Ah ! Les farineux. Toujours prompts à vous rouler dans la farine. Toujours prompts à se chicaner entre eux...

Juste avant la Révolution, Antoine Vallois avait supplanté Claude Mabille dans les trois moulins de Duclair mais aussi celui de Launay. Seulement Mabille, bien connu des Duclairois, avait alors construit un nouveau moulin, bien placé, près de l'embouchure de l'Austreberthe. Du coup, la Révolution étant passée par là, Vallois s'en était plaint aux tenants du nouveau régime.

Propriétés de l'abbaye de Jumièges, les moulins à blé de Duclair 
sont attestés de longue date. Depuis 1027 au moins. De nombreux Duclairois portent la qualité de meunier dans les registres paroissiaux. C'est le cas de Jacques Leroux, veuf Fontenay, qui, à 64 ans, se remarie le 21 juillet 1668 avec Madeleine Maupoint, une fileuse de 35 ans. Sacrée différence d'âge.

En 1740, sous les halles, il y eut un conflit entre les meuniers à vent de Jumièges et le meunier à eau de Bulteux, Vincent Sécard. Il eut procès et Sécard fit citer Damandé, huilier, comme témoin. Dix ans plus tard, on retrouvera Sécard au Vaurouy.

Mort tragique du meunier


Le 23 novembre 1751, Dom Jean-Baptiste Langlois, cellérier, fit observer aux moines que le meunier de Jumièges irait, le 1er janvier suivant, dans un autre moulin. Il ajouta que Louis Lefebvre, déjà meunier à Duclair, était disposé à reprendre le moulin de Jumièges pour 500 livres au lieu de 300. C'est donc d'une voix unanime, que le chapitre vota cette délibération où il est précisé que la moute des moines sera franche.

Louis Lefebvre avait épousé en secondes noces une certaine Marie... Moulin. Le bail des quatre moulins de Duclair et celui de Jumièges se trouvèrent révolus avec la mort de Louis Lefebvre survenue le 1er décembre 1752. "Mort tragique du munier de Duclair", note dans son journal le curé du Vaurouy. Celui de Duclair établit l'acte de décès :

" L'an mil sept cens  cinquandeux, Le dimanche trois ye jour de decembre, a été inhumé dans cette égtlis par moy pretre curé dudit lieu Le cord de Louis Lefebvre munié de cette paroisse #agé denviron cinquante ans trouvé mort sur la paroisse de launé. La visite dudit cadabrre prealablement faitte et le proces verbal dument drefsé par maitre marie marthe martin chevalier conseiller du roy au baillage de caudebec Le permis d'inhumer et le consentement du Sr afasse, curé du Launé Le tout cy ataché en présence de Jean Sere laboureur de la paroisse de Ste austreberte, Thomas Moulin reseveur  des dames hospitalières de St françois de rouen qui ont signé le présent le susdt jour et an.
Jean Serre, D'Irlande curé, Thomas Moulin.

A la mort de Lefebvre, les moulins étaient manœuvrés par Thomas Aigret qui cessait ses activités. Tuteur des enfants du défunt, Jean Serre, "honnête homme et qui a du bien" proposa de reprendre les cinq moulins pour 4.300 livres de fermages annuels, "aux conditions de faire toutes les menues réparations à ses dépens et de faire employer à ses frais tous les matériaux nécessaires pour les grosses réparations et de payer un quartier d'avance." Les moines approuvèrent cette proposition, étant entendu que leur moute serait franche ainsi que celle du receveur de l'abbé.

 A la Révolution, l'abbaye possédait encore à Duclair trois moulins avec maisons et divers bâtiments d'exploitation, une masure contenant une acre et une vergée de terre, loués avec le moulin de Launay, à Antoine Valois, pour 6,000 livres de fermage, 24 poules tendres et 1,800 pots de vin. On notait un sieur Binard, d'une longue lignée de meuniers duclairois qui rend l'âme à 44 ans en août 89.
 
 Dressons l'inventaire des usines en remontant l'Austreberthe depuis la Seine...


Le moulin du Bouillon. dit encore des Bouillons situé au confluent de l'Austreberthe et de la Seine. Il fut construit à la Révolution par Claude Mabille, supplanté dans les moulins du Bas par Antoine Vallois à qui il fait ainsi concurrence. En novembre 1816, Charles-Antoines Deshayes, notaire de Jumièges, historien à ses heures, enregistra la vente par Pierre-François Mabille à Pierre Charles Antoine Savalle d'un quart indivis d'une portion de terrain située à Duclair et édifiée d'un moulin faisant de la farine de blé moyennant le prix de 6 000 F. En février 1817, Pierre Nicolas Bérenger et son épouse, Reine Madeleine Mabille, vendirent encore à Pierre Charles Antoine Savalle un autre quart indivis moyennant la même somme...

Le 21 décembre 1820, Agathe Céleste Savalle et Marthe Savalle
vendirent à Pierre Charles Antoine Savalle le tiers de deux moulins à Duclair et d'un moulin à Ambourbille et de divers autres immeubles moyennant 32 000 F et la charge de plusieurs rentes. 
On dit que les Savalle  finirent par se déchirer entre frère et soeurs.
Soeurs qui vont construire leur propre moulin en amont quand leur frère en édifa un second. Au fil des héritages, ces usines finiront dans le domaine de l'usine Mustad, fondée en 1892. Elles ont aujourd'hui disparu.


Les deux moulins de Bas, dits encore les moulins jumeaux, attestés en 1447. Ce sont des moulins banaux à blé dépendant jadis de l'abbaye de Jumièges.
Le plus imposant des deux, appelé aussi vieux moulin, est sur un îlot et tire donc son énergie de deux tournants.

Chacun des deux moulins à son logement mais les moines ont fait édifier près de là, sur la rive droite de l'Austreberthe, une habitation indépendante.
A côté vécut le citoyen Callouel, le premier maire de Duclair.

Le vieux moulin fut vendu au titre des biens nationaux à Jacques Savalle, d'Anneville, pour 45,100 livres le 3 juin 1791. Son père exerçait la même profession rive gauche. Le moulin sera longtemps connu sous le nom de moulin Savalle.

Un troisième moulin à blé ainsi qu'une filature compléteront l'ensemble au cours du XIXe. Lenepveu et Caron-Quévremont en devinrent propriétaires en 1842. Un incendie ravage la corderie en 1876. Le feu détruit encore le moulin à blé en 1894. Mustad fera ici un générateur. 

Quel contraste entre ces deux images ! Le feu est passé par là...

Le moulin de Haut. Attesté dès 1230 sous le nom de Moulin-Neuf. Signalé en 1651 sous celui de Moulin aux Boulangers, il fut aussi appelé moulin Bulteux en 1740, moulin Plichet. Il fut racheté en 1791 au titre des biens nationaux par Charles Dumont avec demi acre de masure et deux vergées de prairie pour 20,100 l.. Il le revendi à Charles Brohy, en 1820, qui en fit une filature. Un temps à huile, il redevint moulin à blé puis fut détruit par un incendie en 1968.


Le moulin Dumas, usine à Martinet, fut édifié près du moulin de Haut en 1795 sur une demande de la Marine. Actionné par une roue hydraulique, il travaillait le fer, notamment pour la fabrique de limes à Caumont. Une boulonnerie y fonctionnera de 1921 à 1964. La matière première arrivait par la gare de Duclair.


Le moulin Dumas

Le moulin Martin. Qu'il soit à huile, à papier ou à blé, il aura participé largement au concert des chicanes entre meuniers. Absorbé par la commune de Duclair, ll fut transformé en bâtiment rural en 1908. Puis en maison d'habitation.

Le moulin Launay. Situé sur Saint-Paër,
avec une masure contant une acre et une vergée de terre, fut racheté 15,700 livres en  1791 au titre des biens nationaux par Charles-Antoine Secard, meunier aux Vieux.

Voilà, le décor est planté. Voyons voir maintenant le conflit qui opposa les meuniers Vallois et Mabille alors que nous changions de régime...


Vallois contre Mabille

Du 14 juillet 1781 au 15 décembre 1784, c'est Claude Mabille qui est le fermier de nos moulins à blé. Il est supplanté par Louis Vallois qui les loue à l'abbé de Jumièges pour 6.000 livres de fermage, 24 poules tendres et 1.800 livres de pots de vin.

A sa mort, le 13 janvier 1788, Vallois transmet le relais à son fils. Sacré personnage, Antoine Vallois ! Le mardi soir, 17 février 1789, il est blessé place du marché, devant les halles, par Balthasar Leprêtre, clerc en chirurgie.

On ne trouve pas trace d'un mariage d'Antoine Vallois dans le canton de Duclair. Ni de son père Louis. En revanche, à Duclair, la fille de Claude Mabille, Marie Madeleine Reine, convola à 25 ans avec Pierre Nicolas Bérenger, un pêcheur originaire d'Anneville, le 10 Vendemaire de l'an VIII. On apprend que Claude Mabille était l'époux de Marie Madeleine Lesage et que sa fille était née à Radepont, dans l'Eure, le 28 novembre 1773.

A la Révolution, dépossédé des moulins de l'abbé mais encouragé par les libertés nouvelles, Mabille construit, sans autorisation, sa propre usine, le moulin du Bouillon, et fait ainsi une sérieuse concurrence à Antoine Vallois. Il est situé en aval, près de la grand route, là où l'Austreberthe se jette dans la Seine. C'est François-Amédée Cavoret, marchand en chirurgie à Duclair qui a fieffé ce terrain à Mabille le 14 septembre 1790.

L'affaire part en justice
alors que Vallois va  perdre très vite ses prérogatives sur ses moulins...


La genèse d'un conflit

21 mars 1791. Le moulin de Haut est adjugé à Charles Dumont, de Saint-Wandrille avec demi acre de masure et deux vergées de prairie par le prix de 20.100 1ivres.

25 mars 1791.
Vallois demande la destruction du batardeau établi par Mabille et qui refoule l'eau vers les moulins jumeaux. Quatre jours plus tard, à la demande de Mabille, des experts examinent le cours d'eau.

1er avril 1791, le juge de Paix du canton de Duclair ordonne la destruction demandée par Vallois.

17 avril 1791.
Mabille est autorisé à établir un vannage.

3 juin 1791. Les moulin de Bas sont adjugés à Jean-Charles (ou Jacques) Savalle pour 45.100 livres. Le même jour, le moulin de Launay va à Charles-Antoine Secard, meunier aux Vieux, pour 15.700 livres.

23 juillet 1791. Vallois n'est pas encore parti car il se plaint du moulin Mabille. Voici sa protestation.


A Messieurs les administrateurs composant le Directoire du District de Caudebec.



Expose Antoine Vallois, meunier, demeurant au bourg et paroisse de Duclair,

Qu’il aurait pris à loyer des fermiers du ci devant abbé de Jumièges quatre moulins dont trois situés audit lieu de Duclair et le quatrième connu sous le nom du moulin de Launay avec la pêche de la rivière de Sainte-Austreberthe depuis ce moulin jusques à son embouchure dans la Seine moyennant six mille livres de fermage annuel payables par quartiers.

Lorsque l’exposant a fait ce marché, les droits féodaux n’étaient pas encore abolis, il n’y avait pas d’autres moulins que les siens et ils jouissait exclusivement de la pêche, mais depuis que les sages et bienfaisants décrets de l’assemblée nationale ont anéanti le régime féodal et rendu le sol de la France libre comme les citoyens qui l’habitent, chaque propriétaire a profité des avantages que la loi lui accorde et a pêché devant son héritage, de sorte que l’exposant n’a pu tirer aucun produit de cette pêche qui lui en procurait un assez considérable parce qu’elle s’étend au moins une lieue en longueur et que cette partie de la rivière est assez poissonneuse, surtout vers son embouchure.

Ce n’est pas le seul tort qu’éprouve l’exposant par la suppression des droits féodaux, aussitôt après la promulgation de loi qui les a abolis, un sieur Claude Mabille qui a été fermier des mêmes moulins qu’occupe maintenant l’exposant et qui connaît parfaitement toutes les pratiques à fieffé un petit terrain à l’embouchure de la rivière de Sainte-Austreberthe sur le bord de la grande route proche de la rivière de Seine et il y a fait construire un moulin qui, depuis plus de six mois, est en activité.


On ne peut se dissimuler que la construction de ce moulin ne cause un préjudice considérable à l’exposant. D’abord, il est évident qu’il doit moudre moins de grain puisqu’ils feront à cinq moulins ce qu’il faisait lui seul avec les quatre moulins qu’il loue.

Secondement, le sieur Mabille qui a quitté il y a peu d’années les moulins de Duclair et qui connaît non seulement les personnes de Duclair mais encore celles de toutes les paroisses voisines à deux ou trois lieues à la ronde a un grand avantage sur l’exposant qui n’a pas eu encore le temps de se procurer ces connaissances.

Troisièmement, la place qu’occupe le moulin de Mabille sur le bord d’une grande route où l’on accède aisément et où il y a toute espèce de facilité pour embarquer les sacs de farine quand le grain est moulu. Tous ces avantages multipliés lui donnent sur l’exposant une prépondérance à laquelle il lui est impossible de résister de sorte qu’il dira avec vérité que si les choses eussent été en cet état lorsqu’il a contracté il n’aurait pas pris les moulins qu’il tient six mille livres pour quatre mille.

Cependant quelqu’avantage que le moulin du sieur Mabille ait sur les siens, il se contentera d’une indemnité proportionnelles et la nation est trop juste pour la lui refuser, il l’ estime donc et elle ne peut être moindre que de douze cents livres.

La pêche dont l’exposant est aussi privé depuis la promulgation de la loi sur la suppression des droits féodaux est aussi un juste sujet d’indemnité, elle ne peut être moindre vu l’étendue de rivière sur laquelle il exerçait ce droit et la quantité de poisson qui se trouvait dans cette portion de rivière qu’à une somme de six cents livres, c’est dans cette circonstance qu’il a l’honneur de vous présenter sa requête.

Ce qu’il vous plaise, Messieurs, vu l’énoncé en la présente, lui accorder une indemnité de douze cents livres pour la perte qu’il éprouve pour la construction du moulin du sieur Mabille et six cents livres pour la suppression du droit de pêche, le tout par chaque an à ce moyen son bail demeurera réduit à quatre mille deux cents livres et vous ferez justice.
Présentée en directoire ce vingt trois juillet mil sept cent quatre vingt onze.
Vallois

Soit la présente communiquée à la municipalité de Duclair pour, par elle, vérifier les faits, donner son avis sur l’indemnité réclamée, de renvoyer le tout au Directoire dans le plus bref délai .

Qu'en disent les élus ?

Les maire et officiers municipaux et… de la commune qui ont pris communication de la présente estiment que l’indemnité demandée par le sieur Vallois relativement à la construction du moulin de Mabille est juste et qu’elle doit lui être accordée quant à celle réclamée pour la perte elle peut être modérée à trois cents livres, fait en en municipalité à Duclair ce 25 octobre 1791. Callouël, maire etc. dont Leblond, Grenier ? Le Couteur

Le verdict du Directoire

Les administrateurs composant le Directoire du District de Caudebec qui ont pris communication de la requête présentée par Antoine Vallois, meunier, demeurant à Duclair, expositive qu’il a pris à bail du ci-devant abbé de Jumièges quatre moulins situés audit lieu de Duclair, par le prix de six mille livres par an, avec le droit de pêche de la rivière de Sainte Austreberte, que lors qu’il a fait ce marché, les droits féodaux n’étaient pas abolis, qu’il n’y avait pas d’autres moulins que ceux qu’il faisait valoir et qu’il jouissait exclusivement du droit de pêche, mais que depuis la suppression des droits féodaux, chaque propriétaire a pêché dans ladite rivière chacun devant son héritage. De sorte qu’il n’a pu retirer aucun produit de cette pêche.

Enfin qu’un sieur Mabille a fait construire un moulin sur ladite rivière, lequel est d’une activité continuelle, pourquoi il demande une indemnité qu’il porte ou douze cents livres par an pour la perte qu’il éprouve de la construction du moulin de Mabille et dix cents livres pour la privation du droit de pêche, vu aussi l’avis de la municipalité de Duclair.

Considérant que le décret du quinze mai 1790 laissait au sieur Vallois la faculté de continuer son bail, s’il le croyait avantageux à ses intérêts ou d’en abandonner l’effet dans le cas ou par quelqu’innovation il en fut résulté un tort pour lui, considérant encore que le sieur Vallois ne se plaint qu’après qu’il n’est plus fermier de ces moulins puisqu’il a cédé l’effet de son bail à autrui, enfin que le droit de pêche n’est pas supprimé.
Ouï le procureur sindic
Sont d’avis qu’il y a lieu de bouter l’exposant des fins de la requête.
En Directoire à Caudebec le vingt deux décembre mil sept cent quatre vingt onze.
Le Marié, Neufville.


Caudebec, le 24 décembre 1791

Monsieur, j’ai l’honneur de vous adresser la requête du sieur Vallois qui réclame une indemnité pour un droit de pêche qu lui a été loué par le ci devant abbé de Jumièges et pour la construction d’un moulin voisin de ceux qu’il avait loués, le Directoire à souscrit cette requête d’un avis de déboute.

Le suppléant le procureur syndic du District de Caudebec. Neufville.

Le dénouement

Le 4 janvier 1792, les biens d'Antoine Vallois seront saisis pour loyers impayés. Le 24 avril suivant, Mabille et Savalle se débattent devant le juge de Paix... Mais les deux hommes finiront par s'arranger. Et les Savalle s'installent au moulin du Bouillon.






Faits divers


Jacques Charles Savalle qui s'était porté acquéreur du moulin du Bas décéda le 14 novembre 1794.

Le 22 février 1799, on délivre un passeport révolutionnaire à Anthoine Secard que l'on dit meunier à Launay depuis deux ans. Meunier aux Vieux, il avait acheté le moulin de Launay en 1791. C'est un homme de 46 ans d'une taille de 4 pieds 11 pouces, cheveux et sourcils châtain, yeux bleus, nez ordinaire, bouche moyenne, menton rond, front découvert, visage rond, inscrit n° 75, pour aller à Rouen Caudebec et Yvetot, signe. Son fils, prénommé comme lui, a 18 ans, Taille 1m 679mm, cheveux et sourcils châtain, yeux bleus, nez ordinaire, bouche moyenne, menton rond, front bas, visage ovale, inscrit n° 93 en octobre 1799 pour aller à Rouen Caudebec Yvetot et Pavilly, signe.
En mai 1799,  Pierre Charles Savalle, 17 ans, meunier dit d'Ambourville, obtient un document similaire. Taille 1m 652 mm, cheveux et sourcils châtain, yeux bruns, nez moyen, bouche moyenne, menton rond, front haut, visage ovale et coloré, inscrit n° 664, pour aller à Rouen, Pont-Audemer et Caudebec. Si l'on pousse plus loin dans la vallée des Vieux, on trouvera Pierre Loiselier, à Villers depuis 16 ans, meunier de 49 ans

Le 23 novembre 1799, on note à Saint-Paër la présence depuis trois ans de Jean Beaucé, meunier originaire de Saint-Tellier, 33 ans. Taille 1m 625mm, cheveux et sourcils châtain, yeux bleus, nez ordinaire, bouche moyenne, menton fourchu, front bas, visage plein, inscrit n° 850, pour aller à Rouen Le Havre Dieppe Caudebec et Yvetot, signe: non

Le 14 février 1800 est recensé Jean-Pierre Desperiers, 18 ans, meunier aux Vieux depuis quatre mois. Il est originaire de Corneville. Taille 1m 679mm, cheveux et sourcils nooirs, yeux bruns, nez gros, bouche moyenne, menton rond, front petit, visage plein, inscrit n° 98, pour aller à Rouen Dieppe Andelys et Yvetot. Ne sait signer. Trois mois plus tôt, Jean-Baptistye Desperiers, meunier de 37 ans, natif de Bourneville, s'est mariée à Duclair Marie Geneviève Beauné, meunière de 21 ans.

Le 16 avril 1800, on délivre un passeport à Jean-Louise Tragin, originaire de Oissel, meunier de 26  ans à Duclair depuis deux ans et demi. Réquisitionnaire remplacé par le citoyen Louis Aimable Jamme âgé de 18 ans et demy. Taille 1m 761mm, cheveux et sourcils châtain, yeux gris, nez gros, bouche moyenne, menton rond, front haut, visage ovale, inscrit n° 827, pour aller à Rouen Le Havre Caudebec et Yvetot, signe. Acte situé parmi ceux du 25 germinal an 8. Tragin est mort le 14 janvier 1801. Tombé accidentellement dans la rivière, il s'est noyé. Les témoins furent sa veuve, Madeleine Mauger et Charles Savalle, meunier.

MAISONS A LOUER.  A louer, pour entrer en jouissance le 1er vendemiaire an 14 (26 septembre 1805), deux moulins à huile  un moulin à bled , une masure et les bâtimens nécessaires à l'exploitation ; situés en la commune de Varengeville, vallée des Vieux.
Lesdits objets sont a une demi-lieue de Duclair, trois lieues de Caudebec et d'Yvetot, quatre de Rouen, et occupés par le sieur  Francois Gelée fils.
Nota. S'il était nécessaire, on fournirait aux locataires quelques acres de terre labourable et de prairie S'adresser sur les lieux pour voir les susdits objets ; et, pour en traiter, au sieur Marin Petit fils, fabricant d'huile à Pavilly. Journal de Rouen, 26 septembre 1804.

En 1817, un meunier de Duclair, habitant Saint-Paul, François Nicolas Poyer, fut condamné à 15 mois de prison pour vol.

En 1837, Michel Levillain était garde-moulin à Duclair. Il acheta au boulanger Gouas une maison sise au bord de la route de Barentin et occupée par le sieur James.

Mardi 30 avril 1839, au matin, on a trouvé baigné dans son sang un meunier de la vallée des Vieux, nommé Vimare. Le médecin qui fut appelé le trouva respirant encore, mais dans un état
tout-à-fait désespéré. Par suite de l'examen auuel il se livra, l'homme de l'art a pensé tout d'abord que les blessures graves qui existaient la lête du maiheureux meunier étaient plutôt le résultat d'une chute de cheval occasionnée par 1'ivresse, que de voies de fait portées par quelque
malfaiteur. Cependant on disait à Duclair que, la veille , une violente querelle , suivie de menaces
et de provocation, s'était élevée dans un cabaret où Vimare était à boire avec quelques individus.
Ce qu'il y a de maiheureusernent certain, c'est que le pauvre meunier est mort quelques heures après, sans avoir pu fournir les moindres renseignements. Néanmoins la justice informe.

Chasse-moûte, Jean-Jacques Vimard avait 40 ans. Il était fils de Charles Grégoire Vimare, maître meunier. Il était marié à Anne Désirée Logery. Le père déclara le décès en compagnie du débitant de Varengeville, Florimond Dillard

En otobre 1843, des "Beaux biens" sont mis en vente dans l'étude du notaire Bicheray, à Jumièges
Article premier.
TROIS MOULINS à blé, mus par une chute d'eau d'un volume considérable, situés dans l'enceinte du bourg de Duclair, sur la rivière de Sainte-Austreberthe, montés d'après le nouveau système et en très-bon état.
Plus, un VERGER contenant environ 30 ares, avec un jardin, la maison de meunier et les bâtimens d'exploitation, le tout occupé par M. Duval, moyennant un fermage annuel de 6,000 fr. et la charge des impôts.
Article deuxiéme.
Un vaste ETABLISSEMENT à usage de filature mue aussi par une chute d'eau sur Ia rivière de Sainte-Austreberthe, situé aussi à Duclair, dans l'enceinte du bourg, prés les moulins ci-dessus désignés. Cet immeuble, avec ses dépendances, a été loué précédemment an sieur Lelièvre, moyennant 4,500 fr. , et il est occupé mainteriant par le sieur Conseil, moyennant un loyer de 2,100 fr., plus la charge des Impôts.
Article troisiéme.
Une MAISON de maitre située également à Duclair, près la filature ci-dessus désignée, avec cour, jaidin, écurie et remise, d'un revenu annuel de 500 fr.

Article quatrème.
Une très-belle FERME située a Ambourville-sur-Seine, en face de Duclair, composée
1° D'un Verger planté d'arbres fruitiers , édifié d'un moulin à vent, d'une maison
d'habitation et de bâtimerss ruraux ;
2° De Terre en labour en psusieurs grandes pièces
Et 3° de Bois-Taillis en deux grands morceaux.
Le tout d'un seul tenant d'une contenance totale d'environ 15 hectares, occupés par le sieur Guilmain, et d'un revenu net de 800 fr. par an.

NOTA. Tous ces biens sont dans une situation très avantageuse à cause de la proximité de la Seine, et des routes de Rouen au Havre, de Duclair à Yvetot et de Duclair à Barentin.
S'adresser, pour visiter ces immeubles, aux occupants;
Pour traiter et avoir des renseignemens:
 A M. SAVALLE, proprietaire à Duclair
A M. BOUDIN, homme de loi a Rouen, rue Ganterie, no 74, mandataire du propriétaire
Et audit Me BICHERAY, notaire, dépositaire des titres de propriété.

En mai 1853, Vimard, garçon de moulin à Duclair, devait une rente viagère à Leriche. Il chargea un journalier de se débarrasser de cet encombrant créancier.  Voilà le vieux domestique qui offre à boire à Leriche. Avant de lui remettre une brioche. Soupçonnneux devant tant de générosité, Leriche fit analyser la chose par le pharmacien. Le gâteau était parfumé... à l'arsenic ! 20 ans de travaux forcés pour Vimard.

Lundi 29 août 1853, vers deux heures et demie du matin, le sieur Pascal Carré, meunier à Duclair, était occupé à verser du blé dans la trémie de son moulin, lorsqu’il fut saisi à sa cravate par un engrenage; il a été étouffé immédiatement, l'une de ses jambes a été cassée et son corps est couvert de contusions profondes. Mort d'autant plus regrettable, que le meunier laisse une veuve et cinq enfans encore très jeunes. C'était à force de travail et d'éconemie qu'il était parvenu à faire valoir le moulin où il a trouvé la mort.

En 1862, les trois moulin du Bouillon sont encore à louer, fieffer ou vendre. Les locataires sont Duval et la veuve Mosier, les propriétaires mesdemoiselles Savalle. Notaire à Jumièges, Bicheray s'occupe de tout.

Cour d'Assises, 3 août 1871. Henri-Emile Damendé, né le 28 juillet 1848, à Sainte-Marguerite-sur-Duclair, garde moulin et journalier, demeurant à Duclair, comparaissait devant le jury, sous l'inculpation d'avoir dérobé un louchet au préjudice du sieur Jouen, journalier au service comme lui du sieur Lorgery, meunier de Duclair. Des soupçons, une perquisition, et Damendé avoua. Lorgery le congédia et bientôt accusa Damendé de lui avoir soustrait quelque 75 kg de farine au moulin et une douzaine de chandelles. Le jury a rapporté un verdict affirmatif avec circonstances atténuantes, à la suite duquel Damendé a été condamné à la peine d'une année de prison. (La Vigie, 8 août 1871)

Plus haut sur la rivière, le 20 septembre 1886, à 1h du matin, le feu se déclara dans le moulin à blé exploité aux Vieux par  Emile Bénard et appartenant à Lemonnier, du Houlme. Le bâtiment fut détruit, les 50 000 F de pertes partiellement couvertes par la compagnie La Normandie. Le feu s'était déclaré à l'intérieur mais la malveillance y était étrangère.

Notes

Le blé préparé pour la bière était connu sous le nom de braise ou de gru, et les usines où il subissait cette préparation sous celui de moulins à braise ou à gru. Sur les moulins de Duclair, les gens du roi prenaient 1 somme de gru. (Etude sur la condition de la classe agricole, Léopold Delisle).
 
Le 19 avril 1900, dans l'étude de Me Hervieu, le moulin de Duclair fut en vente par adjudication. "Moulin à blé sur la rivière de Sainte-Austreberthe. Trois chutes d'eau pouvant être réunies. En communication avec la Seine et la gare de Duclair. Situation exceptionnelle pour une industrie."

SOURCES

L'affaire Vallois-Mabille, ADSM 1 QP 428, documents numérisés par Jean-Yves et Josiane Marchand, transcription : Laurent Quevilly.
Histoire des moulins à eau de Duclair du XIe au XIXe siècle, par Patrick Sorel et Francis Aubert.

La Normandie littéraire


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CONTACT

Michel Tiphagne : je suis né au moulin, je suis le petit fils de M. et Mme LEBON Armand. J'y ai habité de 1948 à 1970. Site très intéressant le consulte très souvent, me rappelle beaucoup de souvenirs.

François Herment. Que de souvenirs du moulin de haut, nous on disait le moulin à Plichet(son propriétaire dans les années 1950/60). Le père de mon copain, Jean-Pierre CALAIS, habitait la maison que l'on voit sur la carte à la point de l'ile et travaillait comme meunier. Nous gamins on jouait dans la rue des fontaines. Quand les vannes du moulin étaient fermées, nous péchions les anguilles que nous donnions à Emilienne, une veuve de la Grande guerre et pendant qu'elle les préparait nous nous attablions et lui faisions des boulons. Effectivement le moulin Dumas qui appartenait à Monsieur BERNARD fabriquait vis et écrous et que pour faire un boulon, il faut assembler l'écrou et la vis. Souvenirs......