De temps immémorial
les chemins
de halage commencent à la Pierre au Poirier un peu en aval
de
Villequier, parce que c’est à cet endroit que les
bâtiments
montant quittent la mer et entrent en rivière.
1729 « A la pointe d'une Roche
appelée la Pierre du Poirier, avons remarqué
quantité de
très-grosses pierres, qui sont
échappées de la Roche, dans le bord
de la Rivière » ;
« Etant au-dessous vers la paroisse de
Norville avons trouvé que les flots de la Mer battent le
long des
Roches, de sorte que le halage nous a paru ne se pouvoir faire quant
à présent en plus avant que ladite Pierre du
Poirier »
(Visite de la rivière par le Vicomte de l’eau
Néel, ADSM,
6BP192). Entre Caudebec et la Pierre au Poirier, les chemins sont
difficiles et encombrés d’oseraies, le halage se
fait alors « à
force de bras » et non avec des chevaux.
1780 « Le chemin de halage se
prolonge le long d’une prairie qui suit
immédiatement le bourg de
la Mailleraye jusqu’à l’endroit
où il cesse sur la paroisse de
Bliquetuit » (Visite de la rivière par le
Vicomte de l’eau
le Barroir, ADSM, 6BP192).
1804 « [les chemins de halage]
commençaient autrefois à la pointe de
Bliquetuit ; il s’y
trouve aujourd’hui un banc de sable ; il faut donc
les prendre
à la Mailleraye » (Annuaire Statistique
de la
Seine-Inférieure).
En mai 1837, « La Chambre de
commerce de Rouen indique positivement la Mailleraye comme la limite
du chemin de halage » (ADSMP, 3S122).
Jusqu’au
XIXème
siècle
Rouen
Rive gauche (environ 4 km)
Traversée au
passage de Croisset
Rive droite (environ 14 km)
Traversée au
passage de la Bouille
Rive gauche (environ 14,5 km)
Traversée au
passage de la Fontaine (entre Hénouville et
Berville-sur-Seine)
Rive droite (environ 14,2 km)
Traversée au
passage de la Roche (entre le Mesnil-sous-Jumièges et
Barneville-sur-Seine) où le changement de rive est en 1729
« désigné
par une rangée de pilotis ou piquets frappés dans
la rivière »
Rive gauche (environ 21,5 km
jusqu’à
Caudebec)
Traversée à
Caudebec (en 1729, le Vicomte de l’eau traverse à
Caudebecquet
mais il regrette visiblement de ne pouvoir aller
jusqu’à
Caudebec).
Rive droite jusqu’à la Pierre
au
Poirier (environ 4 km).
Mis à part de Rouen à
Croisset, le
chemin de halage suit la rive concave des méandres, celle
longée
par le chenal. Chaque changement de rive correspond à un
passage
d’eau officiel.
L’état des chemins en 1832
(Pierre
François Frissard, Navigation fluviale du Havre
à Paris) :
« De Rouen à la Bouille les chemins de
halage sont
régulièrement entretenus [sans doute pour les
bateaux de Bouille]
et le halage se fait facilement. De la Bouille au Val de leu, le
halage est assez bon. Depuis le Val de leu jusqu’à
La Mailleraye,
le halage se fait à travers les prairies, les vergers, les
plantations, sur la crête des murs de soutènement,
dans le fond des
anses ; les hommes et les chevaux y courent de grands
dangers ».
Le Journal de Rouen du 10 mars 1833 fait le
même constat :
« Les chemins sont dans un état
déplorable. Placés
au-dessous du niveau des hautes eaux, ils se trouvaient
inondés ;
les chevaux avaient souvent de l’eau
jusqu’au-dessus du poitrail,
heureux quand des coupures pratiquées au milieu de la
chaussée, ou
d’autres obstacles tels qu’arbres, murs, maisons,
ne leurs
faisaient par courir, ainsi qu’à leurs
conducteurs, les plus
grands dangers ». Il était pourtant
estimé en 1822 que le
halage ne pouvait se faire dans plus de 30 ou 40 centimètres
d’eau
(ADSM 3S58). 
Modifications
dans la deuxième
moitié du XIXème
siècle
(loi du 31
mai 1846, 1,5 million de francs)
Les chemins de halage sont donc tracés
ou rectifiés. Un rapport de 1856, d’une
précision astronomique,
leur donne la longueur de 60 478 mètres 11
centimètres entre Rouen
et la Mailleraye.
Rouen
Rive gauche (environ 12 km)
Traversée au
passage de Sainte-Vaubourg (ou du Val-de-la-Haye)
Rive droite (environ 9,3 km)
Le chemin va
jusqu’au niveau de la Ronce (lieu-dit de la rive gauche) puis
est
prolongé jusqu’à la chaussée
de la Marguerite (lieu-dit de la
rive droite). Cela ne correspond à aucun passage. On refuse
au
passeur du Val-de-Leux, qu’il déplace son passage
d’un kilomètre
vers l’amont (ADSM, 3S100 et 3S336). C’est
visiblement au passage
de Caumont que sera dévolue la traversée des
chevaux de halage
(ADSM, 3S238).
Rive gauche (environ 15 km)[les
habitants de Duclair dénonçaient la
dangerosité des chevaux et des
câbles de halage sur leur quai encombré les jours
de marché ;
ce nouveau tronçon a suscité une forte opposition
des habitants
d’Ambourville et Berville]
Le chemin va
jusqu’au Bouillon, confluence de l’Austreberthe en
aval de
Duclair. Cela ne correspond à aucun passage.
Rive droite (environ 10,3 km)
Traversée au
passage de la Roche.
Rive gauche jusqu’à la
Mailleraye
(environ 14,5 km).
De Rouen à la Ronce et de la Fontaine
au Bouillon, le chemin ne suit plus la rive concave.
Charles Bérigny
(Navigation maritime du Havre à Paris,
1826) estime qu’il
faut un cheval de halage par 25 tonneaux de jauge ; la plupart
des embarcations devaient donc se contenter de 2 chevaux. Les
recensements de 1861 ne nous ont livré qu’un haleur (à
Sahurs) : le métier ne se fait pas à plein temps
et la conduite des
chevaux semble souvent dévolue à des enfants. Les
haleurs attachés
à une voiture régulière, comme celles
de Caudebec ou de la
Bouille, avant la Révolution, sont appelés
chartiers. Le mot racque
(rencontré une seule fois, en 1841, et non trouvé
dans les
dictionnaires) semble désigner un tronçon de
halage entre deux
changements de rive (ADSM, 3S122). « Les habitants
de Sahurs,
Hautot et Val-de-la-Haye faisant leur état de haller les
bâtiments
qui remontent la Seine demandent que les haleurs de la rive
opposée
venant des communes de Bardouville et de Beaulieu ne soient pas
authorisés à passer la Seine à la
Bouille et à conduire les
bâtiments jusqu’à
Rouen » (sans date, ADSM, 3S117). En 1852
Charles Frédéric Duval
« possède sur la rive droite de la
Seine en face de la cale du passage de la Bouille une maison
à usage
de stationnement et de repos des haleurs de la
Seine »
(Archives Départementales de la Seine-Maritime, 3S160).
Mais le halage est de moins en moins utilisé. Trouvant
le nouveau chemin de halage terminé en 1848 très praticable, les
habitants du Mesnil-sous-Jumièges abandonnent leurs bateaux pour aller
au marché de Duclair (ADSM, 3S47). Il est estimé en 1861 que moins de
20 navires par semaine utilisent le halage « dans les parages de
Duclair » (Journal de Rouen du 17 septembre).
Mentions de chemins en aval de la
Mailleraye
En mars 1837, un sieur Hue est condamné
pour avoir dégradé une oseraie à la
Barre-y-Va en halant son
bateau avec 2 chevaux. Des maîtres de bateaux
d’Aizier
pétitionnent pour que le chemin de halage soit
rétabli de Caudebec
à Villequier. On reconnaît leur bon droit, la
servitude allant
toujours sur le papier jusqu’à la Pierre au
Poirier. On songe
donc « à prolonger le chemin de halage
sur la rive gauche
jusqu’à la hauteur de Caudebec, à moins
que pour éviter les
inconvénients d’une traversée on ne
préfère faire les ouvrages
nécessaires pour le maintenir sur la rive
gauche » (ADSM,
3S122). Rien ne sera réalisé.
1841, Charles Levasseur : rapport
au Conseil Général de la
Seine-Inférieure : « Du Trait
à Villequier il n’existe pas de chemin et
quelquefois des navires
mettent 2 ou 3 jours pour parcourir une distance qui
n’excède pas
3 lieues. Déjà l’administration avait
reconnu l’utilité de
l’établissement d’un chemin de halage
entre le Trait et
Villequier ; tous les projets avaient
été arrêtés par MM.
Les ingénieurs et le travail était en cours
d’exécution,
lorsqu’il cessa pour des motifs qui nous sont
inconnus. »
L’endiguement de la Seine commence en
1848. Un chemin de halage peut être
aménagé derrière les digues.
C’est en 1850 l’une des demandes de
l’ingénieur Doyat « sur
la rive gauche entre la Mailleraye et l’île de
Belcinac située
vis-à-vis de Villequier »
« lorsque les alluvions auront
atteint la hauteur même de cette digue qui formera pour ainsi
dire
le pied de ce chemin » (Rapport sur les
enquêtes faites sur
les projets présentés pour
l’amélioration de la Seine entre la
Mailleraye et Villequier et entre Quillebeuf Tancarville et la pointe
de la Roque).
Rapport de 1867 « Le chemin de
halage a été réservé sur la
rive droite de la Seine d’une
manière continue entre Villequier et Tancarville et sur la
rive
gauche entre Caudebec et le fanal de la Vaquerie. Il y a une
circulation sinon très active au moins
journalière sur ce chemin de
halage, les embarcations de pêcheurs, celles de
l’administration
des douanes, des Ponts et Chaussées, souvent même
les bateaux qui
transportent le bloc pour les enrochements ou les petits bateaux
lougres, sloops ou gribanes faisant la navigation entre Aizier,
Quillebeuf, Honfleur et même pour Rouen ont besoin de se
haler le
long de la rive » (Archives
Départementales de la
Seine-Maritime, 3S97). Le recensement de Norville en 1861 mentionne
trois « cantonniers de hallage »
(ADSM, 6M156).
 |
Eglise de Saint-Arnould, graffiti
censé
représenter un cheval de halage. |
1853, scène de halage :
Désordre et indiscipline qui règnent parmi les
halleurs, mauvais
traitements qu’ils exercent envers leurs chevaux, les
dilapidations
et dégradations qu’ils font sur les
propriétés et digues
riveraines, le peu d’expérience qu’ont
certains enfants auxquels
des parents ou des maîtres avares, paresseux on imprudents
laissent
conduire des chevaux billés sur des navires qui ne tardent
pas à
s’échouer. (ADSM, 3S357)