Par Laurent QUEVILLY.

Durant un siècle, la clouterie Mustad fit la bonne fortune de Duclair. Fondée par des Norvégiens, elle procura du travail aux Normands... et des maris à quelques Normandes. Etude de ces unions franco-scandinaves...

Deux sœurs de ma grand-mère, Martine et Marie Chéron, vécurent une histoire d'amour avec un Norvégien. Raconter leur destinée, c'est éclairer sous un angle inédit l'implantation de Mustad à Duclair. Car nos deux Normandes côtoyèrent les acteurs les plus en vue de cette épopée industrielle. Mais tout d'abord une date ;

1832 C'est dans le petit village de Gjøvik que débute notre aventure. Là, un fermier du nom de Hans Schikkelstad fonde sur la ferme de Brusveen une fabrique de clous, de fils d'acier et de divers produits métalliques. 
Forgeron, son gendre, Ole Mustad invente un procédé de forge à froid pour fabriquer des clous à cheval en série. Son secret de fabrication, il va le partager avec son fils Hans. Qui lui même le transmettra à ses cinq fils. Entre temps, l'entreprise innove, diversifie sa production. Ainsi est né un géant mondial. Et pour faire prospérer cette dynastie familiale, il fallut que de bons génies s'associent à cette aventude industrielle. Le plus inventif d'entre eux nous intéresse au plus haut point : Mathias Topp...

Le bon génie des Mustad


Mathias Topp est né le 16 mai 1840 à Vardal, dont l'agglomération est commune avec Gjøvik. Fermier, son père était aussi cordonnier. On prête donc à Mathias des activités de ce type, voire de tailleur dans ses jeunes années. Mais très tôt, il s'intéresse surtout à la mécanique. A l'âge de sa confirmation, il va de ferme en ferme réparer les horloges. Il en aurait même inventée une qui porte toujours le nom d'une commune : Toten. 
Après des études générales, il se fait apprenti menuisier et se forme au dessin industriel sous la houlette du constructeur Aschenbach. En 1862, le voilà engagé chez Mustad comme charpentier. Bonne place. Malgré les infrastructures médiocres de la région, malgré
les sombres prédictions du ministère de l'Industrie, malgré la récession, oui, malgré tout cela Mustad réussit à briguer la première place des producteurs d'objets métalliques. A 25 ans, engagé dans cette solide entreprise, Mathias Topp peut fonder un foyer. En 1865, il épouse Eline Larsdatter Bakkom, elle aussi fille d'agriculteur. Très vite naît Olaf, le premier de leurs neuf enfants. La famille vit dans la ferme urbaine d'Heimdal, dans le quartier ouvrier de Briskebyen qui s'étend autour de la rue Storgata avec ses maisons de bois.

Inventeur puis directeur...


Avec leur regard perçant, Ole Mustad et son fils Hans ne sont pas longs à repérer les qualités de leur nouvelle recrue. Propulsé parmi les chercheurs de l'entreprises,  Topp va concevoir, seul ou en collaboration, des machines destinées à fabriquer toutes sortes d'objets comme les chevilles de cordonnier. En 1871, il met au point une machine à carder la laine, toujours en usage sur le site de Mustad à Brusveen. On lui doit tantôt une agrafeuse, tantôt un système de fabrication d'emballages carton. A l'exposition internationale de Christiana, en 1876, il étudie de visu une machine américaine à fabriquer les fers à cheval à la chaîne. De retour dans son atelier, il tente de la reconstituer. Et il y parvient !
Mais sa trouvaille l
a plus retentissante portera sur la fabrication des hameçons en série qui jusque là étaient fabriqués un à un manuellement. Topp a commencé à dessiner une machine où un fil d'acier entrait d'un côté et des crochets de haute qualité en sortaient de l'autre. En novembre 1877, la "Hook Maker" était prête. Et là, Mustad devient très vite le premier fournisseur des pêcheurs de la planète. Beaucoup de gens vivaient alors tout l'hiver sur un barril de poisson salé capturé à l'hameçon. En inonder le marché était la réussite assurée. Son secret de fabrication sera le mieux gardé de Mustad qui développe des trésors d'ingéniosité pour préserver ses chaînes de production de l'espionnage industriel. Les plans de Topp sont cryptés, l'emplacement de la machine inconnu du public, les ouvriers liés au secret professionnel à vie. La devise des hookmakers : Agis, ne parle pas ! "Même ma femme n'approchera pas de la machine à hameçons", jure Hans Mustad. D'ailleurs, un de ses fils fut un jour expulsé de l'atelier par un nouveau gardien qui ne l'avait jamais vu.

Fondateur de la clouterie de Duclair


Mais Mathias Topp ne sera pas qu'inventeur. Il occupera aussi un poste de dirigeant au plus haut niveau. Lorsque Even Amlund fut nommé à l'usine Mustad de Lilleaker, fondée près d'Oslo en 1876, Topp lui succèda à la direction de la maison mère de Brusveen, à Gjøvik, réputée comme un modèle social. Topp va aussi parcourir le monde pour y développer les intérêts de sa firme...

Depuis la guerre de 70, la France freine ses importations. Aucun clou ne vient de l'étranger, même si le fer peut encore passer. Or Mustad entend se développer hors de Norvège et charge Mathias Topp de lancer la construction d'usines. On le retrouve en Finlande en 1886. Et bientôt en Normandie. Nous y voilà !
Durant l'été de 1891, Hans Mustad sillonne en effet la France pour y créer une usine de clous à cheval. Il jette son dévolu sur Duclair qui a son port, sa gare. Les négociations se déroulent en septembre 1891 avec une demande de création d'usine auprès de la préfecture et l'achat du lieu-dit le moulin des Bouillons. Peu de temps après arrive Mathias Topp qui  lance le chantier. Si les 28 machines de l'appareil productif viendront de Norvège, une partie des matériaux de construction ouvriront déjà le chemin. L'usine commence à s'élever au cours de l'automne. Certains assurent même que la production débuta dès décembre 1891 avec un succès immédiat. Ce qui semble aller bien vite en besogne.


Les pionniers


L'usine étant en tout cas dans sa phase de démarrage plusieurs Norvégiens mais aussi quelques Suédois sont déjà sur place en 1892 et composent l'encadrement de l'usine. En témoignent les quatre naissances recensées cette année-là. Elles ont pour noms Bernhard, Nettum, Nordlie, Tellefse... Aucun mariage n'est encore signalé. Seuls les ouvriers sont Normands et ils doivent faire serment de discrétion sur les processus de fabrication, même s'ils viennent à quitter l'usine.
Alors que les bâtiments continuent de s'élever, brique après brique, avec des fenêtres situées en haut des murs pour empêcher les regards indiscrets, les naissances de Scandinaves se poursuivent en 1893 : Trugve Lindgren le 24 janvier, Valborg Rokvan en mars. Et voilà que le 9 avril, c'est la catastrophe. Un incendie ravage l'usine. Le Journal de Rouen :

INCENDIE A DUCLAIR 170,000 fr. de dégâts — 130 ouvriers sans travail.

Un violent incendie s'est déclaré samedi vers une heure du matin dans la clouterie de MM. Mustad et fils à Duclair. Réveillés par les flammes, des ouvriers ont donné l'alarme, et en quelques instants toute la population était réveillée par les appels du clairon et par les cloches qui sonnaient le tocsin.
Les secours furent rapidement organisés ; la compagnie des sapeurs-pompiers de Duclair auxquels les compagnies des communes environnantes venaient bientôt prêter leur concours, attaquaient le feu de toutes parts, mais déjà les flammes avaient gagné l'usine tout entière, et les pompiers durent se borner à préserver les bâtiments voisins.
Après plusieurs heures de travail, le feu était éteint ; mais de l'usine de MM. Mustad et fils il ne restait plus qu'un monceau de décombres calcinés.
Les pertes causées par cet incendie atteignent la somme de cent soixante-dix mille francs. Elles sont, croyons-nous, couvertes par une assurance. Malheureusement, ce sinistre aura des conséquences terribles pour les cent trente ouvriers qui y étaient employés et qui vont se trouver sans travail ; un grand nombre d'entre eux sont sans ressources et on se demande comment ces infortunés vont supporter le coup qui les frappe si on ne leur vient pas en aide.
Toute la population de Duclair est profondément attristée ; il est, paraît-il, question d'ouvrir une souscription en faveur des ouvriers ainsi réduits au chômage. La gendarmerie de Duclair a commencé une enquête sur les causes de cet incendie ; mais jusqu'ici il n'a pas encore été possible d'établir s'il était accidentel ou s'il était dû à la malveillance.

Les bâtiments abritant la machine à vapeur et l'atelier d'affilage sont partiellement détruits. Il va falloir reconstruire. En juin 93, Mustad demande l'autorisation au maire de Duclair, le pharmacien Ménielle. Celui-ci l'en dispense au motif que la production n'a rien d'insalubre. Alors, les travaux reprennent. Les naissance aussi. Chez les Hansen, Jacobson, Tonsager...



D'abord de l'entre soi...


Dans la décennie qui vient, on comptera une quinzaine de mariages à Duclair dans la communauté scandinave dominée par Clarin Mustad, l'un des cinq fils de Hans promu directeur du site duclairois. Les mariés passent comme tout le monde devant le maire, et malheureusement les archives de Duclair ont été détruites par les bombardements à la Libération. Après les formalités républicaines, le mariage religieux se fait selon le rite luthérien, sans le concours de l'abbé Baudouin, curé de Duclair. D'ailleurs, les trois premiers mariages observés se font entre Norvégiens. Le 28 mars 1894, Edvard Linguist prend pour épouse Anna Johansen.  Peu après, un double mariage est célébré le même jour. Le 14 avril 1894, Anton Antonsen Nettum convole avec Olava Olsen. Lui est né en 1867 à Froknestad, elle en 1873 à Gjøvik. Après avoir eu plusieurs enfants à Duclair, ce couple retournera en Norvège en 1898 puis s'établira en Suède où Mustad aura aussi une usine et se lancera même dans la fabrication... de Margarine. A côté de ces jeunes mariés, ce jour d'avril 94, Jens Martin Johansen et Inge Marie Olsdatter échangement également leur consentement.

La première union franco-norvégienne


Selon Paul Bonmartel, le premier clou fut fabriqué le 15 novembre 1894 par les 200 salariés du site normand. Pour d'autres, avant. On sait en tout cas quand intervint le premier mariage franco-norvégien : ce fut le 15 février 1896 entre Gabrielle Eugénie Auzou et Lars Petersen, Ils seront bientôt suivis par Elie Georgette Longuemare et Ludvig Hansen... Entrer dans la commmunauté nordique suppose de se plier à ses règles, notamment sur le plan confessionnel.
Si, depuis 1891, les scandinaves étaient disséminés dans des maisons du bourg de Duclair, les premiers logements de la cité Rollin s'ouvrent aux ouvriers à partir de 1901. Il y a là demeure du directeur, celle des cadres. Mais revenons aux Topp...

Le rêve américain...


En 1887, le fils aîné de Mathias Topp, Olaf, a émigré aux Etats-Unis, bientôt rejoint  par sa future, Anna Jansen, avec qui il va fonder une famille. A Pittsburg, le couple servira de tête de pont pour accueillir les autres membres de la familles tentés par le rêve américain.

Olaf Topp

Einar Topp

En attendant, en 1891, Einar Topp, autre fils de Mathias, ingénieur de formation est déjà cadre dans l'usine Mustad dirigée par son père, à Gjøvik, tandis que celui-ci part lancer la construction de la clouterie de Duclair. Etonnant Mathias Topp qui
apprend seul l'anglais et l'allemand pour pouvoir comprendre les revues professionnelles.  En dehors des Mustad, Topp est non seulement le personnage le plus puissant du groupe, mais il l'est aussi au niveau de l'industrie nationale norvégienne. Pour preuve : en 1893, il reçoit une bourse d'État pour participer à l'exposition universelle de Chicago. Le voilà en quelque sorte ambassadeur du savoir-faire scandinave. Et quelle tribune : la manifestation totalisera 27 millions de visiteurs en six mois ! Durant son séjour, Mathias aura forcément rencontré son fils, Olaf. Aux USA, l'aîné des Topp sera un architecte réputé. On lui devra notamment l'arcade Jenkins, l'une des fierté de Pittsburg près de l'Empire Building. Mais Mathias Topp retrouve aussi sa fille aînée, Marie, émigrée trois ans plus tôt et installée précisément à Chicago. Célibataire, elle s'y livre à une profession que son père ne prise guère : la photographie.


Le studio de Marie Topp


Une photo signée "Marie Topp, Gjøvik" en incrustation Elle représente trois sœurs vivant au moulin 
Røyse. Mathias Topp a contrarié à tort la vocation de sa fille. Ses images sont aujourd'hui des pièces de musée...


En 1897, Marie Topp retrouve Gjøvik. Son père à beau l'inviter à cesser cette profession jugée précaire, elle tient tête reprend un studio à l'adresse de Storgata 6.  Celui-ci a été fondé dix ans plus tôt par Hilda Julin. Marie Topp va se tailler une belle réputation dans les portraits d'enfants

Le chausseur est le plus mal chaussé. Marie est photographe mais nous n'avons pas de photo la représentant...


 Marie aura croisé brièvement son frère Einar qui, à son tour, part pour les USA. Il embarque à Liverpool à bord de Campana et touche New York le 16 avril 1898. On le retrouvera à Pittsburg avec la qualité d'ingénieur.

Pendant ce temps, le patriarche continue son épopée industrielle chez Mustad. À la fin des années 1890, il commercialise une machine à coudre avec Clarin Mustad et Peder Løken. On lui doit aussi une machine d'allumettes appelée "machine à cuillère supérieure", vendue par Rødfos Match Factory.
A l'approche du nouveau siècle, l'usine de Djovik fait tourner à plein régime une vingtaine de machines à fabriquer les hameçons inventées par Topp
A côté de ses activités purement professionnelles, Mathias Topp dirigera la construction d'une pompe à eau sur la rivière Hunnselva pour alimenter le quartier de Briskebyen. Il présidera aussi le comité de construction de l'école de Gjøvik et comptera parmi les responsables des travaux d'éclairage la ville.

 
Premier deuil familial...


A Gjøvik, au recensement de 1900, le couple Mathias Topp vit avec trois de ses filles, Marie, Klara et Amalie ainsi que Anna Kristine Kristensen, femme de service de 17 ans. 1900, c'est l'année où un autre fils de Mathias, Markus Topp, ingénieur lui aussi, part rejoindre ses frères aux USA. Il y restera jusqu'en 1904.

Markus Topp.

Entre temps, on déplore un décès dans la famille. La femme de Mathias Topp meurt de tuberculose à 59 ans.

Une famille sportive


En 1905, Marie Topp fonde le tennis-club de 
Gjøvikavec son frère Markus et trois autres passionnés qui formeront le premier conseil d'administration. Ce sport, d'abord méprisé au niveau national, aurait été introduit en ville par des employés britanniques de Mustad. Une tradition orale voudrait que ce soit Markus Topp qui, ingénieur, ait ramené cette discipline d'Angleterre. Un autre frère Topp, Bernt, était marié à Pollie Haynes, fille d'un Anglais de Vardal, Henry.

Photo : Bernt Topp

On note par ailleurs que des villes voisines, Hamar et Lillehamer, avaient déjà leur club quand les Topp fondèrent celui de Gj
øvik. Mais il est temps de retourner à Duclair...

Bref conte de fée


Passeur et pêcheur de Seine, mon arrière-grand-père, Pierre Delphin Chéron, avait fini par poser sac à terre. Avec sa femme, Pascaline Mauger, il tenait depuis 1902 un débit de boisson, "quai Mustad", non loin de l'usine. Il est recensé comme tel sur les listes électorales de 1903. Avant lui, la veuve Samson, Marie Arson, débitante et épicière, avait exercé ses talents dans le quartier. Pour entrer en possession du "Café du Quai", route de Caudebec, les Chéron avaient traité avec Célestin Lamy, du Mesnil,

Le 10 septembre 1904, Pierre Delphin Chéron fut certainement témoin de l'accident qui survint tout près de chez lui, sur le chantier naval Frébourg. Pour des raisons obscures, une gribane bascula sur trois ouvriers. L'un d'eux fut tué, écrasé par le navire. C'était à l'heure de la sortie de l'usine. Devant ce spectacle terrible, un employé de chez Mustad perdit connaissance...




On ne sait si c'est sur ce café en bord de Seine qu'était affiché à l'époque ce panneau : "Vaut mieux boire ici qu'en face". Reste que près de Mustad, le bistrot des Chéron est idéalement placé. Oui bel emplacement car en 1906, Einar Topp, qui a quitté les Etats-Unis, travaille à Duclair comme ingénieur. Il partage un petit logement au hameau de Saint-Paul avec un compatriote, Andréas Ripaas.
De l'usine à l'estaminet des Chéron, il n'y a qu'un pas... Il est franchi car le 15 mai 1907, à Duclair, Topp épouse une fille de la maison, Martine Chéron. Pour la septième enfant du vieux bistrotier, c'est un conte de fée. Pierre Delphin Chéron peut se réjouir de cette union. Il se souvient de sa belle-sœur, Désirée Mauger, qui portait si bien son prénom. Après avoir été fille-mère, elle avait épousé le Dr Cavoret, fils du maire de Duclair. Là, Einar Topp est le fils de l'inventeur le plus en vue de Norvège...
Martine Chéron a été élevée à Yainville. Elle y eut son certificat d'études en 1894 en compagnie de Henri Chauvin, Eugène Cuffel, Ernestine Delestre, Amable Eloi. Elle reçut du nouveau maire, Patrice Costé et de l'instituteur, M. Hébert, un livret de 10 F abondé par les dons de la veuve Silvestre, ancien maire brutalement disparu cette année-là. 


       Martine Chéron.


Quinze de jours avant ce mariage, Le 20 avril 1907, le steamer Flandria apportait un nouveau chargement de fer suédois chez Mustad. Ses rotations sont très rapides. Le 24 juin suivant, il effectue un autre débarquement...

Si, hélas, les archives de Duclair ont été détruites sous les bombes de la Libération, on peut tenter d'imaginer qui participa à ce mariage célébré civilement par l'administration de Joseph Panthou. Six mois plus tôt, à Boscherville, une sœur de Marie Chéron se mariait, réunissant la famille autour d'elle. Il y avait là bien sûr Pierre Delphin Chéron et Pascaline Mauger, les parents cafetiers de Duclair, les Poulard et les Chandelier de Boscherville dont les maris sont respectivement grainetier et charcutier, les Lemaréchal, et les Mainberte, de Yainville, l'un agriculteur, l'autre batelier alors que sa femme tient café, Pierre Chéron, lieutenant des douanes et son épouse, peut-être son frère Gustave, marin, pas toujours présent dans les parages à l'époque. Et puis il y a la sœur Marie, 22 ans.

Photo : Marie Chéron, sœur de Martine,
en octobre 1906.


Il est souvent dit que les mariages chez Mustad se font selon le rite luthérien et que le curé de Duclair en est exclu. Il existait, route de Caudebec, un oratoire norvégien. On y voit officier notamment le pasteur d'Elbeuf, M. Rœhrich. Les protestants ne considèrent pas le mariage comme un sacrement. Complément du mariage civil, c'est une cérémonie tout de même rythmée par des lectures, prières et cantiques et l'engagement mutuel des époux devant Dieu et la communauté. Il s'achève par cette formule  : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ». Après la signature du registre par les mariés et leurs témoins, le pasteur remet généralement une bible aux nouveaux époux.

Doit-on exclure un repas de noces à l'hôtel de la Poste ? Le marié est d'un milieu aisé, n'est-ce pas. Propriétaire des lieux,
Henri Denise est alors l'adjoint du maire.

La mention de ce mariage fut brièvement portée deux jours plus tard par Charles Guérin sur le registre d'Heurteauville où était née la jeune femme, section du Passage du Trait.
On ne sait quand et à bord de quel navire le couple partit pour la Norvège. Pourquoi pas à bord du Flandria ? Lancé en 1898, il s'agit d'un steamer suédois de 1.300 tonneaux doté donc de cabines passagers. Duclair n'est pour lui qu'une escale sur sa route allant du port de Gothembourg à Rouen. 

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La photo ci-contre représente Martine dans le studio de sa belle-sœur, Marie Topp, à Gjøvik. Elle n'est pas signée mais le panneau décoratif en fond d'image est bien celui de la photo des trois sœurs du moulin. Le visage de Martine ne reflète pas vraiment la gaité sur cette image où elle est richement vêtue. La fille du mastroquet fut-elle accueillie à bras ouvert par son beau-père, Mathias Topp, le génie des Mustad pour qui sa propre fille pratiquait un métier de saltimbanque ? Souffrait-elle déjà ?

La fatigue, une toux qui devient sanguinolente, des douleurs thoraciques... Martine rend l'âme le 14 septembre 1907 à la ferme d'Heimdal, maison familiale des Topp. Cinq mois après son mariage. A 25 ans. Les causes de son décès ? Tuberculose. Le 17, c'est Marie Topp qui déclara le décès aux autorités. L'acte fut rédigé par un certain Marcussen. Einar était alors en France, sans doute à Duclair. Maintenant, le jeune veuf va se consoler dans les bras de sa belle-sœur...

Seconde histoire courte...



Le cas n'est pas exceptionnel. Les généalogistes rencontrent parfois de ces veufs qui refont très vite leur vie avec la jeune sœur de leur épouse trop tôt disparue. Ainsi continuent-ils de voir en leur nouvelle compagne un reflet vivant de celle qui n'est plus. La tradition familiale veut que, malade, Martine Chéron ait eu à son chevet sa sœur Marie. La voici donc, peu après la mort de sa sœur,  dans le studio de Gjøvik. Et cette prise de vue est scénarisée. La jeune femme de 23 ans lit une lettre censée sans doute venir de Normandie. Penché derrière elle, Einar déchiffre lui aussi cette missive. Cette photo n'est pas de Marie Topp. En 1908, elle cèda son studio à Anna Olsen, sans doute formée par ses soins. Celle-ci réalisa une seconde version de cette prise de vue en effaçant Einar Topp pour ne laisser que Marie seule à l'image. Et c'est bien le paraphe de Marie Olsen qui apparaît en bas du tirage. Marie Topp, elle, au grand bonheur de son père, se lance cette année-là dans la confection. Il est permis de penser que cette soudaine vocation pour la couture lui a été transmise par les sœurs Chéron.


" Les histoires d'amour finissent mal en général... " La suite donne raison à la chanson. Le 25 août 1908, Marie Chéron accouche à Rouen d'une fille que l'on prénomme Christiane Mariette. Mais elle n'est pas déclarée. Sans doute Pierre Chéron, le Saint-Bernard de la famille, a-t-il insisté pour régulariser les choses car il sera témoin de la chose : le 1er octobre suivant, Einar Topp et Marie Chéron se rendent à Rouen pour reconnaître l'enfant. A temps. Deux jours plus tard, le 3, c'est seul que Topp rallie Le Havre et grimpe à bord du luxueux paquebot la Touraine, fleuron de la Compagnie générale transatlantique commandé par le capitaine Mourand. Il laisse derrière lui sa belle-sœur, mère de l'enfant qui porte désormais son nom...
Pour l'anecdote, c'est durant cette traversée que fut inaugurée une nouvelle pratique : le tri postal à bord. Huit jours plus tard, 
Illis Island est déjà en vue. Quelque 5000 arrivants défilent chaque jour devant les agents de l'immigration. Topp, de nationalité norvégienne, se dit ingénieur et déclare Duclair pour dernière résidence. Un nom à citer ? Oui, lâche-t-il , Théophile Chevallier, de Duclair aussi. Un ami... Seulement, nous ne retrouvons pas trace d'un Duclairois de ce nom. Aux USA, déclare-t-il encore, il se rend encore une fois chez son frère, Olaf Topp, à Pittsburg...


Epilogue


Que devinrent nos personnages ?  Au recensement de 1910 à Gjøvik, Einar Topp demeure avec son pèreTous deux sont dits veufs. Au même 45, rue Storgata, quartier de Briskebyen, il y a aussi Marie et Marcus Topp, restés célibataires.
En 1911, l'ancien studio de Marie tenu par Anna Olsen passe entre les mains de
Hellbjørg Gjørvad. Avec ses grandes baies vitrées, il fermera en 1923, la construction d'un immeuble voisin lui obstruant la lumière du jour. Marie est décédée en 1934.

Mathias Topp. Au recensement de 1910, à Gjøvik, Topp est nanti de la profession de "Directeur d'usine d'hameçons, crochets, épingles à cheveux, aiguilles, boutons, épingles de sûreté, cartes..." Ouf !

Hans Mustad le 1er janvier 1910.
Derrière lui : Mathias Topp...


Le vieux Topp n'a pris sa retraite qu'en 1920, à l'âge de 80 ans. Et il a survécu encore dix ans. Il avait installé dans sa maison un petit atelier de menuiserie où on le voyait chaque jour à la fin de sa vie. Hans Mustad, avant sa propre mort, avait exigé dans son testament que les funérailles de Mathias Topp soient aussi fastueuses que les siennes. Hans est mort en 1918, Mathias en 1930. La fanfare de l'usine précéda son cortège funèbre. Une barrière d'honneur était dressée à l'entrée de la fabrique tandis que le personnel s'alignait des deux côtés de la route. Une route porte d'ailleurs aujourd'hui le nom de Mathias-Topp. Elle mène de Mustadflåa au  nord de Gjøvik.

Einar Topp. Après un court séjour aux USA, on le retrouve en Norvège en 1910 chez son père Mathias, il est dit "temporairement absent" et l'agent recenseur note qu'il réside sans doute à Faaberg, village au nord de Lillehammer.
Et puis il se marie à Gjøvik avec
Jenny Eline Gaalaas le 17 juillet 1913. C'est à Trondheim que naîtra leur fils, Gunnar Magnus Topp, le 18 mai 1917. Ce garçon est étudiant à Oslo en 1937 puis inspecteur de police. Marié à Aud Høyem-Johansen il eut descendance.
Quant à Einar, il fut fabriquant de lampes et mourut à un âge vénérable semble-t-il mais nous ignons encore où et quand.


Marie Chéron. Après avoir accouché à Rouen, elle vécut un temps à Boscherville en exerçant le métier de couturière puis revint à Yainville gérer le café du Passage laissé par ma défunte grand-mère, à Claquevent. Marie demeura mère célibataire. Vivant avec sa fille, elle a fini ses jours près de l'église d'Yainville. Je l'ai bien connue. Plutôt taiseuse. Très attachante. Ma tante Marie est décédée en 1966 à 82 ans.

Photo : Christiane Topp à Rouen

Christiane Topp. Elle grandira sans son père. Connaissait-elle seulement l'existence d'un demi-frère en Norvège ? Mesurait-elle quelle sommité était là-bas son grand-père Mathias ? On la surnommera Hjoerdis, ce qui veut dire Christiane en Scandinavie. Qui, diable, a bien pu l'affubler de ce prénom si particulier ! Christiane Topp fit ses premiers pas à Rouen, peut-être chez son oncle Pierre Chéron, un temps douanier et Saint-Bernard de la famille. Après quoi elle fut scolarisée à Boscherville où les familles Chéron et Mainberte formaient un clan.
J'évoque ailleurs sur ce site le café que tenait Christiane Topp à Claquevent, au bord de la Seine puis près de l'église d'Yainville. Veuve de Pierre Macchi, un maçon italien, Hjoerdis fut pour moi un substitut maternel à la mort de ma mère. Notre destinée fut un temps commune et laissa des liens indéflectibles jusqu'à sa dispartion en 1995. Cet article lui est dédié.

Laurent QUEVILLY.


Annexes


La première décennie...

Ce n'est que d'après les tables décennales qui, elles, ont échappé aux bombardements, que nous pouvons reconstituer l'état-civil de la communauté scandinave à Duclair.



Trois naissances en 1892. Erling Bernhard le 2 mars, Rachel Evada Ines Tellefse le 1er juin, Maurite Nordlie le 9 septembre, enfin Aura Marie Nettum le 11 octobre.



Neuf naissances en 1893.  Trugve Lindgren le 24 janvier, Heldegard Marie Jacobson le 19 avril, Valborg Rokvan le 30 mars, Olara Otilie Hansen le 12 juin, Oskar Aleksander Nettum le 4 juillet 1893 (il mourra en 1978 à Oslo), Borghild Mathilde Tonsager le 12 juillet, Karstern Frédrie Jocobson le 17 juillet, Emile Alfred Michelsem le 16 septembre, Mbel Frid Nordlie le 28 octobre.

Un décès en 1893. Maurits Norolie le 13 mai.



Trois mariages en 1894. Anna Johansen et Edvard Lindquest le 28 mars, Anton Anonsen Netty et Olava Olsen, Jens Martin Johansen et Inge Marie Olsdatter le 14 avril.

Deux naissances en 1894. Mary Caroline Lindgvist, le 20 janvier 1894, Harald Hansen le 6 août 1894.



Un mariage en 1895. Karl Granlung, cloutier suédois, avec Blanche Simon le 12 février.

Six naissance, en 1895. Alfred Aimart Nettum le 10 février,
Lovisé Johansen le 26 mars, Marie Waudet Hansen le 14 juin, Guline Rokvan le 1er août, Klara Peversen le 16 octobre, Berthe Pedersen le 7 novembre

Un décès en 1895. Alfred Aimart Nettum, le 13 décembre.



Trois mariages de 1896. Auzou Gabrielle Eugénie et Lars Petersen le 15 février, Elise Georgette Longuemare le 9 mars, Oléane Ager et Olans Peter Petersen le 21 mars.

Quatre naissances en 1896. Joseph Joames Jacobsen le 29 janvier, Agnès Elvin Lingvist le 29 août, Astrid Rokvanle 16 octobre, Bertha Louise Johansen, le 5 décembre.

Deux décès en 1896. Guline Rokvan le 14 mai, Henry Théodore Kraetzel (nom porté en Prusse) le 23 octobre.



Six mariages en 1897. Selma Nathalia Larsson et Charles Hoyalmar le 20 février, Victorine Alphonsine Tiphagne et Peter Hyalmar Lukassen dit Christoffessen, ajusteur norvégien, le 24 avril, Hélène Alexandrine Vallet et Carl Johannesen, mécanicien norvégien, le 10 juillet, Léonie Augustin Faure et Johan Anton Andreassen le 16 juillet, Alice Paulin Simon et Karl Londal, forgeron norvégien, le 16 octobre.

Neuf naissances en 1897. Agnès Nettum le 27 janvier (elle décèdera en 1990 à Oslo), Reinard Johansen le 25 mai, Oscar Petersen le 28 juin, Huda Herlvird Hilding le 20 juillet, Franz Joseph Halvorsen le 27 août, Dagmar Joséphine Jacobsen et Henry René Lukassen le 5 novembre, Agnès Johannes Andréassen le 21 décembre, Gudrün Hansen le 29 décembre.



Deux mariages en 1898. Blanche Marie Simon et Karle Auguste
Granlund le 12 février, Marie Palmire Doucet et Axel Ulriksson, ajusteur suédois, le 10 décembre.

Cinq naissances en 1898. Thorbjösn Gulbransen le 27 janvier, Asbjören Hansen le 18 février, Marie Fernande Johannesen le 7 avril, Marie-Louise Londal le 20 septembre, Gundvor Christensen le 21 décembre.

Un décès en 1898. Hilda Gunva Kristensen, le 10 juin.



Quatre naissances en 1899. Augustin Lucien Dammström le 3 janvier, Louis Olaf Andréassen le 21 février, Otto Fernand Ulrikson, le 15 mars, Inga Norv Gulbransen le 27 avril

Deux décès en 1899. Augustin Lucien Dammström le 3 janvier, Gundvor Christensen le 26 mai.



Deux mariages en 1900. Adrienne Blanche Legrand et Johan Petersen, ajusteur mécanicien norvégien,  le 3 février, Jeanne Madeleine Legrand et Hans Pedersen, ajusteur mécanicien norvégien, le 24 mars.

Trois naissances en 1900. Madeleine Görgine Gulbransen le 18 mai. Oskar Albert Johannesen le 21 juillet, Sigard Olaf Londal le 10 septembre.

Un mort-né en 1900. Enfant présenté sans vie chez les Dammström.



Deux naissances en 1901. Agnès Otilie Jacobsen le 28 mai, Maurice Raymond Pedersen le 2 août.



Trois naissances en 1902. Georges Jules Elie Pierre Louis Dammström le 29 mai (Eh oui, cinq prénoms français !), Valborg Aslang Petersen le 21 juin, Alf Ludovik Amünsen, le 24 juin.

Un décès en 1902. Sigard Olaf Londal le 24 juillet.





Les Norvégiens au Millénaire normand



Journal de Rouen, 1911. — M. Olaf E. Ray, avocat à Chicago, membre du comité directeur de l'Association norvégienne américaine des « Sonner af Norge » et représentant de cette importante société aux fêtes du millénaire a remis à M. Auguste Leblond, l'adresse. suivante :

L'Association norvégienne américaine des Sonner af Norge, (fils de Norvège), à l'occasion des fétes du millénaire normand, présente ses félicitations chaleureuses, ses remerciements sincères et l'assurance de sa reconnaissance pour l'honneur fait au peuple de Norrona et pour le souvenir donné aux Vikings dans cette fête.

Cette adresse est écrite sur un beau parchemin. Elle est accompagnée d'une planche très artistique représentant, dans un cartouche surmonté d'un écusson tricolore, un drakar voguant sur une mer agitée. Le tout constitue une fort belle plaquette.

Ce matin, à huit heures et demie, les officiersdu croiseur Frithjof et les chanteurs norvégiens se sont embarqués à bord du vapeur Boieldieu, pour faire une promenade en Seine.

Après avoir visité Jumièges, les excursionnistes ont été déjeuner à Duclair, Une réception enthousiaste leur a été faite par la population et par les ouvriers de l'usine Mustad dont un grand nombre sont, on le sait, norvégiens.

Faits divers



Navire familier de Duclair, Le Flandria défraye régulièrement la chronique : collision à l'entrée du port du Havre en 1900, abordage à Tancarville en 1904. Là, un vapeur hollandais coule à pic avec femme et enfant du capitaine. En 1917, quoique neutre, le Flandria sera attaqué par les bombes larguées d'un dirigeable. Il finira au fond de l'eau coupé en trois en percutant des mines en 40. Quatre rescapés seulement sur 21 hommes d'équipage...

En juin 1907, autrement dit dans le mois qui suivit le mariage d'Einar Topp et Martine Chéron, la petite Louise Odegaard, 12 ans, en chauffant du café sur un réchaud à pétrole, vit le feu gagner ses cheveux puis ses vêtements. Elle se précipita dans la maison voisine où s'était rendu sa mère et un employé de la clouterie, sapeur-pompier à ses heures, éteignit les flammes qui l'enveloppaient. Elle fut quitte pout beaucoup de frayeurs. Et son sauveteur pour quinze jours d'arrêt  causés par des brûlures aux mains.

Quelques souvenirs de Nils Evensen...


" Mon grand-père est arrivé  en France en 1924, raconte Nils Evensen, il était directeur commercial, cela signifiait qu'il passait sa vie à sillonner  l'Europe pour démarcher  ou visiter les clients.
En 1940 les familles Mustad et Evensen (peut-être  d'autres?) sont parties en exode à la frontière  Espagnole. Après  quelques semaines mon grand-père a exprimé le souhait de remonter à Duclair pour s'occuper des ouvriers qui étaient  restés.
Mustad a accepté et, pour lui donner les moyens d'agir, il l'a nommé directeur général, poste qu'il a occupé  jusqu'à  son décès  en 1955. 
Pour la petite histoire, dès son retour il a, avec la complicité  de deux ouvriers de confiance,  enterré  le stock d'acier (le fil d'acier utilisé pour la fabrication  des clous  à ferrer les chevaux), cela a permis à l'usine de redémarrer dès la Libération en 1944..."
Nils poursuit : "les machines utilisées  pour fabriquer ces clous étaient très sophistiquées  et leur conception était top secret, lorsque l'une d'elles était déclarée HS, elle était enterrée  dans l'enceinte de l'usine..."
Berger Evensen fut avec sa famille, notamment son fils Sven ou encore sa fille Lev, membre du réseau de résistance Hamlet Buckmaster durant la Seconde guerre. Les Evensen récupérèrent notamment l'aviateur John Carpenter dont le spitfire fut abattu par la Flack d'Yainville. Ils habitaient La Bouillotte, maison dominant une boucle de la Seine. Spécialisé dans les émissions de radio clandestine, Sven s'enrôla dans les troupes alliées pour la libération du pays.
S'agissant du culte, Nils se souvient : "Lorsque j'étais enfant j'ai assisté à l'inhumation de ma grand-mère Evensen à Rouen, c'était rue Buffon, ce temple est ancien..." Effectivement, l'église Saint-Eloi fut confiée en 1803 à l'église réformée de France.

Un roi dans mon village !


Le 25 septembre 1962, j'étais des écoliers d'Yainville qui, devant la mairie, attendaient le passage du roi Olaf V, un petit drapeau norvégien à la main. Arrivé à Rouen à bord de son yacht, le très sportif "roi du peuple" était venu rencontrer la section norvégienne du lycée Corneille fondée en 1918. Il devait visiter aussi la chapelle Saint-Olaf, roi viking baptisé à Rouen au début du XIe siècle.
Précédée de motard, la voiture officielle nous passa enfin sous le nez. En agitant mon petit fanion, il me sembla reconnaître Curd Jürgens, l'acteur mondain très en vogue à l'époque. Mais c'était bien Olaf qui nous saluait dans sa grande tenue d'apparat. A ses côtés, Clarin Mustad semblait transparent. Le patron de la clouterie de Duclair était, disait-on, son cousin. A ce titre, il l'avait invité en son manoir d'Yainville hanté par Sacha Guitry. Mon père se targuait d'y avoir posé les parquets. Pour ma part, j'allais déguster les délicieuses pâtes Millat-Frères de Hjoerdis, ma tante au beau surnom scandinave. Le roi n'est pas mon cousin...

NB. En réalité, la sœur de Clarin Mustad était mariée avec le meilleur ami d'Olaf V, ce qui explique cette visite amicale à de vieilles connaissances...

Laurent QUEVILLY


Remerciements 


Merci de leur aide Paul Hébert, consul de Norvège à Rouen, Anne Ekornes Hagene, de la direction des archives nationales de Norvège, Nils Evensen, petit-fils du directeur de la clouterie Mustad, Martine, de l'association d'entraide généalogie Le Fil d'Ariane, à Rouen, Jean-Claude Quevilly, pour son dossier sur Mustad ou encore Sylvie Levasseur, la secrétaire de mairie d'Heurteauville pour sa disponibilité.


SOURCES

Recensement et état-civil de Duclair, Rouen, Heurteauville...
Registres de l'immigration américaine.
Recensements de Norvège.
Jørgen Hurum.  
A History of the Fish Hook and the Story of Mustad, the Hook Maker.
Kristine Bruland, ‎Jean-Marc Olivier
. Essays on Industrialisation in France, Norway and Spain.
Paul Bonmartel, le patrimoine industriel de Duclair...