En 1826, Thomas Alexander Boswell se rassasie dans une auberge de Duclair. L'hôtesse est à ses yeux fort jolie. Puis il visite Jumièges, sympathise avec la population. Avant de faire route pour Caudebec.
Les souvenirs d'un piéton...
 
Après avoir suivi le cours de la rivière pendant environ une heure, je suis arrivé à Duclair, où, sur le petit quai de ce port insignifiant, j’ai aperçu un tableau suspendu au-dessus d’une porte, représentant divers pâtés et autres comestibles, avec cette assurance réconfortante :


Ici l'on donne a manger et
On loge à pied et à cheval.

Ma promenade m’avait ouvert un excellent appétit, alors je me suis dirigé vers la cuisine du Traiteur, où j’ai trouvé l’hôtesse. Je lui ai demandé si je pouvais avoir quelque chose pour le petit-déjeuner. « Oui, oui, Monsieur, choisissez », et en désignant un placard, j’ai vu une volaille froide, du veau lardé et quelques grives.

« Donnez-moi de la volaille », dis-je. « Bien, bien, Monsieur : la moitié, n’est-ce pas ? » « Oui », répondis-je, « mais combien dois-je payer ? » « Oh ! nous réglerons tout cela ; n’ayez pas peur, nous ne trompons jamais le monde. »

Or, la personne qui faisait ces déclarations de fidélité était une très jolie femme, avec des yeux d’un bleu profond, un sourire des plus envoûtants, un bonnet normand particulièrement bien fait qui lui allait à merveille, et des bras plus blancs que la volaille dont je négociais l’achat. Je n’eus pas le courage, face à tous ces charmes, de persister dans mon marchandage peu galant, alors, souriant et répondant, « Eh bien ! donnez-moi donc la moitié : bien que j’aie peur que vous soyez trop jolie pour être sincère. »

J’expédiai la volaille et un peu de cidre, et portai un toast au maire du lieu, qui entra par hasard avec son fusil en chasseur, dans un petit verre. Tout cela étant fait, il me fallut alors penser à régler l’addition et à poursuivre ma route. Je demandai ma note, et c’est alors que je découvris qu’il ne faut pas faire confiance aux femmes ; car la traîtresse, c’est-à-dire la femme du traiteur, me fit payer de manière tout à fait exorbitante ; et la seule consolation que je reçus face à mes plaintes fut : « Très cher, Monsieur ! mais non, il n’y a que deux jours que deux messieurs anglais disaient que je les faisais payer au contraire trop bon marché. » Ainsi, constatant qu’elle ne se comporterait pas plus honnêtement, je saisis mon bâton et repris ma marche.

Yainville...


Je quittai alors la rivière, la laissant à ma gauche, et m’enfonçai davantage dans l’intérieur des terres, traversant quelques villages tranquilles nichés au cœur de vergers et agrémentés de jardins remplis de roses musquées, très courantes dans cette partie de la Normandie. Je me dirigeais vers Caudebec ; mais j’avais décidé de m’écarter de la route directe afin de visiter les ruines de la célèbre abbaye bénédictine de Jumièges, située à mi-chemin, m’avait-on dit, de Caudebec. On m’indiqua de prendre un sentier qui traversait des champs à ma gauche, et après être passé par un petit village doté d’un clocher ressemblant à un tabouret en bois, et avoir dû demander mon chemin à un groupe de fermiers qui, avec leurs selles recouvertes de peaux de mouton, leurs hautes bottes, leurs éperons et leurs blouses, se rendaient à Rouen à cheval, je finis par apercevoir les fines flèches pointues de l’abbaye, émergeant de la vallée en contrebas de la colline sur laquelle je voyageais, et que je commençai bientôt à descendre.

Jumièges



Le village de Jumièges ressemble à la plupart des hameaux normands : extrêmement sale, rempli de cochons aux longues pattes et de canards, mais ombragé et protégé par une profusion de pommiers et de poiriers. Les ruines de l’abbaye se dressent presque à son extrémité et méritent bien un détour depuis la route principale. Leur apparence actuelle suffit à prouver qu’elles ont dû appartenir à une fraternité riche et puissante ; et les chroniques qui traitent de la Normandie parlent rarement d’elle sans la mentionner. Fondée par Clovis II, elle reçut le nom de Jumièges, ou Gemeticum, soit, comme le dit la chronique, « à cause de ceux qui, par dévotion, s’y rendaient en grand nombre pour gémir et pleurer leurs péchés », soit de gemma, selon la légende : Gemmeticum siquidem a gemma dixere priores. Quod reliquis gemma? praecelleret instar Eoa (ce qui signifie qu’on l’appelait Gemmeticum de gemma, « joyau », car elle surpassait les autres comme un joyau d’Orient).

Si les monastères de Cluny et celui de l’Îsle Barbe occupaient une place prééminente et prestigieuse dans le sud de la France, Jumièges se distinguait par sa richesse et sa dignité dans le nord. Il abritait 900 moines, ainsi qu’une multitude innombrable de serviteurs et de dépendants. Mais le jour de l’épreuve et de l’adversité approchait pour cette sainte confrérie. Les Normands, sous la conduite de Côte de Fer et Hastenc, envahirent la Neustrie, et dans une barbarie sacrilège gratuite, ils renversèrent l’abbaye bénédictine de Jumièges, parmi d’autres dévastations qu’ils commirent. Les moines s’enfuirent, et beaucoup d’entre eux atteignirent le Brabant, où, dans une prévôté que Pépin, le duc de ce pays, avait fondée et rattachée à Jumièges en reconnaissance d’une victoire remportée sur Théodoric, ils purent demeurer en toute tranquillité.

Sous le règne du duc William Longue-épée, deux des moines revinrent: «Non a Jumièges, dit la Chronique, onques la perle et le paradis des monastères comme le cloître est le ciel de ce monde; mais ayant découvert les ruines d'un autel, ils élevèrent une hutte rudimentaire et sans confort, et se livrèrent à la prière et à la pénitence au milieu des colonnes et des chapelles brisées de leur ancienne demeure.

Alors que les deux anachorètes vivaient ainsi dans la pauvreté et l’humilité, le duc Guillaume se trouva à passer à cheval près de leur retraite. Informé de la piété des deux pauvres bénédictins, il descendit de cheval et conversa avec eux. Ceux-ci, en tant qu’aumôniers de l’abbaye, rapporte la Chronique, offrirent à leur prince du pain d’orge et de l’eau en guise de rafraîchissement, ce que Guillaume, comme on peut l’imaginer, rejeta avec un sourire de mépris devant la simplicité des moines. Mais après les avoir quittés, il n’avait pas parcouru beaucoup de chemin lorsqu’un sanglier sauvage se précipita furieusement sur les hommes qui l’accompagnaient. L’un d’eux tenta de frapper l’animal avec sa lance, mais l’arme se brisa, et le monstre, désormais doublement enragé, se rua sur le duc, saisit ses vêtements et les déchira avec ses défenses et ses dents, avant de s’enfuir, satisfait de cet avertissement. Guillaume, attribuant sa préservation à la sainteté des lieux et à sa récente conversation avec les moines, décida de reconstruire l’abbaye, ce qu’il fit effectivement, la peuplant de moines provenant du monastère de Saint-Cyprien, en Poitou. Avec quelques interruptions courtes et mineures, l’abbaye de Jumièges prospéra et vécut en paix pendant les huit cents années suivantes, jusqu’à ce que la Révolution, fidèle à son caractère habituel — Diruit, aedificat, mutat quadrata rotundis (elle détruit, construit, change les carrés en ronds) — renverse enfin et pour toujours la Perle et Paradis des Monastères.

L’église dont les ruines subsistent encore fut construite au XIe siècle, sous l’abbatiat de Robert, qui devint par la suite évêque de Londres sous le règne d’Édouard le Confesseur, puis archevêque de Cantorbéry. L’éducation qu’Édouard avait reçue en Normandie le rendait extrêmement attaché aux coutumes et aux natifs de ce pays, et deux autres Normands, Ulf et Guillaume, occupèrent les sièges épiscopaux de Dorchester et de Londres.

Comme je ne suis pas un antiquaire d'architecture, je n'ai pas grand chose à dire sur les corniches, les chapiteaux, les tours octogaonales circulaires et les angles obtus, etc. qui qui subsistent encore de l’abbaye et qui servent d’exercice au crayon et à la plume de ceux qui étudient ces sujets. Mais l'effet général de sa solitude, debout au milieu des orties, et entouré d'images déchues d'anges et de saints, tandis que ses murs sont encore couverts des peintures d'or qui sont laissées, comme dans la moquerie, à l'escargot et au mildiou pour les effacer, était suffisamment frappant pour moi, sans que je fasse un examen fastidieux et inutile des fragments épars et disjoints.

Il y avait un homme à l'intérieur de la chapelle qui faisait des cordes, et sous un des sanctuaires brisés était assis un vieux paysan aux longs cheveux blancs, avec un petit garçon à ses côtés. Je lui parlai, et remarquai que l'abbaye avait dû être superbe autrefois. Vous avez raison, monsieur, répondit-il en secouant la tête, elle est à présent déchue et foible, comme moi ... Ah! Je me rappelle bien du temps, quand les cloches de ces tours là-haut avaient l'habitude de sonner du matin jusqu'à la nuit des jours de fête, et quand tous les pauvres, sur des kilomètres, ne venaient qu'à l'abbaye, et qu'ils ne revenaient jamais les mains vides, Mais tout cela est passé, ses cloches sont à Rouen, et nous ne les entendrons plus jamais dans le village, et les pauvres doivent mourir de faim maintenant, s'ils ne peuvent pas travailler ... Voici mon petit-fils: eh bien si les Bénédictins avaient été ici, ils auraient pris soin de lui, mais Dieu sait ce qu'il deviendra quand je partirai. au bon Dieu, car il n'a ni père, ni mère ... Et voyez-vous, monsieur, penser que le boulanger de l'abbaye soit l'homme qui ait acheté ses biens ... Ah! mon Dieu, cest une triste chose que ce monde ici bas. "

Il y avait quelque chose de singulièrement touchant dans cette lamentation, exprimée par ce contemporain âgé sur l’hospitalité et la grandeur disparues de Jumièges, entouré de ruines et de désolation, et lui-même au bord de la tombe.

Je demandai comment le petit garçon était devenu orphelin si jeune. « Monsieur », répondit le vieil homme, « son père était marin et a été perdu dans le golfe de Gascogne, et sa pauvre mère, que Dieu la bénisse ! n’a jamais relevé la tête après cela. Ah ! si les bons pères avaient été là, ils auraient pris son enfant à leur service, mais il n’y a que Dieu maintenant et les charitables. » Ne souhaitant pas être exclu de ces derniers, j’agis en conséquence et quittai l’abbaye.

Chez le batelier

Comme l'après-midi avançait, et que Caudebec était encore à une distance considérable, je demandai si je ne pouvais pas y arriver par eau, car autrement j'avais peur que je sois obligé de refaire toute le détour que j'avais fait. J'étais dirigé vers la cabane du batelier, qui était sur les bords de la Seine, le village de Jumieges lui-même en étant  peu éloigné. Quand je suis arrivé, j'ai trouvé le batelier et je lui ai demandé s'il pouvait m'emmener à Caudebec, mais à ma grande déception, il est apparu que son bateau n'était pas là, et que je devais continuer à pied. J'ai cependant eu le plaisir d'observer la rivière dans cette partie fermée de part et d'autre par de hautes rives boisées et baignant les murs mêmes de la maison du batelier.. Cela ne lui procure toutefois aucun avantage, car cette habitation est sujette aux inondations dues à la montée rapide de la marée, et, si cette scène peut sembler pittoresque aux yeux du voyageur, elle est loin d’être perçue ainsi par son propriétaire.

Ne voulant pas reprendre le même chemin que j'avais déjà parcouru, je demandai au batelier s'il n'existait pas un sentier plus court pour rejoindre la grande route de Caudebec. Il m'informa que oui.

— Voulez-vous me guider ? demandai-je.
— Volontiers, Monsieur, si vous voulez bien attendre quelques minutes.

En attendant, je me promenai vers une autre chaumière que j'aperçus à travers un verger ombragé et j’observai son propriétaire, penché sur la barrière.

— Bonjour, Monsieur.
— Bonjour, répondis-je.
— Monsieur cherche-t-il quelque chose ?

Je lui expliquai mon affaire.

— Ah ! oui, la barque n'est pas là à présent, mais entrez, entrez, Monsieur, asseyez-vous un petit moment.

J'acceptai l'invitation, et entrai dans la maison, qui différait peu des autres, étant ornée de son décor habituel : une image de la Vierge, un portrait de la Duchesse d'Angoulême, celui du Roi, un crucifix, une immense cheminée noire, un buffet garni d'assiettes à fleurs rouges et de verres, et un sol aussi accidenté et rugueux qu'une route russe en été.
J'aperçus sur la table les restes d'un verre de cidre, et, imaginant que j'étais dans une sorte d'auberge, je dis: Donnez-moi du cidre. "Volontiers, Monsieur" et une grosse bouteille fut extraite du cellier ; "du vieux, entendez-vous, Catherine?" cria l'homme à sa femme. J'expédiai mon cidre avec l'aide de l'hôte et du batelier, arrivé maintenant, et qui s'était muni d'une veste courte, de souliers épais et d'un bâton. C'était un vieux garçon vif et actif, âgé de plus de soixante ans, et qui faisait vibrer la chaumière avec sa gaieté et sa langue, en disant à la femme, qui venait de se marier, "Ha! Ha! Le bonhomme là ne viendra pas avec nous, hein ! à présent, vous êtes préfet (sic) à cette heure, et nous autres, comme des sots, nous nous marions ! Mais ne dites pas ça à ma femme, entendez-vous".
Mais sa femme, une vieille femme chancelante, entendit pourtant ces paroles et passa la tête, couverte d'un fichu de coton usé, elle lança : «Allez, allez, vieux Margot, tu nre reviendras  jamais avant que la marée monte. Et le traître pris sur le fait dans sa plaisanterie s’écria aussitôt : Allons, allons, Monsieur, il faut partir !

Je demandai alors combien je devais pour mon cidre.

— Rien, Monsieur, nous n’en vendons pas ; vous y êtes le bienvenu, et nous vous remercions du plaisir de votre compagnie.

Ils refusèrent catégoriquement toute rétribution.

Le chemin des Fontaines

Mon guide et moi quittâmes donc cette chaumière si hospitalière et nous mîmes en route. Nous longeâmes la rivière pendant un bon moment, et il me montra les ravages causés par différentes inondations.

— La dernière, Monsieur, dit-il, fut si terrible que vous pouvez encore en voir les traces, bien qu’elle date d’il y a un an.

Effectivement, je distinguai un vaste gouffre dans la berge.

— C’était lors d’une tempête, Monsieur. Le Havre nous a envoyé ça depuis la mer, et la Seine s’est mise à danser et à bondir comme un taureau furieux, avant de monter jusqu’au pied de ces montagnes-là.

Il désigna du doigt ces montagnes, situées à un bon demi-mille de là.

Toutefois, ces accès occasionnels de colère et de violence ne modifient en rien le caractère général que j’avais déjà attribué à ce fleuve. Car même la Tamise, qui serpente paisiblement à travers les pelouses et les bosquets de Richmond et de Twickenham, correspondant ainsi parfaitement à la description de Shakespeare :

"Et dépose un doux baiser sur chaque roseau
Qu’elle dépasse au long de son pèlerinage,"

Cette même caresseuse rivière peut parfois distribuer de rudes coups et se comporter comme tout sauf un pèlerin.

En chemin, nous traversâmes une petite ferme, entourée de vergers et ceinte de haies, au pied d’une colline boisée. Une jolie jeune fille y trayait des vaches.

— Bonjour, ma nièce ! s’écria mon guide.

— Ah ! bonjour, mon oncle, répondit la jeune fille. Il y a longtemps que nous ne vous avons pas vu. Et ma tante, se porte-t-elle mieux ?

— Comme ça, comme ça… Votre cidre sera-t-il bon cette année ?

— Oui, oui, nous allons commencer à récolter dans une semaine. Vous viendrez, n’est-ce pas, et ma tante aussi ?

— Peut-être bien que oui… Allons, adieu, ma nièce !

— Adieu, mon oncle !

Et nous poursuivîmes notre route.

Après m’avoir guidé à travers un dédale de sentiers et de chemins étroits, il finit par me mener sur la grande route, non sans avoir parlé sans interruption tout au long du trajet et mis mon endurance à rude épreuve.

Il me raconta également qu’il avait été prisonnier en Angleterre, à Norman-Cross, et qu’il avait tenté de s’évader. Après avoir erré quelque temps à travers la campagne, parfois caché par des paysans, il avait finalement été découvert et reconduit à sa prison.

Le soir commençait à tomber, et j’avais encore, d’après ce que l’on m’avait dit, pour trois grandes heures de marche. Alors, après avoir trinqué une dernière fois avec mon guide autour d’un petit verre, nous nous séparâmes :

Je pris la route qui me plaisait… Et lui en fit de même.

La route de Caudebec


Je ne revis plus la rivière pendant un certain temps, mais finis par l’apercevoir à nouveau, dessinant un méandre impressionnant que je devais forcément suivre. Ce détour, bien que contraignant, avait du moins l’avantage d’être splendide : un majestueux château blanc se dressait au bord de l’eau, ses jardins et ses terrasses baignés par le fleuve ; quelques villages scintillaient sous les derniers rayons du soleil couchant ; des prairies couvertes de bétail s’étendaient alentour, tandis que de légères embarcations glissaient vers leurs ports.

À mesure que j’avançais, la route s’élevait, la lune se leva, mais je perdis de nouveau la vue du fleuve, caché par d’épais bosquets. Après avoir traversé un ou deux charmants villages, où de petits ruisseaux argentés par la lune coulaient au rythme régulier des moulins en pleine activité, et après avoir eu l’impression que Caudebec fuyait toujours devant moi, j’eus enfin le plaisir d’entendre une profonde horloge d’église sonner neuf heures.

Puis, contournant brusquement un talus élevé, je vis enfin s’ouvrir devant moi la rue de Caudebec.


Haut de page

Source : Recollections of a Pedestrian, Vol. 3 of 3, T.A Boswell. Les intertitres sont de la rédaction. 

Le texte original

After following the course of the river for about an hour, I arrived at Duclair, where upon the small quay of this insignificant port, I perceived a painting hanging over a door, representing various pat is and other comestibles, with the comforting assurance  :


Ici l'on donne a manger et
On loge à pied et à cheval.
My walk had gained me an excellent appetite, so I proceeded to enter the kitchen of the Traittur, where I found the hostess. I asked if I could have something for breakfast. " Oui, oui, Monsieur, choississez" and pointing to a cabinet, I saw a cold fowl, some larded veal, and a few thrushes.

"Let me have some fowl," said I. " Bien, bien, Monsieur : la moitié n'est-ce pas ?" " Yes," replied I, " but how much am I to pay ?" " Oh ! nous arrangerons tout cela ; N'ayez pas peur, nous ne trompons jamais le monde"

Now the person who made these professions of fidelity was a very pretty woman, with deep blue eyes, a most bewitching smile, a particularly well-made Norman cap, which became her extremely, and arms whiter than the fowl I was in treaty for. I had not the courage, in the face of all these charms to persist in my ungallant haggling, so smiling and replying, " Eh bien ! donnez moi donc la moitié : though I am afraid you are too pretty to be sincere."

I despatched the fowl and some cider, and pledged the mayor of the place, who happened to come in with his gun en chasseur, dans un petit verre. All this being done, it now be-came necessary for me to think of paying the reckoning, and continuing my route. I asked for my bill, and then I found that faith is not to be placed in woman ; for the traitress, i. e. the traiteur's wife, made me pay most unconscionably; and all the consolation I received under my complaints was "Tres cher, Monsieur ! mais non, il n'y a que deux jours que deux Messieurs Anglais disaient que je les faisais payer au contraire trop bon marche." So, finding that she would not behave more honestly, I seized my stick, and walked on.

I
 then quitted the river, leaving it to my left, and turned off more into the interior, passing  through some quiet villages, embosomed in orchards, and graced by gardens full of musk roses, which are very common in this part of Normandy. I was making my way towards Caudebec ; but had determined upon diverging from the direct road, for the purpose of seeing the ruins of the celebrated Benedictine Abbey of Jumieges, about half way as I was informed from Caudebec. I was directed to take a path which ran across some fields to my left, and after passing through one small village, with a steeple just like a wooden stool, and having been obliged to ask my way of a party of farmers, who, with their sheep-skin covered saddles, high boots and spurs, and smock frocks, were riding to Rouen, I perceived at last the thin pointed spires of the Abbey, peeping up from the valley beneath the hill upon which I was travelling, and which I soon began to descend.

The village of Jumieges is like the generality of the Norman hamlets, extremely dirty, filled with long-legged pigs and ducks, but shaded and protected by a profusion of apple and pear trees. The ruins of the Abbey stand nearly at its extremity, and are well worth a deviation from the main road. Its present appearance is sufficient to prove that it must have belonged to a rich and powerful fraternity; and the chronicles which treat of Normandy are seldom silent respecting it. Founded by Clovis II it received the name of Jumieges, or Gemeticum, either, as the chronicle says, "a cause  de ceulx qui par dévotion en grand nombre s'y rendoient pour gemir et plorer leurs péchés,"  or from gemma, according to the legend, Gemmeticum siquidem a gemma dixere priores. Quod reliquis gemma? praecelleret instar Eoa.

If the monasteries of Cluny, and that of L'lsle Barbe, held a proud preeminence in the South of France, Jumieges stood conspicuous for its wealth and dignity in the North. It contained 900 monks, and an innumerable train of servants and dependants. But the day of trial and adversity to the holy brotherhood was approaching. The Normans under Cote de Fer and Hastenc invaded Neustia, and in wanton sacrilegious barbarity they overthrew the Benedictine Abbey of Jumieges, among other devastations which they committed. The monks fled, and many of them reached Brabant, where, in a Prévotry, which Pepin, the Duke of that country, in gratitude for a victory gained over Thedoric, had founded and annexed to Jumieges, they remained in tranquillity.

Under the reign, however, of Duke William Longue-épée, two of the monks returned, " non a Jumieges, (says the Chronicle,) onques la perle et le paradis des Monasteres comme le cloistre est le ciel de ce bas monde;" but having discovered the ruins of an altar, they erected a rude and cheerless hut, and devoted themselves to prayer and penance amidst the shattered columns and chapels of their ancient abode.

While the two anachorites were thus living in poverty and humility, Duke William happened to ride in the direction of their retreat, and being informed of the piety of the two poor Benedictines, alighted and conversed with them. They, as almoners of the Abbey, says the Chronicle, presented to their Prince some barleybread and water, as a refreshment, which William, as may be supposed, rejected with a smile of contempt, at the simplicity of the monks. But having left them, he had not ridden much farther, when a wild boar rushed furiously upon the men who attended him. One of them aimed a blow at the animal with his spear, but the weapon broke, and the now doubly-enraged monster dashed at the duke, seized his clothes, and tore them with his tusks and teeth, but satisfied with this warning the boar then made off. William, attributing his preservation to the sanctity of the neighbourhood, and his recent conversation with the monks, determined upon rebuilding the Abbey, which he accordingly did, and filled it with monks from the monastery of St. Cyprian, in Poitou. With some slight and short interruption, the Abbey of Jumieges continued during the following period of eight hundred years in prosperity and peace, till the Revolution, as usual true to its character, Diruit, adificat, mutat quadrata rotundis, finally, and for ever overthrew both the Perle et Paradis des Monastères.

The church of which the ruins still remain, was built in the eleventh century, during the Abbacy of Robert, who was afterwards bishop of London in the reign of Edward the Confessor, and subsequently Archbishop of Canterbury. The education which Edward had received in Normandy, made him extremely attached to the customs and natives of that country, and two other Normans, Ulf and William, held the sees of Dorchester and London.

As I am not much of an architectural antiquarian, I have little to mention respecting the cornices, and capitals, and octagon, and circular towers, and obtuse angles, &c. which are still left of the Abbey, to exercise the pencil and pen of those who make these matters their study. But the general effect of its loneliness, standing amidst nettles, and surrounded by fallen images of angels and saints, while its walls are still covered with the golden paintings which are left, as if in mockery, for the snail and the mildew to efface, was sufficiently striking to me, without my wading through a tedious and useless examination of the scattered and disjointed fragments.

There was a man within the chapel employed in making ropes, and beneath one of the shattered shrines sat an old peasant, with long white hair, with a little boy by his side. I spoke to him, and remarked that the Abbey must have been superb formerly. "Voas avez raison, Monsieur," he replied, but shaking his head, "elle est a present déchue et foible, comme tnoi. Ah! je me rappelle bien du temps, when the bells in those towers up there used to chime from morn till night upon fete days, and when all the poor for miles round used only to come to the Abbeygate, and they never returned empty-handed, Mais tout cela est passé; its bells are at Rouen, and we shall never hear them again in the village, and the poor must starve now, if they can get no work. Here's my little grandson: why, if the Benedictines had been here, they would have taken care of him; but God knows what will become of him when I go au bon Dieu, for he has neither father nor mother. Et voyez-vous, Monsieur, to think that le boulanger of the Abbey should be the man who bought its biens. Ah! mon Dieu! Cest une triste chose que ce monde ici-bas."

There was something singularly touching in this lamentation, uttered by its aged contemporary over the departed hospitality and greatness of Jumieges, surrounded by ruin and desolation, and himself upon the brink of the grave.

I inquired how the little boy had become an orphan at so early an age. "Monsieur," replied the old man, "his father was a sailor, and was lost in the Gulph of Gascony, et sa pauvre mère que Dieu la benisse! never held her head up after it. Ah! if the good fathers had been here, they would have taken her child into their service, mais il n'y a que Dieu a present et les charitables." Wishing not to be excluded from among the latter, I acted accordingly, and left the Abbey.

As the afternoon was advancing, and Caudebec was still at a very considerable distance, I inquired if I could not get thither by water, as otherwise I was afraid that I should be obliged to retrace all the deviation which I had made. I was directed to the boatman's hut, which was upon the banks of the Seine, the village of Jumieges itself lying a little removed from it. When I arrived there, I found the batelier, and asked him if he could take me to Caudebec, but to my great disappointment it appeared that its boat was absent somewhere, and that I must continue my course on foot. I had, however, the pleasure of observing the river in this part, which is shut in on both sides by high wooded banks, and bathes the very walls of the boatman's house. This, however, is no advantage fo him; for it is subject to inundations, owing to the rapid rise of the tide, and however picturesque it might look to the traveller, is far from being considered so by its owner. 

Unwilling to return over the same ground which I had already passed, I inquired of the boatman if there were no shorter path to the high road of Caudebec, and he informed me that there was. Will you guide me through it? "Volontiers, Monsieur, if you will wait a few minutes."
While waiting, I strolled towards another cottage which I perceived peeping up among a shady orchard, and observed the master of it leaning over the gate. "Bonjour, Monsieur.'' Bonjour, I replied. "Monsieur cherche-t-il quelque chose?" I told him what my business was. "Ah! oui, la barque n'est pas ici a présent, mais entrez, entrez, Monsieur, asseyez vous un petit moment.''

I accepted the invitation, and entered the house, which differed not much from others, being adorned with its usual decoration of the Virgin and the Duchess of Angouleme, the King, and a crucifix, a huge black chimney, a beaufet with some red flowered plates and glasses, and a floor as uneven and rough as a Russian road in summer. I observed upon the table the remains of some cider in glasses, and imagining that I was in a sort of inn, I said, "Donnez-moi du cidre." "Volontiers, Monsieur" and an ample bottle was produced from the cellar; "du vieux, entendez-vous, Catherine ?" cried the man to his wife. I despatched my cider with the assistance of the host and the boatman, who had now arrived, and who had furnished himself with a short jacket, thick shoes, and a stick. He was a brisk lively old fellow, upwards of sixty, and made the cottage ring with his merriment and tongue, saying to the wife, who was but lately married, "Ha! ha ! le bon homme là ne viendra pas avec nous, eh ! à present. Vous êtes prefet a cette heure, que nous sommes sots nous autres de nous marier ! Ne dites pas cela a ma femme, entendez-vous ! Mais sa femme, an old tottering female, was within hearing, and put in her head, covered with a ragged cotton handkerchief, calling "Allez, allez, vieux Margot; you'll never get back before the tide comes up and the detected traitor against his state cried, "Allons, allons, Monsieur, il faut partir !"

I then proceeded to ask how much I owed for my cider—" Rien, Monsieur, nous n'en vendons pas; you are very welcome to it, and we thank you for the pleasure of your company and they would take nothing whatever.

My guide and myself quitted the hospitable cottage and set off. We kept along the course of the river for a considerable time, and he pointed out to me the ravages which had been made by different inundations. "The last, Monsieur," said he, "was so terrible, that you may see the remains of it yet, it is a year ago, -and I certainly distinguished a vast chasm in the bank. "It was in a tempest, Monsieur, that Le Havre sent us up from the sea, and the Seine danced and leaped about just like a mad bull, and then ran up to the-bottom of those montagnes," which said montagnes were half a mile off. Its occasional wrath and violence will not alter the general character which I have before attributed to this river, for even the Thames, which, straying among the lawns and groves of Richmond and Twickenham, is the very counterpart of Shakspeare's description, and Giveth a gentle kiss to every sedge He overtaketh in his pilgrimage. yet this same gentle kisser can sometimes come to hard blows, and act occasionally like any thing but a pilgrim.


In our way we passed through a small farm, belted and hedged in with orchards, at the foot of a wooded hill, and there was a pretty girl milking some cows. "Bonjour, ma niece," cried my guide.

"Ah! bonjour, mon oncle," replied the girl, "Il y a longtemps que nous ne vous avons pas vu ; et ma tante se porte-elle mieux?"

"Comme ça, comme ça: votre cidre sera-t-il bon cette année?" "Oui, oui, nous allons commencer dans une semaine a cueillir; vous viendrez n'est-ce pas, et ma tante ?" "Peut-être bien que oui—allons; adieu, ma niéce!" "Adieu, mon oncle" and we continued our journey.

After guiding me through some intricate byways and paths, he at last brought me into the high road, after having talked incessantly the whole way, and put my speed to its metal. He also had been a prisoner in England at Norman-Cross, and had attempted to make his escape, but after wandering about over the country, and sometimes sheltered by the peasants, he was at last discovered and reconducted to his prison.

The evening was now advancing, and I had still, I understood, pour trois grandes heures de marche. So, pledging my guide in a petit verre, we separated— I took the way that pleased myself  And so did "he." 

I saw nothing of the river for some time afterwards, but did at last perceive it making a most formidable bend, which bend I was certain that I must follow. It was a very beautiful one however, which was some consolation, and displayed a stately white chateau, with gardens and terraces bathed by its waters, some villages sparkling in the setting sun, meadows covered with cattle, and a few light flitting boats making for their ports. The road ascended as I advanced, the moon rose, but I again lost sight of the river, which was concealed by thick woods. After dipping into one or two beautiful villages, with little streams, silvered by the moon, and filled with the busy sound of the clacking mill, and after thinking that Caudebec still flew on before me, I at last had the pleasure of hearing a deep church clock strike nine, and making a sudden turn round a high bank, I perceived the street of Caudebec before me.