Qui fut le tout dernier moine à franchir la porte de l'abbaye de Jumièges ! Qui ferma ainsi la marche de mille ans d'histoire ! Enquête en filature...


En 1867, Emile Savalle publie Les derniers moines de l'abbaye de Jumièges. Enfant du pays, il affirme tenir ses informations des anciens de Jumièges. Or sa liste ne résiste à l'analyse. Elle est truffée d'erreurs. Non pas que les noms qui y figurent sont fantaisistes. Mais elle est caduque, antérieure de quelques mois à la révolution.

Les congrégations étant suppripées, la municipalité de Jumièges vint les 7 et 10 mai 1790, interroger les moines sur leur intention. Voulaient-ils poursuivre la vie communautaire ou entrer dans le monde ? Les liste établie alors par les édiles diffère de celle de Savalle. Et c'est la bonne. Certains noms sont cependant communs. Comparons...
LISTE COMMUNE A SAVALLE ET AUX ELUS

Dom Bride, prieur.
Dom Banse
Dom Courbet, sénieur
Dom Hubert
Dom de Montigny, procureur et cellérier
Dom de Mésanges, grand chantre
Dom Outin, bibliothécaire
Dom Paimblan, dépositaire
LISTE SAVALLE

Dom Benoît
Dom Cadet, sous-prieur
Dom Catelain, profès, non prêtre
M. Gobbe, profès, dépensier
Dom Monthois
Dom de Saulty, cellérier
Dom Soullier
Dom Vasseur, non prêtre

LISTE DES ELUS

Dom Allix
Dom Broncquart
Dom  Despinosse, sénieur
Dom Durel, doyen
Dom Gobard
Dom Guesdon
Dom Montéage
Dom de Quâne
Dom Valincourt


Soit huit moines en commun. Savalle nous en ajoute huit qui ont en réalité quitté l'abbaye avant mai 1790. Les élus eux en comptent dix autres et qui sont bien là.Ainsi, nombre d'historiens reprendront plus tard, sans la vérifier, la liste erronée de Savalle. Comme Edward Montier.

Avant de reléguer définitivement la liste Savalle à la corbeille, voici ce que nous savons de ces moines partis de Jumièges avant mai 1790.

Dom Benoît: mort au Bec où il exerça la pharmacie durant la Révolution.
Dom Cadet, Olivier Joseph, né à Pont-Audemer, profès à Jumièges le 11 août 1773 puis sous prieur avant Bance, religieux aux Préaux en 1790, se retira à Caudebec où il avait des parents drapiers.
Dom Catelain. Né à Ligny, Pas-de-Calais, profès à Jumièges en 1788. Parti pour Saint-Wandrille. Il en sera le maire à la Révolution et un bon père de famille...
Dom Gobbé, dépensier, est mort curé de Serquigny.
Dom Placide Jacques Monthois deviendra curé de  Senvic, près du Havre.
Dom de Saulty, en disgrâce à Caen, il revint à Jumièges où il sera maire.
Dom Soulier, né à Laon en 1748, profès à Jumièges en 1767. Sénieur à Josaphat en 1790.
Dom Vasseur. Né à Saint-Pol, Pas-de-Calais, profès à Jumièges le 19 décembre 1780, il y résidait encore en 1790. Prêtre à Saint-Pol fin 1793.


Nous avons donc vu quels sont les moines de Jumièges encore présents à cette date. Les vrais. Ils sont 18...


LA DERNIÈRE COMMUNAUTÉ


Dom Bride

Pierre Amand Bride a 49 ans et occupe la fonction de prieur depuis 7 ans.
Religieux depuis 30 ans, il ne sait encore où aller.
Il est encore attesté à Jumièges le 22 juin 1791. Puis il quittera Jumièges pour occuper la cure de Bolbec. A ce titre, il sera l'un des pillards de son ancienne abbaye...
Parcours
1741: naissance à Beaumont-en-Auge (14)
7 novembre 1759: profès à Jumièges à 18 ans.
1775-1779: prieur de Saint-Germer-de-Flaix
1779-1781: prieur de Saint-Niçaise-de-Meulan.
1783-1791: prieur de Jumièges.
1791: curé de Bolbec.
1802: curé d'Yvetot
17 mai 1810: décès à Yvetot.

PROFIL

Bride en impose par son extérieur. Il est d'une taille élevée: 5 pieds et 4 pouces, "les cheveux et les sourcils gris, les yeux bruns, le nez épaté, la bouche moyenne, le menton large, le front découvert, le visage plein."
Sa nomination à Jumièges fut contestée. Lire:
Dom Bride imposait à ses religieux une stricte observance des règles.
Des accusations d'enrichissement personnel furent portées contre lui.
Les représentants de Bolbec furent particulièrement conspués lorsqu'ils vinrent se servir en mobilier. C'est pourtant à Bolbec que Bride allait devenir curé constitutionnel en 1791
Bride laissa le souvenir d'un homme très estimé à Bolbec et Yvetot où on le disait l'ami des pauvres. Nommé par Mgr Cambacérès, archevêque de Rouen, il fut curé de l'ancienne principauté du 9 août 1802 au 17 mai 1810, date de sa mort. Son domestique de 29 ans, Pierre Achez, déclara son décès et l'adjoint au maire ne put inscrire ni le lieu de naissance ni le nom des parents du défunt.

Dom Courbet


Né à Rouen le 22 avril 1724, profès à Jumièges le 3 février 1752. Sénieur, Nicolas Courbet a 67 ans et porte l'habit depuis une quarantaine d'années. Il a été souffrant peu de temps avant et l'on a rétribué le garde-malade du comte de Saint-Germer pour s'en occuper. Dom Courbet entend se retirer où bon lui semblera pour jouir de sa pension.

Dom de Montigny

Né à Falaise le 12 avril 1744, profès à Séez le 8 octobre 1761, 46 ans, procureur et cellérier de l'abbaye, Jean-Jacques de Montigny réserve sa réponse. Il est manifestement déservant de la chapelle d'Heurteauville depuis 1783. Sa prestation de serment :

"Aujourd'hui, onze vendemiaire an cinq de la République française, une et indivisible, au lieu des séances de l'administration municipale où se trouvoit le citoyen Bertaux, vice président, et le citoyen Chrétien, administrateur, a comparu le citoyen Jean-Jacques de Montigny, domicilié à Jumièges, hameau de Hertauville, lequel à prêté le serment suivant.

Je jure haine à la Royauté et à l'anarchie, fidélité et attachement à la République et à la constitution de l'an trois. A, le citoyen, demandé acte de ce serment qui lui a été accordé les jour, mois et an que dessus."
Signent les susnommés ainsi que Barette.

17 mai 1796 : "Nous soussignés, administrateurs municipaux du canton de Duclair, certifions sur l'attestation des citoyens Nicolas Bastille, de la commune du Mesnil-sous-Jumièges, Jean Jacques Nicolas Delarue, de la commune de Jumièges et François Tropinel, de la même commune, le premier cultivateur, le second employé dans les bureaux de cette administration et le troisième marchand d'étoffe que Jean Jacques de Montigny, âgé de cinquante ans, ci devant bénédictin, taille de cinq pieds 12 pouces, cheveux et sourcils roux, portant perruque, yeux bleus, nez relevé, bouche moyenne, menton allongé, front haut, visage ovale, réside et a résidé sans interruption en la commune de Jumièges, maison appartenante à la communauté du dit lieu de Jumièges, hameau d'Hertauville, depuis le quinze novembre mille cept cent quatre vingt trois, vieux style, jusqu'à ce jour."

Ecarté, il reprend du service en 1802 et meurt à l'autel de la chapelle du Bout-du-Vent le 31 août 1811. Une mort à la Molière...

Dom Gobard

Né à Bernay le 16 octobre 1758, profès à Jumièges le 28 octobre 1779. Gaspard Léon Gobard a 31 ans. Il compte prendre sa liberté.

Dom Painblan

Né à Aubigni, diocèse d'Arras, le 26 août 1757, profès à Saint-Germer le 9 septembre 1778. 32 ans et 8 mois, dépositaire de l'abbaye. N'a pas encore pris de décision.
Il signe encore une inhumation au Mesnil-sous-Jumièges en janvier 1793. Il finira par regagner l'Artois.
C'était un commensal de Saulty, l'ancien cellérier absent de l'abbaye au moment de la Révolution. Il était en disgrâce à Caen pour avoir regardé de trop près Mlle Dinaumaire.
Revenu à Jumièges en 1792, il briguera un mandat politique et finira par s'asseoir dans le fauteuil de maire. Il mourra... chez Mlle Dinaumare.
Dom Painblanc eut donc ses entrées chez Saulty  le temps qu'il resta encore à Jumièges. Et puis il disparut.
Le 30 ventôse de l'an VIII, on s'interroge : "Nous, administrateurs municipaux du canton de Duclair certifions que le citoyen Painblanc, ex religieux bénédictin dy devant domicilié à Jumièges est absent de la ditte commune depuis trois ans, qu'il a été porté au tableau des pensionnaires ecclésiastiques rédigé dans ce canton jusqu'à ce jour mais qu'il n'a point touché le secours qui lui est accordée depuis et compris le premier semestre de l'an 4, qu'enfin sa longue absence nous fait présumer qu'il a transporté son domicile ailleurs et que son intention serait d'être inscrit dans un autre département, que cette présomption est dondée sur ce qu'il ne nous à point produit les pièces exigées par l'arrêté du directoire exécutif du 5 prairial an six."
Alors, où est donc dom Painblan. Eh bien, nous l'avons retrouvé dans sa famille, à Montigny. Le canton étant vidé de ses prêtres, il rendit des services aux paroisses. Chaque jour, il allait à pied dire la messe dans une congrégation de bénédictines située à Savy.


Dom Guesdon

Né à Lisieux le 19 août 1758, profès à Saint-Ouen de Rouen le 26 septembre 1780. 33 ans. Il profitera des dispositions législatives pour sortir.

Dom Montéage

Né à Chartres le 23 avril 1760, profès à Saint-Ouen de Rouen le 16 novembre 1781. 30 ans. "Déclare accepter de bon cœur l'offre que lui fait l'Assemblée nationale qui est de briser ses chaînes pour jouir honnêtement de sa liberté."
Briser ses chaînes. La communauté dut apprécier...

Relativement brèves, ces sept premières auditions furent opérées le 7 mai par Maître Varanguien, notaire et maire, Valentin Cabut et Jean-Jacques Hue, officiers municipaux. Celles du 10 sont plus détaillées...

Dom de Quâne

Charles de Quâne est né à Paris le 16 juin 1743. Religieux à Jumièges le 28 janvier 1769. Il veut rentrer dans le monde pour enseigner ou exercer un ministère.
En juin, il occupera la cure de Bielleville.

Dom Banse


Né à Periers, diocèse de Coutances, le 23 juillet 1749, profès à Lessay le 2 juillet 1770. 41 ans, sous-prieur. C'est un homme en colère et amer. Il n'a pas digéré d'être destitué de sa fonction. Il quittera Jumièges sans attendre pour se retirer dans sa famille.
Banse demande que prieur et sénieurs "veuillent bien se saisir des clefs des appartements qu'il a occupés." Monsieur avait ses aises. En revanche, il a remis les clefs de la sacristie et du trésor et exige que procès-verbal lui en soit fait. "Il a ajouté qu'il nous laissoit l'état des meubles contenus et enfermés dans ses chambres dont tous et chacun des objets ont été vus et reconnus être renfermés dans les dites chambres et ce en présence de messieurs Despinosse, senier, D. de Quâne et D. Gobard et que les clefs desdits appartements ont à été par lui remises à D. Despinosse qui s'est déclaré gardien desdits objets. Nous a encore déclaré qu'en quittant la maison, il a reçu trente six livres qui lui étoient dues sur son trimestre de vestière et n'a reçu aucunes sommes quelconques pour l'effet de son voyage et de sa retraite hors la maison de Jumièges."

Dom Banse regagna Toulouse.

Dom de Mesange


Né à La Ferrière-Béchet, diocèse de Séez, le 3 mai 1714. Profession le 13 novembre à l'abbaye de Saint-Evoult. Sénieur, Louis Charles de Mésanges a 76 ans. Religieux depuis 58 ans, à Jumièges depuis 27. "Dans la crainte qu'un changement d'air et de climat n'altera sa santé au point de le réduire à un état de langueur (...) son intention est de se retirer dans quelques maisons du village de Jumièges". En attendant d'en savoir plus...
Affublé d'un tel nom, Mésanges fut le grand chantre de l'abbaye et il garda, paraît-il, sa voix la plus pure jusqu'à à la mort. Il se retira effectivement chez un menuisier de Jumièges dont on aimerait connaître le nom. Il y est mort à 84 ans le 8 frimaire de l'an V (28 novembre 1796).

Dom Valincourt

Né à Sant-Martin-d'Arthène, diocèse de Nayon, le 15 mars 1718. Profession à Jumièges le 16 décembre 1746. 72 ans et quelques mois. Indécis.

Sept fois prieur !

Prieur de Bernay (1763-66), de Boscherville (1766-69), de Saint-Corneille-de-Compiègne (1769-1772), à nouveau de Bernay (1772-75), de Saint-Wandrille (1775-78), de Saint-Victor-de-Bayeux (1781), de Conches (1782-1788).

Bref, le parcours le plus impressionnant. On le retrouve au Bec en l'an II. Il y prête serment le 27 août 1792 et dépose ses lettres de prêtrise le 13 avril 1793.

Dom Despinosse

Sénieur, Thomas Antoine Jean Despinosse est né à Urville, diocèse de Coutances, le 13 octobre 1730. Est entré en l'abbaye de Séez le 18 octobre 1755. Despinosse veut entrer dans le monde pour remplir les fonctions du sacerdoce. C'est vraisemblablement en juin qu'il s'établira à la cure de Saint-Aubin-de-Cretot.

Dom Outin

Il mérite que nous nous y attardions car il est manifestement le tout dernier moine de Jumièges.  C'est aussi un personnage fantasque, un trublion, un résistant, aimé à l'évidence de la population de Jumièges. Il est l'honneur de l'abbaye. Il en est aussi la mémoire...
Bibliothéquaire, 55 ans, il est né le 1er novembre 1735 à Rouen. Sa famille est connue. Son oncle, Jean-Jacques, fut le fameux curé de Saint-Godard, à Rouen. Cet ecclésiastique avait obtenu la cure la plus convoitée de la capitale normande. Notamment des Jésuites qui, marris de le voir occuper ce poste, ourdirent un complot contre lui. Deux femmes l'accusèrent de prévarication et dépravation de mœurs. Il fut enlevé en pleine nuit de son presbytère et déporté dans le diocèse d'Autun. Mais Jean-Jacques Outin finit par obtenir gain de cause et regagna sa cure sous les acclamations. Cette affaire fit grand bruit à Rouen.
Outin avait un autre oncle qui, malgré une disparition précoce, à 26 ans, laissa des souvenirs. Il s'agit d'Emmanuel Outin, dit l'Ange, avocat au Parlement de Normandie, auteur de poésies en compagnie de son frère Gabriel, ce dernier étant sans doute le père de notre moine de Jumièges.

Dom Outin fut profès à Jumièges le 19 novembre 1851. IOl avait 16 ans.
On doit à Dom Outin d'avoir, en compagnie de Courdemanche, anoté, vérifié la chronique de Jumièges qui est parvenue jusqu'à nous et dont s'est inspiré Charles-Antoine Deshayes.
Outin est aussi l'auteur d'un Discours pour la diète générale assemblée au Bec le 22 juin 1788.
 
Quand Outin est interrogé sur ses intentions, sa déclaration est forcément péremptoire. Emberlificotée. Mais on comprend qu'il restera.

Dom Durel


Né à Caen le 13 octobre 1713. Il a fait profession à Saint-Wandrille le 31 mars 1739. Jean-François Durel a 72 ans passés. Il n'est pas le plus âge mais porte le titre de doyen de l'abbaye. Dès qu'il aura des précisions sur sa pension, il se retirera.

Dom Broncquart

Né à Saint-Denis-de-Saint-Omer en 1750, profès à Jumièges le 26 juin 1780. 32 ans, c'est celui qui fait la plus longue déclaration. On y apprend qu'il a été malade alors qu'il enseignait dans une école militaire. Un rhume qui a dégénéré. Dans les derniers comptes de l'abbaye, on retrouve 24 livres pour ce "grand malade" afin qu'il prenne les eaux à Rouen.
Broncquart attend de l'Assemblée nationale une pension équitable pour se retirer dans sa famille, à "l'isle en Flandre". Sinon, dans un monastère proche de celle-ci.

Dom Maillon


Né à Saint-Laurent-en-Caux le 25 décembre 1728. Nommé en l'abbaye de Saint Evroult le  1er août 1754. Jean-Baptiste Maillon a 61 ans. Commis tailleur depuis 38 ans. Entend se retirer dans le monde.

A ces audités, il convient de rajouter deux noms figurant au procès verbal de l'inventaire de l'abbaye.

Dom Allix

Né à Alançon le 9 février 1724. Profession à Séez le 2 août 1744. Charles Allix fut député par la communauté pour contester la légalité de la municipalité de Jumièges le 3 mai 1790.
On lui doit aussi cette phrase à l'égard de ses supérieurs: "Une charrette de trois chevaux sera nécessaire pour transporter leurs meubles tandis qu'une brouette suffira pour transporter ceux d'un simple religieux."

Dom Hubert

Né à Clitourpe, diocèse de Coutances, le 8 mars 1737, profès à Séez le 3 juillet 1758. C'est le secrétaire du chapitre. Henry Hubert est encore attesté à Jumièges en novembre 1792. Mais à l'extérieur de l'abbaye. Il obtint la cure de Bouville.

Résumons-nous. A la date du 10 mai 1791, voici l'état d'esprit de nos 18 moines.

Ceux qui entendent quitter l'abbaye... ...vivre en communauté Les indécis...
Dom Courbet
Dom Gobard
Dom Guesdon
Dom Montéage
Dom de Quâne
Dom Banse
Dom de Mésange
Dom Despinosse
Dom Durel
Dom Broncquart
Dom Maillon
Dom Outin (Il sera le dernier ) Dom Bride
Dom de Montigny
Dom Painblan
Dom Valincourt


Ceux dont on ignore l'intention:

Dom Allix
Dom Hubert

Encore une fois, il s'agit là du reflet d'un état d'esprit à un moment donné. Onze moines ont l'intention de partir. Soit plus de la moitié. Un seul à la ferme intention de rester. Quatre désirent également pour suivre la vie communautaire si l'abbaye de Jumièges demeure. On ne connaît pas l'intention des deux derniers.

20 juin 1790. Outin pétitionne pour que les abbayes bénédictines soient assimilées à des collèges et des hôpitaux. Ce qui les excluerait des mesures de fermeture.

22 juin 1790. Outin qualifie Dom Bride de prieur fourbe. "Cet homme, écrit-il à l'Assemblée Nationale, est unique pour se ménager toujours des faux fuyants quand on l'inculpe avec fondement. J'aurais mille traits de cette espèce à rapporter qui me concernent la plupart, que je ne dois pas regretter un régime cruellement despotique, que je dois détester nos préposés abominables, égoïstes, sans principe de religion, sans probité sociale, se démenant comme des énergumènes contre ceux qui réclament une administration constitutionnelle, en un mot l'effet des lois sur lesquel1es nous avions cru contracter en contracter en nous faisant moines ». ( Mémoire du 22 juin 1790 adressé à l'Assemblée Nationale, Arch. Nat., D XIX 59.)

18 septembre 1790. Selon l'abbé Maurice, l'abbaye compte 19 religieux. Huit expriment le désir de poursuivre la vie communautaire. Une surprenante allégation à vérifier en consultant aux archives le dossier L 6195.


31 octobre 1790. Les religieux, appuyés par les édiles, demandent la conservation provisoire de leur abbaye. Puisque la loi de sécularisation en prévoit une par département.

C'est, estime l'abbé Maurice, en décembre qu'eut lieu ce nouvel interrogatoire.

Entend sortir Entend vivre en communauté si l'abbaye est conservée
Dom Courbet
Dom Despinosse
Dom Hubert
Dom Banse
Dom Dequasne
Dom Broncquart
Dom Gobard
Dom Guesdon
Dom Montéage
Dom Maillon
Dom de Mésange
(dit vivre chez un particulier)
Dom Bride
Dom Durel.
Chez un particulier si elle supprimée
Dom Allix. Sinon se retirera
Dom Valincourt
Dom Outin
Dom de Montigny.
Sinon, se retirera.
Dom Painblan. Sinon se retirera ou bon lui semblera.
 On retrouve une similitude presque parfaite avec le tableau déjà aperçu en mai. 

Janvier 1791. La municipalité, sur les instances des moines, renouvelle la demande de conservation de l'abbaye.


9 mars 1791. Un commissaire du district de Caudebec vient inspecter les lieux et fixe les limites du monastère à six arpents. Outin s'insurge: "Réduction puérile et malhonnête qui scandalisera toute l'Europe." La municipalité réitère ce jour-là sa demande.

17 mars 1791. Le district de Caudebec donne un avis favorable à l'ouverture de la maison de retraite. Dom Bride est encore prieur.

15 avril 1791. Clôture du registre de comptabilité de l'abbaye. Un document qui pourrait nous renseigner sur les mouvements de personnel à cette époque.

23 avril 1791.  Le Directoire du Département choisit bien Jumièges comme maison de retraite. On en comptera deux autres en Normandie. Le Bec et Trappe.

La tradition veut qu'en quittant la maison, certains moines proclamèrent  :

"Patience, nous reviendrons !"

D'autres vont faire leur entrée. Tentons de voir qui...

Dom Lebrun

Il nous vient de Saint-Wandrille. Louis-François Lebrun est né le 4 avril 1744 à Rouen d'un marchand pelletier. Il fit profession monastique à Sées, le 10 juin 1763, à l'âge de 19 ans. Durant sa vie, Lebrun connu diverses affectations. Diacre, il arriva à Jumièges au début de 1771 et fut ordonné prêtre le 21 septembre 1771. Il retrouvait donc son ancienne abbaye. Mais n'y restera guère en raison du désordre qui régnait là. Après un bref séjour au Bec, il se retire dès octobre 1791 chez sa sœur, à Rouen. Mais il mourra sur les pontons de Rochefort le 20 août 1794. On l'a béatifié en 1995.

Quatre moines de Fécamp se retirèrent également à Jumièges quand fut fermé leur monastère, en juin 1791. Il s'agit de Dom Picheré, Dom Le Picard, Dom Julien et Dom Lainé.

Dom Julien


Dom Louis Julien est né à Dieppe le 15 avril 1724. Profès à Jumièges le 18 octobre 1747. Moine à Fécamp en 1790. Peu avant la fermeture de son monastère, le 4 décembre 1790, il évoquait son avenir dans une lettre adressée à un certain Parnajon:

« Je suis décidé à rester dans cette maison-ci de Fécamp pour le reste de ma vie si elle nous est destinée pour demeure. Sinon, je prévois d'avance mon extrême répugnance à raison de mon âge et de mes infirmités pour la résidence de toute autre maison dans une campagne où je serois privé des prompts secours des habiles médecins et chirurgiens sans lesquels j'ai été en danger de mort pour la seconde fois ».

Bref, Dom Julien aimerait finir ses jours à Fécamp. Sinon, en un endroit où sa santé ne sera pas en danger.

Le 11 janvier 1791, le corps municipal de Fécamp tient séance. Dom Julien y déclare préférer la vie commune à la vie séculière.
«Est comparu Dom Louis Julien, religieux bénédictin de l'abaye royale de Fécamp, lequel s'est expliqué ainsi : je suis indécis jusqu'à ce qu'on ait déterminé des maisons fixes ; pour lors je prendrai un parti convenable, tant à mon âge qu'à mes petites infirmités ; pour le local, soit que je me retire, soit que je reste à la Communauté de Fécamp ce que j'ai signé après lecture faite, signé à la minute f. L. Julien.

Quand l'abbaye de Jumièges fermera définitivement, Dom Julien aura déjà quitté les lieux. Pour où ? Manifestement, il s'établit dans le bourg de Jumièges. On trouve son nom sur un état daté du 19 Pluviose an IV (8 février 1796) relatif au paiement des religieux résidant dans le district de Caudebec pour le trimestre échu le 1er Nivose an IV (22 décembre 1795).
On retrouve encore sa trave le 20 messidor an 4 (8 juillet 1796) à l'administration du canton de Duclair : "S'est présenté le citoyen Louis Julien, natid de Dieppe, ex-religieux bénédictin, lequel a demandé un certificat constatant son changement de domicile, lequel lui a été délivré dans les termes suivants : "Nous, administrateurs municipaux du canton de Duclair, attestons que le citoyen Louis Julien, natif de Dieppe, domicilié à Jumièges depuis cinq ans, ex-bénédictin âgé de soixante-douze ans, s'est soumis à toutes les lois, notamment à celles qui ont prescrit les serments de fidélité à la République, de maintenir de tout son pouvoir la constitution, qu'il lui a été délivré des certificats de civisme suivant le voeu des lois à ce relatives, qu'il n'a point touché son traitement depuis le trimestre de messidor, an trois et conséquemment que les trimestres de vendemaire, nivôse et germinal an quatre lui sont dus indépendamment du trimestre messidor courant, que d'ailleurs il acquitte toutes les contributions auxquelles il a été cotisé et qu'il nous a déclaré ce jourd'hui être dans l'intention de quitter son domicile de Jumièges à Verdun, chef lieu de canton département de la Meuse. En fois de ce que dessus nous avons délivré le présent à Duclair en l'administration muncipale le vingt messidor an quatre de la république française une et indivisible."


Dom Le Picard


Dom Nicolas-Léonard Le Picard est né le 21 mai 1737 à Saint-Martin-aux-Arbres, arrondissement de Rouen, canton d'Yerville. Son acte de baptème: "Le 22 may 1737, Nicolas-Léonard Le Picard né le jour précédent, fils de Nicolas Le Picard tonnelier et de Marie Le Faux, ses père et mère, de légitime mariage, a été baptisé par Me Pierre Cheval ptre, vic. de la paroisse et nommé par Nicolas Léonard Civille de cette paroisse et par Marie-Anne Racine, de la paroisse de Motteville."
Julien prit l'habit le 23 juin 1760 à Jumièges. Le 24 juin 1761, le voilà profès à l'âge de 24 ans et un mois. Ordonné diacre en septembre 1764, on le retrouve moine de Saint-Wandrille en 1765, prêtre en 1768. En 1770, il est moine de Fécamp et, la même année, transféré à l'abbaye de Préaux. Il retrouve enfin Fécamp en 1775.
Quand il comparaît devant la municipalité de Fécamp, le procès-verbal le dit professeur et âgé de 30 ans. Sa déclaration est courte : « Est de suitte Dom Nicolas Léonard Le Picard, religieux de l'Abaye royale de Fécamp. lequel s'est expliqué ainsi. Que malgré son infirmité habituelle, il étoit résolu de ne sortir de son état que quand l'Assemblée Nationale le mettrait dans l'impossibilité absolue d'y rester. Déclare être titulaire du bénéfice simple de St Nicolas de Préaux : ce qu'il a signé après lecture faite. Ainsi signé en la minute fr. N. Léonard Lepicard.


Dom Le Picard sera du dernier carré de moines.

Dom Picheré


« Maître de musique et religieux de la dite abbaye, âgé de soixante-douze ans », ainsi est désigné Dom Picheré au procès-verbal des officiers municipaux de Fécamp. « ...Ensuitte de quoy est comparu Dom Guillaume Picheré religieux prêtre de l'Abaye de la très ste Trinité de Fécamp en Normandie, Ordre de St-Benoit, Congrégation de St-Maur, né à Vandôme (Loir-et-Cher) le treize février mil sept cent dix huit, profès de Vendôme pour la Bourgogne le huit de mars mil sept cent trente six, (il avait 18 ans) envoyé à Fécamp par obédiance du très Révérend père général en qualité de maître de la musique au mois de décembre mil sept cent cinquante, a toujours exercé cet emploi jusqu'à Paques de cette année mil sept cent quatre- vingt-dix, déclare désirer finir ses jours dans cette même abbaye de Fécamp pour y vivre suivant sa profession jusqu'à la mort, ce qu'il a signé lecture faite, signé à la minute fr. Guillaume Picheré.

Dom Picheré quittera Jumièges pour l'abbaye du Bec au plus tard en septembre 1792.  Là, il retrouve Dom Lainé qui l'avait devancé. Au Bec, Picheré et Lainé font alors partie des « 9 religieux venus d'autres monastères ». Le 26 septembre 1792, Picheré prêtera le serment de Liberté Egalité. Mais Le Bec ferme ses portes le lundi 8 octobre 1792.

Où Dom Picheré, 75 ans, va-t-il se rendre ? S'il figure sur les quatre états de paiement des pensions pour 1792, il n'apparaît plus sur les états suivants. Dom Chaussy signala qu'il vivait à Brienne, arrondissement de Mâcon, canton de Cuisery (Saône-et-Loire), en septembre 1794. 


L'arrivée à Jumièges


Nos trois moines fécampois se rendent donc à Jumièges. Là, la municipalité dresse procès-verbal de leur arrivée:  « Nous soussignés les maire et officiers municipaux de la paroisse de Jumièges, département de la Seine-Inférieure, district de Caudebec. certifions que Dom Guillaume Picherey âgé de soixante-treize ans, Dom Louis Julien âgé de soixante-six ans et Dom Nicolas-Léonard Lepicard, âgé de cinquante-quatre ans, prêtres religieux bénédictins ci-devant domiciliés à Fécamp, partis de la ditte abbaye par ordre exprès du district de Montivilliers à eux signiffié par la municipalité de Fécamp se sont rendus au commencement du courant (juin 1791) à l'abbaye de Jumièges seul domicile assigné par le département aux religieux non mandians pour y vivre la communauté conformément à la déclaration par eux faite en présence de la municipalité de Fécamp au temps marqué par les décrets. Fait à Jumièges le 26 juin 1791 signé Varanguien »

Dom Lainé

On sait qu'un quatrième moine de Fécamp séjourna à Jumièges. Lui aussi avait été entendu par la municipalité du port cauchois. Et il n'avait pas la langue dans sa poche. "Est comparu Dom Jean Baptiste Adrien Lainé, religieux de l'Abbaye royale de Fécamp, lequel s'est expliqué comme il suit : Messieurs de l'Assemblée Nationale n'ayant point encore décidé de notre sort, et ignorant conséquemment les conditions de ceux qui resteront dans le cloître comme de ceux qui en sortiront, il n'est pas possible pour le présent que je puisse décemment prendre aucun parti. Mais aussitot que les Etats généraux auront décidé sur notre sort, je me ferai pour lors un devoir de déclarer à Monsieur Desportes, maire de la Ville de Fécamp ma façon de penser. Ce que j'ai signé apres lecture faite, ainsi signé en la minute Fr. JB Adrien LAINE."

Dom Lainé quitta Jumièges pour Le Bec. Il y est attesté le 7 novembre 1792.


Il faut enfin ajouter quelques moines rencontrés au hasard de nos lectures :

Dom Tirron


Cité dans les mémoires de l'abbé comme étant présent à l'abbaye en juillet 1792.

Dom Le Laisant, dit Castel


Cité par le district de Caudebec comme faisant partie du dernier carré.

Dom Seguin

Moine supposé du dernier carré.

Tentons maintenant de reconstituer l'agonie de l'abbaye de Jumièges depuis son érection en maison de retaite...


Les derniers mois de Jumièges

Très vite, la vie communautaire s'avèra pénible dans la vaste abbaye. Ceux qui y sont en souffrent. Ceux qui n'y sont pas l'évitent. Le responsable ? Il est tout trouvé pour l'administration: Dom Outin, l'enfant terrible du moutier. Il eut sa part de responsabilité dans les désordres qui régnèrent à l'abbaye. Mais c'est une loi générale qui en précipitera la fermeture. Ce à quoi s'opposera farouchement Outin. 

Mai 1791. Selon l'abbé Maurice, douze moines tiennent à rester à  l'abbaye.

Juin 1791. L'effectif est de quatorze moines, nous dit le même auteur. Maurice nous dit que Bride quitta Jumièges ce mois-là. Ce serait aussi l'époque où Despinosse part pour Saint-Aubin-de-Cretot et Desquanes pour Bielleville. Voici donc l'abbaye sans prieur. On commence à parler de la descente des cloches. Rappelons que le 27, trois moines nous arrivent de Fécamp. 

Juillet 1791. Maurice compte quinze moines. La plupart sont inconnus de la population. Dès lors, les élus s'attachent à obtenir l'abbatiale comme église paroissiale. Réponse de l'adminstration: difficile, "attendu que la maison conventuelle de Jumièges est conservée aux Religieux qui voudront mener la vie commune."

27 septembre 1791.  L'effectif est tombé à 7 ou 8. Lettre du procureur syndic du district de Caudebec, le sieur Fenestre, au procureur général syndic du département :

« Il est inconcevable qu'Outin se soit plaint au ministre de l'intérieur du prétendu retard apporté dans l'acquittement de sa pension et de celle de ses confrères. Il faut être aussi hardi et aussi oisif que ce méchant moine pour lui avoir adressé une plainte aussi peu fondée... vous serez sans doute indigné de son procédé mais, Monsieur, vous n'en serez pas étonné quand vous saurez qu'il a fatigué les ministres et l'assemblée par une foule de lettres contre ses supérieurs et ses confrères avec aucun desquels il n'a jamais pu s'accorder ; aussi son caractère inaccessible est-il cause que la maison de Jumièges ne peut se compléter ; ils y sont 7 ou 8 religieux au plus, encore ne vivent-ils pas ensemble. Ses confrères le tiennent comme un homme d'une société dangereuse parce qu'il n' en est pas un qui ne connaisse sa malice et ses noirceurs. »

A la décharge d'Outin, signalons que nombre de moines ont été nommés curés constitutionnels, ce qui explique leur départ.


Novembre 1791. L'effectif est de huit ou neuf moines. Ils ne sont guère liés entre eux. Perçoivent des indemnités irrégulières. Leur petit monde sera régulièrement troublé par de gros bras qui emportent du mobilier, des ornements. Dom Outin se montre encore plus aigri, autoritaire. Il nuit, aux dires du District, à la survie du monastère.

Dehors, une dizaine d'autres moines vivent chez l'habitant, ou encore en location.

6 décembre 1791. Emeute à Jumièges. On s'interpose à la descente des cloches de l'abbaye.

7 décembre 1791. Dès le lendemain de l'émeute, le Directoire du Département est informé que Dom Outin fut le meneur de la révolte. "Les rassemblements s'étant fait par une suite de ses conseils, ayant persuadé aux habitants que les cloches de l'abbaye leur appartenaient et qu'ils ne devaient pas les laisser enlever."


12 décembre 1791. Le Département envisage des poursuites contre Outin et prévoit l'envoi de gardes nationaux pour la descente des cloches.

5 mars 1792. Yvetot veut enlever cette fois l'orgue de l'abbaye. Nouvelle émeute. On avance que les moines en ont encore besoin.

Avril 1792. Renforcés de gardes nationaux, les représentants d'une quinzaine de paroisses viennent littéralement piller l'abbaye. Dom Outin proteste avec véhémence. Les gardes, accuse-il, ont poussé l'audace jusqu'à violer l'enceinte des moines, enfoncer leurs portes, forcer leurs serrures. Ils ont fureté jusque dans le dortoir... On donne le chiffre de sept moines pour ce mois.

11 juillet 1792. On raconte qu'un navire chargé de clandestins fit deux jours escale à Jumièges. Dans ses mémoires, l'abbé Baston raconte qu'il rencontra à l'abbaye un bénédictin du nom de Dom Tirron.

Le 17 août 1792, une loi prévoit la fermeture de toutes les abbayes, fussent-elles maisons de réunion, pour le 1er octobre suivant. Mais la municipalité de Jumièges va répugner à l'appliquer. Nos derniers moines, âgés, usés, désunis, vivent dans un grand corps sans âme. Comme en prison. Sans supérieur. Il n'y a plus d'offices réguliers. On est loin des 20 religieux qui justifieraient le maintien de cette maison. Plus rien ne s'oppose à ce que l'abbaye revienne à la paroisse. Car c'est ce qu'elle réclame.


16 septembre 1792. Comme Outin, comme dom Le Laisant, Le Picard écrit au district de Caudebec. Il explique qu'il s'était rendu à Jumièges dans l'espérance d'y achever sa carrière et voilà tout à coup que le sieur Fenestre vient de lui signifier un décret en vertu duquel il lui ordonne d'évacuer le 1er octobre. IL demande quelques mois de délai.
Ce mois de septembre, des offres d'achat se portent déjà sur l'abbaye. Notamment, de Dinaumare, ancien reveceur...


Octobre 1792. Dehors, cinq moines sécularisés prêtent le serment civique. Le 25, on vend des meubles de l'abbaye aux enchères. Les dernières archives partent pour Yvetot.

7 décembre 1792. Le district de Caudebec perd patience. Il écrit à la municipalité de Jumièges pour lui dire qu'il sait qu'il y a encore dans la maison les religieux Outin, Le Laisant, dit Castel, Le Picard et un quatrième dont il ignore le nom (Il s'agit probablement de Seguin). Il lui enjoint de les faire sortir sur le champ et la menace, si elle n'exécute pas l'ordre, de la dénoncer comme rebelle.

10 décembre 1792. La lettre du district est notifiée aux intéressés.

12 décembre 1792. Aussitôt, Dom Outin répond aux instances de Caudebec pour défendre nos élus: "Le citoyen Outin ne voit pas sur quoi est fondée la dureté de la lettre du district du 7 de ce mois à la municipalité de Jumièges et la menace qu'il lui fait de la déclarer rebelle à la loy et aux ordres de l'administration."

Quant à Picard, sans le sou, incapable de s'acheter des habits et de procéder à un déménagement, il implore le district de Caudebec. "Le soussigné répond succintement que le seul privilège, en vertu duquel il s'est dispensé jusqu'à ce jour de se conformer à la loi générale, c'est le besoin et la détresse où l'a jeté la suspension également injuste de son traitement. Il continue en disant qu'il ne peut se donner le linge et les habits convenables pour un honnête changement de costume et, bien plus loin encore, de pouvoir payer le transport de ses meubles...
Il espère que le district, au moins par humanité, voudra bien le laisser dans son domicile actuel attendre en paix le paiement de son quartier de janvier prochain.
Signé: le citoyen N. Léonard Le Picard."

OUTIN LE DERNIER DES DERNIERS ?

Dom Outin fut sans doute le dernier à quitter les lieux. Il quitta sa cellule non sans faire appel "à la justice essentielle qui a toujours son indubitable effet, tôt ou tard !"

Incarcéré à Rouen

Le 8 mars 1793, on retrouve Dom Outin, 61 ans, détenu dans l'ancien couvent de Saint-Vivien, à Rouen. Il a pour compagnon Jean-Jacques Paris, médecin de Jumièges qui cachait sa condition de prêtre, Michel Le Marchand, l'ancien vicaire du Vaurouy, Dom Lebrun, le moine de Saint-Wandrille un temps accueilli à Jumièges. L'âge d'Outin lui évite la déportation. Paris, Le Marchand et Lebrun n'y échapperont pas.

L'incarcération d'Outin fut manifestement une courte parenthèse et il dut regagner la presqu'île. Le 6 juin,  la municipalité de Jumièges, imitée en cela par celle de Duclair, délivre ce certificat:

"Certifions que le citoyen Toussaint Outin, prêtre religieux de l'abbaye de Jumièges, domicilié en ladite commune depuis environ trois mois qu'il a passés en celle-ci dans la maison d'un ami, s'est comporté en bon patriote sans rien dire ni faire de contraire au devoir d'un vrai citoyen qu'il s'est rendu utile à cette commune sans autre récompense que la satisfaction de l'obliger en célébrant les dimanches et fêtes pour la commodité de la commune une seconde messe dont elle est privée depuis deux ans par le défaut de vicaire. Pour quoi nous lui avons délivré le présent, désir obtenir du département une interprétation de la loi des 21 et 23 avril dernier. Fait en séance publique, le 30 mai 1793, l'an II de la République, signé Guéroult, maire, Tuvache, L'Amant, Thuillier, Le Bret, Blondel, Le Riche, Delanoz, N. Cottard, Léger et Le Tanneur et d'Yvetot, secrétaire, collationné conforme par nous, secrétaire greffier de la municipalité de Jumièges, ce jourd'hui, 6 juin 1793, l'an 2e de la République française, Foutrel."

Ce même 6 juin 1793, Outin écrit à la Convention en lui soumettant un projet de décret pour les religieux de son type, ceux qui n'ont pas prêté serment et sont privés de revenus depuis un an. Outin craint la prison, souffre de deux plaies à la jambe droite qui demandent a être pansées chaque jour. Il se dit apprécié de la population. Il veut se retirer à Sainte-Marguerite-sur-Duclair.

"La convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la pétition du citoyen Outin, ci-devant religieux bibliothécaire à Jumièges, tendant à être autorisé à se retirer dans la commune de Sainte-Marguerite en considération de ses infirmités et d'être excepté de la réclusion indiquée au séminaire d'arrêt de Rouen, décrète qu'il n'y a lieu à délibérer..."

Alors, que devint Dom Outin. Emile Savalle nous affirme qu'il se consituta prisonnier le 12 novembre 1793. Encore prisonnier ? Sans doute comme on va le voir...

Ses biens sont saisis !

Manifestement, Outin trouva refuge durant cinq mois chez Callouel, le maire de Duclair. Le 19 décembre 1793, ses biens y furent saisis. On trouva peu de choses de valeur, si ce n'est des livres, beaucoup de livres. Sa collection personnelle ou des volumes arrachés à la bibliothèque de l'abbaye. Suivons le citoyen Tuvache dans sa perquisition...

Aujourd'hui, vingt-neuf frimaire, l'an deuxième de la République française, une et indivisible, sur la réquisition du citoyen Pierre Jacques Joseph Poisson, procureur de la commune de Duclair, y demeurant, lequel fait élection au greffe de la municipalité dudit lieu, en vertu et pour exécution

1° du décret de la convention nationale datté du dix sept septembre dernier vieux stile qui déclare les lois relatives aux émigrés applicables aux déportés,

2° d'une lettre de l'administration du district de Caudebec en datte du seize présent mois qui ordonne de procéder aux inventaires des prêtres non assermentés,

Nous, Jean-Baptiste Louis Tuvache, commissaire nommé par délibération du conseil général de la commune de Duclair en datte du vingt sept du présent mois de frimaire, vertu de la commission à nous remise ledit jour duement signée nou nous sommes transportés au domicile du citoyen Callouël chez lequel a résidé pendant environ cinq mois dans une chambre appartenant à ce dernier le sieur Outin, ci devant religieux à la cidevant abbaye de Jumièges, prêtre non assermenté ou étant parvenu sur les huit heures du matin, ou nous avons trouvé l'épouse du citoyen Caillouël, laquelle nous auroit conduit dans une chambre où avait résidé le citoyen Outin, laquelle nous ayant déclaré que les effets qui y sont raportés appartenaient audit Outin avons de suite procédé à l'inventaire des dits meubles et effets ainsi qu'il suit.

Savoir

Dans la dite chambre à la cheminée, une petite pelle à feu, une petite caisse de verre avec son pied en bois cassé par le haut, deux bouteilles de verre blanc, une petite fiolle, quatre petits tableaux avec leur cadre de bois, une devanture de cheminée, un fauteuil, un lutrin avec son pied, un prie-dieu avec trois tiroirs dans lesquels un vieux lot de petits pots de fayence, une devanture de bibliothèque sur les hauts de laquelle six gros livres reliés en veau, vingt huit livres tant petits que gros reliés en veau, vingt autres reliés en parchemin, vingt six autres en brochures aussi, tant petits que grands.

Cent vingt autres livres tant petits que grands reliés en veau et en brochure, un petit baril avec un petit lot de vieux bouts de planches, un buffet fermant à deux battants, un bocal de verre, deux écuelles de fayence cassées, deux petits tiroirs dans les quels un petit lot de ferraille et chiffons qui n'ont mérité description, deux couvercles de fayence fine, douze bouteilles de verre tant petites que grandes, une caisse de bois blanc dans laquelle rien, deux bases et quatre figures en platres, deux petits barils, cinq vieux couvercles de livre en cuir et parchemin, trois devantures de cheminée en papier sur toille, un peau à l'eau de fayence, trois pots de grés, un porte essuie-mains, un tableau avec son cadre de bois, quatre vieux cadres. Dans une chambre à côté, une petite caisse de bois blanc, cinq livres en brochures et parchemein, un traversin de toille jaune garni de crin, deux portes manteaux et une petit caisse de bois blanc dans laquelle rien.

Douze livres écrits à la main reliés en parchemin, un porte essuie-mains, une commode avec trois tiroirs dans lesquels un pot de vieux chiffons qui n'ont mérité plus ample description, trois placets en planches sur lesquels soixante treize livres reliés en veau et parchemin , sur une autre planche cinquante deux livres, tant petits que grands reliés en veau et en parchemin, sur une autre planche cent vingt neuf livres tant petits que grands, reliés en veau et parchemin.

Dans un appartement à côté, une armoire fermant à quatre battants dans lequel deux bouteilles, trois demies bouteilles, deux flacons de verre blanc, un lot de poterie en terre et fayence, un poid de quatre livres, un poid de deux livres en satin (?) une petite caisse en bois dans laquelle un lot de petits paquets de drogue, deux bouteilles de verre, une autre petite à une autre ... de Beaume, un collet et une ceinture.

Dans un autre petit cabinet, deux cadres, deux autres cadres, un grand livre d'église, une caisse et un petit lot de veille, ue lanterne de fer blanc avec sa lampe cassée, un lot de papiers imprimés collés sur une toille, un pot et un plat de terre

et vu qu'il n'y a autres effets à inventorier, nous avons clos le présent inventaire, lesquels effets ci dessus mentionnés et nous avons laissé à la charge de Pierre Leblanc demeurant à Duclair pour, par lui les représenter quant et à qui il appartiendra... fait et rédigé le présent jour valoir et servir en temps que besoin, le tout signé après lecture par Leblanc, Tuvache et Poisson, procureur de la commune.

Pour copie collationnée conforme

Landijolle ?

Le citoyen Barette, ancien curé de Varengeville, fut nommé commissaire par l'administration du distict pour la vente des meubles et effets ayant appartenu à des prêtres déportés dans l'étendue du canton de Duclair. C'est ainsi qu'il fut amené à estimer les biens de Dom Outin alors reclus en "vertu de la loi'. Il passa une demi-journée à cette affaire ce qui lui rapporta quatre livres. la vente, elle dura une journée entière et en mérita huit. Il présenta la facture au distrit le 7 pluviose de l'an III (26 janvier 1795).

Le 12, les administrateurs d'Yvetot n'y virent rien à redire et il put se faire payer chez le receveur de l'enregistrement à Caudebec sur les fonds issus de la vente. Ce que confirmèrent à leur tour les administrateurs du directoire du département le 2 ventôse (20 février 95).

Sans le sou depuis cinq ans !


Outin est encore présent dans le canton. Et sans doute à Jumièges. Sans revenu...

20 juillet 1797 : "Duclair, le 2 thermidor an 5 de la République française une et ind. L'administration municipale du canton de Duclair à l'administration centrale du département de la Seine-Inférieure.

Citoyens,

Nous vous transmettons ci-joint un état supplémentaire où est porté le citoyen Outin, ex-religieux de Jumièges, pour le dernier semestre de l'an IV. Il y avait cinq ans que ce citoyen n'avait été payé lorsque par sa pétition du 15 prairial il demanda à être inscrit sur les états nous exécutâmes son voeu pour le semestre courant alors espérant qu'il n'éprouverait aucune difficulté. En effet vous avez bien voulu souscrire de votre visa l'état supplémentaire rédigé à cet effet, il est payé. le citoyen Outin nous marque que le payeur divisionnaire lui a conseillé de demander payement du dernier semestre de l'an IV sur un nouvel état supplémentaire et vous l'avons confectionné sur le champ et le soumettons à votre visa. Nous espérons que vous accorderez sans difficulté cette justice à un homme que son âge, sa détresse et son mérite rendent intéressant. Salut et fraternité."

Un état de versement de pension (1.000 livres) permet encore de localiser Dom Outin à Jumièges le 10 janvier 1798.  Les autres bénéficiaires sont Saulty, Montigny, Gouillat, Painblan et Maillon. En revanche, il ne figure plus sur la liste du 15 décembre suivant. Les tables décennales de Rouen sont formelles: Dom Outin, est mort à Rouen, sa ville natale, en août 1816.


Peut-on être descendant d'un moine de Jumièges ?

Eh oui,  c'est tout à fait possible. Prenons le cas de François Capperon. Né à Eu, il est profès à Jumièges en 1787. En avril 90, on le retrouve à Saint-Wandrille. Engagé pour la défense des frontières, il aurait effectué ensuite six années aux armées en qualité d'officier. Puis le voilà marié en 1804 et inspecteur des contributions directes à Yancluse, près Avignon. Il est enfin localisé à Nancy en 1825...

Dom Soulier, qui a quitté Jumièges avant la Révolution pour N.-D. de Josaphat. Il abdiqua épousa sa servante en octobre 1791. Il fait baptiser une fille à Lèves le 25 décembre 1792. Joyeux Noël ! Il sera encore localisé à Chartres en 1797 et 1807.
(archives de l'Eure-et-Loir).

Dom Catelain mourut en 1830 à Sainte-Marguerite... chez son gendre !

Si une tonsure précoce vous inspire quelques doutes, faites-nous signe !

Annexe

Pièces d'archives parlementaires
« La Convention nationale., après avoir entendu le rapport de son comité de législation [Bezard, rapporteur ], sur la pétition du citoyens Outin, et-devant religieux bibliothécaire à Jumièges, tendant à être autorisé à résider dans la commune de Sainte-Marguerite, en considération de ses infirmités, et d'être excepté de la réclusion indiquée au séminaire d'arrêt à Rouen;

Décrète qn'il n'y a lieu à délibérer.

« Le présent décret ne sera point imprimé; il sera inséré au a Bulletin.

Suit la pétition du Citoyen Outin.

Aux citoyens Président et députés de la Convention

Citoyens,

Vue le décret du 10 mai qui porte que les lois de rigueur rendues par la Convention ne seront applicables qu'aux auteurs et instigateurs de la Rébellion, prouve que l'intention de la Convention n'a pu être, par son décret du 23 avril, d'envelopper les citoyens tranquilles avec les séditieux, et me fait espérer qu’ ayant égard à mon âge avancé, au mauvais état de ma santé et surtout à mon caractère paisible et tolérant, attesté par les certificats ci-joints, la Convention nationale voudra bien appliquer la loi du 10 mai, comme amendement à celle du 23 avril, et me permettre de continuer mon domicile dans l'arrondissement du canton de Duclair. sous la responsabilité des municipalités respectives où je me rendrais utile, sans me compromettre.

« Le pétitionnaire attend de votre humanité

Le citoyen Toussaint OUTIN, bibliothécaire de Jumièges.

 A Jumièges, par le Bourg Achard, le 6 juin 1793.

Si le décret du 10 mai n'est point encore envoyé, je vous prie, Citoyens, d'y faire ajouter qu'il doit s'appliquer à celui du 23 avril et lui servir d'amendement en faveur des citoyens paisibles.

Une réponse prompte, soit à moi, soit au  maire de Jumièges, soit à celui du chef-lieu du canton à Duclair, par Rouen, me servirait de sauvegarde contre les voies de fait, en cas de besoin. Il suffirait que la réponse portât que,  vu les certificats, il sera sursis à mon égard à l'exécution du décret du 23 avril, auquel celui  du 10 mai doit servir d'amendement.

e Qu'il me soit permis d'observer que je ne dois pas être puni deux fois pour le même fait. Cependant, je le serais trois fois si la loi du 23 avril pouvait m'être appliquée sans que je l'aie autrement mérité, car 1° par le défaut de prestation de serment j'ai été privé d'être citoyen actif, ce qui n'est pas une petite peine; 2° je suis, depuis un an, privé de mon traitement pour le même fait; 3° la loi du 23 avril serait donc une nouvelle peine sans qne j'aie rien commis pour la mériter ainsi que le prouvent les certificats ci-joints, signés en séance publique sans que j'en aie prévenu personne, m'étant contenté de déposer la veille mes pétitions aux greffes respectifs, et sans y comparaître. Ce ne sont donc pas des signatures mendiées. J'ai la confiance qu'on y aura égard le plus promptement possible, car les autorités constituées craignent de se compromettre en suspendant l'exécution de la loi, et qu'une fois renfermé, on ne s'en tire pas aisément quelque innocent qu'on Boit.

Seconde lettre (Archives nationales, carton Dm 270, dossier Jumièges).

 Citoyens,

« Ne désespérant jamais d'obtenir de votre humanité mes dernières demandes motivées, je conserve la confiance que si elles sont encore sans effet, du moins viendra-t-il un temps où le gouvernement rassuré, rendra la liberté à des citoyens tolérants et paisibles que la seule délicatesse de leur conscience personnelle a rendus Déjà le manque de subsistances devrait faire opérer leur élargissement; dispersés, ils se trouveraient nourris insensiblement, sauf à charger les municipalités respectives de les surveiller, mettre en arrêt ou punir, si au lieu de se contenter de rendre des services utiles au public à la demande des communes, ils troublaient la paix sociale, en manifestant imprudemment leurs opinions religieuses.

Quant à nous, réguliers, privés de notre traitement, renvoyez-nous dans nos familles, et que celles-ci, sous prétexte de se procurer plus d'aisance pour nous secourir ne puissent aliéner à notre préjudice. Autrement, nous nous retrouverions sans pain au décès de nos parents, et nous retomberions à la charge publique.

Pour y obvier, voici un projet de décret

Dans le cas où le gouvernement bien consolidé renverrait par la suite, les réguliers dans leur familles, celles-ci seront tenues de les recevoir ou de leur assurer un traitement égal à celui qui leur avait été assuré par la nation.  Ils deviendront, en outre, capables d'hériter et ne pourront être frustrés de ce droit par ventes d'immeubles, ni de meubles de quelque conséquence, soit par contrats à fonds perdus où ils ne seraient pas compris, et sans leur consentement.

Les contrats qui auraient pu être faits depuis le premier janvier dernier, seront nuls et convertis en constitution au denier vingt, si mieux n'aimaient les preneurs, rembourser le capital, ou s'arranger lesdits ci-devant réguliers, afin que ceux-ci ne puissent plus retomber à la charge de la nation, parce que leurs parents qui auraient joui de leur patrimoine, l'auraient aliéné ou autrement dissipé à leur préjudicé.
Tel serait le décret humain et politique que réclame, le 19 brumaire 1793, le citoyen Outin, ci-devant bibliothécaire de Jumièges.

Post scriptum. Du jour que j'ai fait mettre ma dernière pétition et pièces y jointes à la poste de Rouen, le 14 de brumaire, j'ai fait retenir mon logement au séminaire d'arrêt à Rouen, devant m'y rendre sous peu de jours, aujourd'hui samedi 19 de brumaire au plus tard. Mais n'ayant pas trouvé ceux avec qui j'avais à compter depuis près de trois ans, et retenu d'ailleurs par une nouvelle infirmité,  par deux plaies au pied droit, qu'il faut panser tous les jours, je ne crois pas pouvoir gagner Rouen avant la fin de la semaine prochaine.
Ce qui vous donnerait le temps, citoyens représentants, de m'accorder de résider dans la commune de Sainte-Marguerite-sur-Duclair, comme je vous l'ai demandé, et de m'exempter d'aller peut-être mourir de faim dans la maison de réclusion de Rouen.

En accordant la liberté aux conditions ci-dessus à ceux qui savent où se retirer, ce serait autant de soulagement pour les charges publiques dans un temps de disette.

Mais l'humanité et la justice qui m'est due réclament du moins, en faveur de mes pétitions individuelles, l'on pourrait peut-être même singulariser en ma faveur le projet de décret ci-dessus.

Le citoyen Outin.

Le 19 brumaire 1793.

Certificat

Nous maire, officiers municipaux et membres du Conseil général de la commune de Jumièges, soussignés, district de Caudebec, département de la Seine- Inférieure, certifions que le citoyen Outin prêtre et ci-devant religieux de l'abbaye de Jumièges y demeure depuis plus de vingt-cinq ans et qu'il s'est toujours conduit dans cette commune tranquillement, avec bonnes moeurs et d'une vie paisible. En foi de quoi nous Donné en séance publique de ladite commune de Jumièges le six juin mil sept cent quatre-vingt-treize, l'an deuxième de la République Signé P.-F.-M. Amand, maire; DESJARDINS, DELARUE, CRETIN, Etienne VARIN, P. Bouttard, Pierre LE Roux, LE SERGENT, Pierre GUIOT, Jacques LEVESQUE et FOUTREL, Secrétaire gref fier.

Collationné conforme à l'original par nous secrétaire greffier de la municipalité de Jumièges ce jourd'hni six juin mil sept cent quatre-vingt-treize, l'an deuxième de la République française. FOUTREL.

Certificat (1).

Nous maire, officiers municipaux et membres du conseil général de la commune de Duclair soussignés, district de Caudebec, département de la Seine-Inférieure, certifions que le citoyen Toussaint Outin, prêtre religieux en l'abbaye de Jumièges, domicilié en ladite commune depuis environ trois mois qu'il a passés en celle-ci, dans la maison d'un ami, s'est comporté en bon patriote sans rien dire ni faire de contraire au devoir d'un vrai citoyen; qu'il s'est rendu utile à cette commune sans autre récompense que la satisfaction de l'obliger en célébrant les dimanches et fêtes pour la commodité de la commune, une seconde messe dont elle est privée
depuis deux ans par le défaut de vicaire. Pourquoi nous lui avons délivré le présent, désirant obtenir du département une interprétation de la loi des 21 et 23 avril dernier.

Fait en séance publique le trente mai mil sept cent-quatre-vingt-treize, l'an second de la République.

Signé .-Gueroult, maire; Tuvache, L'Axaxt, Thuillier, LE BRET, BLONDEL, LE RiCHE, DELANOZ, N. COTTARD, LÉGER et LE TANNEUR, et D'YVETOT, secrétaire.

Collationné conforme à l'original par nous secrétaire greffier de la municipalité de Jumièges, ce jourd'hui six juin mil sept-cent-quatre-vingt- treize, l'an deuxième de la République française. FROUTEL, secrétaire greffier.



SOURCES

Manuscrits inédits de l'abbé Maurice numérisés par Jean-Yves et Josiane Marchand.
Revue Mabillon, 1966.
L'abbaye bénédictine de Fécamp, 1961.
Jumièges, Congrès scientifique du XIIIe centenaire, 1954.
Mémoires de l'abbé Baston, Volumes 1-2‎ - Page 415.
Les problèmes religieux de la Révolution et de l'Empire en Normandie, Emile Sevestre, 1924.
Archives parlementaires (1787-1860).
Mémoires de l'Académie d'Arras, 1895 (Dom Painblan).
ADSM
Cote 1 QP 1435, numérisé par Jean-Yves et Josiane Marchand.
Délibérations sur Julien et de Montigny : communication de Jean-Pierre Hervieux.