D'APRÈS UN BROUILLON CONSERVÉ AUX ARCHIVES DÉPARTEMENTALES DE LA SEINE-MARITIME
Isabelle THEILLER
ASSIS sur les bords de Seine, à une vingtaine de kilomètres de la capitale normande, Duclair est un petit port fluvial situé en vicomté de l'Eau de Rouen, au-delà du port de Seine de Caudebec-en-Caux qui servait de frontière entre la mer et la juridiction rouennaise 1.
À la fois port, passage et travers de Seine postés sur les routes fluviales et terrestres du commerce rouennais et parisien 2, Duclair relève au Moyen Âge des moyenne et basse justices de l'Abbaye Saint-Pierre de Jumièges, qui disposait du droit d'y réunir un marché chaque semaine et une foire chaque année. Aucun document contemporain n'atteste cette concession effectuée lors de sa fondation au VIIe siècle, dont la mémoire est pourtant conservée par la tradition. Ce n'est qu'en 1198, qu'une charte de Richard Cœur de Lion porte mention de la concession d'un droit de marché dans cette localité chaque mardi 3.
Attesté au XVe siècle par
deux aveux et dénombrements datés du 10
décembre 1400 et du 18 juillet 14194,
ce marché semble avoir réuni les habitants
des
méandres de la Seine sans discontinuer jusqu'à la
fin du
Moyen Âge. Un document extrait d'une procédure
intentée par les religieux de Saint-Pierre de
Jumièges
contre des marchands de Rouen témoigne pourtant du contraire
et
dévoile quelques bribes de l'histoire tourmentée
du
marché de Duclair.
Non daté, le manuscrit prend la forme d'un rôle de
papier
friable recouvert d'une écriture
régulière du XIVe
siècle. Inachevé, maculé de
tâches et de
ratures, portant des ajouts en interlignes, le document se
présente comme un brouillon rédigé par
un auteur
anonyme afin de justifier des droits de l'abbaye en justice.
L'établissement du texte indique que la première
partie a
sans doute été réalisée
à l'aide du
cartulaire de l'abbaye Saint-Pierre de Jumièges puisque le
scribe commence par énoncer les droits et
privilèges que
les religieux possédaient dans la ville et baronnie de
Duclair,
ainsi que les nombreuses confirmations dont ils ont fait l'objet,
depuis la fondation royale de l'abbaye en 646.
Puis,
une fois ces précautions prises, il entame alors le
récit
de l'histoire du marché de Duclair. L'intention est claire :
attester que ce dernier, dont les religieux ont « joy
paisiblement [...] jusque a présente année l'an
96
» (1395-1396 ) 5, appartient bien à l'abbaye
Saint-Pierre de
Jumièges. Ce seul élément permet
d'envisager que
l'auteur du texte est le procureur auquel les religieux ont fait appel,
afin de défendre leurs biens en justice. Le propos est
clair,
argumenté et démontre que les religieux
« ont
esté en bonne saisine et possession » durant
« VIe
[ans] 6 » des droits du marché usurpés
par les
marchands de Rouen.
Le droit de réunir un marché à
Duclair, chaque
mardi, et une foire à la saint Denis (9 octobre) faisait
partie
de la dotation accordée à l'abbaye lors de sa
fondation.
Ce droit, les religieux de Jumièges l'ont exercé,
mais
à partir du XIIIe siècle, sans que l'on puisse en
expliquer les causes, le texte nous indique que le rassemblement
commercial a lentement périclité avant
d'être «fuy
en cas de marchandises ».
L'expression laisse supposer que le marché n'a
peut-être
pas été totalement délaissé
par ses
usagers, mais uniquement par les marchands qui font « fait de faire
marchandise » et ne sont « pas quittes de la
marchandise qu' Ilz achatent pour revendre 7 ».
Le
marché se serait alors transformé, entre le XIIIe
siècle et la fin du XIVe siècle, en un
marché
d'estorement, sur lequel les usagers pouvaient effectuer leur
ravitaillement alimentaire et de première
nécessité sans payer aucune taxe. Quoiqu'il en
soit de
l'interprétation de cette expression, il n'en demeure pas
moins
qu'au XIVe siècle, le marché de Duclair semble
être
peu actif ou sur le point de disparaître.
La situation aurait pu en rester là, si en
février 1382,
la Harelle, émeute d'origine fiscale, n'avait
éclaté à Rouen. La « commotion »
relatée dans la Chronique de Pierre Cochon
résulte de
l'augmentation des aides prélevées par le roi en
Normandie sur les marchandises (essentiellement le vin et les draps),
ainsi que par une conjoncture générale
défavorable. Menés par des
« dignans, drapiers et gens de poure estofle (qui) avoit avec
euz
d'aucunz gros marcheanz et vinetiers couvertement qui les soustenoient
», les émeutiers investissent la
ville, pillent les
maisons de riches bourgeois, séquestrent d'anciens maires de
Rouen et obligent le chapitre cathédral et l'abbaye
Saint-Ouen
de Rouen à renoncer à certaines de leurs
rentes.
Malgré un second soubresaut, quelques mois plus tard, l'émeute est réprimée et sanctionnée par l'autorité royale. Celle-ci prive Rouen de ses institutions communales, soit en d'autres termes de son autonomie, et lui inflige une amende de « C milles livres dont le roy en pardonna XL mille » 8. De nombreux rouen- nais voulant échapper à cette sanction, qui pesait surtout sur les transactions commerciales, quittèrent alors la ville pour trouver refuge dans des localités épargnées par la condamnation.
Selon le rôle de 1396, les marchands de Rouen ayant connaissance d'un marché à Duclair qui avait été «fuy en cas de marchandises (...) par l'espace de XL ans, L ans, C ans et plus », se sont alors dirigés vers ce havre commercial situé en juridiction rouennaise, mais épargné par la pénalité royale. Ils y ont transporté leur commerce et ont fait usage du droit légal d'y réunir un marché une fois par semaine (le mardi), mais sans tenir compte des anciens droits, privilèges et redevances de l'Abbaye Saint-Pierre de Jumièges.
L'accusation formulée à leur
encontre est claire. En 1396, les «
marchans de beste », les « marchans de draps et
de laine » et les « autres marchans
» de Rouen n'y payent plus, depuis plusieurs
années, les coutumes et acquits de « la marchandise qu'
ilz achatent pour revendre ». Cela à
la différence de ce qu'ils pratiquent «
es villes et marchiés qui sont et appartiennent as seigneurs
du
pays qui auroient leurs seigneuries, foires et marchiés, par
avant le privilege donné a ceulx de Rouen comme a Caudebec,
a
Saint Vandrille, a Paveilli , au Bourtheroude 14,
a Rouetot 15,
au Pont Saint Pierre 16,
a la Pommeraye 17,
a Clere 18
et en plusieurs autres marchiés environ la ville de Rouen 19
».
En poursuivant les contrevenants en justice, afin de faire valoir les
droits anciens de leur marché redevenu actif et profitable,
l'abbaye met en exergue un principe fondateur du marché
hebdomadaire. D'un point de vue institutionnel, l'existence d'un
marché a une origine datable mais n'a pas de terminus ad quem.
Il existe, dès lors qu'il est institué dans le
respect
d'une procédure de création faisant intervenir le
duc ou
le roi, puis à partir du XIIIe siècle, les
institutions
royales 20.
Concédé sous la forme d'un droit autorisant le seigneur d'un lieu à rassembler un marché un jour donné, il est irrévocable dès lors qu'il a rempli les exigences légales (coutumières) de cette procédure institutionnelle. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle de nombreux droits de marché sont énumérés dans des aveux et dénombrements, alors même qu'ils ne sont plus exercés depuis des années. Dans les faits, un marché légalement concédé peut donc cesser de fonctionner et se mettre en veille. Le droit de marché est alors inusité, mais pas annulé. Ainsi les conditions nécessaires à son rassemblement redeviennent favorables, le marché peut reprendre une activité et son détenteur réclamer les droits et privilèges qui y sont associés (coutumes, étalage, mesurage, passage, pontage, péage, etc.). Cela indépendamment des éventuels changements opérés à la tête de la seigneurie et sans qu'il soit nécessaire d'en réitérer la demande auprès du duc ou du roi. En atteste le marché de Duclair, mais aussi les refondations de marché qui sont une sorte de duplicata de la fondation initiale, généralement motivées par la perte des lettres originales 21.
D'un
point de vue économique, la capacité qu'a le
droit de
marché de se mettre en veille n'est pas non plus sans
intérêt. Elle offre la possibilité
d'adapter le
réseau des marchés à la conjoncture
économique, politique ou sanitaire. Si celle-ci rend le
rassemblement d'un marché impossible ou inutile, parce que
non
rentable, ce mécanisme permet de ne pas rompre les flux
commerciaux. Comme cela s'est pratiqué en Normandie
orientale
durant la Guerre de Cent Ans, le marché interrompt son
activité, tandis que ses marchands et usagers sont
orientés, de manière temporaire, vers des
rassemblements
commerciaux plus sûrs. Une fois la situation revenue
à la
normale, le marché en sommeil reprend et les flux marchands
retrouvent leur cours initial. 22
La petite histoire du marché de Duclair illustre cet aspect
du
marché hebdomadaire. Elle témoigne
d'infrastructures
économiques étroitement
contrôlées par les
pouvoirs publics, mais qui, dans le même temps,
bénéficient d'un cadre institutionnel qui leur
permet de
s'adapter aux fluctuations de l'économie. Le rôle
de
l'abbaye Saint-Pierre de Jumièges, inachevé, ne
nous
relate ni la fin de l'histoire du marché de Duclair, ni la
suite
donnée à la requête des religieux qui
semblent
avoir préservé l'ensemble de leurs droits
jusqu'au XVIe
siècle. Mais l'histoire du marché de Duclair va
bien
au-delà de l'existence même de l'abbaye puisqu'il
est
encore attesté en 1797 et en 1836 dans le recensement des
marchés hebdomadaires de Seine-Maritime. Ce dernier nous
précise qu'il se réunit chaque mardi, comme au
Moyen
Âge et comme aujourd'hui. Il fait ainsi partie des quelques
marchés de Normandie Orientale (31 %) dont l'existence est
confirmée du Moyen Âge au XXIe siècle 23.
Édition du
document
Brouillon des déclarations des religieux de l'Abbaye de
Jumièges ayant été
rédigé dans le
cadre d'une procédure judiciaire intentée par les
religieux contre les marchands de Rouen accusés d'avoir
usurpé leurs franchises et droits en foires et
marchés de
Duclair .
[non daté, 1395-1396]
a. Original, AD 76, 9H551, abbaye de Jumièges, baronnie de
Duclair. Non daté, fin XIVe siècle, sans doute
1395 ou
1396. Rôle papier très endommagé,
nombreuses
lacunes.
Texte
Cy ensuivent partie des raisons et declarations [...] il peut apparoir
que aux religieux, abbé et couvent de Jumièges
sont et
appartiennent les coutumes, drois, acquis, estallag[es et] autres
franchises en leurs marchiés et foires de leur ville et
baronnie
de Ducler et que a eulx appartiennent lesdites coutumes des personnes
vendans et achetant esdits marchés et foires tant de ceulx
de la ville de Rouen que de ailleurs, et dont il ont
esté
et sont en bonne possession et saisine eulx et leurs
prédécesseurs depuis le temps de la fondation et
dottation au moins la restauration d'icelle église.
Premiere il est vray que ou temps du Roy [...] qui commencha a
régner en l'an de grace VIe XLVI [...] Jumieges fu
fondée
de fondation royal et des lors leur fu donné entre autre
chose
la chastel[lenie] de Ducler avecques toutes les appartenances et
appendances d'icelles sans rien retenir ne exepter [...] privilieger et
tronq
tronquer de ladite église et valeurs apparoir.
Item depuis icellui temps les religieux et leurs
prédécesseurs ont tenu ladite terre de Ducler par
baronnie en basse et moyenne justice et aussi en [...] et ainsi sont
baillé au Roy par dénombrement quant le cas
escheu, ont
jouy et usé de
ladite baronnie de Ducler,
et ont eut chacune sepmaine en la ville de Ducler marchié a
jour
de mardi et une foire en l'an au jour de la saint Denis par chascun an et toutes justices
toutes
coustumes, travers, queages, heurtages et autres droitures
[...].
Les
marchans de la ville de Rouen que autres et de ce sont et ont
esté en bonne saisine et possession VIe [ans] avant que les
habitans de la ville de Rouen eussent corps ne commune ou au mains
eussent privileges aucun qui leur vaille [...] ceste matière
et
depuis aussi généralement en ont ainsi joy
paisiblement
par especial comme les dessusdits de Rouen jusque
comme jusque a la
dite année l'an
a présente
année l'an IIIIX VI le jour de
que aucuns de Rouen ont
voulu contredire contre raison et que les habitans de la ville de Rouen
ont [...] les-dits religieux, abbé et couvent dessusdits et
mis
en procès devant le bailliage de Rouen par vertu de petition
ou
lettres de Roy par eux empêtrées
données l'an
dessus dit le
jour.
Item il appert comme lesdits privileges et fondation par especial
ladite baronnie
terre de Ducler avec ses appartenances ont esté coustumes
auxdits religieux tant Richart
duc de Normandie par
Guillaume [?] de Rouen duc de Normandie et le segond Richart duc de
Normandie et Guillaume Roy d'Angleterre et duc de Normandie et Henry
Roy d'Angleterre et duc de Normandie que autres et leurs successeurs
donnèrent leurs terres a tenir biens et [?] franchement et
honnorablement avec toutes leurs libertés et coutumes si
comme
par les privileges peut apparoir dont la teneur cy dessoubz ensuit. Et
depuis ce temps lesdis religieux ont joy et usé de leur dite
baronnie, foire, marchiez et autres droitures tant vers autres vendeurs
et marchandans en leurs dites foires et marchiés.
Item
lesdis priviliegés sont donnés,
octroyés et
confermés audits religieux grant temps avant que lesdits
heritaiges de ladite ville de Rouen eussent leursdits privileges
desquieux il se vantent en ceste partie et quant iceulx
priviliegés leurs furent donnés, si furent
réservés les drois du Roy et du duc et le droit
de leurs
églises fondées de fondation royale. Or estoit
vray
ladite église de Jumieges est de fondation royal et par
avant
lesdiz privileges de ladite ville de Rouen. Et des lors avoient lesdits
religieux leursdites terres et baronnie de Ducler avecques toutes leurs
appartenances. Et par ce peut plainement apparoir que lesdits religieux
ont leur foire et marché, coustumes, travers tout et en tel
estât comme donné leur avoit et que ils estoient
en
saisine et possession par avant les privileges de ladite ville de
Rouen. Et ney doivent les habitants de Rouen aucunes franchises par la
reservation dessusdite et par ce que le Roy ou duc ne [...] donne
aucune quittance ou franchise fors en tant qu'il lui en appartient et
grant temps audevant comme dit est auxdis religieux appartenant
leursdites foires et marchiés de Ducler avecques toutes les
appartenances, coutumes, acquis et autres droitures. Pourquoy etc.
Item il est vray que ladite terre et baronnie de Ducler est tenue
noblement et par baronnie, et est et appartient auxdis religieux de
Jumieges que il a marchié chacune sepmaine au jour de mardi
et
une foire chascun an au jour de la Saint Denis, et ils ont et
premièrement toutes les coutumes et autres droitures dudit
marchié et foire et en ont joy et usé
paisiblement envers
ceulx de Rouen et autres de tels et si lont temps qu'il n'est
mémoire du contre.
Et en ont esté et sont en bonne possession et saisine
paisible
et sans contredit jusques au temps de present que aucun de Rouen se
sont de nouvel efforchiez de ce contredire contre raison et heritages
desditz religieux. Or nei a cause de leursdit marchié et
foire,
lesdits religieux sont en saisine et possession de prendre, cueillir et
recevoir routes coustumes, droiz appartenantes a marchié et
foire de tous marchans vendans audit marcié de Ducler et de
toutes denrées qui doivent coustumes sans contredit ou
empeschement de ceulx de Rouen ou d'autres.
Item et par especial sont et ont esté lesdis religieux et
ladite
église en bonne saisine et possession de tel et si lont
temps
qu'il n'est mémoire du contraire tant par eulx que par leurs
gens et officiers d'avoir et percevoir pour eulx et en leurs noms
toutes coustumes et acquis de toutes denrées vendues et
acheteez
en leursdits marché et foire par les gens et marchans
demourant
a Rouen et dont les noms de plusieurs marchans de Rouen ensuivent.
C'est assavoir Ricart Cappelain, Colin Breart, Simon Astruies, Colin
Labbé, Gautier Labbé, Robin Labbé et
Colin
Labbé, Jehan Le Barbier, Guillaume Le Cordonnier, Jehan
Robache,
Colin Hays, Estienne Le Portier, Colin Le Tort, marchans de bestes,
Estienne Binet, Jehan et Guillaume dis Bines, Robin Ledelie et Binet
Ledelie, Binet Le Défie, Pierres Gasvel, Richart de
Jumieges,
Elies Le Carbonnier, Robert de La Mare, Guillaume Buguerel, marchans de
draps et de laines, Jehan Le Soudent, Jehan de Greiges, Michel des
Vaulx, Raoul d'Eu, Colin Lalouyer, Robert Le Fevre, Robert de
Harecourt, Pierres Le Guatier et Ricart As Bas, Jehan Sennon, Jehan de
Hotre, Jehan L'Estenchier, Ricart Campion, Guillaume de La Mare et
plusieurs autres marchans demourant a Rouen lesquelx et plusieurs
autres au devant de eulx de ladite ville de Rouen ont
reppairé
et fuy en cas de marchandises le marcié et foire de Ducler
par
l'espace de XL ans, L ans, C ans et plus et ont payé
paisiblement les coutumes desdis marchiés et foires et
autres
acquis sans alléger aucune franchise et privilege et sans
contredit ou empeschement qui y ait esté mis jusques a la
Saint
Denis derrain passé Mil CCC IMXX XI que aucuns des dessus nommés l'ont
contredit comme dit est.
Item semble que suppose que ceulx de Rouen eussent privileges si n'en
devraient pas joir les deffendeurs car ils sont marchans publiquez et
achatent audit marchié pour revendre ailleurs et aussi
vendent
oudit marchié ce que ils ont acheté ailleurs et
usent de
droicte marchandise ouquel cas les clercs ou gens de
l'église ne
seraient pas frans ce aultres personnes quelconques pourquoy
etc et ainsi par
privilèges du Roy ilz ont se aucune franchise ou
liberté eut
se serait ce
par avanture es marchés du Roy ou autres marchés
fondés ou ordenés depuis ledit privilege si
serait ce a
entendre de ceux qui sont marchandans mes achatent pour leur estorement
et leur vivre cotidienne ou vendent de leurs estoremens ou biens creus
sur leurs propres lieux et heritages et nourretures de leurs manoirs
nies quant aux marchez desdiz religieux ne peut ce estre estendu
aucuenement.
Item il est vray et certain que dudit privilège les
dessusdis ne
quelconques autre marchant de Rouen mil CCC IIII XV 35.
En
n'en usèrent oncques l'église de Jumieges nies
ont les
dessusdis et autres marchans de Rouen quelconques du temps devant
tousiours procuré paisiblement leurdite coutume sans aucun
débat si comme les dessus dis meisures l'escryvent bien. Et
est
l'église de jumieges et a tousiours estre en possession
paisible
de ce pourquoy etc.
Item il est vray que les marchans de Rouen paient coustumes et acquis
es villes et marchiés qui sont et appartiennent as seigneurs
du
pays qui auraient leurs seigneuries, foires et marchiés, par
avant le privilege donné a ceulx de Rouen comme a Caudebec,
a
Saint Vandrille, a Paveilli, au Bourtheroude, a Rouetot, au Pont Saint
Pierre, a la Pommeraye, a Clere et en plusieurs autres
marchiés
environ la ville de Rouen et ne sont ne ne doivent estre quictes a
aucuns marchiés se ne sont aux marchiés
appartenant au
Roy ou a ceulx qui ont esté donnés par le Roy
depuis
ledit privilege donné auxdis de Rouen, et de ce
sont en
saisine et possession les seigneurs a qui lesdiz marchiés et
foirez appartiennent.
Item les dessus diz de Rouen n'ont aucun privilege qui leur puisse
valoir contre les diz religieux en ceste partie et, se privilege aucun
ont, se seroit ce de Henry qui fut Roy d'Angleterre et duc de Normandie
et lequel dient estre confirmé par plusieurs roys de France
qui
ont depuis esté et ce ne leur peut valoir car.
Item II
est vray comme il appert par ce que dit est que ladite
église de
Jumieges avoit a Ducler avec toutes ses appartenances tant en droit de
marchié de
Ducler et leur dite foire
que
de foire grant temps par avant lesdits privileges mettes et par espres
diet qui dit leur avoit esté donné par ledit
Henri
donnés a ladite ville de Rouen
et aussy quant le privilege de Rouen leur fu donné, le Roy
leur
donna en certaines marques et en son domaine et réserva le
droit
de lui et de ses églises. Parquoy la dite église
de
Jumieges qui estoit lors et est de fondation royal et leur dit
marchié et foire de Ducler avecques toutes leurs
appartenances n
'estaient en riens comprins oudit privileges. Pourquoy leurs dites
coutumes, drois et appartenance sont et appartiennent aux dis religieux
sur ceulx de Rouen et autres et ainsi en ont joy, et en sont en
et usé en saisine et posession desdis religieux de tous
temps.
Item les dessusdis ne usèrent onques dudit privileges contre
ceux de Jumieges par especial oudit marché de Ducler ne
onques
ne s'en aidèrent, premièrement en ont
payé sans
contredit comme dit et impposé que aucun arrêt
aucune foys
allege ledit privileges ou franchise et ont ilz pa[yé] ce
non
obstant a present ce qu'ilz avoient en leur conseil et deliberation
comme Thomas des Grèges bourgeois de Rouen et autres
[escriputre].
Item an nul marchié quel qu'il soit ceux de la ville de
Rouen
pour faire fait de faire marchandise ne sont pas quittes de la
marchandise qu'ilz achatent pour revendre nies prenoient coustumes et
acquis esdis marchiez et suppose que en aucuns marchiez royaux et
autres qui crées ont esté depuis ledit privilege
donné a ladite ville de Rouen les bourgeois et habitans de
la
ville de Rouen fussent frans si seroit de ceux qui sont non marchandans
qui achatent aucunes derrees pour leur estorement pour leur vivre et
estât et aussi qu'ils vendent de leur estorements creus sur
leurs
heritages ou de la nourreture de leurs manoirs sont quitte de paier
coustumes esdis marchiés et non pas lesdis marchans.
Item ensuivent partie des privileges des dis religieux pourquoy il peut
plus a plain apparoir de leurs dites franchisez [texte
inachevé].
1. Caudebec-en-Caux, Seine-Maritime, ch.-l. de c, arr. de Rouen. « Caudebec [...] Là finissait la mer, là commençait la juridiction de la vicomte de l'eau de Rouen. » M. mollat, Le Commerce Maritime Normand à la fin du Moyen Âge, Paris, Pion, 1952, p. 363-364.
2. « ... et aussi sont francs quictes et exempts tous les hommes de la dicte sergenterie de paier passages ou acquits en tous pors, pasage ou travers de Ducler et de Jumièges », AN, P2771"2, n° 226, Chambre des Comptes de Paris, aveu et dénombrement de George de Clères, 14 août 1456.
3. J.-J. Vernier (éd.), Recueil de fac-similés de chartes normandes, Rouen-Paris, Lestrin- gant-Picard, 1919 (Société de l'histoire de Normandie), p. 15 (planche xi) ; J.-J. Vernier (éd.), Chartes de l'abbaye de Jumièges (vers 825 à 1204) conservées aux archives de la Seine- Inférieure, Rouen-Paris, Lestringant-Picard, 1916 (Société de l'histoire de Normandie), vol. II, p. 123-14 ; R.H. Britnell, « King John's Early Grants of Markets and Fairs », The English Historical Review, vol. 94, n° 370, janvier 1979, p. 90-96.
4. « Et oultre sont lui et ses hommes frans de paier passage ou acquie aux pors de Jumièges, de Ducler et de Caudebec et semblablement est franc de vendre et d'acheter es foires et marchiés de Caudebec, de Jumièges et Ducler et de Routot (...) », AN, P2781"2'3, n° 298, Chambre des Comptes de Paris, aveu et dénombrement de messire Guillaume de Bertheaunis, seigneur du fief du Lendint, 10 décembre 1400 ; «... et audit lieu de Jumièges et de Ducler chascun lieu marché une foiz la sepmaine et deux foires l'an a Jumièges et une foire l'an à Ducler », AN., P2841"2, n° 1 19 et P305, n° 35, Chambre des Comptes de Paris, aveu et dénombrement de l'abbaye Saint-Pierre de Jumièges, 18 juillet 1419.
5. AD 76, 9H551, cf. édition ci-après. Le texte mentionne, en interligne et rayé, une infraction commise par les marchands de Rouen en 1395, confirmant ainsi ce millésime. Les mois n'étant pas précisés, il est impossible de déterminer si le texte a été rédigé en 1395 ou 1396.
6. AD 76, 9H55 1 , cf. édition ci-après.
7. Ibid.
8. P. Cochon, Chronique Normande, C. Robillard de Beaurepaire (éd.), Rouen, Le Brument, 1870, p. 162-169.
9. AD 76, 9H55 1 , cf. édition ci-après.
10. Ibid.
11 . Caudebec-en-Caux, Seine-Maritime, chef-lieu de canton, arrondissement de Rouen.
12. Saint Wandrille, à St-Wandrille-Rançon, Seine-Maritime, canton de Caudebec-en- Caux.
13. Pavilly, Seine-Maritime, chef-lieu de canton, arrondissement de Rouen.
14. Bourthéroulde, Eure, chef-lieu de canton, arrondissement de Bernay.15. Routot, Eure, chef-lieu de canton.
16. Pont-Saint-Pierre, Eure, c. Fleury-sur-Andelle
17. La Pommeraye, à Morgny-la-Pommeraye, Seine-Maritime, canton de Buchy.
18. Clères, Seine-Maritime, chef-lieu de canton, arrondissement de Rouen.
19. AD 76, 9H551, cf. édition ci-après.
20. I. THEILLER, « La création des marchés hebdomadaires aux xive xve siècles : quatre documents pour l'histoire des marchés hebdomadaires normands » dans Histoire et Sociétés Rurales, n° 24, 2d semestre 2005, p. 105-121 ; 1. THEILLER, Les marchés hebdomadaires en Normandie Orientale (XIVe siècle-début xvf siècle), thèse de doctorat, histoire, G. Bois et M. Arnoux (dir.), Université Paris 7-Denis Diderot, juin 2004 (dactyl.).
21.1. THEILLER, Les marchés hebdomadaires en Normandie, op. cit., p. 105-152.
22. I. Theiller, Les marchés hebdomadaires en Normandie, op. cit., p. 472-485.
23. I. theiller, Les marchés hebdomadaires en Normandie, op. cit., p. 154-159 ; « Circuits commerciaux, foires et marchés en Normandie », dans IXe Congrès des Sociétés Historiques et Ethnologiques de Normandie (Valognes, 1974), Rouen, CRDP, 1978, p. 155-163.
24. Duclair, Seine-Maritime, chef-lieu de canton, arrondissement de Rouen.
SourcesCet article est affiché publiquement sur le site Persée avec possibilité de téléchargement soit en PDF, soit en version texte. Le lien : http://www.persee.fr/doc/annor_0570-1600_2009_hos_35_1_2539