Par Laurent Quevilly

Tambour de la garde nationale, Joseph Hauriolle avait le don de faire rire tout Jumièges. Maçon, dénonciateur à ses heures,  divorça il un jour de son épouse pour la réépouser aussitôt. Il fit aussi les frais de la cuite mémorable que ramassa Nicolas de Conihout.


Aujourd'hui, dimanche vingt octobre mil sept cent quatre vingt treize, l'an deuxième de la République française.

Nous, maire et officiers municipaux et le conseil général de la commune de Jumièges, le procureur de la commune présent, assemblés dans le lieu ordinaire de leurs séances.

La cocarde d'Hervieux n'était pas réglementaire

Est comparu le citoyen Hauriolle, domicilié en la ville de Rouën, caporal de la compagnie de Romain au sixième bataillon de la Seine-Maritime, natif dédaim (sic) en Artois, ayant son congé de réforme pour infirmité, lequel nous a exposé que le citoyen Hervieux, domicilié en la commune de Jumièges, portant une cocarde qui n'étoit pas tricolore et il luy a retiré en lui représentant qu'il ne devait pas porter une telle cocarde.  A quoi le citoyen Hervieux n'a fait aucune résistance,

Interpellé chez Tropinel

La municipalité désirant connoitre le civisme du citoyen Hervieux s'est transportée chez le citoyen Tropinel, marchand et cabaretier audit lieu où était pour le moment ledit Hervieux et ont demandé ladite cocarde,

et à l'instant ledit citoyen maire a requis ledit Hervieux de paroitre à la chambre commune pour y être interrogé à ce sujet et d'y exposer ses raisons, le citoyen maire a aussi requis ledit citoyen Nicolas de Conihout à se rendre à la chambre commune, ayant pris le parti dudit Hervieux en disant au citoyen Hauriolle que sy il entroit pour retirer la cocarde dudit Hervieux, qu'il lui casseroit la barre du col.

Un jour de prison !


Les citoyens De Conihout et Hervieux étant arrivés à la chambre, le citoyen maire a interrogé ledit Hervieux sur ce qui ce qui se conformoit pas à la loi concernant les cocardes tricoles, ledit Hervieux a répondu que la cocarde dont il portoit n'étoit pas celle ordonnée par la loi et dont il en demandoit excuse de sa faute, surquoi, le maire a mis au délibéré à ce sujet et il a été délibéré que le dit Hervieux sera mis en arrestation pour vingt quatre heures et enjoint audit Hervieux de se conformer dorénavant à la loi concernant les cocardes, 

Il injurie le maire... sans ôter son chapeau !

Après quoi le citoyen maire a représenté audit Nicolas de Conihout que l'insulte qu'il venoit de faire audit citoyen Hauriolle était déplacée de sa part et que ce dernier avoit le droit, au nom de la loi, de retirer la cocarde dudit Hervieux, n'étant pas celle ordonnées par ladite loy, à quoi ledit Nicolas de Conihout a fait réponse qu'il n'écoutoit pas la remontrance du maire ny des officiers municipaux et, méprisant tous leurs dires en disant au citoyen Hauriolle que c'était point à lui de retirer la cocarde en question, et ce, avec violence déplacée, ayant son chapeau sur la tête, méprisant les séances municipales, mais le citoyen maire a appelé les officiers et conseil général de la commune à l'ordre en disant audit de Conihout de se mieux comporter et de retirer son chapeau, ledit de Conihout méprisant de nouveau les ordres à lui adressés s'est retiré en injuriant la municipalité et ledit Hauriolle nous a requis de le mettre sous la sauvegarde la loi vu les menaces à lui adressées par ledit de Conihout et vu aussi la conduite dudit de Conihout dans le courant du même jour

D'un civisme "pas trop connu"


et s'étant transporté le matin à la municipalité pour obtenir un certificat de civime pour son fils marinier, de présent au Havre, l'ayant interrogé avant la délivrance de ce certificat pour connoitre la conduite de son fils s'étant mal quitté avec ledit de Conihout son père à qui le civisme nous est pas trop connu, ledit de Conihout sur toutes nos demandes, ne voulant ny respecter les loix, ny la municipalité, nous a envoyé par deux f (?)

Barouf à l'abbaye


La municipalité s'étant transportée à l'assemblée générale des habitants des deux hameaux de Conihout et du Sablon, susdite commune de Jumièges, pour le partage des biens communaux, dans l'église de la cy devant abbaye où l'assemblée étoit convoquée, le maire ayant été nommé président de ladite assemblée, ledit de Conihout l'a de de nouveau interrompu dans ses fonctions de président en lui disant qu'il étoit un menteur, surquoi l'assemblée a délibéré que ledit de Conihout se retiretoit de l'assemblée, vu qu'il avoit interrompu le président et du manque de respect pour les loix, et d'après qu'il s'est retiré, étant dans la cour de la ci-devant abbaye, il a demandé à plusieurs citoyens combien qu'il y avoit de voleurs de restés dans l'église et en continuant de dire qu'il n'y en avoit pas plus que de municipaux.

Vengeance !


De tout ce que dessus nous avons dressé le présent procès verbal pour être envoyé au Directoire du district de Caudebec pour que l'administration supérieure venge la municipalité et ledit Hauriolle des insultes faites par ledit de Conihout et dont copie du présent procès verbal sera envoyé au Directoire et l'original déposé aux archives de la municipalité pour y tenir état, arrêté les jour et an susdits, signés P.F.M Amand, maire, N. Pr Poisson, P. Danger, De la rue, Desjardins, Estienne Varin, Chantin, Pierre Leroux, Valentin Duquesne, Jacques Levesques, Pierre Gossé, Chenais et Foutrel, secrétaire greffier.

Imprimé de boisson

Au dessous est écrit, ce jour d'hui, vingt quatre octobre mil sept cent quatre vingt treize, l'an deuxième de la République française, la municipalité de Jumièges assemblée est comparu Nicolas de Conihout domicilié et dénoncé au procès verbal cy contre, lequel procès verbal lecture lui a été donnée par le citoyen maire en présence des citoyens Adrien le Roy et Jean Bte de Caux pour que ledit de Conihout connoisse ou méconnoisse les faits contenus audit procès verbal sur quoi il fait réponse que tous les faits exposés au procès verbal étaient vrais mais qu'il était imprimé de boisson.

A la chambre municipale, les jour et an susdits, signé P.F.M. Amand, maire, P. Danger, Etienne Varin, François Amand, procureur et Foutrel, secrétaire greffier.

Laurent QUEVILLY.

SOURCE


Archives départementales, cote L1673, document numérisé par Jean-Yves et Josiane Marchand,