A la fin de 1776, Jean-Baptiste Bairies, chirurgien à Duclair, ne sait plus où donner de la tête. Depuis le printemps, rien que sur Jumièges, une épidémie a fauché une cinquantaine de ses patients. Sa fortune ne suffisant plus à son sacerdoce, il se rend à Paris quémander un secours financier. Il fait alors état des guérisons opérées par ses soins. Ce document nous renseigne sur les maladies de nos aïeux.

Lettre de Jean-Baptiste Bairies à Monseigneur de Crosne, intendant de la généralité de Rouen,

"Supplie humblement, Jean-Baptiste Bairies, cy devant chirurgien à la suitte des armées du roy en Allemagne, chirurgien de la Marine, reçu au collège des maistres en chirurgie de Rouen et demeurant au bourg de Duclair,

"Vous remontre que depuis deux ans, il règne aux environs de Duclair une espèce de maladie épidémique qui a enlevé depuis le printemps, dans la seule paroisse de Jumièges, environ cinquante personnes, pourquoy (le signataire) auroit été obligé de se déplacer souvent pour donner secours aux pauvres malades qu'il a traités non seulement de la ditte maladie mais encore de nombre de maladies chirurgicales qu'il a conduites à leur parfaite guérison et dont l'estat est joint à la présente, la maison du suppliant est en outre ouverte à tous les pauvres qu'il traitte de touttes sortes de maladies sans épargner son temps et les dépenses pour les médicaments qu'il leur fournit gratis et cependant le suppliant est chargé de trois enfants et d'une femme âgée de trente six ans percluse depuis deux ans, la modicité de sa fortune ne répondant pas à son zèle pour secourir l'humanité, il entreprend exprès le voyage de Paris pour prendre la liberté de vous présenter sa requête.

"A ce qu'il vous plaise, Monseigneur, lui accorder une gratification qui le récompense de ses peines afin qu'il puisse continuer de secourir les pauvres et luy faire fournir des boettes de médicamens que la bonté du Roy fait distribuer dans les provinces pour le soulagement des pauvres qui béniront à jamais la bienfaisance du Roy et qui prient sans cesse avec le suppliant pour la conservation des jours précieux de votre grandeur et vous ferez justice.

"Présenté à Paris, le 27 janvier 1777.

BAIRIES.


Estat des maladies traittées par le sieur Bairies, chirurgien, dans les paroisses de Duclair, Jumièges, Yainville, Le Trait, Le Vaurouy, Launay pendant les années 1775 et 1776.

Fait l'opération d'un bubonocèle à la veuve His, de Jumièges, avec étranglement et gangrène à la circonférence du sac herniaire, conduit la maladie pendant trente jours jusqu'à la guérison.

Réduit une fracture au nommé Hardy, de Duclair, située à la clavicule, conduit jusqu'à parfaite guérison.

Réduit une fracture à la partie moyenne de la jambe au nommé Naubert, de Jumièges,et  conduit la maladie jusqu'à parfaite guérison.

Traitté pendant quarante jours le nommé Vincent, journalier à la paroisse de Launay, d'une plaie qui a été faite par un instrument tranchant qui a coupé entièrement l'artère radiale avec plaie à l'os, guéry radicalement.

Fait l'opération d'un cancert situé sur l'omoplate au nommé Dorléans, du Vaurouy, la tumeur pesant trois livres et demie, conduit la maladie jusqu'à parfaite guérison après quatre vingt jours de traittement.

Réduit une fracture compliquée au carpe de la main droite au nommé Lajeunesse, carrieur de profession, pansé et médicamenté pendant quarante jours et guéry radicalement.

Traitté la fille Charles, de Duclair, d'un phlegmon au bras, fait quatre ouvertures profondes et pansé pendant douze jours.

Traitté et médicamenté la veuve Mareschal d'une plaie considérable sur les vertèbres lombaires dont une partie des dites vertèbres carriée, la plaie portant dix huit pouces de circonférence, la plaie ayant été occasionnée par un dépôt à la suite d'une fièvre putride, pansé la malade pendant quatre vingt jours et guérye radicalement, la malade étant âgée de 75 ans.

Le nommé Vauquelin, de Duclair, traitté d'un dépôt phlegmoneux au bras et guéry radicalement.

Le nommé Conihout, de Jumièges, traitté d'une humeur scorbutique et scropuleux, fait huit opérations aux bras, aux jambes, aux cuisses, de dépôt, après deux mois de traittement, guéry radicalement.
Infecté par un nourrisson

Le nommé Bacheley, de la paroisse de Yainville, traitté jusqu'à parfaite guérison de la vérole invétérée occasionnée par un nourrisson qui a occasionné et communiqué la maladie à la nourrice et ensuite au père nourrisson.

Traitté le nommé Cousin, de Duclair, d'u volvulus et de vomissements qui ont duré quarante jours, guéry radicalement.

La fille Blanchard, du Vaurouy, traittée jusqu'à parfaite guérison d'une gangrène humide à la suite d'un dépôt dans l'articulation de la jambe avec le pied et ce pendant deux mois de traittement et pansement.

La fille Thiery, de la paroisse de Jumièges, traittée d'un ulcère à l'hypocondre gauche à la duite d'un dépôt et traittée pendant trente jours.

Traitté le nommé Fleury, du Mesnil, d'un dépôt gangréneux, guéry après trente jours.

Traitté le nommé Baulieu d'une fracture annulaire avec une plaie grave au carpe, guéry après quarante jours de traittement.

Mordue par un cheval

La femme du nommé Talbot, de Varengeville, traittée d'une morsure de cheval au bras droit qui a occasionné gangrène, après soixante jours de traittement, guérye radicalement.

Traitté la fille Duparc, de Jumièges, fait l'ouverture d'un dépôt à l'omoplate, après trente jours de traittement, guérye radicalement.

Le nommé Fauvel, du Trait, fait l'ouverture d'un dépôt à la partie moyenne de l'hypocondre gauche occasionné par une chute, disséqué une partie des muscles travers du bas-ventre gangréné avec un fossé du costé de l'aine, après trente jours de traitement, guéry radicalement.

Paralysée par la peur

La fille Lamoureux, d'Erteauville, âgée de douze ans, percluse de tous ses membres, après huit mois de traitement, elle a marché et s'est servie de ses mains pour manger et elle commence maintenant à travailler. La cause de sa maladie a été occasionnée par une peur qui a noué toutes ses articulations par l'épaississement de la sinovie et de la limphe, il y a tout lieu d'espérer au Renouveau prochain une guérison radicale en luy faisant prendre les bains et les douches.

Traitté le nommé Bernard, de Duclair, d'une fièvre maligne, après trente jours de traittement, guéry radicalement.

La fille Ivelin, de Duclair, guérye d'une inflammation du bas-ventre après vingt jours de traittement.

Réduit une luxation très compliquée à la jambe au nommé Capel, de la paroisse de Yainville.

Réduit une luxation de l'humérus à la femme Capel, de la paroisse du Trait.

Traitté la veuve Thirel, de la paroisse de Jumièges, d'une colique néphrétique pendant quinze jours et guérye radicalement.

Traitté le nommé Buley, de la paroisse de Duclair, d'une fluxion de poitrine pendant quinze jours et guérye radicalement.

Piquée par une vipère

Traitté la femme Boinlliau (?) de la paroisse de Duclair d'une piqûre d'aspic a la main qui a occasionné des accidents graves, fait six scarifications aux bras, à l'avant-bras et l'omoplate pour empêcher la mortification à cause d'un étranglement considérable sur toute la bras et de l'omoplate, traittée pendant quinze jours et guérye radicalement.

Traitté à Jumièges, hameau d'Erteauville, les nommés Le Roy, trois frères, d'une fièvre putride qui à duré trente jours et ayant été secourus tous trois dans le même temps et tous trois guérys radicalement.

Le nommé Pierre la Fontaine traitté d'une humeur scorbutique, terminé la maladie pendant quarante jours.

Traitté le nommé Lefebvre, de la paroisse de Duclair, d'une faiblesse aux yeux pendant un mois et guéry radicalement.

Traitté le nommé Mareschal, du Trait, d'une fièvre putride pendant vingt jours et guéry radicalement.

Traitté un mendiant au Tailly d'une humeur scrophuleuse pendant quarante jours, fait l'ouverture de quatre dépôts, guéry.

Traitté la femme du nommé Orléans d'une fièvre maline avec une hémorragie considérable, guérye radicalement après vingt jours de traittement.

Le nommé Bourgachard, de Jumièges, traitté d'une fluction de poitrine suivie de suppuration, après vingt jours de traittement, guéry radicalement.

Traitté le nommé Vigé, d'Herteauville, d'un dépôt gangréneux pendant vingt jours.

Traitté la femme La Bisque, de Jumièges, d'une tumeur en forme de goettre à la gorge, guérye radicalement.

Traitté la femme Rogé, d'Herteauville, d'une attaque d'apoplexie et de paralysie pendant huit jours.

Les vapeurs de Mme Boutard

Traitté la femme d'un nommé Boutard, de la paroisse de Jumièges, de vapeurs histériques, guérye radicalement.

Traitté le nommé Lambert, de Jumièges, d'une luxatino à la jambe, guéry radicalement.

Je traitte encore maintenant la femme Benard, de Jumièges, d'une supression de couches qui s'est terminée par une éruption milliaire considérable ensuite est survenu des dépôts laiteux aux bassin, traitté la dite Benard pendant vingt jours consécutifs, distance de Duclair d'une lieue et demie, elle est maintenant convalescente.

Je traitte maintenant Louis Le Carpentier, de Jumièges, un dépôt à la suite d'une fièvre maligne dans l'articulation du bras ou pt y avoir carie, je ... le cubitus et détruit la carie, traitté le malade pendant soixante dix jours et commence à retravailler.

Je traitte maintenant le nommé Caron, de Jumièges, d'une humeur scrophuleuse qui a formé des nodus dans l'articulation des doigts et du poignet, le malade depuis deux ans, il commence à aller mieux.

Traitté la femme Mase (?) de vapeurs histériques, guérye radicalement.

Traitté le nommé Ponty, de Jumièges, d'une luxation aux vertèbres cervicales et de l'humérus.

Traitté la femme Bouchard (?) d'une fièvre putride jusqu'à parfaite guérison.

Je certifie le présent certificat véritable en tout son contenu, fait à Paris le 26 janvier 1777.

BAIRIES, chirurgien.

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SOURCES

Archives départementales de la Seine-Maritime, cote C 86, document numérisé par Jean-Yves et Josiane Marchand.