SUR LA MANière d'élever et d'engraisser les canetons dits de Duclair

Par un sociétaire domicilié dans le canton de Duclair


Les communes voisines de Duclair livrent pour la consommation de Paris, de Rouen et autres villes, des canards fort recherchés qui sont désignés dans le département par le nom du canton qui les produit, et dans la capitale tous la dénomination de canetons de Rouen. Peu d'industries agricoles méritent autant d'intérêt que cette modeste industrie, en ce qu'elle procure à peu près sans avances d'assez beaux produits, en ce qu'elle peut être considérée comme ayant atteint une sorte de perfection, en ce qu'elle s'exerce aussi bien par la pauvre villageoise dans la plus misérable chaumière, que par la riche fermière entourée des ressources que produit une grande culture.

Nourris aux vers


Pour l'exercer en été, les seuls débours consistent dans l'achat de quelques œufs de canard, et de quelques livres de farines d'orge, et dans l'entretien d'une ou deux poules-d'inde couveuses.

Aussitôt que les jeunes canards sont éclos, ils sont nourris avec des vers de terre que nuit et jour les éleveuses vont recueillir à l'aide de grandes fourches dans les prairies. Pendant deux mois, les canetons ne reçoivent que cet aliment qui les fait prospérer mieux que tout autre.


Puis à la farine

 L'époque où ces oiseaux ont atteint leur développement est indiquée par des signes certains : les plumes ne poussent plus, quelques-unes commencent à tomber, les ailes se touchent. La ménagère remplace alors les vers par des gobes de farine d'orge, ou pour mieux dire d'orge écrasée, le son devant rester avec la farine. Ces gobes, de la grosseur du doigt et d'un pouce et demi de longueur, sont le plus ordinairement trempées dans du lait, quelquefois dans de l'eau à défaut de lait; neuf à dix suffisent dans les commencements, pour l'un des trois repas de chaque journée; vers le milieu de l'opération; on doit en donner autant que l'estomac peut en contenir, et dans les derniers jours dix à douze seulement. On ne doit, à aucune période, engober le caneton lorsqu'on s'aperçoit qu'il lui reste de la nourriture dans l'estomac.

Les canetons, dans des cages dont le fond est couvert de paille changée chaque jour, doivent être tenus en un lieu un peu obscur et propre; un vase rempli d'eau non bourbeuse doit être constamment à leur portée.

Les canetons doivent être empâtés pendant douze ou quinze jours. Ceux qui, après ce temps, sont imparfaits, ne sont pas, à raison de quelques vices de conformation, susceptibles d'être engraissés; et ceux qui ont profité de la nourriture qui leur a été donnée, dépériraient si elle leur était continuée. Ils atteindraient aussi à cette période de leur vie où la croissance de leurs secondes plumes les rendrait invendables pendant plus d'un mois.


Avec la famille


En hiver, il faut un peu plus de précautions et de sacrifices : la couveuse est tenue dans la pièce habitée par la famille et chauffée par un poêle pendant les grands froids. Les vers ne se trouvant plus dans cette saison, sont remplacés par des pommes de terre ou du son. Le reste de l'éducation est pareil à ce qui se pratique en été, et le prix de vente récompense, et au-delà, des soins extraordinaires et du surcroit de dépense.

Ainsi engraissés, les jeunes canards sont achetés à domicile ou portés au marché où ils sont très recherchés. Leur prix, en été, est de deux à trois francs, jamais au-dessous du premier de ces prix, et presque toujours au-dessus de deux francs cinquante, lorsqu'ils ont été soignés convenablement. En hiver, les bonnes éleveuses en obtiennent de trois francs cinquante à quatre francs; même plus, mais par exception.

Chaque caneton consomme environ huit litres d'orge écrasée, soit 3 kilog. 1/2, au prix moyen de 18 centimes le kilog. pour les ménagères qui ne récoltent pas le grain; sa dépense peut être évaluée à soixante trois centimes, et le profit qu'il procure en échange des peines et soins, à un franc quatre-vingt cinq centimes ; ce qui fait, pour une couvée de dix-huit ou vingt, qu'il convient de réduire, en raison des accidents et autres éventualités, à treize livrables au marché, vingt-quatre francs quinze centimes.


Une douzaine de communes


 On aurait désiré donner ici quelques chiffres indiquant l'importance du commerce des canetons, mais les renseignements exacts manquent, et ne s'obtiendraient que très difficilement. On sait seulement que dix à douze communes pratiquent cette industrie, et que dans chacune on compte un assez grand nombre d'éleveuses.

Il est à remarquer que les canards nourris au régime indiqué ne consomment pas une seule poignée de grain inutilement, et qu'ils ont, pour le commerce, toutes les perfections exigées. C'est ce qui recommande cette industrie. On peut la considérer comme une providence pour les pauvres femmes des communes où elle est pratiquée. En d'autres lieux, une veuve chargée de petits enfants ne peut subsister que par la charité publique ; là, on en voit qui payent un loyer, et qui élèvent de nombreuses familles, parce qu'elles ont à présenter au marché une denrée toujours recherchée.


Un exemple à exporter

Dans toute la France, notre localité exceptée, les volailles de l'espèce dont nous nous occupons sont de mauvaise qualité, par conséquent peu recherchées, et elles rapportent de faibles profits aux ménagères qui les élèvent, l'éducation étant trop longue et la nourriture trop coûteuse. Il serait pourtant bien facile d'y introduire la méthode de nos paysannes du canton de Duclair. Toute localité y est propre, si à quelque distance se trouvent des terrains en prairies ou un peu frais pour y ramasser des vers. Cette nécessité n'est pas même de rigueur si l'on veut établir une verminière dont la description se trouve dans tous les dictionnaires d'agriculture. L'eau est utile aux jeunes canards, mais il suffit de leur en donner dans un vase de quelques litres, et de ne pas les en laisser manquer. Au nombre des communes en possession de cette industrie, on en peut citer qui sont situées sur le haut de collines entièrement privées d'eaux courantes, et même de mares.

Il serait bien à désirer qu'une industrie aussi simple et aussi utile pût se propager, puisqu'elle procurerait des ressources a des familles aujourd'hui dans la souffrance. Cette pensée, Messieurs, vous fera peut-être admettre, dans l'un de vos cahiers, cette notice écrite, en grande partie, sous la dictée des femmes laborieuses dont elle retrace les travaux intelligents. Vous les donnerez ainsi de la publicité; et il est à espérer, qu'avec l'assistance des autres sociétés d'agriculture qui reçoivent ces publications, vos bonnes intentions ne resteront pas stériles.



SOURCE

Extrait des travaux de la Société centrale d'agriculture de la Seine-Inférieure, 1836-1837.





Le Mardi 2 novembre 2010 par Duclair environnement.


L’avocat de Duclair se retrouve derrière les barreaux !

Que s’est-il passé pour en arriver là ?
La ville de Duclair et une association ont décidé que « l’avocat de Duclair » qui a fait la réputation de la ville aurait droit à tous les honneurs.

En effet le Maire et son conseil municipal devant l’injustice de l’oubli de son » avocat » ont proclamé que désormais une fête serait célébré en son honneur à Duclair!

La Légende de » l’avocat « :

Dans les boucles de la Seine, face à Duclair, de hautes falaises de craie creusées par la Seine abritent du vent dominant les prairies marécageuses. Un micro climat se développe, ici avec douceur. Ce terroir normand convient naturellement à l’élevage de palmipèdes. La presqu’île est d’ailleurs une halte appréciée des canards sauvages. Tel est le décor naturel de la légende du canard de Duclair.

Par une belle nuit étoilée, des colverts venus du ciel auraient succombé aux charmes de canes de basse-cour. De leurs ébats nocturnes, naquit une nouvelle race de palmipèdes: le canard de Duclair. Un canard dont la livrée est tantôt noire avec des reflets d’un vert scarabée, tantôt grise bleutée, mais toujours rehaussée d’un superbe jabot blanc, ou bavette, qui lui vaut le surnom d’avocat.

Il existe en Scandinavie, un canard qui ressemble fort au Duclair. Mais aucun lien de parenté n’a encore pu être établi entre ces deux races de canards authentiquement normandes.

Un canard au sang.

Élevés sur la rive gauche de la seine, dans les prairies d’Anneville, les oiseaux étaient vendus au marché de Duclair. Au petit matin, les fermières s’entassaient dans des barques pour traverser le fleuve, les bras chargés de canards serrés, ficelés dans des mues, sorte de casiers en bois. La surcharge des barques alliée aux remous de la Seine rendait , parfois, la traversée périlleuse pour les volatiles. Au point qu’il arrivait que, dans la tourmente, les canards mourussent étouffés avant même d’accoster à Duclair.

On imagine sans peine le désarroi des fermières qui, en l’espace d’un instant, voyaient leurs efforts anéantis.

Tous ces canards perdus préoccupèrent aussi Henri DENISE, le chef de l’ hôtel de la Poste à Duclair. vers 1900, le cuisinier remédia enfin à ce récurrent gaspillage en inventant la célèbre recette du canard au sang ! Les Rouennais apprécièrent cette spécialité inédite, qu’ils adaptèrent d’ailleurs à un autre palmipède normand, le canard de Rouen. La recette fut diffusée dans le monde entier. Il n’en reste pas moins que la recette du canard au sang est historiquement de Duclair, tout comme l’animal.

Normand et rustique

Le canard de Duclair est un volatile rustique à croissance rapide.

La cane pond des œufs de couleur verte d’au moins 70 grammes qu’elle couve durant un mois. Un cane peut pondre plus de 100 œufs au cours du printemps. Les canetons, le plus souvent noirs à la naissance, atteignent la taille adulte au bout de 3 mois. Leurs poids varie alors, selon les sexes, entre 2,5 et 3 kg. Sa chair est réputée moins grasse que celle de son vague cousin rouennais.

Pour mettre son volatile à l’ honneur :

Pour que chacun puisse le découvrir, l’admirer, la ville de Duclair n’a pas lésiné sur les moyens.

Dans un but pédagogique, les enfants accompagnés de leurs parents n’ont pas été oubliés. Une cage grillagée encerclant un espace d’environ 18 mètres carrés fut construite et implanté dans le » Parc des Eaux Mêlées » du centre ville. Trois » avocats » se trouvent prisonniers dans cet espcace réduit. Ils y sont nourris, logés et, disposent d’une surface d’eau d’environ 3 m2 pour s’ébattre.

Quelle déchéance pour cet » avocat » épris de liberté. Même les colverts viennent les provoquer, cancanant comme des commères et, s’envolant avant de se poser sur les vastes plans d’eau tout proche. Même les cygnes sur la Seine leur font un signe amical et reste coi devant leur situation.

Bien sûr, les dernières heures de » l’avocat » sont comptées. Bientôt la sentence tombera comme un couperet, sa condamnation à mort décidé. Mais avant de le trucider, de le brider, de découper ses os et, de le cuire au four. Un peu plus de liberté pour le célèbre palmipède dont la ville s’enorgueillit et, l’ a pris comme emblème, le canard de Duclair aurait mérité un meilleur sort.


Sources


Le zèbre, Le parc Régional des Boucles de la Seine normande: www.pnr- seine- normande .com
www.defis-ruraux.fr
www.slowfood76.fr


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