Cathédrale de toile, c'était une figure emblématique de la Seine. Embarquement à bord du Quevilly...

Aux vieux riverains de la Seine, lorsque vous demandiez quel bateau les avait le plus impressionné, on vous répondait sans hésiter le Pourquoi-Pas du commandant Charcot qui fit effectivement escale à Duclair. Mais surtout le Quevilly qui, lui, croisait souvent dans nos parages.












Le Quevilly ici devant Caudebec...
C'est en 1896 que le fameux quatre-mâts barque entre en construction aux chantiers Laporte, de Grand-Quevilly. Commandé par l'armement Henry Prentout-Leblond, le Quevilly est long de 105 mètres pour 13,90 mètres de large. Sister ship du Dunkerque lancé un peu plus tôt pour le même armement, il jauge 3.841 tonneaux bruts et sa surface de voilure peut  atteindre 4.500 m2
Ce voilier en acier est doté d'une double coque. A l'avant, sa figure de proue, sorte de sirène conquérante, est surnommée "la poupée du Quevilly". Combien de cartes postales ont été éditées avec sa silhouette. Hélas, on ne le voit jamais sous voile, même s'il fut photographié en mer par les passagers des steamers.
Parrainé à son lancement par  la veuve Lemarchand et le sieur Massieu, ancien juge au tribunal de commerce, le plus grand pétrolier-voilier du monde assurait la navette entre la ville qui lui avait donné son nom et Philadelphie, sur la côte Est des États-Unis, où il allait chercher l'or noir. Quinze jours de traversée. Les rotations ne laissent que peu de jours d'escale.



Ici encore devant Caudebec...


Lugubre mouillage à Yainville


Un malheur marque les débuts du Quevilly. En mai 1899, alors que le navire passe devant les jetées du Havre, un matelot perd pied du haut des vergues et tombe sur le pont. Colonne vertébrale cassée. Il meurt peu après sa chute. Au mouillage d'Yainville, le Dr Bréchot, de Caudebec, monte à bord pour constater le décès.
Ayant pour premier commandant le capitaine Chotard, on comptera beaucoup de Bretons dans ses équipages successifs. Mais tout de même des locaux. Comme mon cousin Louis Mauger, né à Yainville en 1881. Il embarque comme novice le 17 décembre 1898 et passe matelot le 3 juin suivant. Une légende veut que mon grand-oncle, Gustave Chéron, passeur du bac d'Yainville, ait eu lui aussi l'honneur de naviguer à bord du Quevilly. Il semblerait qu'il se soit contenté d'en réaliser la maquette...

On le voyait souvent sur le fleuve, le Quevilly. Il en était la majesté. Ses retours étaient salués par des quais noirs de monde. Bref, le dernier monument de la marine à voile était la fierté des Normands. Le Quevilly était rassurant. Il symbolisait le prestige de la vieille marine tout en transportant le carburant de la révolution industrielle. 

Un navire fantômE

C'était aussi un saint-bernard des mers. En novembre 1903, il sauve l’équipage de la goélette américaine Ira Bliss en perdition au large du Delaware. En mars 1907, perdue au large du banc de Terre-Neuve, l'épave d'une goélette américaine, l'Everett-Webster, errait depuis un mois en mer, la seule dunette émergée. Un danger pour la navigation. Le Quevilly croisa sa route et alla reconnaître l'épave. Et découvrit son équipage qui se laissait mourir. Le 4 mai, les sept rescapés furent ramenés à Rouen et l'on fit une fête au capitaine Pierre Ladonne, en poste depuis septembre 1905 et secondé par Raoul Van der Kemp, Ladonne allait alors prendre le commandement du grand vapeur Charles-Tiberghien. Sur le Quevilly, il fut remplacé par le capitaine Gaude, venu du voilier Alice-et-Isabelle.

En avril 1908, les gens de Villequier purent admirer à loisir le voilier. Il s'échoua sur leur rive et dut attendre la marée suivante pour se renflouer. Puis ce fut au tour des Traitons, le 7 octobre. Commandé par le capitaine Lagne, il s'échoua à nouveau alors qu'il était en remorque de l'Abeille-XI. Là encore il fallut attendre la marée montante.

Du coup, en 1909, on équipa le voilier de moteurs auxiliaires qui le dispensent de remorquage. Le Quevilly possède alors à bord tout un système électrique.

En 1911, c'est un Breton d'Ille-et-Vilaine, Jean Rault, qui prend le commandement. Ce sera le dernier. Un pari car cet homme-là a été jugé pour la perte d'un trois-mâts et l'échouement d'un second. Sa femme, Marie de Latour, est morte en couches à bord du premier. Blanchi, il s'est remarié depuis...

Durant la grande guerre, militarisé ainsi que son commandant, le Quevilly est constamment traqué par les torpilleurs. Il accomplit cependant sa mission sans encombre jusqu'au début 1918 où il se fait aborder accidentellement à New-York par un torpilleur américain. 

Ayant quitté La Pallice le 31 janvier 1918 pour ravitailler la flotte des Açores, escorté par le sous-marin français Diane, il est attaqué, le 11 février 1918, par un U-Boot allemand. Le pétrolier réussit à échapper à l'attaque. Le Diane fut coulé. Mais voici l'apogée des pétroliers à vapeur...

Je viens de retrouver quelques papiers concernant mon parrain qui se trouvait être marin. Sa premiere inscription maritime date de 1912 et le premier embarquement sous le numero 3435 sur le Victor Hugo pour la Première Guerre mondiale ; puis cet embarquemnt sur le Quevilly en mai 1920. Si dans vos archives subsistaient qelques informations concernant cette periode je serais très heureux d'en prendre connaissance,
bien sur dans la mesure ou cela est possible.
Demobilisé il est parti sur le Compiègne jusq'à octobre 1923 et en 1938 il a commencé une carriere de pêcheur a la Turballe sur les terre-neuvas et ensuite en pêche côtière
Un homme exceptionnel comme il devait en avoir beaucoup dans la marine a cette epoque...

Dominique Bazire

Le Quevilly est désarmé le 5 octobre 1921, abandonné non loin de Croisset. En 1923, les Norvégiens rachètent le voilier démâté, le motorisent et en font un bateau-citerne pour le transport des huiles de baleine, du charbon puis des carburants. Entre temps, son dernier capitaine reçut la Légion d'Honneur en 1927, année de sa mort.
Sous le nom de Deodata, le Quevilly navigua seize années avant d'être une des premières victimes de la seconde guerre. Le 21 octobre 1939, touché par une mine larguée du sous-matin U-19, il sombra en mer du Nord par  53°20 N et 000°38 E, près du bateau-feu de Inner Dowsing. Les 23 hommes d'équipage furent recueillis par le bateau de sauvetage de Gorleston. En l'an 2000, par 19 m de fond, des plongeurs allèrent reconnaître l'épave. La légende voudrait qu'ils aient été Normands.

Laurent QUEVILLY.


" Un peu que nous sommes Normands ! s'amuse Dominique Mazier, et même Quevillais pour certains d'entre-nous !  Pour tout savoir, c'est ici :

 https://grieme.org/.../manche-est/q/91-quevilly.html...

Lien: le bac d'Yainville


Vos réactions



CONTACT


Olivier : je suis en possesion d'une lithographie du Quevilly, celle ci a ete récupérée dans la maison de Jacques Chastellain, ancien maire de Rouen et armateur. Mon pere qui travaillait dans l'entreprise de démolition Hivet, cette maison était à la place de l'échangeur du pont Guillaume-le-Conquérant pour constuire celui-ci.

René Andasse : Je viens de lire un de vos articles sur le Quevilly. J'ai travaillé comme coursier en 1964-65, pour l'armement J.Chastellain , et dans le magnifique hall d'entrée, il y avait une superbe maquette du voilier Quevilly de l'armateur Prentout.


 






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