Au cimetière de Jumièges, deux tombes fleuries forment le carré britannique. Ce sont celles de William James Clarke et Horace Tongue. Hommage...



William James Clarke avait trente ans. Il était le fils de Charles Albert et d'Annie T. Clarke, de la ville de Pentre, comté gallois de Glamorgan.
Quant à Horace Tongue, il avait 26 ans et était le fils de Charles William et May Tongue, de Worksop, dans le comté anglais de Nottinghamshire. Ces deux jeunes hommes portaient l'uniforme des South Wales Borderers, les Frontaliers du Pays de Galles du sud, un régiment d'infanterie créé en 1689 et dont le drapeau avait flotté dans bien des conflits : la guerre d'indépendance des Etats-Unis, la guerre anglo-zouloue, celle des Boers et puis 14-18.

Horace Tongue. On ne possède pas de portrait de son compagnon d'armes.

Un régiment prestigieux


Quelques-uns des soldats du South Wales Borderers qui ont débarqué le 6 juin 44...

Clarke et Tongue appartenaient au second bataillon du South Wales Borderers. Au début de la seconde guerre, celui-ci avait participé à la campagne en Norvège contre les armées nazies mais, défait, il avait dû être évacué.
En 1944, il eut l'honneur d'être le seul bataillon gallois engagé dans le débarquement en Normandie. Il comptait 600 hommes. Dès le mois de mars, Clarke et Tongue avaient subi deux mois de formation pour préparer l'opération.
Quand vint le mois de mai, ils rejoignirent les milliers de troupes alliées massées sur leur zone d'embarquement. Ils seront sous les ordres du lieutenant-colonel Richard Walter Craddock. Une fois débarqués à Gold Beach, près d'Arromanches, leur mission sera d'atteindre Bayeux et de s'emparer, chemin faisant, d'une station radar, du pont fortifié de Vaux-sur-Aure. Ensuite, il faudra faire la jonction avec les troupes américaines venant sur leur droite. C'était un plan ambitieux...



Durant la longue matinée du 6 juin, les hommes du 2e SWB, partis de Southampton la veille au soir, resteront assis dans leur péniche de débarquement, Percevant les explosions et la fumée des combats menés par les premières vagues d'assaut. Ce n'est que peu avant midi que l'ordre fut donné de débarquer. Deux hommes périrent alors noyés. Mais l'unité ne rencontre que peu de résistance et progresse assez vite. Elle s'empare de la station et, peu avant minuit, du pont déserté, ayant gagné plus de terrain qu'aucune autre unité. Clarke et Tongue passent leur première nuit sur le sol français au nord de Bayeux qui est libérée le lendemain.


Le pont libéré le 6 juin à 23h50 par le régiment porte une plaque commémorative. (BBC News)

Mais la route est encore bien longue jusqu'à l'Allemagne. Onze mois de durs combats s'annoncent. Blessé lors de la prise du château de Sully, Craddock est remplacé par le lieutenant-colonel Barlow. Caen, Falaise, le Risle... Le 2 septembre 44, après trois mois de campagne, le bataillon franchit la Seine pour rallier Caudebec. Ce sont des bateaux d'assaut de 14 places qui servent aux traversées. Quand, emportée par une vague, une embarcation chavire à 30m de la berge. Alourdis par leur équipement, quatorze soldats se noient.


Les deux sépultures de Jumièges (Photo : Didier Cavelier)


Enterrés à la hâte, leurs sépultures auraient été profanées, étant confondues avec celles de soldats allemands. En 1946, huit dépouilles furent transférées dans les cimetières militaires du Commonwealth, dans le Calvados.
Dennis-Charles Poulston, Charles Henry Slater, James Swaine Slater, Frederick John Smart et Keneth Henry Towell reposent
à Saint-Désir-de-Lisieux.
Hubert Baxter, Thomas Herbert Cowles et Fred Smith dorment
à Banneville-la-Campagne. En Seine-Maritime, Trévor Morgan est inhumé dans le cimetière civil de Vatteville-la-Rue, David Morgan Granville Rees et William George Stafford dans celui de Saint-Nicolas de Bliquetuit, Thomas William Taylor à Villequier et donc William James Clarke et Horace Tongue à Jumièges où leur tombe est régulièrement fleurie. Leur dépouille aurait été repêchée près de la cale d'Heurteauville. L'emblème de leur régiment a été finement sculpté sur leur sépulture. (Photo : Didier Cavelier). Depuis 2006, une plaque commémorative réunit les noms des quatorze victimes près de l'ancienne cale de Bliquetuit.

Après le passage de la Seine, le 2e SWB gagna Caudebec, Rouen, Le Havre... Il sera des troupes d'occupation en Allemagne jusqu'en 1948.


Passage des troupes alliées d'Heurteauville à Yainville (G. Fromager / Musée de Duclair).