Excursion de l'Association normande à l'église du Trait, à l'église d'Yainville, Duclair ; Le Mesnil-sous-Jumièges : manoir d'Agnès Sorel ; Jumièges : ruines de l'abbaye, église paroissiale.
Le programme de la première excursion du Congrès était particulièrement chargé, mais un très beau temps vint en favoriser l'exécution.
Les voitures s'arrêtèrent d'abord à la petite église du Trait, qui renferme un assez beau sépulcre en pierre du XVIe siècle et deux bas-reliefs en albâtre d'un type connu et assez répandu dans la région, mais non sans grâce, représentant, l'un le Couronnement de la Vierge, l'autre l'Adoration des Mages. L'église a gardé son choeur primitif du XIIIe siècle. Elle a deux nefs du XVIe.
il y avait autrefois au Trait un château du XIIe siècle dont il est impossible de voir encore les restes.
La route que l'on suit jusqu'à Duclair passe devant le manoir du Taillis (de la fin du XVIe siècle).
Guidés par le curé
A Duclair les Congressistes ont un bon moment pour visiter l'église, tout à fait intéressante. Le clocher du XIe siècle repose sur une voûte ànervures en boudin. La nef centrale comprend deux arcades en plein cintre à chapiteaux du XVIIe siècle.
Ce qui attire surtout l'attention des archéologues, ce sont les belles colonnes monolithes de marbre rouge ou gris qui sont engagées dansplusieurs piliers. Elles proviennent à coup sûr d'un ancien temple romain des environs. On a trouvé en effet à Duclair des fondations deconstructions romaines importantes et un buste de l'Empereur Commode qui est au musée de Rouen. Les statues d'apôtres (du XIIIe siècle) dont est ornée la nef ont beaucoup de caractère.
L'abbé Cochet, dans son Répertoire Archéologique, signale au presbytère une cave du XIIIe siècle. M. le Curé de Duclair, consulté, déclare qu'il n'en reste plus guère qu'une colonne qu'on peut voir dans le jardin du presbytère.
Poursuivis par la Mère Lamour
Après l'achat obligatoire de cartes postales à la mère Lamour qui poursuit les Congressistes avec sa persévérance habituelle, tous setrouvent réunis à midi à l'hôtel de la Poste où les reçoit M. Denise, inspecteur de l'Association Normande. Celui-ci a tenu à ce que ses collègues apprécient la cuisine renommée de son hôtel et en particulier le fameux canard à la Duclair. Le Directeur, de son côté, fait apporter quelques bouteilles de pomard et porte le toast suivant :
« MESDAMES, MESSIEURS,
« Permettez-moi de prendre la parole dans ce premier jour où nous nous trouvons tous réunis, et de nous féliciter de voir avec nous cette année des dames en nombre plus considérable que les années précédentes; elles vont apporter à nos réunions un charme tout particulier dont nous les remercions.
« Je tiens aussi à remercier notre aimable hôte, notre collègue, inspecteur, M. Denise, conseiller général de Duclair.
« Notre terre normande est vraiment privilégiée. N'est-ce pas la terre des vertes prairies, la terre des grands blés. N'avons nous pas les horizons infinis de la mer, le bleuté des collines élevées, la frondaison majestueuse des forêts, les impérissables monuments de pierre quenous ont légués nos ancêtres ? et à côté du site enchanteur connu de la vieille abbaye se trouve l'hospitalière maison, qui, elle aussi, a saréputation séculaire sur la côte d'émeraude.
« Au pied du Mont-Saint-Michel, au péril de la mer, aux pieds de la. Merveille, Mme Poulard a donné à l'omelette une réputation universlle; àDives, Leremois mêle aux souvenirs du Conquérant des réalités chères aux gastronomes. Dans l'Orne, au milieu des vertes frondaisons, quine connaît l'aubergiste d'Échauffour, le poète Paul Harel ; et ici, aux bords du ruban d'argent de la Seine, nous trouvons un citoyen dévoué àson pays, qui a su donner au canard à la Rouennaise une réputation mondiale.
« Je tiens à lever mon verre en son honneur en le remerciant d'avoir bien voulu faire apprécier en compatriote et en collègue un mets tropsouvent réservé à de rares privilégiés »
M. Denise remercie le Directeur en termes excellents, et assure l'AssociationNormande de tout son dévouement.
Au manoir d'Agnès
Mais l'heure avance, les Congressistes remontent en voiture et, se rendent auMesnil-sous-Jumièges pour visiter les différents bâtiments duXIIIe siècle, très remaniés, dits « Le Manoir d'Agnès Sorel ». L'intérieur a été plus modifié encore que l'extérieur, et l'on admire surtout les deux grandesportes ogivales et la situation pittoresque de ces bâtiments, transformés aujourd'hui en logis de ferme.
A l'abbaye
A l'abbaye de Jumièges, déjà visitée par l'Association Normande en 1898 sous la conduite de M. Ch. A. de Beaurepaire qui a donné de cette excursion dans l'Annuaire un excellent compte rendu, les Congressistes, auxquels Mme Lepel-Cointet avait bien voulu donner toutes lesfacilités nécessaires, avaient un guide remarquable dans le livre récent de M. Martin du Gard ; M. Valmont en résuma pour eux les thèses essentielles. Il rappela qu'en 1905, M. Martin du Gard exécuta une série de fouilles qui furent suivies avec beaucoup d'intérêt par lesarchéologues, il retrouva notamment, tes fondations du choeur roman primitif remplacé au commencement du XIVe siècle par un choeur gothique. Certaines de ses assertions, notamment sa théorie concernant le rôle des hautes colonnes destinées, selon lui, à porter les entraits de la charpente, ont été contestées. Mais son livre demeure un excellent modèle de monographie archéologique. Les Congressistes s'accordent à regretter l'absence de M. Louis Régnier qui a émis lui aussi sur Jumièges des opinions intéressantes.
L'abbaye est trop connue pour qu'il soit nécessaire d'en donner une nouvelle description. Mais il faut rappeler avec quel dévouement et quels soins éclairés Mme Lepel-Cointet, propriétaire actuelle de ces belles ruines, en assure la conservation. Elle a constitué peu à peu un admirable musée que les Congressistes visitent en détail.
M. de Longuemare la prie de vouloir bien agréer les félicitations et les remerciements de l'Association Normande.
L'église d'Yainville se lézarde
On visite, avant de repartir, l'église paroissiale de Jumièges, curieusement composée d'une triple nef du XIIe siècle et d'un choeur du XVIe, et l'on regagne Caude
La plupart des Congressistes connaissaient déjà Jumièges, mais tous se déclarent enchantés de cette très intéressante excursion. Le soir, en raison de l'heure tardive de la rentrée, il n'y a pas de séance.
Etaient présents à cette excursion M. de Longuemare, directeur ; Dubourg, sous-directeur; Augérard et de Beaurepaire, inspecteurs généraux;Bataille el Monlien, trésoriers : Semiehon, G. Valmont, Foulon, Lange, Porlal, Anquetil, Gustave Prévost, Joseph de Beaurepaire. Rousselin, LeFilleul des Guerrots, Gustave Lange, abbé Blanquart, Joubert, de la Serre. Pierre Valmont, Mmes de Longuemare, Porlal, Housselin, P. Valmont. LouisFlavigny, Jacquelin, Guinat, Mlles de Longuemare, Guinat, Lange, des Guerrots, etc.
Nous avons visité cet été,
André Billy et moi, les ruines de l'Abbaye de Jumièges.
elles s'élèvent dans un beau parc Jean de Tinan y
erra
souvent, paraît-il. Et près du petit
musée
où l'on conserve la pierre tombale d'Agnès Sorel
et le
tombeau des Enervés, nous vîmes un cabinet de
travail dont
la décoration nous ramenait un peu plus de quinze ans en
arrière. Les murs sont couverts d'affiches, de
programmes
de théâtre, d'éventails, de
photographies, sous
verre ou dans de petits cadres, voici les portraits et des caricatures
du temps,. C'est Jean Lorrain, ce sont encore des gens de lettres
vivants, qui furent célèbres et que l'on a
presque
oubliés.
Ces curiosités, ces Souvenirs, qui plairont un jour, sont
aujourd'hui dans l'âge ingrat. On plutôt, elle sont
démodées, défraîchies, mais
elles
évoquent un peu l'époque de cet
élégant et
délicat Jean de Tinan, courte période
où la
littérature fut trop raffinée, où
écrivains
et lecteurs, désignés tous ensemble sous le nom
d'esthètes, étaient aussi
énervés que les
fils de Clovis II, les Enervés de Jumièges.