28 août 1897, l'Association normande réunie à Pavilly visite, notre canton le quatrième jour de ses travaux. Une promenage très inspirée


Villers-Ecalles


Le hameau de Villers-Chambellan (H. de 352 h., dépendant de la commune de Villers-Ecalles.) rappelle le souvenir d'une ancienne paroisse, réunie, seulement vers 1828, à la paroisse d'Ecalles. On voit encore, sur la droite de la route, le vieux presbytère, construction assez pittoresque, habitée aujourd'hui par de pauvres gens.

En 1717, il y avait 85 communiants à Villers-Chambellan et une école tenue par le vicaire.



Tout près de là, sur une butte qui subsiste encore, s'élevait un château fort dont l'aspect nous est conservé par un dessin de la collection Gaignières, au Cabinet des Estampes, et qui a été reproduit dans la Revue catholique de Normandie (1). On lit dans un cartouche placé dans le front: « Veue du chasteau de Villers le Chambellan bastie par les seigrs de Tanquarville appartenant à M de Bardouville à une lieue de Pavilly, 1762. »



Saint-Paër



Laissant au Paulu, petit centre industriel, la vallée de Sainte-Austreberte, nous montons une côte très rapide pour nous diriger sur l'église de Saint-Paër.
Sur notre gauche, s'élève dans un endroit sauvage et boisé, le château des Vieux, jadis propriété de la famille d'Epinay Saint-Luc.
Il y avait aux Vieux (2), avant la Révolution, une église dédiée à la Sainte-Trinité. En 1717, la paroisse des Vieux, aujourd'hui réunie à Saint-Paër, ne comptait que 80 communiants et ne possédait ni clerc ni école.

(1) Notes et documents pour servir à l'histoire des communes de la Seine-Inférieure, Villers-Ecalles, par le baron d'Esneval: 4me année, p. 541. Ce château aurait été démoli en 1776 par le président d'Esneval, et tout ce qu'il contenait de remarquable fut porté au château de Pavilly. Les deux belles statues en pierre connues sous le nom de sphinx et qui ornent le parc de Pavilly doivent provenir du château de Villers-Chambellan.
(2) Les Vieux, aujourd'hui hameau de Saint-Paër, de 175 h.


Nous voici à l'église de Saint-Paër qui a été l'objet d'intelligentes restaurations. Entourée de son cimetière où se trouve un beau calvaire, elle mérite d'attirer l'attention des archéologues.

Avant d'entrer sous le porche, nous relevons, sur une pierre tombale, ces mots à moitié effacés:  Ci gît Mr Emile Gabriel de Valori, ancien maréchal de camp... 
La porte, décorée dans le style de la Renaissance, donne accès dans une nef du XIIIe  siècle que couvre un beau berceau en bois dont les poutres sont décorées de sculptures intéressantes. Pendant trop longtemps, on a dédaigné, dans un grand nombre de nos églises rurales, ces voûtes gracieuses pour les recouvrir le plus souvent d'un enduit de plâtre.
La nef est séparée du choeur par une tour « tronquée, du XVIe siècle, voûtée sur nervures portées par des culs de lampe, et flanquée de petits transepts du même temps » (1).
Le choeur, du XIIIe siècle, terminé au chevet par une grande fenêtre rayonnante, est entouré de deux chapelles latérales du XVIe siècle, ornées de jolis pendentifs. Dans la chapelle nord, se trouve un cintre roman, et, dans la chapelle sud, on remarque de curieux grotesques.

En 1717, la paroisse de Saint-Paèr comptait 600 communiants (2) et possédait une école tenue par le vicaire.


(1) M. l'abbé Cochet, Répertoire archéologique du département delà Seine-inférieure, p. 320.
(2) Aujourd'hui, Saiut-Paër est une commune de 997 habitants, mais en y comprenant la population des anciennes paroisses annexées des Vieux et de l'Aulnay,

Elle fut, pendant des siècles, divisée en deux portions, avec un ou deux curés. Pour le XIIIe siècle, nous relevons cette indication : « Magister cujusdam portionis ecclesie S. Paterni ». Au XV siècle, on mentionne, à la date du 22 septembre 1425, fête de Saint-Paër, un obit de Raoul Godefroy, curé de la grande portion de la cure de Saint-Paër, qui avait donné à sa paroisse un antiphonier et un bon psautier... bene notabiliter notatum.

Plus tard, l'abbé de Vertot, l'auteur des Révolutions de Portugal, abandonnait la cure de Fréville, où il ne résidait pas, pour la seconde portion de la cure de Saint-Paër, où, du reste, il ne résida pas davantage.
D'abord religieux de l'ordre des Prémontrés, puis, chanoine régulier de Saint-Augustin, il obtint de la cour de Rome, le 22 février 1695, la permission de posséder ce bénéfice concédé jusqu'à cette époque exclusivement à des prêtres séculiers. Il eut assez de crédit pour obtenir, un peu plus tard, la première portion dépendant de l'abbaye de Jumièges et vacante par la résignation de Denis Le Clerc. L'abbé de Vertot en prit possession le 1er novembre 1702 et il la garda près de quatre années.

En 1706 (1), il se démettait des deux portions de l'église de Saint-Paër qui avaient été pour lui des bénéfices sans grande charge.


(1) L'abbé de Vertot se démit de la première portion le 7 juillet 1706 en faveur de Josepb Le Daim et de la deuxième portion, le 1er décembre 1706, en faveur de Jean Le Bourdais, prêtre du diocèse du Mans, licencié en droit canon. Voir le discours de M. Ch. de Beaurepaire à la Société de l'Histoire de Normandie, le 23 novembre 1882,


Le fait de deux portions à la paroisse de Saint-Paër, doit s'expliquer par l'existence, très anciennement, au hameau de Trubleville, d'une paroisse considérable « dans l'étendue de laquelle, dit Duplessis, étoient deux églises ou deux cures distinctes, l'une sous le nom de St-Paër, l'autre sous le nom de St-Gucuphat. Celle-ci, que l'on appelloit encore la cure du Mouchel, a été détruite par succession de tems et réunie à St-Paër, parce que le village de St-Paër s'éloil agrandi insensiblement des débris du bourg de Trubleville (1). »

Cette opinion semblerait continuée par un aveu (2), auquel nous allons faire quelques emprunts.

Le 6 juin 1755, François, marquis d'Espinay, comte de Rozendal (3), seigneur de Boisgroult, de Trubleville, de l'Eau, de Francvilliers et autres lieux, chevalier de l'Ordre militaire de Saint-Louis, brigadier des armées du Roi, colonel d'un régiment de dragons, confessait et avouait tenir par foi et hommage, le fief, terre et seigneurie de Trubleville, plein fief de haubert, dont le chef était assis dans la paroisse de Saint-Paër, et qui s'étendait sur les paroisses voisines.

En raison de ce fief, il était seigneur patron de Saint-Paër, nommait à la cure jadis dite Dumouchel, seconde portion de ladite paroisse de Saint-Paër et avait « antienne motte sur laquelle l'église de la dilte cure et seconde portion était assize antiennement et bastie. »

(1) Description géographique et historique de la Haute-Normandie, t. I, p. 646.
(2) Archives de la Seine-Inférieure, B. -176, pièce 134.
(3) L'abbé de Vertot avait dû à l'influence de cette famille sa nomination à la cure de Saint-Paër.


Il y avait de plus, droit de chasse à cor et à cry dans la paroisse de Saint-Paër et les lieux circonvoisins, droit de garenne et droit de pêche dans la rivière de Sainte-Austreberte depuis le pré de M. de Bardouville, conseiller du Parlement de Normandie, jusqu'à la Seine où il pouvait jeter trois coups d'épervier.

Ce seigneur tenait, en outre, le fief, terre et seigneurie du Boisgroult, situé en grande partie sur cette paroisse, et qui relevait du Roi par un quart de fief de haubert.

Nous ne voulons pas quitter Saint-Paër sans parler d'une communication faite à l'Association Normande par M. Leroux, rédacteur des Petites nouvelles de Pavilly. Il s'agit du croquis d'un petit monument en pierre découvert sur la commune de Saint-Paër, dans la propriété de M. Groult. Il faut voir, selon nous, dans ce fragment, la base d'un calvaire du XVIe siècle, et non pas une pierre tombale comme on a semblé le croire. La Sainte Vierge y figure au centre, tenant l'enfant Jésus dans ses bras, et au bas, à droite et à gauche, sont représentés les donateurs et les donatrices. Sur le territoire de la commune de Bouville, située non loin de là, existe un petit édicule, presque semblable, surmonté, comme celui de Saint-Paër, d'une petite croix enfer.

Sainte-Marguerite


De Saint-Paër nous nous dirigeons vers Sainte-Marguerite-sur-Duclair. La route que nous suivons ne passe pas par l'Aulnay (1) dont le château (2), construit à peu de distance de l'église, fut longtemps la propriété de la famille Le Gornier de Cideville.

(1) L'Aulnay, hameau de Saint-Paër seulement depuis 1823. D'après les Pouillés, l'abbaye de Jumièges présentait à la Cure.
(2) Le château de l'Aulnay appartient aujourd'hui au comte de Joigny. Il existait un autre château sur la commune de Saint-Paër: le château du Mesnil Varin, propriété de Mme Dieusy, qui n'est plus aujourd'hui qu'un rendez-vous de chasse entouré de beaux arbres. En 1661, nous trouvons mention d'un contrat de fondation en l'église de Saint-Paër par Ch. Deschamps, écuier, sieur du Mesnil Varin.  


Laissant sur notre droite l'église d'Epinay-sur-Duelair (1) qui possède un charmant porche du XVIe siècle, nous arrivons à l'église de Sainte-Marguerite-sur-Duclair (2), joli édifice en pierre à deux nefs, dont l'une renferme le choeur, et l'autre la chapelle de la Sainte-Vierge. Une tour carrée, surmontée d'une flèche et percée de fenêtres du XVIe siècle, se trouve à l'angle nord de la façade. Une porte Renaissance, précédée d'un porche avec la date de 1772, donne accès dans l'église.

On peut signaler à l'intérieur quelques restes de vitraux anciens et plusieurs vitraux modernes qui font honneur au talent de M. Moïse, peintre verrier à Rouen. Mais l'attention se trouve spécialement attirée par les vieilles statues qui décorent l'église et en particulier par une fort belle statue de la sainte Vierge du XVe siècle, placée contre l'autel qui lui est dédié. Ces statues proviendraient, d'après M. l'abbé Cochet, des abbayes de Jumièges et de Fontenelle. En voici l'indication : l'Annonciation, saint Martin, saint Jean, baptisant dans le Jourdain, saint Jacques Majeur, saint Sébastien, sainte Austreberte, saint Ambroise, saint Jean-Baptiste, saint Nicolas, saint Adrien, martyr, saint Vilmer, abbé de Sainte-Marie-des-Bois, saint Vigor, évêque de Bayeux, saint Germain, évêque d'Auxerre, sainte Anne.


(1) Commune du canton de Duclair de 274 h.
(2) Voir M. l'abbé Cochet : Répertoire archéologique de la Seine-Inférieure, pp. 314 et 315.

Après avoir pris congé de M. l'abbé Fressard, qui nous a aimablement fait les honneurs de son église, nous examinons un curieux logis du XVIe siècle, situé au centre du village.

Le Vaurouy


Avant de descendre dans la vallée de la Seine, nous laissons, sur notre droite, l'église du Vaurouy dont on aperçoit le clocher à travers les arbres. Tout près de l'église s'élève un château construit au siècle dernier; il était, il y a peu d'années, la propriété de la famille Le Mire qui fit réédifier l'église en 1864.

La paroisse du Vaurouy, aujourd'hui réunie à Duclair, avait une origine peu ancienne.

Par lettres-patentes données à Paris, au mois de janvier 1658, enregistrées le 16 janvier 1659, en faveur de Henri de Boivin, conseiller au Parlement de Paris, le Roi érigea en paroisse le Vaurouy, plein fief de haubert dont ce magistrat était seigneur. Pour ce fait, on avait réuni et incorporé les fiefs de Dampont, de Torchy et de Rouvre ainsi que les hameaux du Bocage, de Garouge et de Claquemure « autrefois mouvants de la châtellenie du Trait et dépendants de la paroisse de Sainte-Marguerite-sur-Duclair » (1)

Henri de Boivin avait fait l'acquisition de ces différents biens, de Jean du Fay, écuyer, seigneur et comte de Maulévrier, ainsi que cela résulte « desd. lettres pour les fiefs et terres en dépendant, relever de Sa Majesté par un plein fief de haubert, avec permission de faire bâtir et construire une église paroissiale dans un des hameaux portant le nom dud. lieu du Vaurouy. »

(1) Archives de la Seine-Inférieure, B. 175, p. I50.

A raison de ce fief, ce seigneur avait le droit de présenter et de nommer à la cure du Vaurouy, comme l'ayant fait édifier sur son « fond de terre et à ses frais ». II avait de plus assuré trois cents livres pour la subsistance et l'entretien dudil curé. Dans ces différents fiefs situés sur les paroisses de Sainte-Marguerite, d'Epinay et autres paroisses voisines, Henri de Boivin avait domaine fieffé et non fieffé avec droit de haute justice.

La terre du Vaurouy, après avoir appartenu à Charles de Boivin, chevalier, seigneur du Vaurouy, capitaine de vaisseau, devint, à la mort de ce dernier, la propriété d'Antoine-Jérôme de Boivin, prêtre, docteur de Sorbonne, chantre et chanoine de la Sainte-Chapelle, à Paris, abbé commendataire de l'abbaye de Notre Dame de Brignon (1).

Plus tard, le 19 mai 1719 (2), nous trouvons l'aveu baillé par Georges Berruyer, écuyer, seigneur patron du Vaurouy, constatant qu'il était propriétaire de ce fief « tant à droit successif de Jean Berruyer, en son vivant écuyer, qu'au droit de l'acquisition faite par lui conjointement de Messire Antoine-Jérôme de Boivin, prêtre, par contrat passé devant les notaires de Rouen, le 3 août 1717 ».

D'après le journal de Denis Bocquet (3), curé du Vaurouy, publié avec des notes très intéressantes par

(1) Archives de la Seine-Inférieure, B. 176, pp. 135 et 136.
(2) Archives de la Seine-Inférieure, B. 176, p. 137.
(3) Journal du curé du Vaurouy depuis l'an 1696 jusqu'à l'an 1161 (extrait de la Revue de Normandie), Rouen, Cagniard, 1868; 24 p. Voir p. 14. Denis Bocquet, prêtre vicaire de Saint-Michel-d'Hénouville, fut présenté à la cure de Notre-Dame-du-Vaurouy par Georges-Philippe Berruyer, le 14 novembre 1728.


M. Paul Baudry, nous trouvons ces indications : Monsieur Cottart de Rouen visite la terre du Vaurouy, au mois de février 1748.  II la visite encore une seconde fois avec Madame son épouse, à la mi-mars. Après bien des débas de la part de M. Berryer, le samedi de Pâques, le contrat en est passé, le 13 avril. Publication, le Dimanche 28 Ils viennent en cette terre le 18 juin. Ils en repartent le 13 novembre.

« L'an et jour fini, le 30 Avril 1749, ils en prennent possession le 20 may. Le jour de la Pentecôte ils sont saluez seigneurs. »

Duclair


Du Vaurouy à Duclair, nous jouisssons d'un panorama admirable : à nos pieds, s'élève la petite ville de Duclair avec son joli clocher roman et ses maisons groupées sur le bord de la Seine. De l'autre côté du fleuve, Anneville, Berville, Ambourville, Bardouville, localités charmantes, capricieusement enlacées par les eaux de la rivière. A. notre gauche se dressent, dominant la route de Rouen, deux roches bizarres formant un groupe popularisé par la légende et connu sous le nom de Chaise de Gargantua

Arrivés à Duclair, nous nous dirigeons immédiatement vers un hôtel. L'archéologie et la belle nature, loin de nuire à l'appétit des congressistes, a quelque peu aiguisé chez eux le désir de se mettre à table. Pendant les préparatifs du repas, nous avons le temps de parcourir la ville et de visiter l'église, classée à juste titre parmi les monuments historiques.

M. l'abbé Cochet a donné dans son Répertoire archéologique (1), une description, très exacte, mais
nécessairement succincte, de cet édifice, qui mériterait, à bien des titres, une monographie détaillée.

(1) Pages 208, 209 et 210.

Sans parler de ces fameuses colonnes monolithes (1) en marbre rouge ou gris, dont deux sont couronnées de chapiteaux corinthiens en marbre blanc, l'église de Saint-Denis possède des parties romanes intéressantes, un joli portail latéral de la Renaissance, de curieux vitraux et des statues anciennes remarquables.

(1) La hauteur de ces colonnes dont le diamètre est de 0m35, varie entre 1m80 et 2m10. Les archéologues et en particulier M. A.. Darcel se sont beaucoup occupés de ces curieux vestiges qui proviennent peut-être de l'ancienne abbaye de Duclair, détruite par les Normands au IXe siècle. Dans le compte rendu de la séance tenue à la Commission des Antiquités de la Seine-Inférieure, le 2 mars 1843, nous lisons « Dans le milieu du bras de la croix de l'église de Duclair, qui remonte à la fin du e'ou au commencement du XIe siècle, viennent d'être découvertes des colonnes de marbre de 2" à 2"50 de haut, qui paraissent antiques ; elles ont été revêtues d'une couche d'enduit si épaisse qu'on ne les avait pas réhiurquées jusqu'à ce jour. » Un de ces chapiteaux a été reproduit dans la Relation des Excursions faites par la Société française d'Archéologie aux environs de Rouen, à Saint-Georges de Bocherville, Duclair, Jumièges et Saint-Wandrille, par MM. J -M. Thaurin et Robert d'Estaintot. — Caen, A. Ilardel, 1866. — V. p. 36 du tirage à part.

Le patronage de l'église de Duclair appartenait à l'abbaye de Jumièges, qui nommait également à la chapelle de Saint-Nicolas, Saint-Julien et Saint-Paul, située près le bois de Jumièges. Duplessis s'étend sur l'histoire de celte chapelle (2). léproserie en 1439 et à « laquelle la cure des âmes était annexée ». On la trouve longtemps mentionnée, sous le nom de chapelle


(2) Description géographique et historique de la Haute-Normandie, t. II, pp. 52.i et 524.


de Saint-Nicolas et de Saint-Paul. Plus tard, au XVIIe siècle, on la trouve dédiée à trois patrons. Nous voyons, en effet, à la date du 12 novembre 1665, Jacques De la Brosse, curé de Saint-Valentin de Jumièges, mettre Robert James, religieux de Jumièges, en possession de la chapelle de Saint-Nicolas, Saint-Julien et Saint-Paul.

Il y avait, au VIIe siècle, à Duclair, une abbaye d'hommes qui eut une existence assez longue.

En 1717, Mgr d'Àubigné visitait Duclair, qui avait 600 communiants avec écoles pour garçons et filles. D'après les Etats transmis à l'Administration centrale le 26 messidor an III, la population de cette ville était de 1,300 habitants. Elle est aujourd'hui de 1,951 habitants, en y comprenant la population de l'ancienne paroisse du Vaurouy.

« Le 11 juin 1198, dit M. l'abbé Tougard (1), Richard Goeur-de-Lion passant à l'abbaye de Jumièges la fête de la Pentecôte, établit en faveur de ces religieux un marché à Duclair, le mardi de chaque semaine ».

Ce marché, un des plus importants du département,se tient encore tous les mardis, et il s'y fait un grand commerce de canards renommés dans la France entière et fort appréciés par les gourmets.

Si nous n'eûmes pas le plaisir de visiter Duclair par un jour de marché, comme le botaniste Antoine-Nicole Duchesne (2) et son père, qui trouvèrent, le 24 août
1762, « la place vivante et peuplée » et qui eurent l'honneur de « siéger à la place des conseillers assesseurs et d'entendre les Normands plaider leur cause eux-mêmes », nous eûmes du moins, comme eux, le plaisir de trouver un excellent repas, non pas à l'auberge du Bailliage, à l'Ecu de France, qui a sans doute disparu depuis longtemps, mais à l'hôtel de la Poste.
De la salle à manger, nous pouvions jouir du spectacle de la Seine, animée par le mouvement des navires et le va-et-vient du bac à vapeur reliant les deux rives du fleuve.

1 ) Géographie du département de la Seine-Inférieure, arr. de Rouen, p. 246.
(2) Voyage d'Antoine-Nicolas Duchesne, an Havre et en Haute-Normandie, 1762, publié avec notice par l'abbé P. Bernierdans la 4° série des Mélanges publiés par la Société de l'Histoire de Normandie. Rouen, 1898. Voir pp. 240 et 24t.

Malgré le charme du spectacle, aussitôt le déjeuner terminé, nous remontons en voiture pour gagner Jumièges. A droite de la route que nous suivons, s'étend la forêt du Trait; à gauche, la forêt de Jumièges.Nous longeons le château du Taillis, construction du XVIe siècle, ancienne propriété des Du Fay du Taillis, dont l'un fut. bailli de Rouen (1).

Jumièges


Laissant sur notre droite la curieuse église d'Yainville, que nous visiterons au retour, nous traversons, avant d'arriver à Jumièges, une plaine sablonneuse et triste, que dominent les deux tours de l'antique abbaye.

Nous ne pouvons songer à donner, dans le simple récit de notre excursion, une description exacte et détaillée des ruines de Jumièges, que nous avons visitées avec tant de charme. Des écrivains distingués, des historiens consciencieux, des artistes consommés, ont été séduits par ces précieux vestiges qu'ils ont
su faire revivre aussi bien par la plume que par le crayon.

(1)  Ce château appartient à M. Lenepveu

Nous avons pensé qu'il ne serait peut-être pas sans intérêt, avant de parler à notre tour, de ces ruines, de rappeler quelques-unes des grandes publications qui les ont fait connaître dans notre siècle.

Citons tout d'abord l'Ancienne Normandie (1), de MM. Ch. Nodier, J. Taylor et Alph de Cailleux, éditée en 1826 par Didot. Jumièges y tient une place importante (2). Douze lithographies d'après Fragonard, Taylor. etc., rendent parfaitement la vue des ruines et accompagnent un texte, d'un style romantique, plein de poésie. Ces lithographies sont souvent tirées en plusieurs états, et quelquefois en couleur.

Deux années après la publication de L'Ancienne Normandie, paraissaient à Londres deux volumes in-folio (3), consacrés aux Antiquités de la Normandie. D'un dessin froid, mais archéologique, l'artiste Cotman a su rendre l'aspect de la plupart de nos vieux monuments. Trois planches sont consacrées à Jumièges (4).


(1) Voyages pittoresques et romantiques de VAncienne France, — Ancienne Normandie. — 3 vol. Le tome III, consacré au Calvados, à l'Orne et à la Manche, est rarissime.
(2) T. II, pp. 39 à 53.
(3; Architectural Antiquities of Normandy, by John Sell Cotman, accompagnied by historical and descriptive notice by Ûawson Turner, esq. F. R. and A. S. Londori, 1822. — Les planches de cet ouvrage ont été rééditées par Lévy , Paris, 1SSI, dans un ouvrage dont voici le titre : Les Antiquités monumentales de la Normandie. Cent planches gravées par Cotman, avec texte de Louisy. Elles valent moins que celles de l'édition de Londres.
(4) T. I. pp. 2 à 4.

En 1852, MM. Charpentier père et fils, éditeurs à Nantes, consacraient à la Normandie un grand ouvrage accompagné de lithographies très artistiques (1). Dans la première partie du premier volume, se trouve une vue des ruines de Jumièges, accompagnant le texte de Mlle Bosquet.

Plus récemment, signalons deux études parues sur Jumièges; la première de M. l'abbé Loth, dans les Environs de Rouen (2), ouvrage édité par Auge; la seconde, de M. Darcel, dans la Normandie monumentale et pittoresque (3), publiée par M. Lemâle. Citons enfin les ouvrages spéciaux de l'Histoire de L'Abbaye Royale de Jumièges, par C.-A. Deshayes (4) l'importante publication faite par la Société de l'Histoire de Normandie, suivie d'une notice, très littéraire.

(1) La Normandie illustrée, monuments, sites et costumes de la Seine-Inférieure, de l'Eure, du Calvados, de l'Orne et de la Manche, dessinés d'après nature par J. Benoist et lithographies par les premiers artistes de Paris. — 2 vol. in-folio.
(2) Les Environs de Rouen, cent vingt dessins par Fraipont, texte de MM. H. Allais, Beaucousin, Ch. de Beaurepaire. E. Brieux, G. Dubosc, J. Félix, J. lïédou, Ch.-J Lapierre, l'abbé Loth, l'abbé Sauvage, Antony Yalabrègue. — Rouen, Auge, 1890, v. article sur Jumièges, p. 33 à 52.
(3) La Normandie monumentale et pittoresque. — Seine-Inférieure. — Photogr. de E. Letellier, héliogr. de P. Dujardin, Le Havre, Lemale et Ce, gr. in-fol. 1895.
(4) Rouen, Baudry, 1829.
(5) Histoire de l'abbaye Royale de Saint-Pierre de Jumièges, par un religieux Bénédictin delà Congrégation de Saint-Maur. — Signalons encore les articles parus dans le Magasin pittoresque, t. IV, pp. 121 et 122, avec gravures des ruines ; t. VIII, tombeau des Énervés, pp. 103 et 104. gravure de la tête d'une des statues des Énervés de Jumièges, d'après Langlois; — des passages dans l'ouvrage intitulé : La Seine et ses bords, par Ch. Nodier, vignettes par Maiville et Joussereau; Paris, in-8°, 1836; v. pp. 156 à 158, une vignette représente les ruines de Jumièges, prises de la Seine ; — La Normandie, par Jules Janin, illustrée par MM. Morel Fatio, Tellier, Gigoux, Daubigny, Debon, H. Bellangé, Alfred Johannot; Pans, Ernest Dourdin, éditeur, in-4°; v. p. 557 à 561, avec gravures sur Jumièges ; — Abbayes et monastères, histoire, monuments et ruines, par M. l'abbé J.-J. Bourrasse, illustrations par Clerget, Lancelot et Karl Girardet ; Tours, Marne, 1870, in-8-; v p. 192 à 202, avec gravures sur Jumièges. — Les riches albums delà Commission des Antiquités de la Seine-Inférieure renferment également de très belles aquarelles de Langlois sur Jumièges.

Malgré ces études, dont quelques-unes sont remarquables, l'histoire de cette abbaye reste à écrire et un pareil sujet serait de nature à inspirer un érudit qui serait doublé en même temps d'un artiste.

Jusqu'à la Révolution, ce monastère connu, dans le monde chrétien, par sa générosité envers les pauvres et surnommé ajuste titre Jumièges l'Aumônier, s'était toujours relevé de ses ruines. Son histoire est là pour le prouver.

Fondée par saint Philbert en 654. l'abbaye de Jumièges était dévastée, en 851, par les Normands. Elle sortit de cette épreuve, plus puissante que jamais. Le ler juillet 1067, le bienheureux Maurille, archevêque de Rouen, accompagné de plusieurs évêques et d'une foule imposante, consacrait solennellement la grande église Notre-Dame. Saccagée en 1418 par les Anglais, elle fut de nouveau mise au pillage et dévastée en 1562 par les Huguenots. Réédifiée dans les deux derniers siècles, elle devait succomber sans doute pour toujours dans la tourmente révolutionnaire.

Placée entre Saint-Georges de Boscherville, dont l'église sert au culte paroissial, et Fontenelle où les Bénédictins sont venus reprendre les nobles traditions du passé, Jumièges est resté un lieu de désolation.

Nous mentionnerons les faits qui ont conduit à cet état de choses en mettant à profit les renseignements précis fournis par M. l'abbé Loth (1).

L'abbatiale Notre-Dame fut ouverte pour la dernière fois au culte au commencement de l'année 1793, à l'occasion du départ des volontaires pour la frontière.

Le curé de Jumièges ayant refusé de la prendre comme église paroissiale, parce qu'il la trouvait d'un entretien trop dispendieux, le mobilier fut dispersé en grande partie dans les églises des environs. La riche bibliothèque du monastère, recueillie par Dom Gourdin, forme aujourd'hui un fonds important de la bibliothèque de Rouen.

Vendue en 1795 au receveur des domaines nationaux, Pierre Lescuyer, l'abbaye de Jumièges fut acquise, en 1797, par M. Capon, banquier à Paris, qui la dépeça. En 1802, M. Lefort, marchand de bois à Canteleu, se rendit acquéreur des deux églises Notre-Dame et Saint-Pierre, ainsi que des bâtiments conventuels, puis « passa des marchés avec des entrepreneurs de Rouen et de la Mailleraie pour la démolition générale »» (2).

(1) Voir les Environs de Rouen, pp. 51 et 52.
(2) Ibid., p. 51.

Sous la pioche de ces vandales, toutes les merveilles de l'art le plus exquis, acccumulées pendant plusieurs siècles de foi, s'effondrèrent. « Les voûtes, dit M. Savalle, s'écroulaient avec fracas sous d'immenses nuages de poussière. La mine qui devait, d'un seul coup, mettre à bas la grande tour carrée, lit mal son effet ; et l'on voit encore un gigantesque pan de muraille de la lanterne, seul, debout dans l'air, dominant la nef, au-dessus d'une voûte de quatre-vingts pieds, soutenu par deux piliers contemporains de saint Philbert, c'est-à-dire inébranlables depuis douze siècles ».

Parmi les étrangers qui visitaient Jumièges à cette époque, plusieurs enlevèrent ou firent enlever des débris intéressants. Les Anglais se signalèrent par leur rapacité, et ils auraient, dit-on, transporté dans leur pays le magnifique cloître de l'abbaye.

Deux événements arrêtèrent en 1824 ces abus qui auraient fini par compromettre les ruines elles-mêmes. Le 24 juillet, Madame la duchesse de Berry visita Jumièges. La présence en ces lieux de Son Altesse Royale accompagnée du comte de Maynars, de la duchesse de Reggio et de la duchesse d'Hautefort. sembla jeter sur ce sol désolé comme un reflet des beaux jours d'antan.
L'allégresse des habitants fut universelle, et, pour en perpétuer le souvenir, ils firent graver, nous dit M. Deshayes, la date de cette journée sur une lame de cuivre qu'ils placèrent dans leur église (1).

(I) Histoire l'Abbaye Royale de Jumièges, p. 164, I65 et 166.

Ce fut également en 1824 que M. Casimir Gaumont acheta Jumièges. En homme de goût, il garda avec un soin jaloux ces ruines imposantes et rassembla les fragments curieux qu'il put recueillir.

Ces traditions, comme nous avons été heureux de le constater après tant d'autres, ont été continuées par la famille Lepel-Cointet, propriétaire de Jumièges depuis 1854.

Nous commençons notre visite par la grande église Notre-Dame, dont nous admirons le portail, flanqué de deux belles tours, hautes encore de 50 mètres, bien que privées de leurs flèches. On pouvait encore, il y aune vingtaine d'années, monter dans une de ces tours et jouir du sommet d'un panorama admirable. On en a interdit l'accès par mesure de prudence.

L'intérieur de ce vaste édifice présente encore, s'il est possible, un aspect plus désolé que l'extérieur. La voûte de la grande nef est tombée et les arbustes poussent çà et là sur ces antiques murailles.

Entre la nef et le choeur se dresse un vaste pan de muraille, seul débris de la tour centrale, haute de quarante et un mètres. Elle supportait une flèche de plomb très élevée, supprimée par l'abbé commendataire, Gabriel Le Veneur. Le choeur et les transepts sont du XIIIe siècle, excepté toutefois les deux murs ouest des transepts, qui sont de l'époque de la construction primitive. Dans le transept nord, dédié à la sainte Vierge, se trouvait le mausolée qui renfermait le coeur d'Agnès Sorel. Elle était représentée à genoux, tenant son coeur entre ses mains, et elle l'offrait, repentante, à la sainte Vierge. La statue fut détruite par les Calvinistes, mais la table de marbre nous est restée avec sa curieuse inscription. Achetée après la Révolution, sans
doute par un entrepreneur dans un lot de démolitions, elle servait de marche à une maison de la rue Saint-Romain, à Rouen. M. Auguste Le Prévost, la remarqua, et elle lut rapportée à Jumièges. Elle figure aujourd'hui dans le musée lapidaire, à côté des pierres tombales des Enervés, de Nicolas Leroux et de Pierre Leguerchoys, etc.

Elle est longue de 2m36 et large de 1m10. On lit sur trois côtés de la tranche de cette dalle, l'inscription suivante : (1) Cy gist noble damoiselle Agnès Seurelle, en son vivant dame de Beaulté, de Roqueferrière, d'Issoudun et de Vernon-sur-Seine, piteuse entre tou (tes gens) et qui largement aumosnoit de ses biens aux eglyses et pouvres, laquelle trespassa, le neuvième jour de février en l'an de grâce M. CCCC et XLIX. Priez Dieu pour elle.

(1) M. l'abbé Cochet. — Répertoire. 

Dans un des salons du château de la famille Lepel-Cointet, on conserve précieusement, encadrés sous le même verre, des cheveux de la belle Agnès et la lettre d'envoi adressée, le 19 juillet 1829, à M. Casimir Caumont par Mlle Aglaure Barbet, fille de M. Barbet, maire de Rouen et pair de France. Ces cheveux proviennent de Loches, où le corps d'Agnès Sorel fut exhumé au moment de la Révolution. « On m'a assuré, dit Mlle Barbet, que le squelette fut trouvé parfaitement conservé. Le maire (de Loches) qui, par ses fonctions, était obligé d'assister à cette profanation des tombeaux, prit la chevelure dont quelques brins que je vous envoie faisaient partie...  »

Poursuivant notre route, nous arrivons dans le choeur, dont il ne reste guère plus que les soubassements des colonnes. La chapelle de la Sainte-Vierge, édifiée un peu plus tard, n'a gardé de sa magnificence passée que des bases de colonnettes et des bancs de .pierre, placés le long des murs. Cette partie de l'église, qui mesurait 33m60, ne présente partout que des ruines. Des chapellesqui rayonnaient autour du choeur, trois sont encore debout au midi, avec leurs colonnettes, leurs chapiteaux et leurs curieuses peintures.
Sur leurs voûtes crevassées, les pins et autres arbustes ont poussé çà et là, continuant l'oeuvre de dévastation et donnant à ces lieux un aspect à la fois poétique et étrange !

Des ruines de l'église Notre-Dame, nous pénétrons dans les ruines de l'église Saint-Pierre, parallèle à la grande église, et où se trouvait le tombeau des Enervés. C'était dans cet édifice que les religieux se réunissaient pour leurs offices.

Construite sous Dagobert, elle fut ruinée en grande partie par les Normands en 840 et rebâtie plus tard grâce aux largesses de Guillaume Longue-Epée. Le choeur et la majeure partie de cette église furent refaits au XIVe siècle. Pour se rendre d'une église à l'autre, on passait derrière la salle capitulaire, et de là, on pénétrait sous une galerie voûtée qui aboutissait au transept de l'église Notre-Dame.

L'extrémité du mur nord de l'église Saint-Pierre présente une double arcature romane, dégagée, en 1859, par M. Jolivet, archéologue. On y remarque également plusieurs curieux médaillons.

Dans le mur sud, vis-à-vis de la quatrième travée du nord, l'on distingue encore, au milieu d'une végétation luxuriante, la chapelle de Saint-Martin et une clef de voûte représentant saint Philibert et le loup légendaire.
Au-dessus de cette chapelle se trouvait une petite pièce connue sous le nom de chambre de saint Philibert. C'est là que, suivant la tradition, le fondateur de Jumièges serait venu se recueillir et prier pour la grande oeuvre qu'il avait entreprise.

Nous visitons ensuite la salle eapitulaire, située entre les deux églises, et où furent inhumés un grand nombre d'abbés (1). Le 22 octobre 1834, dit M. l'abbé Cochet, MM. Deville, Taylor et Casimir Caumont y exhumèrent deux abbés, ayant encore leurs crosses de cuivre, des restes de vêtements sacerdotaux, des bottines de cuivre et autres ornements. Les corps étaient enfermés dans des cercueils composés de pierres plates en plusieurs morceaux comme les sarcophages du XIIe ou du XIIIe siècle. »

Tout près de l'église Saint-Pierre se trouvait le cloître, merveille d'art et de goût et dont nous avons signalé plus haut la disparition. « La majeure partie des piliers et colonnes qui soutenaient les voûtes, était sculptée à jour, et le haut des voûtes, au croisement des nervures qui les soutenaient, était orné de pendentifs ou culs-de-lampe, les uns sculptés en filigrane, et les autres offrant la représentation d'anges, de saints, de fruits, de fleurs et d'autres objets, d'un travail très estimé »(2).

(1) M. Deville a compté onze tombeaux d'abbés.
(2) Deshayes : Histoire royale de Jumièges, 191 et 192.


Après avoir parcouru la salle des Gardes de Charles VIl et les caves construites par l'abbé de Martimbos au commencement du XVIIe siècle, nous visitons le musée lapidaire, installé dans l'ancienne porterie, seule partie de ce riche monastère qui soit restée intacte au milieu de tant de ruines. A côté des belles pierres tombales que nous avons signalées plus haut, on a placé des colonnes, des chapiteaux, des inscriptions.

Enfin, nous avons le plaisir de pénétrer dans les salons de l'Abbatiale moderne, grâce à une faveur spéciale de la famille Lepel-Cointet, à laquelle, si elle eût été à Jumièges, M. le Directeur eût été heureux d'exprimer sa bien vive reconnaissance et celle de la Société.

A côté de meubles anciens, figurent beaucoup d'objets, de gravures, etc., dont plusieurs proviennent de la célèbre abbaye ou se rapportent à son histoire.

Nous ne pouvions quitter Jumièges sans voir l'église paroissiale dédiée à saint Valentin, et trop souvent dédaignée par les étrangers.

Entourée d'un vaste cimetière planté de pommiers, elle se trouve à l'entrée du petit bourg quand on vient d'Yainville. La nef de celte église est des XIe et XIIe siècles, tandis que le choeur a été construit à l'époque de la Renaissance sur de vastes et belles proportions. Les huit chapelles qui rayonnent autour du choeur, sont intéressantes et présentent de curieuses verrières. Un affreux clocher, inachevé, se trouve placé entre le choeur et la nef.

Yainville


De Jumièges à Pavilly,nous ne nous arrêterons plus qu'à l'église d'Yainville, au chevet de laquelle passe la route. C'est un curieux édifice du XIe siècle, de très petite dimension et dont on devrait la construction, d'après M. Houël, à Robert 1er, duc de Normandie.

Dédiée à saint André, cette église se compose d'une nef, d'une grosse tour servant aujourd'hui de choeur et d'une abside demi-circulaire. Elle offre une resseblance frappante avec l'église de Newhaven, en Angleterre. Une gravure des deux églises soeurs, comme les appelle M. l'abbé Cochet, fut publiée dans les Sussex archoeological collections (l).

Longtemps, l'église du Trait, voisine de l'église d'Yainville, ne fut qu'une succursale d'Yainville. En 1522, nous trouvons Guill. de Miremont, curé d'Yainville (2), bailler à ferme à Guill. Le Roy, prêtre, l'église de Tractu-Yanvilla, pour sept ans. Le chapelain devait y résider. Plus tard, en 1647, nous voyons un Michel de la Rue, vicaire perpétuel ou curé d'Yainville et de la chapelle du Trait.

Peu d'années après, le Trait devenait, au contraire, paroisse, et Yainville, simple succursale (3).

D'Yainville à Duclair, nous suivons la route que nous avions prise pour nous rendre à Jumièges, mais, à partir de cette ville nous nous engageons tout de suite dans la charmante vallée de Sainte-Austreberte que nous parcourrons jusqu'à Pavilly, c'est-à-dire pendant 12 kilomètres. De vertes prairies, des coteaux boisés, çà et là encore quelques chaumières, reposent la vue et font oublier le trop grand nombre d'établissements industriels qui se sont élevés depuis quelques années dans cette vallée.

Vers sept heures du soir, nous étions de retour à l'Hôtel de la Croix d'Or, ravis de cette promenade, qui comptera parmi les plus intéressantes excursions de l'Association Normande.

(1) Vol. IX, p. 92.
(2) Plus anciennement, en 1251, nous trouvons cette mention dans le fonds de Jumièges, Archives de la Seine-Inférieure, Eenrico, reclore S. Andrée de Yainvilla.
(3) Aujourd'hui Yainville, commune de 281 hab., est desservie par le vicaire de Duclair.




Haut de  page