Le 15 juin 1853, face à l'église Saint-Valentin, sept mystérieux incendies se déclarent à Jumièges chez Casimir Dossier. Voilà qui donne du fil à retordre au juge de Paix de Duclair, Charles Douelle, confronté voici peu à une affaire similaire à Boscherville. Cette affaire précipitera la création d'une compagnie de sapeurs pompiers à Jumièges.



Les bâtiments touchés par ce fait-divers se situaient à droite, sur cette vieille carte-postale...

Les habitants du bourg de Jumièges, canton de Duclair, sont plongés dans la consternation. Avant-hier mercredi, à cinq heures du matin, une maison d'habitation occupée par le sieur Dossier, construite en bauge et couverte en chaume, a été détruite par le feu. Le sieur Dossier travaillait dans sa cour lorsqu'il aperçut les flammes que ses efforts ne purent éteindre.

Quelques heures après, une grange, située dans la même cour et occupée par le même locataire, a été réduite en cendres avec ce qu'elle contenait, on évalue cette nouvelle perte à 1.700 F. Ce dernier bâtiment était assuré par la compagnie la Normandie.

Ces deux incendies, dont la cause était inconnue, avaient jeté l'inquiétude à Jumièges, mais hier, un désastre bien plus affreux est venu frapper cette localité : six maisons ont été, pendant cette journée, la proie des flammes.

La gendarmerie de Duclair a commencé, à cette occasion, un service de surveillance et le procureur impérial de Rouen doit se rendre aujourd'hui à Jumièges.


INCENDIES DE JUMIEGES


 Ainsi que nous l'avions dit hier tous les habitants de Jumiéges sont consternés par suite des sinistres qui viennent de se succéder si rapidement dans leur localité, c'est à peine si la présence des magistrats a pu relever la confiance des cultivateurs qui se croyaient tous également menacés par une main coupable et invisible

Afin de faire comprendre quel effet a pu produire sur les habitants cette fatale succession de sinistres nous allons compléter les renseignements très exacts d'ailleurs que nous avons publiés hier et d'abord nous dirons quelle était la position des bâtiments incendiés.

Ils se trouvalent tous groupés en face de l'église de Jumièges à droite de la route qui venant de Rouen conduit aux ruines de l'abbaye. C'était donc au centre même de la commune que le danger existait.

Ces bâtiments présentaient sur la route dont nous parlons une longueur de 56 mêtres environ. Il y avait d'abord trois maisons en briques et moellons hautes de deux étages récemment achetées par M. Casimir Dossier et qui n'étaient pas assurées. Elles étaient occupées, l'une par le sieur Carrière, l'autre par la veuve Guiot, la troisiême par la veuve Mercier.

Sur le même alignement était le mur latéral d'un bâtiment qui se prolongeait dans une grande cour plantée d'arbres, ce bâtirnent construit en moellons appartenant à M. Dossier était occupé par lui et servait d'habitation, de greniers et d'étables. Sa longueur sur la cour était de 30 mètres environ sur 7 mètres de profondeur, i1 était divisé en sept parties et n'avait qu'un rez-de-chaussée et un grenier, il était assuré.
Derrière lui se trouvait la cave, devant il  y avait un hangar et à l'extrémité, vers le fond de la cour, la maison et la grange brûlées mercredi matin.

Ce grand bâtiment se trouvait séparé sur la rue par une large barriêre de deux maisons appartenant Mme veuve Dossier, belle-sœur de M Casimir Dossier. Ces maisons, hautes de deux étages, couvertes en chaumc et en tuiles, étaient occupées l'une par la propriétaire, l'autre par la famille Gousset, elles n'êtaient pas assurées.
De tous ces bâtiments dont les façades réunies donnent un développement de près de 100 mêtres il ne reste plus que quelques pans de murs, les meubles et les grains qu'ils contenaient, ainsi que les futailles pleines de cidre ont presque été entièrement la proie des flammes, la perte est évaluée approximativement a 40 000 fr.
On cite dans ce désastre la faillite dont a été victime la veuve Mercier. Cette femme avait sauvé tous ses meubles mercredi  matin mais le soir croyant le danger passé, elle les avait fait emménager de nouveau et jeudi ils ont été tous brûlés.

Comme nous l'avons dejà fait connaître, c'est mercredi à cinq heures du matin que lc premier incendie s'est déclaré dans une petite maison située dans la cour de M. Dossier, cette première perte n'est évaluée qu'a 200 fr qui n'étaient garantis par aucune assurance. Le même jour, à midi, le feu se déclara tout-à-coup dans une grange pleine de grain qui avait fait l'objet d'une surveillance spéciale et vers laquelle on se croyait sûr que le vent n'avait pas dû porter de flammèches. Là, c'était à 1 700 fr que s'élevait la perte couverte par la Normandie,

Ces deux sinistres sans cause apparente avaient déjà excité de vives inquiétudes, lorsque, jeudi, vers cinq heures du soir, au moment où M. Dossier, ses deux fils et ses ouvriers étaient occupés dans la cour à la tonte des moutons et quand on n'avait pas fait de feu pendant tout le jour les flammes apparurent a la fois sur divers points et enveloppèrent en un clin-d'oeil granges, étables, celliers et maisons d'habitation. Par un heureux hasard, tous les moutons étaient dehors, ils out pu ainsi être sauvés les développements du feu ont été tout d'abord si terribles qu'ils menaçaient d'envahir la commune entière et cela d'autant plus incitement qu'il n'y a à Jumiéges ni pompes ni pompiers.

Il fallut donc attendre les secours du dehors, ceux-ci, nous devons le dire, arrivèrent avec une grande rapidité. A la première nouvelle du nouveau sinistre, le brigadier et les gendarmes de Duclair qul venaient à peine de rentrer après avoir fait un service actif a l'occasion du premier incendie remontèrent à cheval. Les pompiers de Duclair commandés par leur brave capitaine,  M. Delaporte, sc mirent également en route, traînant leur pompe avec eux et tous se dirigêrent vers le lieu du désastre avec une telle rapidité qu'ils franchirent en vingt minutes la distance de Duclair a Jumièges, plus de 4 kilomètres.

En même temps arrivaient le commissaire cantonal, M.Haguelon, les douaniers, la population d'Yainville et d'Heurteauville ct un pen plus tard, M. Douelle, juge-de-paix du canton que ses fonctions avaient reternu à Duclair pour la solution de plusieurs affaires importantes .

Malheureusement, l'eau manquait complètement et l'on dut pour s'en procurer former une chaîne de plus d'un demi-kilomètre de longueur, on ne parvint a s'organiser que grâce à l'activité de M. Haguelon, du brigadier de gendarmerie et de ses deux gendarmes et du garde-champêtre qui étaient obligés de se multiplier pour maintenir une utile organisation. Pendant que les courageux pompiers de Duclair travaillaient avec une rare intrépidité, on a remarqué parmi les travailleurs M. Houlière, curé d'Yainville, et sa digne mère qui, malgré son grand âge, n'a pas cessé de tenir toute la nuit sa place à la chaîne.

Ce n'est qu'hier vers deux heures du matin que l'on a été maitre du feu et que tout danger a disparu pour les habitations voisines. Pendant quelques instants, le péril avait été si grand que des arbres placés a une assez grande distance s'étaient enflammés sons l'action de la chaleur. Les pompiers de Duclair, harassés de fatigue, ont pu rentrer chez eux hier matin vers cinq heures. Quant aux gendarmes, ils ont continué un service actif de surveillance pendant toute la journée d'hier. Les ruines fument encore et plusieurs fois on a dû éteindre des débris qui se rallumaient.

M. Boné, juge d'instruction et M. Asse, substitut du procureur impérial, sont arrivés à Jumiéges hier vers neuf heures du matin. Ils ont dans la journée interrogé un assez grand nombre de personnes. M. Douelle, juge-de-paix, qui n'avait pas quitté le lieu du sinistre, avait déjà, aidé du brigadier de gendarmerie, recueilli de précieux renseignements, tout fait supposer que les incendies de Jumièges ont été causés par une main coupable mais jusqu'à présent on ne peut s'arrêter qu'à des suppositions. Espérons que les magistrats pourront découvrir la vérité au milieu des obscurités de cette mystérieuse affaire.
M. Dossier est estirné de tout le monde et n'a pas d'ennemis. On a parle de menaces qu'un individu étranger a la commnne lui aurait faites il y a plus d'un mois mais personne n'a depuis revu cet homme qui n'aurait pu s'introduire dans l'intérieur même des bâtiments.
On a prétendu que des pétards avaient parti pendant l'incendie mais on s'est assuré que ce bruit avait été causé d'abord par un fusil déchargé prudemment et ensuite par les cereles des futailles que l'incendie faisait éclater. Quant aux autres doutes exprimés, nous les taisons pour ne pas entraver la marche de la justice.
 BEUZEVILLE.


Notes généalogiques


Laure
nt Quevilly  descend comme Casimir Dossier de Jean Dossier et Marie de Bressée, ancêtres décédés respectivement en 1740 et 1713 à Jumièges.

Tôt veuf d'Angélique Fréret, qu'il avait épousée à Bliquetuit, Casimir Dossier avait pour fils autre Casimir et Stanislas. Son berger était Simon Ybert. Au recensement de 1861, Jules-Zacharie Grenet s'ajoute comme domestique.Aucune femme ne vit dans la maison.

En 1861, les Dossier habitent toujours au bourg, non loin de ma grand-tante Rose Mainberte dont le mari, Jean Bidault, est berger.

Casimir Dossier père rendit l'âme en 1862 à l'âge de 73 ans.

Sept ans après la mort de leur père, les fils Dossier se marièrent tous deux en 1869, Casimir en février à Jumièges avec sa domestique originaire d'Hauville, Léontine Victorine Lacroix, déjà mère d'une fillette de 10 ans, Stanislas en octobre à Boscherville avec Elise Platel. Dont descendance dans les deux cas.

Casimir fils et Stanislas avaient trois sœurs et un frère ne figurant plus dans la maisonnée lors des incendies. Marie était décédée depuis belle lurette, Rose était mariée avec Denis Guiot, François était l'époux de Constance Thuillier. Enfin Victoire Joséphine, née en 1824, disparaît de nos écrans radars. Si vous avez des nouvelles...


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