Sur une idée de Bruno Ducrotté,
appuyée par Hubert Vézier

A Rouen, la droguerie Deconihout fut très tôt une institution. Si bien que L'Express lui consacra un article. Deconihout ! Avec un nom pareil, impossible de renier ses origines. Tentative de généalogie...

Les Deconihout les invincibles


Par Marianne Payot.


Attention, espèce en voie de disparition ! A Rouen comme dans toutes les villes de France, le droguiste fait figure de dinosaure. « Nous étions 50 il y a quelques années. Désormais, nous ne sommes plus que deux ou trois », confie Jérôme Deconihout. Les raisons d'une telle désaffection? « Le métier est vieillissant, mal vu et mal connu, poursuit le patron de la maison Deconihout, sise rue du Gros-Horloge. Certains jeunes de banlieue pensent même que droguiste rime avec dealer.»
 Anxieux, Jérôme? Pas vraiment. Il est vrai que la droguerie familiale a déjà survécu à de nombreuses déconvenues. La débrouille n'est-elle pas l'une des clefs du métier ?

1920 : Jules Deconihout, 24 ans, est un simple employé de M. Rabezou, droguiste de son état.

1921 : alors que son patron part à la retraite, le jeune homme lui propose de racheter le magasin. Ses atouts ? Sa femme, Madeleine, qui tiendra les comptes – le métier ne peut se concevoir qu'en couple – beaucoup d'aplomb et encore plus d'énergie.



Très vite, l'entreprise prend sa vitesse de croisière. Dans la ravissante maison du début du XVIIe siècle, les affaires vont bon train : au rez-de-chaussée s'activent une quinzaine de salariés. « A l'époque, on fabriquait tout sur place, explique Jérôme, le petit-fils de Jules. En fonction du prix et de la demande, on concoctait les peintures comme les produits ménagers.»

Au premier étage loge la famille : Jules, Madeleine, puis, bientôt, Denise, Marine et Guy. Quant aux trois étages suivants, véritables cabinets de curiosités, ils recèlent toutes les passions des Deconihout, à savoir des insectes, des pommes à cidre, des champignons, des tables… « Ce métier va rebondir, j'y crois.»
Car le droguiste se veut également entomologiste, pomologiste, mycologue et radiesthésiste. Président d'une cinquantaine d'associations, il est, en outre, maire de Montville, une bourgade de 2 000 habitants qu'il rejoint alors en charrette tous les week-ends. « A la fin, évidemment, il n'était plus très présent au magasin, concède Jérôme. Madeleine, toujours à la caisse, papillonnait moins, elle. »
Pas facile d'avoir un père de cette stature ! Plus encore que ses sœurs, Guy, né en 1927, admire cet autodidacte de talent tout en subissant son caractère autoritaire. Autant dire que sa tâche ne sera pas aisée lorsqu'il devra, à l'âge de 25 ans, reprendre l'entreprise, au lendemain de la mort soudaine de Jules, en 1951.

Guy n'a pas le temps de rêver. Il lui faut s'imposer, malgré sa jeunesse, aux employés de la maison, puis, bientôt, affronter trois bouleversements. Le premier n'est autre que la transformation, en 1970, de la rue du Gros-Horloge en rue piétonnière, une innovation, à Rouen. Conséquence : poissonneries, boucheries et autres commerces vont petit à petit disparaître au profit des succursales des grandes enseignes. Vient le choc pétrolier de 1973, qui induit le renchérissement des hydrocarbures utilisés pour les solvants et peintures. Enfin, la multiplication des grandes surfaces – jusqu'à l'immense Castorama, ouvert tout récemment – aiguise plus que jamais la concurrence.

Réduire les marges, dénicher le produit rare, jouer sur le packaging, tout miser sur l'aspect « services et conseils au particulier », s'adapter au badaud… telles sont les recettes de la survie. Jérôme le sait bien, lui qui, après avoir baroudé un temps, est revenu frapper à la porte de la droguerie familiale il y a une vingtaine d'années. Depuis, son père est parti à la retraite, son jeune frère est mort et sa femme, Isabelle, l'a rejoint. Cette grande blonde, qui travaillait dans le social et a mis au monde quatre beaux enfants, a apporté sa touche féminine.

Aux produits de base de la droguerie traditionnelle se sont ajoutés les cadeaux de toutes sortes: lampes, tableaux, porte-photos, paniers et meubles. A tel point que, début juillet, les Deconihout ont inauguré un étage entier dévolu à l'ameublement et à la décoration. « Nous courons les Salons à l'étranger, démarchons les fabricants encore absents de Rouen », explique, ravi, Jérôme. Et ce n'est pas terminé: le couple aimerait bien prochainement refaire à l'ancienne tout le rez-de-chaussée en y installant, notamment, un comptoir d'époque.
Pas mal pour une profession sur le déclin ! « Non, non, tout change, réplique Jérôme, ce métier va rebondir, il a de l'avenir, j'y crois. » Le sympathique quadragénaire se serait-il amusé à faire tourner les tables, comme son grand-père hier ?


Notes généalogiques



Les cheveux châtain clair, le menton saillant, 1,71m, demeurant chez ses parents, rue Richard Lenoir, Jules Robert Deconihout fut incorporé comme 2e classe le 9 octobre 1912 et fut versé dans le service auxiliaire en qualité d'infirmier.
Au recensement de 1913,il est dit "droguiste" demeure toujours rue Richard-Lenoir, à Rouen, où son père à la qualité de propriétaire. On le jugea apte à faire campagne le 21 septembre 1917 puis inapte pour albuminurie, contre-indication à la vaccination. Entre temps, il a subi avec succès les examens du caducé et est autorisé à en porter les insignes dès février 17. Nommé caporal le 22 septembre 1918, on le retrouve en août 1919 domicilié rue des Amis à Boiguillaume. En 1937, il est localisé 138, rue Grosse-Horloge.
Marié à Madeleine Taard, il fut maire de Montville du 30 octobre 1947 au 14 novembre 1952. Il y a aujourd'hui sa rue
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Guy Deconihout, fils de Jules, fut aussi une personnalité de Montville. Il est décédé le 13 février 2020

C'est une figure de la vie locale qui vient de disparaître. L'ancien conseiller municipal Guy Deconihout est décédé subitement samedi dernier à l'âge de 83 ans. Les Montvillais vont rendre un dernier hommage aujourd'hui, à 15 h 30 l'église de Montville, à celui qui s'est impliqué jusqu'au bout dans la vie locale. Guy Deconihout est né le 25 juillet 1927. Son père, Jules Deconihout, a été le maire de Montville de 1947 à 1952. C'est lui qui a fondé la célèbre droguerie rouennaise éponyme, située rue du Gros-Horloge. En 1971, Guy Deconihout est élu conseiller municipal de Montville sur la liste d'André Martin. Il y siégera jusqu'en 1995. En reconnaissance de toutes ces années passées au service de la collectivité, il obtient la médaille d'honneur régionale départementale et communale échelon argent. Investi dans la vie locale et associative, il l'est aussi dans la vie commerciale rouennaise. En 1954, Guy succède à son père à la tête de la droguerie. Puis confie les rênes de l'établissement à un de ses quatre enfants, Jérôme, en 1988. « C'était un homme très actif, se souvient un des actuels employés de la droguerie qui a connu les deux dernières générations. Sa boutique, c'était sa vie. » Le magasin sera d'ailleurs fermé aujourd'hui toute la journée.
Côté associatif, Guy Deconihout est toujours resté fidèle à l'amicale Saint-Jean-Baptiste-de-la Salle. Membre du bureau de la fédération départementale des Jardins ouvriers et familiaux, il préside l'association montvillaise de 1964 à 1997. En tant que président d'honneur, il reste très présent. C'est aussi un passionné d'entomologie, de champignons et de papillons. On le voyait également souvent sur le marché de Montville. Amoureux de la langue française, il s'amuse à recenser toutes les expressions utilisant des noms de légumes, de fleurs et fruits. Féru d'histoire, il est très attaché au hameau du Conihout « route des fruits » près de Jumièges, le berceau familial. Les Montvillais, comme leur maire Pascal Martin, garderont « l'image d'un homme avec de grandes qualités humaines, chaleureux, hospitalier. »

Avant Guy, son père, Jules Robert était fils de :

Jules Alfred Deconihout,
né le 14 juillet 1864 à Canteleu. et Aline Eugénie Morand, native de Boscherville. Jules Alfred, retraité de la Banque de France, fut chevalier du Mérite agricole en 1927, officier en 36.

Jules Alfred était fils de :

Jean Jules Deconihout, cultivateur, né à Jumièges le 23 fév. 1836, marié à Boscherville le 7 octobre 1861 à Célestine Quibel, née à Boscherville le 2 mai 1844, fille de feu François Quibel et Céleste Elisabeth Delaunay, de Boscheville.

Jean Jules était fils de :

Jean Baptiste Nicolas Deconihout, né à Jumièges le 4 mars 1809 et Geneviève Désirée Hulin, originaire de Berville où elle est née le 5 août 1809, mariés à Boscherville le 11 mai 1835, domiciliés à Canteleu en 1861.

Jean Baptiste Nicolas était fils de :

Jean Baptiste Deconihout et Marie Reine Heuzé, native de Boscherville en 1786, fille d'Emmanuel, laboureur et Marie Plichon, mariés à Jumièges le 24 brumaire de l'an 14, soit le 19 novembre 1805. Il est mor le 28 juillet 1845 au Passage.

Jean Baptiste était fils de :

Jean Baptiste Deconihout et Marie Anne Bosquer, originaire de Bliquetuit où ils se sont mariés en novembre 1779.

Les ancêtres sont ensuite Pierre Deconihout et Marie Anne Levacher, Valentin Deconihout et Suzanne Harel, Jehan Deconihout et Marie Longuemare...

Sources

L'Express du 6 Octobre 2005