendent le temps qu'il a esté officier en lad. viconté de l'eaue il a congneu et frequenté les ports et lieux dessus declairez? Dit que par plusieurs fois il y a esté et envoyé, tant pour l'imposicion foraine que pour le demaine forain. Et a bien veu que, des denrées qui chargoient par les manieres devant dictes d'amont et d'aval acquit se païoit aux fermiers branchiers, maiz ne vit oncques ne ouyt parler que ce qui passoit seullement au travers de la riviere, au bac batteaux ou flettes des religieux de Jumieges, païast aucun acquit ausd. fermiers branchiers.

Enquiz oultre s'il a point memore quelz fermiers branchiers il a veu de son temps sur lesd. lieux et ports? Dit qu'il n'en a memore si non d'un nommé Colin le Comte et d'un autre, nommé Massiot Guillebert, qui cueilloient lesd. acquitz par la maniere devant ditte. Et en ce temps ouy dire que led. Massiot avoit esté approuché en la jurisdiction d'iceulx religieux de Jumieges pour avoir entreprins d'avoir cueilli led acquit sur les choses traversans lad. riviere ou bac desd. religieux. Et disoit-on qu'il en avoit fait amende et qu'il en avoit crié mercy à l'abbé, qui lui avoit donné lad. amende.

Enquiz quans branchiers il y avoit esd. pors et de quele revenue ilz estoient et en especial led. port de Jumieges ? Dit que à icellui port de Jumieges avoir ung fermier branchier, pource que led. port estoit loing des autres et n'y eust pas bien peu entendre. Et pour les autres ports n'avoit que ung fermier branchier, pource qu'ilz estoient assez prouches les ungz des autres, combien qu'ilz povoient bien avoir des parchonniers avecques eulx. Et, au regard de la valeur, dil qu'ilz estoient de petite valeur, comme chacune branche, c'est assavoir, led. port de Jumieges XL. s. t. ou environ. Et l'autre branche, pour ce qu'ilz estoient plusieurs ports, estoit de VI l. ou environ.

Jehan le Vigneur, dit Frontebosc, demourant en la parroisse de Saint-Andrieu, aagié de LXV ans ou environ, jure etc., deppose que, grant piece a et ou temps de sa jeunesse, comme l'an mil CCCC V. VI. VII et VIII, il hantoit bien communement aud. port de Jumieges, par le moïen d'un notable homme, riche marchant, demourant à Rouen, nommé Jehan Langloiz, qui se mesloit entre autres choses, de marchandise de bois à ardoir. Et, pour compter icellui bois, estoit, il qui deppose, occuppé aud. port de Jumieges. Et a bien memore que il vit une foiz que ung bastel fut empeschié et suy pour non avoir paie le hurtage aud. Kay-le-Roy. Maiz il fu ramené d'amont où il s'en venoit et mené au chastel de Vatteville. Et disoit-on que telle estoit la coustume et la maniere de faire...

Dit oultre que bien est vray que, puis demi-an ença, ainsi comme il qui parle passoit devant l'ostel de la vicomté de l'eaue, Guill. Couldren, lieutenant du viconte, le appella et lui demanda, devant tous ceulx qui là estoient, sans fourme d'examen et sans riens escripre, qu'il savoit dud. acquit. Lequel lui en dist ce qu'il en savoit lors. Et depuis et de present s'en est dementé et plus adverti qu'il n'estoit lors, en la maniere que cy-dessus a depposé. Et, au regard de ce que, en la depposicion escripte par led. Guill. Couldren est faicte mencion des denrées et marchandises, qui passoient au travers dud. port de Jumieges, en l'an mil CCCC et VII que les grans gelées furent et que la riviere de Seyne estoit gelée, dit : Qu'il est vray que lors estoit, en la fosse de Leure une grant venue de navires jusques au nombre de LII. nefz à chasteau devant, chargees de marchandises, comme de harens, figues, de vins doulx et d'autres choses. Et pource que les marchans avoient haste, pour la saison de Karesme qui aprouchoit, de mener leurs denrées et marchandises, et que ilz ne povoient traverser leurs navires à Honnefleu, au regard de ceulx qui vouloient aler ou païs d'oultre-Seine, ilz en firent chargier grant nombre en charrois et les firent venir audit port de Jumieges pour les passer et traverser par dessus la glace. Et pource que les hors de la riviere n'estoient pas fermez, pour le flo et reflo de la mer, le pontonnier ou passagier du bac desd. religieux,qui pour lors estoit nommé Guillaume Hervieu, qui aussi estoit fermier branchier, avecques ung nommé Cauvyn, de la viconté de l'eaue, appliqua soliveaux et longues pièces de bois à aler de terre jusques au fort de la glace de lad. riviere, pour eschiver au dangier des borts, et, par la dessus, tant d'un costé que d'autre de lad. riviere, passoient les chariots et autres marchandises. Et, en ce faisant avoit grant peine et grant labour led. passagier et ses aides, et aussi en cueilloit-il son passage. Mais n'a point de congnoissance que il en cueillis! aucun acquit, ou nom et au tiltre dud. acquit de la viconté.

Enquiz quelz autres fermiers branchiers il a [veus] aud. port? Dit qu'il y a veu led. Cauvyn apres le trespas dud. Hervieu. Et si y a depuis veu ung nommé Massiot Guillebert, duquel Massiot Guillebert l'en disoit qu'il avoit cueilli acquit aud. port ou passage de Jumieges, à Herteauville, sur les hommes desd. religieux ; pour laquelle cause il avoit esté en grant inconvenient de proces, tant qu'il en estoit alé à Vernon, devers l'abbé, qui lors y estoit, et lui en avoit fait amende et crié mercy. Enquiz sur la revenue dud. acquit aud. port de Jumieges : Dit que de certain n'en sauroit depposer, maiz, en tant qu'il y en peult souvenir, il n'estoit pas baillé à grant pris communement. Et s'il estoit baillé à VIII ou x livres, c'estoit bien hault et bien largement; et encores ne sauroit dire se c'estoit pou III ans que la ferme estoit baillée ou par chascun an.

Robert Dufay, demourant en la parroisse Saint-Estienne aux Tonneliers de Rouen, aagié de cinquante ans ou environ, jure, etc., dit et deppose que bien est vray que, depuis demi-an ou environ, Guill. Conldren, lieutenant du viconte de l'eaue parla à lui en l'ostel dud. lieutenant, où icellui lieutenant l'avoit mandé, par Baleure, sergent. Et lui demanda led. lieutenant qu'il savoit du fait dud. acquit. Sur quoy il dit et respondi ce qu'il en savoit et ce qu'il est encores prest de dire et depposer, c'est assavoir : Que lui qui deppose est natif de Vatteville et que, en son jeune aage il servoit à Conyhoult, en la parroisse de Jumieges (If, ung nommé Vitou, qui estoit du mestier de la mer, et y demoura deux ans. Et depuis s'en ala demourer aud. lieu de Vateville, chiez son pere. Et depuis, c'est assavoir du temps de la redduction du païs de Caux, qui fu en l'an mil CCCC XXXV, s'en est venu demourer en ceste ville de Rouen. Et des lors estoit et encores est marié ; et se mesle dud. mestier de la mer. Et a bien memore et souvenance que plusieurs fois, delors et depuis le temps de sa jeunesse, il a passé et rappassé au travers de la riviere de Seyne, aud. port de Jumieges, aucunes foiz à cheval autres foiz à pié, et si scet bien où est le lieu nommé le Kay-le-Roy, et l'endroit où est fiché ung pieu où l'en disoit communement que les bateaulx forfaiz ou mal acquitez estoient mis ou atachiez, et y en a veu aucunes fois. Maiz quelle amende ou forfaiture ilz païoient ne à qui elle appartenoit, il n'en sauroit depposer...

Item dit qu'il est bien memoratif que en l'année des grans gelées, pour le temps que Venable fu exécuté, qui fu l'an mil CCCC XXXIIlI ou environ, il qui deppose passa à cheval lad. riviere du travers dud. port, par dessus la glace et nesge qui y estoit et ne païa riens, et aussi on ne lui demanda riens. Ne autrement ne plus avant, sur le faict desd. acquitz ne sauroit parler ne depposer quelque chose que escripte en ait esté. Ainsi signé : G. du Val.
Ensuivent les depposicions des tesmoingz examinez par Guillaume Couldren, lieutenant de Louys de Cormeilles, escuyer, viconte de l'eaue de Rouen, dont le recollement a esté fait par Pierres Daron, lieutenant-général de noble homme, monsieur Guillaume Cousinot, chevalier, seigneur de Monstreul-sur-le-Bois, conseiller du Roy, nostre sire, et son bailli de Rouen, appellé et present à ce Guillaume du Val, tabellion de Rouen, aux jours et par la maniere que cy-devant est declairé.

Premièrement.

Thomas Deron (Recelé par Pierres Daron, lieutenant etc., present G. du Val, tabellion, le  VIe d'avril M. CCC. LIII après Pasques.), demourant à Saint-George sur Fontaines-le-Bourc, aagié de LXXII ans ou environ, jure etc., dit et deppose qu'il a esté officier en lad. viconté par l'espace de xxx ans ou plus, tant en l'office du poix comme en office de sergent. Et a veu, de tout son temps, que les fermiers de lad. viconté bailloient à leur proufit le passage et travers du port de Jumieges et que, en icellui port, le fermier prenoit et recevoit semblables acquitz des denrées passans et traversans lad. riviere de Seyne comme on les prent en la viconté de l'eaue, de celles qui passent par lad. riviere, devant lad. ville de Rouen. Enquiz s'il a point memore des fermiers qui pour lors estoient ne de ceulx à qui ilz bailloient icellui port ? Dit qu'il n'en a point de memore, si non d'un homme nommé Massiot Guillebert, lequel a tenu icellui port depuis que les anglois entrerent dedens Rouen. Auquel on le bailloit à le cueillir en la fourme et maniere acoustumée au devant de la conqueste d'iceulx angloiz. Et plus avant sur lad. matiere ne sauroit que depposer.

Robert Dufay, demourant en la parroisse Saint Estienne en la rue aux Tonneliers de Rouen, aagié de cinquante ans ou environ, jure etc., dit et deppose qu'il a veu cueillir au port de Jumieges, en ung endroit que l'en appelle le Kay-le-Roy, des denrées et marchandises qui traversoient la riviere aud. port, tout et tel acquit comme l'en fait païer en la viconté de l'eaue de Rouen. Et y païoit ung homme pour lui et son cheval chargé de marchandise, ung blanc ou demi-breton ; et l'appeloit-on la coustume du Roy. Et en a veu fermier Massiot Guillebert lequel avoit commis cellui qui gouvernoit le port de Jumieges à cueillir pour lui led. acquit et travers pour le Roy, nostre sire. Et a bien memore qu'il a veu la riviere de Saine si fort gelée qu'il passoit lad. riviere par dessus la glace ; maiz, pource qu'il ne portait riens, le passagier du bac n'en demandoit riens, pource qu'il ne passoit point par led. bac. Mais s'il eust porté aucunes denrées il en eust païé acquit pour le Roy, comme dessus est dit. Et plus n'en scet.
Jehan Le Vigneur, dit Frondebosc, demourant en la parroisse Saint Andrieu de Rouen, aagié de LX ans ou environ, jure, etc., dit et deppose qu'il a veu de tout son temps cueillir acquit pour le Roy des denrées passans et traversans par le port de Jumieges, en ung port nommé le Kay-le-Roy. Et a bien XL ans qu'il y vit ung qui tenoit led. passage à ferme, soubz les fermiers de la viconté de l'eaue de Rouen. Et si a veu passer par dessus la glace une charette et chevaulx chargiez de marchandises. Et cueilloit icellui fermier l'acquit d'icelles denrees et marchandises. Et servi pour lors ung nommé Vassi. Et estoit une fois avecques lui qu'il vit passer par led port ung riche homme, nommé Jehan Langloiz, de Routot, qui aloit achater à Harfleu toutes manieres de denrées et marchandises, comme garance, figues, vin doulx et autres denrées de toutes eessences, lesquelles il faisoit amener à charroy et les faisoit passer par dessus la glace, pour ce que la riviere estoit si fort geleé que les charectes et chevaulx passoient par dessus tous chargez. Lesquelles denrées et marchandises, charettes et chevaulx ledit marchant acquitoit comme il eust fait en la viconté de l'eaue de Rouen. Maiz ne scet se led. acquit estoit pour le Roy ou non, et croit mieulx que c'estoit pour le Roy que autrement, pource que le bac d'iceulx religieux ne servoit de riens pour lors à ceulx qui passoient et traversoient. Et plus n'en scet.

Philippot de la Rue, dit Moreau demourant à Sahurs, aagié de IIIIxx ans ou environ, jure etc., dit et deppose que passé à cinquante ans et tousjours depuis a veu bailler par les fermiers qui estoient en la viconté de l'eaue, depuis la rebellion du païs de Caux, le port et travers de Jumieges, à le cueillir, par ceulx qui le tenoient, sur les denrées qui passoient et traversoient par led. port tout en la fourme et maniere que les marchans, à qui lesd. denrées appartiennent, eussent païé en la viconté de l'eaue de Rouen, se ilz eussent passé par la riviere de Sayne audit lieu de Rouen. Mais il dit que ce qui a aboly le droit du Roy aud. port, a esté pource que ceulx qui tenoient le bac des religieux de Jumieges, prenoient lad. ferme des fermiers de la viconté ou de ceulx à qui lesd. fermiers l'avoient baillée. Et si a esté long temps en non valoir, pource que au temps de la guerre nul ne se osoit porter fermier ne acquiteur. Et cellui qui tenoit le bac si cueilloit toujours, avec son passage, l'acquit du Roy ; par quoy plusieurs qui y passoient ne scavoient se ce que led. passager leur demandoit et faisoit païer estoit pour le Roy ou pour les religieux dud. lieu de Jumieges. Et plus n'en scet. Ainsi signé : Couldren (Recolle.... le mercredi XVXIIIe jour de mars MCCCCLII, present led. tabellion.)

Cette presente coppie a esté collacionnée aux originaulz des informacions et recollemens dessus transcrips le quatriesme jour d'aoust, l'an mil IIIIe cinquante trois, et, par l'ordonnance de justice, baillée et delivrée, close et seellée aux religieux, abbé et convent, de Saint Pierre de Jumieges pour eulz en aidier et leur valoir, en temps et lieu, ce qu'il appartiendra. Laquelle collacion a esté faicte par le commandement de Pierre Daron, lieutenant general de Monsr le bailli de Rouen, par moy, Jehan Dauteny, greffier dud. bailliage, l'an et jour dessusd. (Signé ) J. Dauteny.







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