Avec l'endiguement de la Seine, les carrières se développèrent aussi au Trait. Celle du sieur Samson exploitée par Sabatier, située à cheval sur Yainville et la commune. Et puis il y eut les carrières Cauvin. Première ébauche d'article...

En 1892, Pierre Cauvin exploitait une tranchée qui appartenait à Patrice Costé, fermier implanté sur Yainville et vivant à l'emplacement de la future savonnerie. Et puis ce fut sa veuve qui versa le loyer. Et très rapidement Georges Cauvin. Où se situait cette exploitation ? Nous ne l'avons pas encore localisée.

 En 1899, nous savons que Georges Cauvin était propriétaire d'un terrain le long de la grand' route, au Vieux-Trait. Il y exploitait déjà une carrière de sable à ciel ouvert lorsqu'il écrivit à l'administration. "Le sable se trouvant à une profondeur telle que je serai obligé
d'exploiter ma carrière en contrebas du sol de la voie publique..."

Le 6 mai 1899, Georges Cauvin demande donc une dérogation pour conduire l'exploitation de sa carrière à moins de 3 mètres du chemin de grande communication N° 134. Il se propose d'établir un talus à 45° entre le bord de la fouille et le fond de l'excavation.

L'ingénieur Dionot, se rend sur place. Et constate que jusqu'ici, la carrière a été exploitée dans des conditions irrégulières. "Le bord de la fouille s'avance à 2 m seulement du chemin et la paroi est taillée avec un très faible talus sur 4,50 m de hauteur du côté du chemin et sur 8m de l'autre côté. Le front de taille est vertical et présente un hauteur variant de 4m à 6,80m. Les terres de recouvrement sont enlevées à l'avance et constituent une banquette dont la hauteur varie de 0,50 m à 1,20 m et qui est tenue de quelques mètres en avant du front de taille.
La masse exploitée est constituée de sable et de cailloux dont la consistance est généralement bonne, mais qui cependant par places et dans certaines circonstances atmosphériques peut laisser à désirer."

Bref, sans entrer plus avant dans les détails techniques, les ingénieurs accordèrent une dérogation dans les conditions émises par Cauvin. D'autant qu'il s'engageait à remblayer, une fois l'extaction opérée, jusqu'à la distance réglementaire. En attendant, il devra établir une solide clôture.

Le 13 juillet, Auguste Cordier, garde-champêtre du Trait, alla porter en main propre l'arrêté préfectoral à Georges Cauvin.

En 1910, mon grand-père, Emile Mainberte est contremaître aux carrières de la veuve Cauvin, au Trait. La zone d’extraction principale est toujours sur la route qui mène à Yainville. Mais on en trouve ailleurs, disséminées dans la campagne du Trait qui est encore désertique.

Des gribanes, dit-on parfois, viennent encore prendre livraison de la production. Le lieu d’embarquement est la cale du passeur. Là s’entasse le sable que l’on charge à bord du navire en faisant rouler sur un planchon des « brouettes à baré ». Quand Mustad constuit des logements ouvriers à Saint-Paul, il exige que le sable provienne des carrières du Trait.

Le drame du 10 juin 1914


Les accidents mortels sont fréquents dans les carrières. A la veille de la Première guerre, celle de la veuve Cauvin n'y échappe pas. Les faits :

Mercredi dernier, vers sept heures et demie du soir, M. Pierre Parésy, âgé de 59 ans, demeurant au hameau de la Haute-Ville, était occupé à extraire du sable dans une carrière à ciel ouvert appartenant à Mme Veuve Cauvin. Tout à coup, un éboulement se produisit et le malheureux ouvrier fut recouvert d'une trentaine de mètres cubes de sable. La plupart des ouvriers étaient partis ; il ne restait plus que le jeune Marcel Noël, âgé de 16 ans, qui cassait des cailloux à proximité du lieu de l'accident.

Avec un rare sang-froit, ce jeune homme s'empressa de dégager la tête de Parésy et courut aussitôt chercher des secours.

MM Duonor et Cautel arrivèrent immédiatement et purent retirer Parésy de sa facheuse position. Le blessé, qui avait des contusions à la tête et sur différentes parties du corps, se plaignait de violentes douleurs internes. Il fut transporté à son domicile où on lui donna les premiers soins ; mais, vers trois heures du matin, son état devenant inquiétant, on appela le docteur Charcey, remplaçant le docteur Allard, à Duclair. Le praticien se rendit aussitôt au chevet du blessé, mais il ne put que constater le décès. Parésy, qui venait de rendre le dernier soupir, avait, en outre des contusions, une fracture de la colonne vertébrale dans la région cervicale. M. Parésy laisse une veuve sans enfants. Ce tragique accident a beaucoup impressionné ses camarades qui avaient pour lui la plus profonde estime.

Pierre Parésy avait pour beaux-frères deux bateliers du Trait : Emile Leroux et Onésime Leféez. Quant à son frère, c'est celui qui avait été condamné en compagnie de mon grand-père sur plainte d'Emile Silvestre. 

Pour le service des mines, la cause de l'accident est la verticalité du front de taille. Ce qui est une contravention. Les ingénieurs concluent à la responsabilité de la veuve Cauvin. Le 4 juillet, un procès-verbal est adressé au Parquet et au juge de Paix.



La maison Cauvin, édifiée en 1860 près du passage du Trait. Les matériaux attendent d'être chargés à bord des gribanes. A l'arrière sont les écuries qui abritent les chevaux attachés au transport des alluvions.


Et puis vint la guerre, la construction des chantiers navals. Aux carrières Cauvin, ont vit des prisonniers allemands pousser les wagonnets sur des rails.

Les accidents, ils sont manifestement encore courants. Le 16 février 1922, le syndicat ouvrier du Trait s'adresse au représentant de l'Etat :

Monsieur le Préfet,
Nous avons l'honneur de vous informer que la main d'œuvre est émue des dangers quotidiens auxquels elle est exposée dans l'exécution des travaux d'exploitation des carrières de sable Cauvin-Leroy-Duboc et notamment de la Société Immobilière et Trérin sises sur la commune du Trait (Seine-Inférieure).
Déjà, dans la région, des exploitants ont à déplorer des accidents mortels parmi leur personnel, faute toujours de ne pas observer les règlements concernant la sécurité des travailleurs. Nous avons l'honneur, Monsieur le Préfet, d'être avec le sentiment du plus profond respect, votre très humble serviteur.
Roland,
Président du syndicat ouvrier"


Votre très humble serviteur, la formule héritée de l'ancien régime étonne dans la bouche d'un syndicaliste de 1922. La société immobilière ? Elle est dirigée par Achille Dupuich, le bâtisseur de la cité neuve. Un futur maire du Trait. L'autorité préfectorale prit la chose au sérieux et adressa cette directive à l'ingénieur en chef des Mines :

"J'ai l'honneur de vous transmettre ci-joint copie d'une réclamation du président du syndicat ouvrier du Trait relative à l'inobservation, par des entrepreneurs de travaux publics de cette commune, des mesures de sécurité prévues par les réglements concernant l'exploitation des carrières.
Je vous serais obligé de vouloir bien vérifier le bien fondé des allégations du pétitionnaire et rappeler, s'il y a lieu, les exploitants de carrières à la stricte observation de ces réglements."

On écrivit aussi au maire du Trait, Octave Pestel. Son premier adjoint n'est autre qu'Alphonse Leroy, ancien premier magistrat mais aussi directement intéressé dans l'exploitation de ces carrières.

"Je vous prie de bien vouloir rappeler aux exploitants de carrières de votre commune à l'observation des règles de l'exploitation de carrières prescrits par le décret du 26 novembre 1889 et dont il pourront prendre connaissance en consultant, à la mairie du Trait, le recueil des actes administratifs N° 22 de 1912..."

Le 30 septembre 1930, Henri Nitot, le directeur des chantiers du Trait, surnommé "l'Empereur", demanda au Préfet les règles à observer pour l'ouverture de carrières dans un agglomératoin urbaine ayant un projet d'extension. Impatient, L'Empereur revint à la charge le 18 octobre. Le 7 novembre, on lui répondit qu'aucune règle spécifique n'était à observer. Sinon la législation générale de 1889.

Je ne sais quand cessa exactement l'exploitation de carrières au Trait. Longtemps, des wagonnets resteront rouiller derrière l'église du Trait.


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Numérisation aux archives: Jean-Yves Marchand, transmission: Josiane Marchand, transcription: Laurent Quevilly.




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