Entre moines et population, les rapports ne furent pas toujours idyliques. En témoigne l'affaire du Homme. Des siècles de chicanes ! Un crime impuni ! Oui, nous sommes bien en Normandie...

L'affaire du Homme ? Un long combat des Jumiégeois pour défendre leurs droits contre leur puissante abbaye puissante.  Négociations, ventes, violences, recours juridiques, les villageois finirton-ils par obtenir gain de cause ? Tout commence en forêt de Jumièges, propriété de l'abbaye, outils capital de l'économie monacale. Nos ancêtres étaient les vassaux des moines et tenaient d'eux leur masure de bail en bail. En contrepartie, certains se faisaient domestiques à l'abbaye. Les uns à la cuisine, les autres la buanderie, d'autres encore gardaient la porterie. Il s'en trouvait encore qui soignaient les chevaux des Bénédictins, gardaient leurs cochons... Au rang de leurs privilèges, les religieux bénéficiaent d'un "droit de mortuaire" sur leurs vilains. Quand un habitant de Jumièges ou du Mesnil venait à décéder, nos cénobites s'attribuaient le tiers de ses biens et de ses meubles. D'ailleurs, nul ne pouvait signer un testament sans leur permission. Un droit confirmé par diverses sentances et encore un aveu rendu au roi en 1526 par l'abbé François de Fontenay.

Admettant le poids de ces soumissions, les religieux consentirent à quelques bontés pour alléger leur domination sur leurs tenanciers. C'est ainsi qu'ils leur accordèrent des terres communes pour servir de pâture. A charge toutefois pour eux de payer un sol par feu. A chaque automne, la saison du panage, les moines leur permirent de mener leurs porcs à la glandée, Autrement dit de nourrir leurs cochons des glands tombés des chênes de la forêt. Mais à condition que ce soit "hors taillis". Seuls les bois de haute futaie de plus de dix ans d'âge étaient en effet ouverts à cette tradition rurale. Lorsque des arbres étaient abattus dans un triège donné, on en interdisait l'accès durant une décennie. 

Or, il advint que l'on rasa d'un coup une majeure partie de la forêt. Alors, on ouvrit aux habitant les bois du Homme et de Braquetuit qui jusque là leur étaient défendus, le temps que la forêt repousse. Et il en faut du temps. Les années passant, tandis que la forêt retrouvait toute sa verdeur, les habitants finirent par considérer comme un droit définitif l'usage du Homme et du Braquetuit. Ce que contesta l'abbé de Jumièges, personnellement propriétaire de la forêt et bien décidé à revenir à l'usage antérieur...

La résistance s'organise

Nous sommes le dimanche 6 novembre 1575. les trois cloches de Saint-Valentin sonnent à toute volée la fin de la grand messe. Le cimetière bruisse des murmures et bientôt des éclats de voix des paroissiens réunis. Il n'est question aujourd'hui que de défense des droits acquis. De tous les droits acquis. Et ceux du Homme et du Braquetuit en font partie. 

Voici quelques mois qu'un nouvel abbé règne sur Jumièges. C'est Charles de Bourbon, l'archevêque de Rouen. Et il va voir de quel bois se chauffent les Jumiégeois. Les tabellions de la sergenterie royale de Saint-Joire vont prendre note à la volée des revendications. Ce sont Pierre Dufour et Pierre Douyère, son adjoint juré. Quant aux témoins désignés, Maître Nicolas Dupuis et Guillaume Lucas, prêtres de Jumièges, en feront office. Le clergé séculier prend donc le parti de ses ouailles contre la toute puissante abbaye. Il en sera souvent ainsi.





















Les protestataires, au nombre desquels je me réjouis de reconnaître plusieurs membres de ma famille, vont nommer leurs procureurs, Jean Clérel du bourg, Gabriel Pinchard, Robert de Conihoult dit du Flac, Nicolas Boutart et Jean Busquet.

Ces cinq hommes sont mandatés pour défendre en toutes circonstances les droits des villageois: pâture, panage, bois, moute dans les moulins de la baronnie de Jumièges comme de Duclair…

Il s’agit aussi d'organiser la collecte des redevances liées à ces droits pour les remettre aux moines les frais de justice éventuels. On réunira ces sommes à l’issue des grands messes à venir.

Dufour et Douyère filent ensuite au Mesnil où ils trouvent des hommes tout aussi déterminés. Là, les témoins sont aussi les curés du cru : Maistres Bénard Bernardin et Robert Auber.


Jacques Tropinel versa deux écus sols pour ces actes qui préfigurent un peu les cahiers de doléance de la Révolution. Qui témoignent en tout cas d’une belle mobilisation, d’un exercice de démocratie locale.

Frès de Justice, les mots étaient lâchés. Cependant, on préféra manifestement éviter une procédure interminable. Un accord amiable fut plutôt recherché.


Première victoire

  
La forêt de Jumièges était jusque là le domaine direct de l'abbé. Or, en 1579, elle passa  entre les mains des religieux. C'est avec eux que les villageois vont traiter pour obtenir ce que l'abbé leur refusait.

Le vendredi 3 avril 1579, à l’abbaye, le chapitre des religieux se réunit au son de la cloche sous l’autorité du prieur, Toussaint de Marcelles. Menée par leurs procureurs, malgré quelques absents, les délégations de Jumièges et du Mesnil négocient avec les moines sous l'œil du curé du Mesnil et de Noël Desmaret, de Duclair. Et un accord est trouvé qui redonne aux habitants le droit d’user des parcelles litigieuses du Homme et du  Braquetuit qui ont été bornées et dont ils ont été évincés par l'abbé. Bien entendu, il faudra s’acquitter de la rente foncière seigneuriale. Douze deniers tournois par an et par feu payables à Noël à la recette ordinaire de la baronnie. Ne sont pas concernés par cette transaction les habitants d’Heurteauville et de Port-Jumièges qui traitent à part.

Les villageois, précise l’accord, pourront aussi conduire leurs bêtes dans la grande forêt. Pour le chauffage, le bois mort est sans amende. Sinon, pour chaque pied de hêtre, petit ou grand, c’est cinq sols tournois. Interdit de toucher aux chênes ! En 1519, le bailli de Rouen avait lourdement condamné quelques paysans pour la chose.

Le droit de panage est lui aussi confirmé. Enfin, on s’entend pour cesser tout procès. Maintenant, si un accod est trouvé, les tensions vont demeurer. Aux yeux des moines, les Jumiégeois vont usurper des droits, ce qui sera longtemps toléré, jusqu'au jour où intervient une réforme monastique. Mais donnons plutôt  la parole à un scribe de l’abbaye : 

« Les habitans trouvant leur compte en cette transaction, ils déclarèrent que les religieux pouvoient user de leur forêt, ainsi qu’ils avoient usé par le passé.

« Ensuite de cela, ils employèrent en la plupart de leurs adveux leurs prétendues droictures de la forest et ils y adjoustèrent, par usurpation et innovation, des franchises aux marchez de Duler.

« Cela leur fut toléré pendant quelque temps, soit qu’une partie des anciens religieux fussent de leurs parents, soit pace que les recepveurs de la paroisse de Jumièges estoient du nombre des parroissiens, lesquels mesmes en diminuèrent les rentes.

« Mais la réforme de la congrégation de Saint-Maur ayant esté introduite en ce monastère, on blasma, dans la suite des temps, plus de 150 de leurs adveux par sentence du séneschal, ensuite de quoy beaucoup souscrivirent à leurs blasmes, et presque tous les autres les ont depuis reformez, ce qui suffit pour blasmer tous les autres. »

La première vente

L'Affaire s’envenime en 1640. En juillet et encore en août, les services du roi Louis XIII, qui sont fort bien tenus, réclament des droits sur les pâtures du Homme et de Braquetuit. 2.500 livres pour Jumièges, 660 et les 2 sols pour livre pour le Mesnil. Les paysans ne peuvent payer. Ils supportent, arguent-ils, de lourdes charges depuis des années et n’en sont pas encore quittes. Se tournèrent-ils alors, comme le prétendent les religieux, vers les bourgeois de Rouen ? « Personne, ajoutent les moines, ne voulait avoir affaire à ces habitants que tout le monde connaissait pour les plus chicaneurs et les plus malicieux de la province. »


Alors, nos malicieux, ils s’en vont voir le procureur de l’abbaye. Tiens donc, celui-ci accepte sans sourciller de payer les redevances à leur place. Ce n’est pas semble-t-il la première fois que la grande maison dispense une aide financière aux autochtones. En compensation, le Bénédictin exige une partie des terres communes qui reviendront du coup à l’abbaye. L’équivalent de 98 hectares, 6 ares et 40 centiares précisément. Le Homme est manifestement dans le lot. Bref, le 28 janvier 1641, on passe un premier contrat devant le tabellion royal de la sergenterie de Saint-Joire, un certain Dusaussay assisté de Jean Capelle. Le même jour, les habitants d’Heurteauville font la même démarche pour céder quant à eux 122 hectares et 58 ares.

L’abbaye commença à débourser plus de 2.000 livres pour cerner de fossés sa nouvelle acquisition, honorer les 2.500 livres de taxes réclamées, dédommager les habitants d’arriérés.

Il y eut une nouvelle réunion des villageois avec les tabellions le 8 décembre 1641 à laquelle participaient Jacques Nepveu, Noël Beaufils, Nicolas Cauvin pour Jumièges, Estienne Duparc, Thomas Merre fils Louis, les frères Simon et Pierre de Conihoult et Abraham Thuillier pour le Mesnil.

J’en note encore une autre qui, dix mois plus tard, le 19 octobre 1642, rassemble Jehan Dauzemont, Marin-François-Robert Alleaume, Richard Godallyer, Pierre Duparc, Pierre Marescot, Pierre Dumoustier, Valentin Marescot, Marin de Conihoult, Valentin Auger, Clément Boutard, Sandrin de Conihoult, tous du Mesnil. On ne sait quelle fut la nature de ces débats.

Les religieux cassent le contrat

Une chose est sûre, réunie en chapitre, la communauté bénédictine refusa de ratifier le contrat passé par son procureur. Pire, les religieux décident d’attaquer, d’annuler les ventes. Au motif que les sommes dues par les Jumiégeois sont plus fortes que prévu. Ils on fait en quelque sorte une fausse déclaration fiscale en minorant l’étendue réelle de leurs terres communes au moment de la vente. Et là, près d’un an après, on en demande 19.808 livres ! Ce que se refusent à payer les moines. Alors, aux habitants de s’en débrouiller ! Aux moines, répondent ces derniers. Dialogue de sourds. Les religieux demandent aux paysans à être remboursés des fonds engagés. Par la contrainte s’il le faut. Non, répond encore la paroisse, les contrats ont été passés dans les règles. Il n’y a pas lieu de les annuler. Et puis de toute façon, on n’a pas d’argent…

Et voilà que le 20 octobre 1642, une sentence des requêtes à Rouen casse effectivement la vente. Cette fois, on réclame aux Jumiégeois de régler leurs dettes. Violences, débordements. Plusieurs mutins  sont jetés en prison. Etat de crise dans la communauté villageoise qui fait d’abord appel, puis retire son recours. Et revient frapper aux portes du monastère...

Seconde vente

Coup de théâtre ! Neuf jours se sont écoulés depuis le jugement de Rouen. L’après-midi du mercredi 29 octobre 1642, son de cloche à l’abbaye. Dussaussay et Capelle viennent faire signer aux protagonistes… exactement la même transaction que celle de janvier 1641. Coup de théâtre effectivement car les religieux acceptent cette fois d’acquitter les sommes dues par les cédants. Et à quelque taux que ce soit ! L’explication de ce revirement ? La communauté bénédictine veut visiblement mettre terme au conflit. Ses vassaux ont des devoirs envers elle. Les accompliront-ils encore dans un tel climat ? Les habitants sont quant à eux prêts à céder plus de terrain s’il le faut.

Alors on s’accorde. Le village vend « six vingt acres des pastures et communes ». Cette étendue s’adosse aux fossés de la forêt abbatiale. Elle est bordée sur les deux côtés par les pâtures communales. Enfin l’autre bout se heurte aux fossés des prairies du Conihout. Là, balisé par des bornes posées le jour même, un chemin sera aménagé entre les deux par les religieux. Libre d’accès.

Pour la deuxième fois, Thomas Défossé, le bien nommé, vint arpenter le terrain. Avec bien peu d’exactitude si l’on en juge par la suite de l’histoire.

L’aménagement d’un autre chemin est également prévu, de Jumièges au Mesnil, vis-à-vis de la grande rue du Quesney. Il passera à proximité du manoir d’Agnès Sorel que desservira une sente  pour la commodité des habitants.

Les moines se contentèrent de ce terrain quoi qu’il fut estimé inférieur aux « six vingt acres » stipulés. En tout cas, pas question d’en retrancher quoi que ce soit s’il s’avère plus étendu. Les paroissiens n’auront aucun droit là-dessus. Sur les pâtures communes qui leur restent, il leur faudra continuer à verser les redevances habituelles. Interdiction de les vendre, de les hypothéquer… Ni d’y apporter quelque changement sans le consentement des moines.

Alors, c’est entendu, l’abbaye épongera les taxes imposées, les reliquats antérieurs au contrat et même les frais de justice qui pourraient être réclamés contre les habitants après toutes ces péripéties. Aux moines de renégocier maintenant la dette. Soit en leur nom. Soit sous celui des habitants qui, dans ce cas, donneront procuration. En retour, on leur fournira copie des pièces comptables.

Mais quels que soit les allégements obtenus, pas question encore une fois de toucher à la parcelle. Si jamais ils y mettaient les pieds, alors, il leur faudrait rembourser en un seul paiement taxes, aménagements…. Les habitants, au nom aussi de leurs descendants, doivent encore garantir la parcelle « de tous troubles et empêchements envers et contre toutes personnes… » Les témoins de cette réconciliation sont Martin Dumelin, de Sainte-Marguerite-sur-Duclair et Jehan Fortin, maîstre plombier en la ville d’Evreux. Chez les villageois : Jacques Lévesque, Pierre Fécaut, André d’Anneville, Noël Herpin, Gabriel Lévesque, Valentin Porgueroult, Ysaac Boutard, Pierre Vastey fils Adrian, Jehan Appril, autre Valentin Vastey et Robert Amand, tous de Jumièges.

Le jour de ce second contrat, assure la chronique de l’abbaye, le procureur des religieux prit immédiatement le chemin de Paris pour obtenir réduction de la dette. Elle aurait été ramenée à 1.200 livres. Les frais s’élevant quant à eux à 3.150 et 15 sols. Le procureur s’en acquitte sur le champ. « Pour faire libérer les prisonniers. Ces cœurs inflexibles et fermés à la reconnaissance furent sensibles dans cette occasion. On les vit tous humiliés devant leurs bienfaiteurs, faire leur éloge et publier que jamais vassaux n’avoient eu de si bons seigneurs. Mais leur gratitude dura peu… »

Le 18 décembre 1642, au Louvre, la chambre royale valide ce nouveau contrat sous la signature d’un certain Pottier. Il précise : « Les acquéreurs demeureront en paisible possession et jouissance des choses à eux vendues, deffendant à tous personnes de les y troubler à peyne de tous deppens, dommaiges et intérêts… »

Pierre Pidou, receveur du roi à Paris, confesse deux jours plus tard « avoir reçu comptant des habitants des paroisses de Saint-Valentin de Jumièges et de Saint-Phillebert de-Mesnil-soubs-Jumièges »  la somme… de 6.300 livres ! Contradictoire avec les chiffres avancés un peu plus haut par les chroniqueurs. Mais bon, ils se trompent aussi sur la superficie exacte de la parcelle vendue…

Un mois plus tard, le dimanche 25 janvier 1643, les paroissiens s’assemblent à nouveau sous l’if du cimetière, à l’issue de la grand messe. On compte là Jean Pellerin, Charles Bertin et d’autres dont le nom n’est pas précisé. Les témoins sont Vandrille Daust, Maîstre Jean Mauger, prêtre vicaire de Jumièges, Michel Nicolle, Louis Lamy et Robert Jullian, tous trois de Yainville. Sergent royal, Jacques Lhuillier leur lit les derniers développements de l’affaire à la requête des religieux. Le 2 février suivant, le même sergent recopie en l’écritoire de Saint-Joire des documents originaux à la requête de François d’Anneville, Jean Apvril, Jacques Lévesque, trésoriers de l’église de Jumièges. Après quoi, ces originaux furent rendus à l’abbaye.

Un procès, un crime !

La paix semble donc signée. Mais bientôt, les paroissiens assurent que les moines se sont emparés de plus de terres que convenu. S’ouvre cette fois le long procès tant redouté. Il va durer trente ans.

En 1645, les villageois poussent le seigneur de la Mailleraye à faire valoir des droits sur l’une des pâtures gardées par les religieux. Le 22 décembre 1649, l’aristocrate est condamné. En revanche les moines sont autorisés à clore de fossés leur terre. Tiens, on le croyait déjà fermé ! Mais bon. Le terrassement, toujours selon la chronique, s’étale sur six mois. Il ne faut pas une semaine pour que les habitants les abattent. On tente bien de reconstruire. Mais les Jumiégeois détruisent la nuit ce qui se fait le jour. Un soir, un moine attend de pied ferme les contestataires nocturnes. On retrouva son corps au matin, sauvagement mutilé. Dans les marais se voit toujours la pierre de l’Homme où il fut tué. On dit parfois qu’il était flanqué ce soir-là de soldats. Sans que leur nombre, leur rôle ne soit précisé. On ne découvrit jamais les assassins. Ici, on sait se montrer taiseux. « Tels étoient les habitants de Jumièges et du Mesnil, pesteront longtemps les Mauristes. Chicaneurs, ingrats, rebelles et homicides. Cette mort demeura néanmoins impunie parce que les religieux ne voulurent faire aucune démarche pour découvrir les coupables et que les paroissiens en corps vinrent implorer leur clémence avec la plus basse soumission et les serments les plus solennels de fidélité pour l’avenir.»

Les disciples de saint Benoît finissent par clore définitivement leur terrain et assurent obtenir pour « ces pauvres habitants » des avantages fiscaux : réunion et versement de 50.000 livres pour résorber des arrérages de taille, diminution d’impôts, exemption du logement des gens de guerre… Gestes réels de bonté? En avril 1655, les villageois se révèleraient effectivement peu reconnaissants. Car ils traduisent encore en justice les moines qu'ils qualifient de « tyrans et oppresseurs ». Leur objectif : offrir aux moines l’honneur de régler les 1.168 livres dont ils ont été taxés par le Roi le 29 décembre 1652. Droits de nouveaux acquêts. « Quelle perfidie ! tonnent les moines, quelle ingratitude ! Ils le sentirent et s’humilièrent encore une fois devant leurs seigneurs qu’ils laissèrent assez tranquilles pendant quinze ans. »

Enfin gain de cause !

Nouveau coup de théâtre ! En 1667, une ordonnance royale casse la transaction de 1642. Motifs invoqués : les religieux étaient incompétents à aliéner leurs biens, les paroissiens étaient quant à eux sous les coups d’une prise de corps au moment de la vente. Et puis on arpenta les terrains en question. Constat : les moines ont bien usurpé de la surface. Exactement 51 hectares, 33 ares et 50 centiares ! Les villageois retrouvaient tous leurs biens sans être tenus de rembourser les moines des taxes versées par leurs soins. Celles-ci, estimait-on, étant largement compensées par les 51 hectares indûment accaparés par l’abbaye durant trente ans.

Alors voilà. En 1671, les villageois abattirent une dernière fois les fossés des moines pour mener paître leurs vaches au Homme. L’abbaye fit saisir les bestiaux. Et puis, en décembre, le jugement de renvoi favorable aux habitants fut prononcé par M. de la Galissonnière, conseiller du roi en la généralité de Rouen. Pièce qui fut précieusement enfermée en l’église paroissiale Saint Valentin. Les moines menèrent des poursuites jusqu’en 1701. En vain. Jusqu’à leur départ de l’abbaye, ils clamèrent leur bonne foi. Et leur version.

4 juin 1853. L’abbaye n’est déjà plus que ruines. Et pourtant, les habitants vont devoir encore faire valoir leurs droits, pièces à l’appui. C’était dans l’étude de Me Alfred Rigoult, à Duclair. Il y a là Jean-Pierre-Valentin Beauvet, propriétaire, ancien notaire, maire de Jmièges et deux élus, des cultivateurs, Jean-Pierre Deconihoult, et Sever-Aimable Boutard qui sera un jour le premier magistrat de la commune. Les témoins furent Auguste Antoine Richer, cultivateur et Nicolas François Lefèvre, sabotier. Et le clerc signa… Leclerc ! Tout était donc rentré dans l’ordre.

Laurent QUEVILLY.

Annexe

Les participants à l'assemblée de Jumièges de 1575

Les généalogistes du cru feront leur miel de ces noms : Jacques Oyn (Ouin) dit Portier, Philippe Havart, Naudin Clérel, Jean Boutart dit Carbonneau, Marin Levesque, Andrieu Tropinel, Jean Busquet, Gabriel Pinchart, Michel d’Anneville, Martin Dubost, Simon Busquet, Jacques Clérel de Conihoult, Martin Guilley, Thomas Mainberte, Valentin Mainberte, Andrieu Bourdon, Jean Bertin dit Godet, Richard Nobert, Noël Oyn, Jacques Tropinel fils, Louis-Marin Corvée, Nicolas Naze, Andrieu Tuvache, Jean Quesnot, Michel Virvaux, Richard Clérel, Jacques de Conihoult dit du Flac, Thomas Clérel, Raullon Beaufils, Vincent Coq, Marin Neveu dit Aignan, Pierre Mainberte, Marin Mainberte, Pierre Boutart de Conihout, Jean Cauvin, Pierre Cauvin, Raoullin Oyn. 

Furent nommés procureurs Jean Clérel du bourg, Gabriel Pinchard, Robert de Conihoult dit du Flac, Nicolas Boutart et Jean Busquet.

Les participants du Mesnil-sous-Jumièges

Guillaume Neveu, Robin de Conihoult, Philibert Alleaume, Charles Tirant, Philipat Duparc, Jacques Lesergeant, Colin Desdes, Richard Pigny, Pierre Parent, Richard Barbenchon, Jean de Conihoult fils, Pierre-Robert Boutart, Jean Secart, Simon Turquet, Estienne Thuillier, Jean Lambert, Claude de Conihoult, Guillaume-François-Jean Cauchoys, Robert Duparc, Jacques Duparc, Valentin Delamare, Nicolas Philippe, Henry Fleury, Philippe Dumoustier, Robert Fleury, Nicolas Guenet, Guillaume Tuvache, Robert Clérel. 

Eux aussi désignèrent leurs procureurs : Pierre de Conihoult fils Roger, Valentin Thuillier, Pierre de Conihoult fils Jacques. 

Les participants de Jumièges à la réunion capitulaire de 1579

Le vendredi 3 avril 1579, à l’abbaye, le chapitre des religieux se réunit au son de la cloche sous l’autorité du prieur, Toussaint de Marcelles. Il y a là les procureurs de la paroisse : Jean Buquet, Gabriel Pinchard, Robert de Conihoult dit du Flac. Désignés quatre ans plus tôt, Jean Clérel et Nicolas Boutart ne son pas présents. Dans la salle encore : Naudin Clérel, Pierre d’Anneville, Guillaume Boutard fils, Cardin-Richard Boutard dit Sonichon, Noël Hullin dit Bétoult, Jean Boutard, dit Boisselier, Pierre Amand Ambroise Duquesne, Laurent Neveu, Marin Corvée, Valentin Boutard, autre Guillaume Boutard fils, Jean-Cardin Nivels dit Fichon, Andrieu d’Anneville, Guillaume Secard, tous paroissiens de Jumièges. 

La délégation du Mesnil

Les trois procureurs du Mesnil sont bien là, eux : Pierre de Conihoult fils Roger, Pierre de Conihoult fils Jacques, Valentin Thuillier l’aisné. Ils sont assistés de Robin Turquet, Guillaume Boutard, Guillaume Neveu, Nicolas Desdes, Philipat Duparc, Robert Alleaume, Jacques Sergeant dit Buchet, Pierre Mainberte, Jean Boutard, Valentin Delamare, Jean Lambert, Philipat Dumoustier. Les tabellions royaux sont encore là. A savoir Pierre Dufour et son adjoint Robert Gresset. Comme témoins, on a fait appel à Messire Bénard Bénardin, curé du Mesnil et Noël Desmaret, de Duclair.



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