Il est rare de naître dans une abbaye. Lorsque c'est le cas, quoi de plus naturel que de devenir moine. C'est ce qui arriva Jean Harel, un Jumiégeois qui fut même Supérieur général de sa congrégation...
Jean Harel cumule deux particularités. D'abord celle d'être né, nous l'avons dit à l'abbaye de Jumièges. Mais aussi celle de nous offrir l'un des plus anciens portraits de Jumiégeois. A l'église Saint-Valentin, un vitrail représente la famille Deconihout avec cette mention : "L'an de grâce 1569, Jacques Deconihout et sa femme et ses fils ont donné cette verrière. Priez pour eux et pour leurs amis ".
Le portrait de Jean Harel, lui, fut exécuté alors qu'il avait été nommé Supérieur général de la congrégation de Saint-Maur en 1648. Il faisait partie d'une série de portraits des supérieurs conservés à l'abbaye de Saint-Germain-des-Près, siège du chapitre général de l'ordre, et qui ont disparu. Mais des copie des originaux avaient été exécutées pour l'abbaye de Marmoutier. En 1862, André Salmon légua au musée de Tours cinq portraits de ces Supérieurs dont celui de Jean Harel.
La série comprenait aussi le portrait exécuté par Jean Jouvenet de Arnoul de Loo, né à Rouen en 1644 et qui prononça ses voeux à Jumièges le 2 mai 1663. Il sera prieur de Saint-Germer en 1678, Saint-Père de Chartres en 1687, Saint-Germain-des-près et Saint-Denys en 1690. Enfin, on le nomma Supérieur de la congrégation de Saint-Maur le 29 mai 1711.
Alors qui est Jean Harel ! Il est né d'une famille de marins. On connaît surtout Simon Harel qui, en 1541, vendit son navire, La Valentine, à Roberval pour son expédition au Canada. Mais d'autres marins se signalent encore au cours du XVIe siècle : Jacques Harel, fils de Simon, Jean Harel. On notera qu'avant la mort de Jean Harel, des membres de sa famille avaient épousé la religion protestante et abjurèrent leur foi à Jumièges.
Si singulière est la destinée de cet enfant de Jumièges. on ne s'étonnera pas que les moines qui écrivirent l'histoire de l'abbaye vers 1760 lui consacrent plusieurs pages. Nous les livrons ici dans leur jus...
La jeunesse de Jean Harel
Il vint au monde le 31 mars 1592 dans la salle appelée de Charles VII, que les religieux avoient cédée à sa famille dans un temps de trouble, où tout le bourg de Jumiéges, tant hommes que femmes, s'étoit réfugié dans l'abbaïe. Quelques mémoires disent même que sa mère accoucha de lui dans l'église. Quoi qu'il en soit, dès ses plus tendres années, ses parents, remarquant en lui un naturel porté à la piété et un esprit vif et pénétrant, s'appliquèrent à cultiver de si heureuses dispositions par une bonne éducation. Après les études ordinaires ils l'envoyèrent à Bourges pour étudier en droit, et le firent passer avocat. Le jeune Harel en fit les fonctions au parlement de Rouen et y fit paroître avec éclat la force et la vivacité de son esprit. Il plaida même une cause contre une abbaïe de la congrégation, et il la gagna; mais la congrégation, en perdant sa cause, gagna plus qu'elle ne perdit, car l'avocat reconnut tant de droiture et remarqua quelque chose de si édifiant dans la conduite de ceux contre lesquels il àvoit plaidé, que quelques jours après le gain du procès il demanda d'être reçu parmi eux.
Novice aux Blancs-ManteauxIl fut admis et envoyé aux Blancs-Manteaux pour y faire son noviciat. Notre novice fit paraître dès lors ce qu'on devoit attendre un jour de lui, par sa ferveur, son zèle, son humilité, son obéissance et son exactitude à l'observance des règles, vertus qui depuis firent son caractère distinctif. Son attachement à sa vocation et le mépris qu'il faisoit de lui-même parurent surtout lorsque la contagion ayant obligé les supérieurs do transférer le noviciat des Blancs-Manteaux au prieuré de Saint-Nicolas de Nadon, dépendant de l'abbaïe de Saint-Faron de Meaux, non-seulement il demeura ferme dans le dessein de se consacrer à Dieu, mais qu'il demanda à servir ceux de ses confrères qui furent attaqués de la peste.
La maladie ayant cessé, on le ramena aux Blancs-Manteaux, et il y prononça, ses vœux avec une joie incroyable, le 7 janvier 1620.
Prof de philo à ClunyDepuis ce jour, il devint un modèle parfait de régularité et d'étude ce qui porta les supérieurs à lui donner une chaire de philosophie au collége de Cluny, quoiqu'il ne fût pas encore prêtre. Il y fit voir la beauté de son esprit lorsqu'on l'obligea de présider à des thèses de théologie, qui, selon la coutume du collège, se soutenoient tous les dimanches de l'année car encore qu'il n'eût jamais étudié en théologie, il se fit également admirer, et des externes et des écoliers du collège, dont il s'étoit contenté de lire les cahiers qu'ils avoient pris en Sorbonne quelques jours auparavant.
Etudiant à CorbieAprès
avoir
achevé son cours de philosophie à Cluny, il fut
envoyé à Corbie pour y étudier la
théologie
sous le père Dom Athanase de Mongin, dont le nom, la
piété et l'érudition sont encore en
bénédiction dans la congrégation. Il
se comporta
dans ses études comme s'il eût encore
été
novice, et cette occupation ne le détourna jamais d'aucune
observance. Il ménageoit si bien ses moments qu'il avoit du
temps pour l'étude et du temps pour vaquer à
Dieu. Il
devint aussi un savant théologien et un excellent religieux,
unissant dans sa personne deux choses qni paroissent incompatibles, une
grande science et une profonde humilité.
Ce fut la vertu dans laquelle Dom Athanase Mongin, qui avoit un grand
discernement des esprits, prit soin de le former, prévoyant
ce
qu'il pouvoit devenir un jour, et voulant munir son cœur de
bonne
heure par l'humilité, contre les écueils de
l'élévation.
L'habile professeur ne s'étoit pas trompé dans l'idée avantageuse, qu'il avoit conçue de son élève. Dès l'année 1626, Dom Harel, à peine sorti de ses études et ordonné prêtre, fut élu prieur de Corbie, et nommé en même temps pour enseigner la théologie à ses jeunes religieux. Son administration de Corbie ne fut pas celle d'un novice en fait de gouvernement. Il s'y comporta comme un sage et expérimenté supérieur, et entretint sa communauté dans une parfaite union et une exacte observance. Sa qualité de professeur de théologie ne lui fut jamais un prétexte pour se dispenser de l'office divin ni d'aucun exercice; sa dignité de prieur ne diminuoit rien de son humilité, et ne l'empêchoit point de s'occuper aux choses les plus humiliantes, qui n'étoient pas en petit nombre en ce temps-là. Cette sainte vertu ne l'empêcha cependant pas dans l'occasion de témoigner sa fermeté. C'est ce qui parut à l'égard du gouverneur de Corbie, qui vouloit avoir une clef du monastère, pour y entrer et sortir à sa volonté. Il en reçut des invectives très vives, mais l'humble et ferme prieur sans s'arrêter aux injures lui fit voir l'injustice de sa prétention, et le &rça malgré lui de s'en désister.
Quelque temps après, il eut l'honneur de recevoir le roi Louis XIII à Corbie, et de lui faire une harangue qui fut si goûtée par les seigneurs de la cour qu'ils se disoient les uns aux autres que c'étoit ainsi qu'il falloit parler aux rois.
Muté à Saint-Jean-d'AngelyAprès six ans de gouvernement à Corbie, Dom Jean Harel fut transféré à Saint-Jean-d'Angely, pour y exercer les mêmes offices de prieur et de professeur. Dans l'un et dans l'autre de ces deux monastères, sa conduite fut toujours accompagnée de douceur et de fermeté. Il ne refusoit jamais rien de ce qu~il pouvoit accorder suivant les règles; mais il ne se relâchoit en rien sur ce qu'il croyoit devoir refuser. Tendre pour ses religieux, charitable pour les pauvres, compatissant pour les affligés, il souffroit dans sa propre personne tout ce qu'il leur voyoit endurer. Attentif pour les malades, il vouloit qu'on leur donnât tous les soulagements possibles ; vigilant à faire remplir les obligations à ceux qui se portoient bien, il ne souffroit point que l'on se dispensât des exercices de régularit é; studieux amateur de la solitude, il ne regardoit comme véritables moines que ceux qui la gardoient avec exactitude, et n'aimoient point les courses inutiles.
Dans la nécessité où l'on se, trouvoit à Saint-Jean-d'Angely, d'entendre les confessions des séculiers, il fallut obtenir les pouvoirs de l'évêque de Saintes ; le prélat voulut que les sujets qui seroient destinés pour ce saint ministère vinssent se présenter devant lui; mais sur les représentations du prieur qui préféra d'être dispensé de cette charge plutôt que d'exposer ses religieux à un voyage qui ne pourroit que nuire à la vie spirituelle qu'ils avoient embrassée, il lui donna la permission d'approuver lui-même ceux qu'il trouveroit capables de s'acquitter dignement de cette fonction.
Un pied au chapitre général
Au chapitre général de 1639 il fut élu
assistant
du du R. P. Dom Grégoire Tarisse. Cette nouvelle
dignité
ne fit que l'affermir davantage dans l'humilité, en
évitant autant qu'il lui étoit possible les
occasions de
paroître, et cachant les grands talents que Dieu lui avoit
donnés. Le père Tarisse qui étoit du
Conseil du
cardinal de Richelieu, l'ayant un jour mené avec lui, donna
occasion de connaître dès la première
fois le
mérite et la capacité de son assistant.
Après que
toute l'assemblée eut parlé, on demanda au
père
Harel son sentiment sur l'affaire proposée ; il le donna
d'une
manière si délicate et si solide, qu'il les amena
tous
à son avis et fit l'admiration de tout le Conseil.
Ses six années d'assistance révolues, il fut fait prieur des Blancs-Manteaux, puis de Jumiéges, pour les raisons que nous avons rapportées. Il profita de sa retraite pour vaquer à l'oraison, à l'instruction de ses religieux dans des conférences familières, et aux œuvres de pénitence. Il augmenta les pensions de quatre anciens qui vivoient encore et entra fort avant dans la confiance de l'archevêque de Rouen, avec lequel il commença plusieurs traités pour l'utilité du monastère, qu'il se proposoit de finir, lorsque le chapitre général de 1648 jeta les yeux sur lui pour le mettre à la tête de la congrégation que Dom Grégoire Tarisse n'étoit plus en état de gouverner à cause de ses infirmités.
Dom Jean Harel qui assistoit au chapitre comme député de sa province et comme dénniteur, voyant les dispositions de ses confrères, pâlit à la première proposition qu'on lui en fit, et mit tout en œuvre pour faire valoir les talents de ceux qu'il croyoit mériter le gouvernement de la congrégation, afin de détourner les définiteurs du dessein qu'ils avoient de le lui déférer ; mais ce fut inutilement, tous les suffrages se réunirent en sa faveur. Lorsqu'il s'entendit nommer dans le définitoire en qualité de supérieur général, il se prosterna le visage contre terre, en suppliant les définiteurs de faire un meilleur choix, et de ne lui point imposer une charge dout il se reconnoissoit incapable. N'ayant pu rien obtenir, il demanda permission d'aller un moment à sa chambre, et de retour, il se jeta de nouveau aux pieds des électeurs et réitéra ses instances ; mais voyant qu'ils persistoient dans leur élection, il déclara qu'elle n'étoit pas canonique et qu'il s'y opposoit. Il releva pour ce sujet une petite formalité que l'on avoit omise, savoir que Fon avoit brûlé les billets d'élection, sans examiner le sien pour savoir s'il ne s'étoit pas donné sa voix à lui-même; espérant par là manifester sa répugnance, et faire changer le dessein de l'élire ; pour le satisfaire, on fit un nouveau scrutin, dans lequel rien ne fut omis, et il fut élu pour la seconde fois. Alors se confiant dans le secours du Ciel, il fit le signe de la croix et continua comme auparavant à s'appliquer aux affaires du chapitre.
Supérieur généralEtant
général, il conserva toutes ses pratiques
d'humilité, de simplicité, de retraite et de
pauvreté. II alloit au travail manuel, et il fut souvent
trouvé dans cet habillement, qui le faisoit prendre pour un
frère convers. Bien loin de s'annoncer comme
supérieur
général, il étoit charmé de
pouvoir cacher
sa qualité. C'est ce qu'Uni un jour chez le
président de
Maisons, en allant le remercier de quelques services rendus
à la
congrégation. Il se fit annoncer comme religieux de
Saint-Germain-des-Prés ; il ne parla de lui qu'en tierce
personne, et causa un grand étonnement à ce digne
magistrat quand il apprit que c'était le
général
lui-même qui lui avoit rendu visite. La même chose
lui
arriva dans l'abbaïe avec un évêque qu'il
entretint
longtemps sans se faire connoître. Mais quelque soin qu'il
prît de se cacher, son humilité même lui
attiroit
des admirateurs et des visites bien contraires à ses
dispositions. Lorsqu'il étoit connu, il faisait son possible
pour diminuer l'idée qu'on avoit de lui, et faire voir qu'on
le
connoissoit mal. C'est par un effet de cette même
humilité
qu'avec une science profonde et une facilité
d'écrire et
de parler au-dessus du commun, il n'a cependant rien laissé
par
écrit, quelque capable qu'il fut d'entreprendre les plus
beaux
ouvrages. Dans ses lettres mêmes, il affectoit de
répondre
en peu de mots et si précisément aux choses
nécessaires, qu'on y remarquoit son industrie à
cacher ce
qu'il étoit.
Il eut de fâcheux événements
à soutenir
pendant son gouvernement, dans lesquels il fit paroître une
force
d'esprit admirable et une patience sans exemple. Sa foi vive lui
faisoit voir en toutes choses la conduite de la Providence,
à
laquelle il se soumettoit si parfaitement, qu'on lui a.
reproché
quelquefois d'être trop indifférent. L'expulsion
des
religieux de la congrégation du monastère de la
Couture,
et tout ce qui s'en suivit, étoit bien capable
d'altérer
la plus grande modération cependant il demeura calme au
milieu
de cet orage sans rien perdre de sa tranquillité, et se
contentant de donner les ordres nécessaires, sans
témoigner aucune inquiétude. Dans les affaires
épineuses, il assembloit ses assistants, et après
avoir
conféré avec eux, il se retiroit dans sa solitude
et
rentroit dans son recueillement. Ce fut lui qui ordonna qu'on tiendroit
trois fois la semaine une assemblée composée du
général, des assistants et du
secrétaire pour
traiter des affaires spirituelles et temporelles de la
congrégation.
Il la gouverna l'espace de douze ans avec une approbation universelle
de tous les religieux, qui s'estimoient heureux de vivre sous un
supérieur aussi doux, aussi humble, aussi affable, aussi
égal et d'un mérite si distingué. Lui
seul avoit
de lui-même des sentiments tout opposés. Dans tous
les
chapitres, il avoit fait des instances accompagnées de
larmes
pour être déchargé de la
supériorité,
et jamais les définiteurs n'y avoient voulu entendre, mais
enfin
dans celui de 1660, il pressa si vivement, qu'à sa
sollicitation, on élut en sa place Dom Bernard
Audebert.
Le
père Harel
crut alors être libre de suivre son penchant pour la
solitude; il
songeoit même à se retirer à
jumiéges; mais
il se trouva bien éloigné de l'accomplissement de
ses
désirs, lorsqu'il s'entendit nommer prieur de
Saint-Denis. Il se plaignit aux définiteurs du nouveau joug
qu'
on lui imposoit mais toutes ses remontrances furent inutiles, et il fut
obligé de commander par obéissance. Il
vécut,
étant prieur de Saint-Denis, comme il avoit fait
étant
général, dans la pratique de toutes les vertus.
Toute la
douceur qu'il trouvoit dans ce nouvel emploi étoit que,
n'étant pas regardé par tant de personnes, il y
en avoit
moins qui eussent occasion de l'estimer.
Tous ses travaux se bornèrent à des
conférences ou
exhortations familières à ses religieux,
tantôt sur
la grandeur de l'Etre souverain, tantôt sur le
néant de la
créature. Lorsqu'il parloit de Dieu, c'étoit en
des
termes pleins de respect et avec des paroles toutes pleines de feu. Sur
l'article de l'humilité, ce qu'il en disoit partoit d'un
cœur tellement pénétré, que,
s'attendrissant
jusqu'aux larmes, il étoit souvent forcé
d'interrompre,
quelquefois même de finir son discours. C'est ce qu'ont
déclaré plusieurs religieux qui avoient
assisté
à ses conférences, et qui ont
témoigné en
même temps qu'il embrâsoit leurs coeurs d'un feu
tout
divin.
Il ne prêchoit pas moins efficacement par ses exemples que par ses paroles. Il étoit toujours le premier à tous les exercices soit de jour, soit de nuit, et ne pouvant satisfaire à ce point de la règle qui ordonne au supérieur de sonner l'office divin, il voulut néanmoins y satisfaire en partie en se chargeant d'éveiller les religieux pour l'office de nuit. Il allumoit les lampes, préparoit ce qui étoit nécessaire pour les matines, puis se mettant à genoux à sa place, il entroit dans un recueil lement profond dont il falloit quelquefois le tirer pour commencer l'office. Quoiqu'il fût supérieur, il animoit toutes ses actions du mérite de l'obéissance. Tout ce qui se trouvoit écrit étoit pour lui comme la voix de son supérieur,. et l'infraction des moindres observances lui étoit insupportable. Il disoit ordinairement que, tant que l'on seroit fjidèle a ces petites pratiques, la congrégation se soutiendroit et que Dieu la feroit prospérer; mais que si on les négligeoit, elle tomberoit infailliblement.
La pénitence faisoit toutes ses délices, et l'amour de la pauvreté se faisoit remarquer dans tout ce qui étoit à son usage ; habits, ameublements, tout étoit pauvre. Il gardoit un silence si rigoureux, qu'à peine parloit-il dans la nécessité, principalement avant d'avoir célébré les Sts. Mystères; il conversoit même très rarement pendant l'heure de la récréation, la solitude ayant une liaison essentielle avec le silence il ne sortoit presque jamais de sa chambre; il falloit un ordre exprès des supérieurs pour qu'il allât à Paris, et lorsqu'il prévoyoit que quelques compagnies devoient arriver à Saint-Denis, il se rendoit à Argenteuil et y passoit la journée en prières.
Sa mort...Quelque temps avant sa mort, il eut un pressentiment que sa fin approchoit. Pour s'y disposer, il commença ses exercices des dix jours; mais dès le second, étant à matines, il fut attaqué d'une fièvre violente, qui, jointe à une fluxion de poitrine, l'enleva au bout de cinq jours. Lorsqu'on lui apporta le St. Viatique, voyant tous ses religieux assemblés, il leur recommanda l'humilité, sans laquelle on ne peut entrer dans le royaume des cieux et l'obéissance qui en est le chemin. Il pria Dieu ensuite de leur donner et à lui sa bénédiction après quoi, il fit sur lui le signe de la Croix sans rien dire davantage, se ferma les yeux, et après une agonie d'une demi-heure, il expira doucement le 14 de mars 1665, vers les six heures du soir. Il mourut avec les regrets de ses religieux; qui perdoient en lui un père tendre, un pasteur vigilant, et un maître excellent de la vie spirituelle. Pour sa personne, c'étoit un homme fort bien fait, d'une grande taille, d'une complexion robuste, sans aucune infirmité considérable. Il avoit l'esprit vif et brillant, il étoit savant canoniste et possédoit parfaitement l'Ecriture sainte qui, depuis plusieurs années, étoit devenue son seul livre.
SOURCES
Histoire de l'abbaye royale de Jumièges par un religieux de la congrégation de Saint-Maur, 1885, T. 3