L'histoire de la seconde guerre mondiale dans la presqu’île de Jumièges reste à écrire. Mais des noms nous sont déjà connus, Guillemot-Treffainguy, maire de l'époque, les Vastey, sauveurs du village. Aidez-nous à compléter la chronique...

Quand vint 1940, le notaire, Georges Guillemot-Treffainguy, fut nommé maire de Jumièges. Comment va se comporter ce fervent catholique, royaliste de surcroit ? Son petit-fils raconte : « Durant la seconde guerre mondiale, il vient en aide matérielle à des résistants, cachés dans l’abbaye de Jumièges, et aux agriculteurs du cru, notamment en cachant aux autorités allemandes l’inventaire exact du cheptel équin ».

Charles Guillemot-Treffainguy est né le 7 janvier 1904 à Versailles. Son père, Adolphe, est alors courtier en bourse pour le compte du Crédit lyonnais. Sa mère, Jeanne Athénas, est la fille d’un officier d’artillerie, Jules Athénas et de Marie d’Auvry.  
Jusqu’en 1914, le jeune garçon accomplit ses études primaires dans la cité du Roi Soleil. Puis son père devient directeur et propriétaire de la laiterie Lézarde, à Montivilliers, avant de diriger une usine de textile spécialisée dans la linerie 
C’est donc à Rouen, sur les bancs du lycée Corneille, que Charles Guillemot-Treffainguy obtient à 18 ans son baccalauréat. Nous sommes en 1922. Il entre immédiatement dans l’étude de Graceville-la-Mallet comme clerc de notaire.
Trois ans plus tard, il obtient sa licence en droit notarial.
En 1930, il épouse à Harfleur Annie Segond, elle aussi fille d’un officier d’artillerie, Georges Segond qui, après l’armée, s’est reconverti comme ingénieur aux canons Schneider du Havre.
Vieille famille bretonne

La famille Guillemot vivait jadis au manoir de Treffainguy, à Plumieux, Côtes-d’Armor. Bailli fiscal du roi, le chef de maison doit abandonner sa terre en 1791.

 Guillemot Treffainguy (Yves François) avocat et homme politique né à Saint-Etienne (Côtes-du-Nord) le 22 mai 1765, de maître Georges Guillemot, procureur fiscal de la juridiction du Gué-de-l'Isle  et de demoiselle Julienne Le Roy, son épouse ; était avocat et avoué à Loudéac quand il fut élu, par cet arrondissement, en 1808, candidat au Corps législatif, sans être appelé à y siéger.

 Guillemot-Treffainguy (Charles Pierre), né le 21 juin 1832 à Ploeuc-sur-lie, Côtes-du-Nord, titulaire de la légion d’honneur.

 Charles Guillemot-Treffainguy appartenait à la cinquième génération en exode.


C'est par un décret du 3 février 1931 que Charles Guillemot-Treffainguy devient le notaire de Jumièges en remplacement de Me Gérondeau. On le donne alors membre correspondant de l'école polytechnique de notariat de Paris, ancien principal clerc de Me Leyet, notaire à Criquetot-l'Esneval, encien premier liquidateur de Me Prudhomme, notaire au Havre.

Ses trois enfants vont donc naître alors que Charles Guillemot-Treffainguy exerce à Jumièges :

1) Marie-Françoise Guillemot-Treffainguy, le 5 mars 1931. Épouse Canut, elle sera attachée de justice.

2) Jacqueline, 13 juin 1932, également attachée de justice puis employée de commerce.

3) Michel, 1er mars 1934, cadre commercial de l’agro-industrie.

Jumiégeoise, Marie-Louise Chambry était au service de la famille. En 1942, elle obtindra le prix Dumanoir constitué de 400F. En 36, elle était épaulée par une seconde bonne : Marguerite Avenel, native de Rouen.


Devant l’abbaye se dresse une guérite.
L’occupation ? Les autorités allemandes logent au manoir de Sacha Guitry, à Yainville. A Jumièges existe un groupe FFI de cinq hommes, rattaché comme celui de Duclair au réseau Libération-Nord.
Il est sans contact avec sa hiérarchie mais établit un lien avec des résistants de l’Eure, dotés d’un poste émetteur. Il leur communique ainsi toute information utile sur l’occupant.

La Libération


On lire le récit qu'en fit les occupants de l'abbaye à cette époque. Il est dit qu'après juillet 44, deux Jumiégeois parvinrent à désarmer quatre Allemands. Dans quelles circonstances ? Cela reste à préciser.
Le 29 août 1944, alors que les forces alliées ont pris position sur la rive sud de la Seine, Jean et Joseph Vatey traversent le fleuve en barque, munis d’un drapeau blanc. Ils font ainsi savoir que les Allemands venaient de quitter la presqu’île de Jumièges. Il n’était donc plus utile d’attaquer. Action déterminante. Sans doute a-t-elle épargné des vies humaines et des destructions car manifestement une attaque se préparait. Les Alliés savaient qu'une rampe de lancement de V1 était en construction sur les hauteurs de Jumièges. Mais après l'intervention de ces lointains cousins du baron de Vastey, les tirs d'artillerie furent allongés...



Quatorze prisonniers seront remis aux Alliés quand la population accueille chaleureusement les premiers libérateurs anglais. A la mairie, Charles Guillemot-Treffainguy voit ses administrés déposer cinquante fusils, trois revolvers, des munitions… On tend des embuscades durant cinq nuits sur la foi d’habitant ayant repéré ici ou là des Allemands. En vain. La gendarmerie du Trait patrouille en forêt pour la nettoyer définitivement de ses uniformes vert-de-gris. Dans les locaux de la mairie, une vingtaine de personnes instruisent à charge un procès expéditif contre une femme qui fut tondue. Le groupe FFI aura assuré le lien avec les autorités anglaises pour faire passer des chevaux d’ Heurteauville à Jumièges.

Bref, les faits de résistance à Jumièges restent à ce jour pratiquement inédits. Leur histoire reste à écrire.

 Le 1er décembre 1944, alors que la France se libère, Georges Guillemot-Treffainguy est confirmé dans son poste de maire. Le 13 mars 1945, il cède son écharpe tricolore à Estor Cadinot, ancien Poilu, qui détient le record du mandat le plus bref : trois mois !

1946 : Maître Treffainguy vend son étude. Son petit-fils poursuit :
« Il achète la charge vénale de greffier en chef au tribunal civil d’Yvetot où il exerce jusqu’en 1960. A la nationalisation des greffes, il devient attaché de justice de 1960 à 1970 et achève sa carrière comme substitut du procureur de la République. Veuf en 1965, il survit péniblement à la disparition de son épouse à laquelle il était très attaché. » Elle était atteinte d’un cancer. « Retraité en 1970, il décède à Rouen le 14 juillet 1971 des suites d’une crise d’urémie et d’insuffisance respiratoire. »

Quid des Vastey


Quant aux Vatey, lointains cousins du baron du même nom, ils furent honorés le 8 mai 2015. Jean Dupont, maire de Jumièges, remit ce jour-là la médaille d'honneur de la commune à la veuve de l'un d'eux.  Coïncidence du calendrier : deux jours plus tard, le 10 mai, c'était la commémoration de l'abolition de l'esclavage à laquelle leur prestigieux parent avait pris part avec force. 


Sources


Communication de Pascal Guillemot-Treffainguy à Laurent Quevilly, février 2008.
Paris-Normandie, 24 avril 2015.
Le canton de Duclair, 1925-1950, Gilbert Fromager, 1993.
Dictionnaire historique et biographique de la Révolution et de l’Empire, Adolphe Robe, 1899.