Jean Pierre Derouard

Les chemins de halage de la rive concave de la boucle de Jumièges

(Seine en aval de Rouen)

XVIII et XIXèmes siècles

Code rural, article halage (chemin de) : l’article 2 de la loi du 18 nivôse an V (21 janvier 1797) remet en vigueur l’article 7 titre 28 de l’ordonnance de 1669 : « les propriétaires des héritages aboutissant aux rivières navigables laisseront le long des bords 24 pieds [8 mètres] au moins en largeur pour le chemin et traits des bateaux sans qu'ils puissent planter arbres ni tenir clôture plus près que de trente pieds du côté que les bateaux se tirent ».

En aval de Rouen, le halage est rendu nécessaire par le serpentage de la rivière qui fait que les vents ne sont pas toujours favorables et par les marées qui inversent les courants.

Partout la servitude de halage connaît une forte opposition – les chemins sont toujours en mauvais état – qui culminera quand les Ponts et Chaussées imposeront les travaux et le tracé d’un nouveau chemin de halage. Le tronçon la Roche/bac de Jumièges nous en semble le meilleur exemple.

Au Mesnil-sous-Jumièges, le halage change de rive au passage de la Roche. « Les vaisseaux qui veulent se servir de chevaux sont obligés de changer de hallage et de les transporter de l’autre côté de la rivière » (visite de rivière par de Mascranny, 1675). « Auquel lieu le halage cesse ; ce qui est même désigné par une rangée de pilotis ou piquets frappez dans la rivière » (Visite de rivière par le Vicomte Néel, 1729. « Le hallage de ce côté-là finit au hameau de la Roche il passe ensuite de l’autre côté sur la paroisse du Mesnil sous Jumièges » (1759).

Du passage de la Roche (fermé en 1972) au bac de Jumièges, sur environ 5,5 km, les communes de Barneville-sur-Seine et du Landin se partagent la rive concave du méandre de Jumièges.

A en croire les habitants, leur milieu de vie amène de réelles contraintes :

  • le peu de largeur entre la côte et la Seine ;

  • en beaucoup de points, l’envahissement de la Seine mine et détruit les terrains, forme des brèches et des excavations ;

  • chaque hiver, les gelées et les pluies détachent des falaises des blocs et débris de craie qui encombrent les cours ;

  • dans les saisons pluvieuses, les eaux qui descendent des falaises et des ravins inondent les cours et doivent être évacuées vers la Seine ;

  • les fortes côtes à gravir par les cavées1 pour rejoindre le chef-lieu des villages sur le plateau. Et peut-être les relations étaient-elles plus faciles avec Jumièges et le Mesnil de l’autre côté de l’eau. La Roche communiquait plus volontiers avec Yville.

Mais ils réussissent par leur intelligence et leur industrie, et au prix de dépenses considérables, à mettre ce milieu en valeur. En plantant des arbres fruitiers d’un très bon rapport et en établissant des briqueteries qui amènent une assez grand circulation d’argent et procurent de l’ouvrage et du pain à un nombre considérable de pauvres familles. Les habitants réussissent à préserver leurs terrains des ravages de la Seine en portant à la rive et en tassant les blocs tombés des falaises les débris des briqueteries - ci ceux-ci ne suffisent pas, ils piochent de la craie et du bloc à la côte.

XVIIIè siècle

Avant la Révolution, la police de la rivière de Seine revient à l’administration royale et rouennaise de la Vicomté de l’eau. Son officier plancager est chargé de faire respecter la servitude de halage. Les Vicomtes effectuent 4 visites complètes de la rivière : 1675, 1729, 1759 et 1780. En 1751, une sentence de la Vicomté de l’eau, qui doit être lue à l’issue de la messe dans toutes les paroisses riveraines, ordonne que « dans le mois les chemins de halage le long de la rivière de Seine seront mis en état par les propriétaires des héritages riverains sous peine de trente livres d’amende contre ceux qui n’auront pas satisfait et d’être lesdits chemins réparés à leurs frais ». Nous avons trouvé 7 assignations à comparaître données par le plancager, comme celle-ci :

27 juin 1742. Barneville sur l’héritage du sieur Chemin occupé par Michel Lemire, fermier, où j’ai trouvé que le chemin étant devant son héritage et principalement vis-à-vis de deux tuilleries appartenant au même est en très mauvais état de plus un trou d’où l’on a tiré de la terre de viron six pieds de longueur et deux de largeur ledit trou situé au bas du talus et le talus n’ayant aucune largeur pourquoi je lui a fait et donné assignation audit Lemire travaillant dans sa tuillerie… Réparer le chemin le long de ses héritages et tuillerie remplir le trou en question et donner audit chemin 24 pieds de largeur.


La surveillance des chemins de halage semble ainsi très ponctuelle mais relever aussi d’une certaine volonté. Elle est en tout cas inefficace : les chemins sont en très mauvais état, tant qu’en certains endroits les haleurs ont obligés « de passer à la nage avec leurs chevaux, ce qui met en péril leur vie ».

Utilisation des terres riveraines

La visite de rivière de 1729, par le Vicomte de l’eau Né’el, permet de se faire une assez bonne idée de l’utilisation des terres entre rivière, chemin de halage et montagne.

La description de Barneville compte 25 articles (c’est le terme utilisé par le Vicomte), celle du Landin 27. Cela nous donne une largeur moyenne sur la Seine de 105 mètres, mais il doit bien sûr y avoir des inégalités.

Le mot le plus utilisé par le Vicomte est héritage – au singulier ou au pluriel -, il indique sans doute que la personne fait valoir elle-même car il est 8 fois indiqué "appartenant à … occupé par…". Un propriétaire ainsi désigné est marchand à Rouen, un est avocat et un autre habite Hauville.

Un seul état précisé : Louis Vassal, au Landin, est capitaine de navire. Mis à part les tuiliers, la norme semble donc l'exploitation du sol.

Notre Vicomte donne du sieur à 7 personnes (une seule sur le Landin) dont notre avocat, du Monsieur abrégé en Mr à 3 autres et on note 3 dames. La première parcelle du Landin appartient aux sieurs religieux de Jumièges mais le Vicomte est incapable de dire par qui elle est occupée.

Trois parcelles semblent vacantes : une prairie, une montagne et une anse.

Huit masures, mot qui implique normalement des bâtiments, notamment d'habitations. Mais les 3 maisons ne sont pas sur une masure.

Un four est sur une masure. Les héritages du sieur de la Frenaye, à Barneville, comportent un grand magasin, une grange et un pressoir.

Mais plus remarquables sont les 12 tuileries de Barneville. Un groupe de 6 tuileries commence 5 héritages après la Roche, suivent une anse, une masure puis les 6 autres tuileries. La carte de Cassini figure ici un lieu-dit les Thuilleries.

Les arbres sont moins présents dans le paysage à Barneville qu'au Landin : 2 parcelles avec des plantations d'arbres à Barneville, 18 sur le Landin. Les arbres sont parfois qualifiés de gros et même de très gros. La seule essence mentionnée est le saule, par 2 fois. On ne trouve de haies qu'au Landin, sur 5 parcelles; elles sont qualifiées 2 fois de sèches – sur 2 parcelles contiguës -, une fois de vives. La présence de ces arbres et haies est la meilleure preuve que la servitude de halage n’a sans doute jamais été respectée.

Empêchements au halage

Le Vicomte ne trouve de bons talus qu’en deux endroits. Ailleurs, rien ne va.

En de nombreux endroits, il n’y a "aucuns taluts", ailleurs, ils sont ailleurs dégradés, ruinés, détruits. Le chemin n’a pas la largeur, - on doit lui rendre ses 24 pieds - et la hauteur - il doit être relevé "avec bloc & caillou" - désirables, les deux défauts pouvant se cumuler. Le chemin trop bas est inondé à marée haute, le chemin est ailleurs intercepté par des anses.

La situation est plus grave quand le passage des haleurs et des chevaux est rejeté en rivière « de 30 à 35 pieds », « de 50 pieds ». C’est alors que le Vicomte emploie les mots danger(eux) et périr (ou péril). En 3 endroits, c’est à cause de batures - alluvions au long de la rive, à moins qu’il ne s’agisse de dépôts effectués par les riverains. C’est surtout, en 16 endroits du Landin, par les plantations d’arbres qu'il conviendrait bien sûr d'abattre.

On ne peut qu’opposer Barneville et le Landin. A Barneville, le mauvais état du chemin est dû aux atteintes par la Seine, que de toute ancienneté il est difficile si ce n’est impossible de combattre2 Au Landin, l’empêchement au halage vient des plantations d’arbres, visiblement anciennes, et donc du fait des riverains.

Le chemin de halage est en tout cas partout impraticable. Le tronçon la Roche/bac de Jumièges n'a en cela rien d'original. Pour en citer un exemple, on n'a pas mieux qu'Heurteauville en 1759 : « le cheval avait de l’eau jusque sur les épaules et le halleur pour ne pas se mouiller a été obligé de se mettre à genoux sur son cheval ». Et l’on se demande qui peut bien utiliser le halage. Le Vicomte de l’eau, en 1737, justifie la nécessité des chemins de halage : « c’est qu’il y a une voiture publique de Rouen à Caudebec chargée de porter les grains et boissons et touttes marchandises des villes de Caudebec Ducler pour l’approvisionnement de Rouen Paris et autres villes, laquelle chaque semaine doit faire son voyage à jour certain et qui est toujours tirée par deux et quatre courbes [paires] de chevaux suivant la rigueur des temps tant montant qu’en descendant […] cette voiture est un grand bateau plat qui n’est pas gréé comme les autres navires et qui n’ont pas de voilles de toutes espèces parce que ces bateaux ne sont pas construits pour en pouvoir porter ».

XIXè siècle

The left bank below Mesnil [-sous-Jumièges] has risen into round hills of considerable eights, part bare, part wooded ; houses few, and scenery solitary.

John Murray, A Handkook for Travelers in France. 1854

La Révolution confie les travaux de la Seine aux Ponts & Chaussées et à ses ingénieurs, ordinaires ou de 1ère classe.

L'ingénieur Le Boullenger estime en 1807 que rétablir les chemins de halage « porterait un grand préjudice à tous les riverains » : il n’avait pas tort.

Les premiers cadastres de Barneville et du Landin, tous deux datés de 1826, dessinent cependant un chemin juste au long de la rive. Il est nommé "chemin de hallage" sur celui de Barneville.

Est-ce le livre de Pierre François Frissard sur la Navigation fluviale du Havre à Paris (1832) qui sonne l’alerte ? : « De Rouen à la Bouille les chemins de halage sont régulièrement entretenus [sans doute pour les bateaux de Bouille] et le halage se fait facilement. De la Bouille au Val de leu, le halage est assez bon. Depuis le Val de leu jusqu’à La Mailleraye, le halage se fait à travers les prairies, les vergers, les plantations, sur la crête des murs de soutènement, dans le fond des anses ; les hommes et les chevaux y courent de grands dangers ». Il est en tout cas repris par Le Journal de Rouen du 10 mars 1833 : « Les chemins sont dans un état déplorable. Placés au-dessous du niveau des hautes eaux, ils se trouvaient inondés ; les chevaux avaient souvent de l’eau jusqu’au-dessus du poitrail, heureux quand des coupures pratiquées au milieu de la chaussée, ou d’autres obstacles tels qu’arbres, murs, maisons, ne leurs faisaient par courir, ainsi qu’à leurs conducteurs, les plus grands dangers ».

Quand en 1837 la chambre des députés accorde des crédits aux chemins de halage de Rouen à Paris, le député de la Seine-Inférieure Anisson Duperron signale que les chemins en aval de Rouen ne sont pas meilleurs : « il suffirait de vingt six heures pour remonter ordinairement de la Meilleraye à Rouen mais dans l’état actuel où sont les chemins de halage il faut quelquefois huit ou dix jours pour faire ce trajet ».

En mai 1837, l’ingénieur Meriez dessine le plan du chemin de halage entre le passage de la Roche et celui de Jumièges pour accompagner un rapport que nous n’avons hélas pas trouvé.

La loi du 31 mai 1846 accorde 1,5 million de francs à l’entretien des chemins de halage en aval de Rouen.

Comme le dit un ingénieur, l’établissement du chemin de halage est "cause de mauvaise humeur" pour les habitants de Barneville et du Landin. C'est à son avis parce qu'étant "habitués à disposer en maîtres de rives de la Seine" ils voient d'un mauvais œil la remise en vigueur de la servitude de 1669, qu’ils voient comme un « ancien lambeau d’arbitraire exhumé des catacombes de l’absolutisme et que l’on est tout étonné de voir ressusciter en l’an premier de la nouvelle ère républicaine [on est à moins d’un an de la Révolution de février 1848] ».

Un chemin de halage est-il à cette époque de toute nécessité ? Un ingénieur semble bien en douter. Il accepte la demande des riverains de circuler sur le chemin « à moins que la navigation reviennent à reprendre une grande activité ou que le halage avec chevaux reprit faveur ».

Dès 1847, les habitants de Barneville et du Landin demandent que le chemin de halage soit reporté sur l’autre rive. Le refus est ferme, « le halage ayant toujours eu lieu le long de la rive gauche de la Seine entre la Roche et la Mailleraye »3.

Les travaux du chemin semblent bien entamés quand les habitants, dès 1848, portent des réclamations d’abord individuellement puis collectivement. Cinq personnes portent réclamation (le sieur Metterie renouvelant la sienne) avant la pétition du 5 novembre. On ne peut que constater que les ingénieurs sont très réactifs et donnent rapidement leur rapport.

Pour les ingénieurs, certains habitants, « heureusement en très petit nombre », usent de "mauvais procédés", allant jusqu'à "accabler d'injures" les entrepreneurs « en pensant qu’ils finiraient par les décourager ». Les riverains sont parfois de mauvaise foi : comment les croire quand ils affirment qu’un prunier est abattu alors qu’un homme est encore monté dedans pour en cueillir les fruits ? L’ingénieur démentira bien sûr. Les dégâts sont souvent exagérés pour obtenir une plus forte indemnité ; l’ingénieur le comprend : « on le fait toujours en telle circonstance ». L’opposition n’est sans doute pas si terrible puisque l’ingénieur doit en un seul cas menacer un riverain, le sieur Benoît, de le faire poursuivre judiciairement.

Il convient de voir ce que les riverains reprochent au nouveau chemin de halage.

Les propriétés riveraines sont resserrées entre la Seine et la côte. Le chemin le halage leur en supprime encore une largeur. Le sieur Metterie : « la largeur du halage lui enlève presque la moitié de son terrain ». Le sieur Rollet : « sa propriété, déjà très étroite, est réduite sur presque toute sa longueur à une largeur de quelques mètres ». Pour les ingénieurs, il n’y a pas pour cela à allouer d’indemnité : « La zone de terrain prise sur les propriétés ne dépasse nulle part la largeur de 9,75 m [à 40 cm du pied ?] réservée pour le halage par l’ordonnance de 1669 ». Des briquetiers se plaignent encore en 1867 : « si le chemin de halage prend 10 mètres de large sur le terrain des usines à briques il ne leur reste point d’emplacement pour fabriquer. »

Le sacrifice des arbres des arbres suit dans les doléances. D’abord ceux abattus pour la largeur du chemin : « plusieurs vergers d’arbres à fruits d’un très grand produit » Le sieur Metterie est précis : « 600 pieds d’arbres fruitiers en plein rapport chargés de fruits » ; l’ingénieur modère : « quelques mauvais saules, 30 arbres fruitiers dont 6 ont pu être replantés ». Chez le sieur Rollet, c’est une « haie où l’on comptait bon nombre d’arbres centenaires » que l’on arrache. Pour aller chercher le bloc à la côte, les entrepreneurs établissent des "voies de fer" et pour cela mutilent ou abattent nombre d'arbres.

On l'a vu, les habitants, les habitants menaient à la Seine les blocs de la côte et les débris des briqueteries, pour s'en débarrasser puis pour tenter de préserver leurs terrains de l'érosion du fleuve. Pour les ingénieurs, c'était pour « agrandir illégalement leurs propriétés au dépens du fleuve ». Et « cela forme en Seine des avancées qui sont de véritables écueils pour les navires ». Cette pratique leur est interdite « depuis 15 ou 18 ans » mais ils admettent en avoir enfreint la défense. Le chemin de halage rétabli, les riverains demandent « la permission de déposer les pierres qui tombent des côtes ainsi que les vidanges et résidus des briqueteries sur le halage au long des cours où la cantonniers les prendraient pour les réparations nécessaires au chemin de halage ». Le refus est clair : « l’administration fera beaucoup mieux de pourvoir elle-même à l’entretien [du chemin de halage] que de s’en rapporter aux propriétaires riverains » et « s’il tombe de la côte des pierres propres à être employées à la réparation des talus du chemin de halage, les cantonniers pourront les casser et les employer à ce usage ».

Le nouveau chemin de halage est beaucoup plus haut que le précédent.

Il dépasse en hauteur le niveau des cours : « les eaux qui dans les saisons pluvieuses descendent par les falaises et les ravins ne trouvant plus d’issues formeront de chaque propriété des espèces de cloaques ou de marais infect qu’il deviendra impossible d’habiter ». Les habitants demandent ainsi des canaux ; caniveaux ou aqueduc sous le chemin « devant chaque propriété ». L’administration en concède « partout où la nécessité s’en fera sentir ».

Le talus du chemin de halage, « d’une grande élévation » rend difficile l’accès la rivière nécessaire pour puiser de l’eau – notamment pour la fabrication de la brique- abreuver les bestiaux, permettre l’amarrage des barques pour l’enlèvement des briques. Les habitants demandent donc des escaliers, ou cales, ou rampes pour remplacer leurs quais ou abreuvoirs. L’administration répond qu’il en sera construit sans compter les frais de manœuvre, à tous ceux qui en fourniraient les matériaux.

La dernière réclamation des riverains est de pouvoir circuler sur le chemin de halage "à cheval et en voiture" et « de faire arriver chez eux toutes les denrées et productions du haut pays dont ils pourraient avoir besoin ». S’exprime là un certain isolement dont les habitants semblent souffrir. Ils précisent que de toute façon « qu’en raison des difficultés d’accès », la circulation y serait toujours minime « et pas de nature à détériorer la chaussée ». On voit mal en effet qui pourrait utiliser le chemin en dehors de ses riverains. La réponse est positive "à titre de pure tolérance" et soumise à l'autorisation des communes de contribuer aux dépenses d'entretien que la circulation des riverains rendrait "plus considérable". Augustin Benoît, briquetier, doit encore en 1859 demander l'autorisation pour emprunter le chemin sur 300 mètres avec un cheval de somme ou une voiture, ce qu’il avoue d’ailleurs faire « de tout temps ». C’est alors que l’autorisation de circuler sur le chemin de halage est « accordée aux propriétaires habitant le long des côtes de Barneville ».

C’est ainsi les riverains pouvant circuler sur le chemin qui posent les plaintes suivantes.

En 1878 : « le chemin de halage rongé par le flot est devenu au lieu-dit la côte blanche quelque chose de dangereux même le jour et impraticable la nuit ». C’est que la « barre est assez forte pour arracher les matériaux de la berge et les projeter sur la chaussée ». Les Ponts et Chaussées font déblayer le chemin « dans les plus brefs délais pour donner satisfaction aux pétitionnaires ».

En mars 1879, le maire de Barneville se joint à ses habitants pour se plaindre du mauvais état du chemin de halage sur près d’un kilomètre : « la nuit au moment des marées la circulation est impossible un étranger qui suivrait ce chemin y trouverait la mort ». La situation est intenable : « pour enlever des décédés on est obligé de faire des brèches dans les propriétés voisines ».

Plus anecdotiques sont les demandes d’Hyacinthe Persil et de Charles Lassire. Le premier voudrait, en 1863, un aqueduc sous le chemin de halage pour mener à la Seine les eaux d’une source très abondante. Le second voudrait au contraire, en 1878, un aqueduc sous le chemin pour mener l’eau de Seine vers sa propriété dans « un trou où il pose les osiers pour les peler ».

En 1913, le projet d’un chemin d’intérêt commun entre le passage de la Roche et celui de Jumièges fait long feu : il ne serait utile qu’à huit habitants de Barneville. Et c’est également le cas, en 1936, d’une demande de « construction en bordure de Seine d’un chemin reliant le passage d’Yville à celui d’Heurteauville par une route touristique ».

En 1960, René Musset dans son livre sur La Normandie note qu’en 1932 la Seine en face de la forêt de Jumièges a sapé sa rive et ruiné le chemin le halage, poussant les habitants à partir : 35 maisons habitées en 1929 et 7 quand il écrit.

Jean-Pierre DEROUARD.

1 La principale d’entre elles, celle du Gouffre, est ainsi décrite en 1857 : « très rapide et souvent encombrée par des éboulements fréquents ».
2 Jean-Pierre Derouard, "Un fléau: l'érosion des rives en Seine", Le Pucheux, 2020.
3 Les habitants de Duclair demandèrent également que le chemin de halage, qui passait par leur quai, change de rive. Ils obtinrent satisfaction, au grand dam des communes de la rive gauche.

Deux liens pour actualiser :

Inondations au bord du Landin, on ne pourra bientôt plus accédéer à nos maisons


Une beauté refaite au naturel pour les berges de Seine dans l'Eure

Sources et bibliographie


Annales Parlementaires, 1837.

Boullenger, Achille Jean, Voyage dans le département de la Seine-Inférieure, 1807.

Derouard, Jean Pierre, Tuileries et briqueteries de la boucle de Jumièges du 14 au 19° siècle, Etudes Normandes, 1994, N°1, pp 47-59.

Dumas, Chemins de halage (mémoire dactylographié), 1937.

Frissard, Pierre François, Navigation fluviale du Havre à Paris, 1832.

Jounal de Rouen, 10 mars 1833.

Murray, John, A Handbook for travelers in France, 1854.

Musset, René, La Normandie, 1960.

Pottier, Gaëlle, Barneville-sur-Seine, Honguemare-Guenouville, Le Landin, « Au fil du patrimoine », 2019.

Travaux de département de l’Eure, janvier 1848, avril 1813, août 1913, octobre 1936.

Travaux de département de la Seine-Inférieure, janvier 1848

Archives Départementales de l’Eure

Ponts & Chausses 33S2, 3S63, 18S46

Archives Départementales de la Seine-Maritime

Abbaye de Jumièges, 9H215

Vicomté de l‘eau, 6BP8, 6BP9, 6BP154, 6BP170, 6BP191, 6BP192

Ponts & Chaussées, 3S114

Port de Rouen

Dossiers 362, 589D, 774M







A LIRE AUSSI...



L'agression du haleur



Réagir à l' article




 



Haut de page







Supplément virtuel du Journal de Duclair fondé en 1887

Site  hébergé  chez

depuis le siècle passé