Par Laurent Qeuvilly-Mainberte
Avec le concours d'Yves Lepage, Jean-Pierre Hervieux, Josiane Marchand.

Né à Jumièges, Émile Savalle écrivit sur sa commune deux ouvrages qui firent débat :
Les derniers moines de l'abbaye de Jumièges et La chronique des Énervés. Beaucoup moins contestée fut son activité de paléontologue et géologue. Première tentative de biographique de cet enfant du pays...


PROFIL


1er février 1834:
naissance à Jumièges. Son père, natif de Mauny, est charron puis cabaretier.
1862 : Mort de sa mère, Adélaïde Guiot, à 52 ans...
12 mai 1864 : mariage à Jumièges avec Clara Césarine Marais. Il est aubergiste avec son père.
1865 : naissance à Jumièges de son fils Emile Gaston. Son épouse est sage-femme.
1866 : naissance de sa fille Aline Julia, décédée au Havre en 47.
1867 :
Les derniers moines de l'abbaye de Jumièges. Brière et Fils, Rouen, 72 p.
   Naissance à Jumièges de son fils Louis Gaston.
1868 : La Chronique des énervés.  Dissertation historique. E. Cagniard, Rouen, 48 p.
   Naissance à Jumièges de son fils Albert Georges en janvier. Charcutier, il fut mobilisé en 14.
    Naissance à Jumièges de sa fille Emilie Clara en décembre, décédée à Esclavelles en 49.
1871 : Naissance à Jumièges de sa fille Gabrielle Emma. Toujours aubergiste avec son père.
1874 :
Naissance au Havre de son fils Emile, le 14 août, au 54, cours de la République (Archives municipale du Havre, n° 4357). Savalle avait 37 ans à sa naissance. Journalier, Emile fils sera mobilisé en 14.
1876 :
 
Au bon vieux temps. 1ère partie Le culte des saints avant 1789. F. Santallier, 16 p.
1876 encore: entrée à la Société géologique de Normandie. (Fouilles, articles, conférences...)

1878 : naissance au Havre de son fils Adolphe Edouard, 32, rue de la Mailleraye.
1882 : décès d'Adolphe Edouard.
2 mai 1902: décès d'Emile Savalle au Havre.

Professions : Aubergiste puis commis principal au bureau de l'état civil du Havre.
Surnoms: le Père Savalle, l'Pé Caillou...
Relations: MM Stéphan et Decombe, ses collaborateurs. Ses fils
Gaston et Georges l'accompagnaient parfois lors de ses nombreuses excursions.


L'IMAGE



Émile Savalle, alors âgé de 59 ans, photographié ici en bordure de falaise, près du Havre, le 1er novembre 1893 par son ami M. Jooss, photographe amateur. Cette photographie illustrera un article d'Yves Lepage dans le bulletin Sciences et géologie normandes Un document photographique exceptionnel de la fin du XIXe siècle : "l'album Savalle" (1890-1899) - Géologie et falaises du Pays de Caux et du Calvados, et éboulements importants de cette fin de siècle.

L'HISTOIRE


C'est en 1836 que le père d'Emile Savalle a  repris l'auberge de Jumièges tenue par un oncle. Là,
Charles-Antoine Deshayes, le fameux auteur de L'histoire de l'abbaye royale Saint-Pierre de Jumièges, occupe une petite chambre. Dans la salle du cabaret, il a placardé une affiche pour vendre son livre. Le 14 avril 1844, veuf, seul, Deshayes rend son dernier soupir, laissant derrière lui des notes inédites. Emile, le fils de la maison, a alors 10 ans. Il sera aubergiste comme son père. Mais comme Deshayes, il écrira lui aussi des livres...


Sur cette image, on voit l'atelier du charron et le café Ameline. Or,avant d'être aubergiste, le père d'Emile fut le charron de Jumièges. Mais il est à penser que l'auberge Savalle se situait un peu plus bas dans la rue, face à l'abbaye.

Comment ne pas faire un rapprochement entre
 la vocation littéraire du jeune aubergiste et la notoriété de l'écrivain mort sous son toit. Emile a-t-il eu entre les mains la documentation laissée par Deshayes ? Non si l'on en croit l'inventaire après décès. Les affaires de Deshayes furent immédiatement mises sous scellés et  dispersées aux enchères à l'auberge Savalle. Mais la question se pose. Au moins, le souvenir du vieil érudit aura influencé le jeune Emile au point de l'amener à s'intéresser à l'histoire locale. Ce 14 avril 1844, un écrivain s'éteignait, un autre était en devenir. On est tenté d'y voir une filiation...

Des sources contestées


Quand, à 32 ans et toujours aubergiste Emile Savalle publie un premier consacré aux derniers moines de Jumièges,  la Revue de Normandie a ce commentaire lapidaire:
"Nous lui reprochons de ne pas citer ses autorités".
La remarque est juste. Quelles sont donc les sources du jeune Jumiègeois ! Il affirme s'appuyer sur des témoignages recueillis auprès des vieux du village. Suspect. Au congrès du XIIIe centenaire, Viller met clairement la chose en doute: "Lorsqu'en 1867, Savalle publia sa plaquette, les événements étaient vieux de 70 ans. S'il restait encore à Jumièges des habitants ayant connu l'abbaye vivante, ils étaient tous centenaires ! Autant dire qu'en fait de témoins oculaires, il n'y en avait plus. Ou que, s'il en restait, leurs souvenirs devaient être plutôt estompés!" Or Savalle décrit des scènes avec un souci d'exactitude qui, effectivement, ne peut relever de souvenirs d'enfance. Par ailleurs, il ne cite pour ainsi dire aucun document d'archives. Comment bâtir un solide récit dans de telles conditions !

Une filiation intellectuelle


Contestés l'un comme l'autre par certains érudits, pas tous, Deshayes et Savalle sont souvent associés. 
En 1885, la Revue de Normandie évoque ainsi l'hospitalité légendaire de l'abbaye de Jumièges: "M. Savalle, aussi peu partial pour les religieux que M. Deshayes, a rendu le même témoignage..."

Au XIIIe centenaire de l'abbaye de Jumièges, Eustache Remnant s'étonne. Savalle, remarque-t-il, affirme dans ses Dernier moines qu'un Lord acheta le cloître de Jumièges. Or, c'était une thèse défendue par Deshayes.

Savalle s'est fortement nourri du travail de son devancier. "Deshayes, suivi en cela par Savalle", lit-on ici. "Après Deshayes, lit-on ailleurs, Émile Savalle devait écrire..." Bref, la filiation intellectuelle est évidente. Fut-elle purement fortuite.

Que reproche-t-on le plus souvent à Savalle. Des sources hypothétiques, nous l'avons déjà dit. Et par conséquent des erreurs. La principale est sa liste des derniers moines de Jumièges. Elle est fausse. Caduque. Au XIIIe centenaire, Viller émet une hypothèse: "L'explication est que Savalle a dû se servir de quelque pièce officielle sensiblement contemporaine, acte capitulaire ou notarial, dont il reproduit les noms sans prendre la précaution d'en indiquer les dates."
Parmi ses plus grands détracteurs : l'abbé Maurice qui, dans ses manuscrits inédits, lui fait constamment référence. Pour rectifier systématiquement ses allégations. Il lui arrive cependant de souligner une exactitude.

Encore un détail troublant. Moine, puis maire de Jumièges, Antoine Desaulty est mort en 1826 au domicile de Mlle Dinaumare. Quand celle-ci vint à mourir, en 1840, près de l'auberge Savalle, on découvrit chez elle un document intitulé La Vie de dom de Saulty, cellerier de l'Abbaye de Jumièges, (écrite par lui-même). La couverture porte en effet la mention : « Papiers trouvés à la Mort de Mademoiselle V. D. » Emile Savalle a eu manifestement ce manuscrit entre les mains car il évoque dans son livre des épisodes de la vie de Desaulty inconnus du public. Mais que contenaient exactement ces mémoires aujourd'hui introuvables ? 

SON PREMIER OUVRAGE (Lire: )


La critique des Derniers moines dans la Revue de Normandie, 1867 :


"L'auteur ouvre son livre par une peinture touchante des mœurs conventuelles en 1789. Il y a là quelques pages pleines d'intérêt et traitées avec une impartialité qu'on regrette de ne pas trouver toujours au même degré dans le reste de l'ouvrage. C'est vraiment avec un nouveau plaisir que nous avons relu ce premier chapitre.
Le chapitre suivant nous parle de ce que j'appellerai la scène du Serment dans la tragédie de la dévolution. Ne passons pas outre sans blâmer cette faiblesse, mais excusons-la, car ces hommes trompés, ont bien pu comme tant d'autres, apporter dans la prestation de ce serment, soit intentionnellement soit verbalement, la restriction qu'exigeait la conscience.

"Après quelques notes biographiques de peu d'importance, mais que l'auteur a eu raison de nous donner, nous arrivons au chapitre des ventes et aliénations. On ne peut sans un serrement de cœur assister à ces scènes de pillage et de ruines.

"Il en est des monuments comme des hommes. Un grand homme commande le respect au milieu de ses malheurs ; une armée de braves excite notre sympathie jusque dans sa défaite , et à la vue de ces vieux monastères encore imposants par leurs ruines gigantesques le cœur se sent ému et navré. Qui ne s'est jamais surpris rêvant sous ces voûtes jadis si pleines de majesté, où la science et la vertu se donnaient rendez-vous, mais aujourd'hui, hélas! tombant en ruine, veuves de leurs saints et savants hôtes et victimes des faiblesses et de la spoliation? A ces pensées l'émotion vous gagne, on s'indigne même, et, n'était le précepte de la charité, on n'aurait volontiers que des malédictions pour l'auteur de ces désastres. C'est ce qu'éprouve sans doute M. Savalle. Mais peut-être son indignation l'emporte-t-elle trop loin à l'égard de l'abbé Adam. Il nous a toujours semblé fort délicat de faire un crime à un homme de n'avoir point su profiter d'une sacrilège spoliation, lorsque, le cas d'une réaction échéant, il n'eut reçu que des éloges. On ne doit point oublier que l'iniquité, qu'elle soit le fait d'un homme ou d'une nation, est toujours une iniquité que la foule ne légitime pas. Soyez libéral tant qu'il vous plaira, je le veux bien, mais si vous pouvez aimer la liberté, vous ne devez jamais exclure la justice.

"Le chapitre IVe ayant plus de rapport à la paroisse qu'à l'abbaye, nous ne nous y arrêterons pas. Remarquons cependant que M. Savalle, si sévère à l'égard de l'abbé Adam, toutes les fois que son nom tombe sous sa plume, est assez avare de reproches lorsqu'il s'agit des folies et des excès de la Révolution. Que M. Varenguien, maire delà commune, mette de sa propre main le feu à tous les vieux parchemins de l'abbaye, sur la place publique : qu'on spolie les moines et qu'on les expulse, l'auteur trouve cela si naturel qu'il ne lui inflige aucune flétrissure.

"La lecture du dernier chapitre nous inspire des pensées peu flatteuses pour un siècle qui se dit le siècle des lumières et du progrès. Croirait-on qu'au commencement du XIXe siècle, cette magnifique abbaye n'a pu trouver un seul homme de bon goût et ami des arts pour la sauver du naufrage? Au contraire, toute une nuée de démolisseurs sont venus s'abattre comme une bande de vautours, sur cette proie devenue trop facile, pour la piller et la détruire et nous laisser d'éternels regrets.

"En terminant, donnons à M. Savalle les éloges qu'il mérite. Le ton de modération qui règne dans tout l'ouvrage, sauf une exception, fait honneur à son auteur Nous lui reprocherons de ne pas citer ses autorités. Dans un travail de ce genre on se saurait aussi se mettre assez en garde contre les erreurs trop faciles d'une tradition orale de trois quarts de siècle. Les souvenirs s'effacent vite aujourd'hui, et plus d'une fois nous avons eu l'occasion de constater par nous-mêmes combien sont peu sûrs les renseignements donnés par des témoins plus qu'octogénaires."

Abbé CAUMONT.


SON DEUXIÈME OUVRAGE (Lire : )


En publiant La chronique des Énervés, thèse que réfute catégoriquement la direction de la Revue de Normandie, Savalle a trouvé en revanche un allié de poids en la personne de Julien Loth, l'homme qui publia le manuscrit original de l'histoire de l'abbaye. Ce fameux manuscrit abondamment plagié par Deshayes.  Écoutons-le: "M. Émile Savalle (...) soutient la légende monastique et réfute l'opinion de M. H. Langlois à l'aide d'arguments qui méritent l'attention."


La critique de La Chronique des Énervés dans la Revue de Normandie en 1868.

"Certes, c'est chose hardie que prendre corps à corps un lutteur tel qu' Hyacinthe Langlois, et s'attaquer à un de ces chefs-d'œuvre de science et d'érudition profonde, élaborés ou défendus par lui. Que devrons-nous donc dire de M. Émile Savalle qui n'hésite pas aujourd'hui à jeter comme un défi, non-seulement à Langlois, mais à Dom Mabillon, à Toussaint Duplessis, à toute la cohorte des écrivains et des archéologues qui ont, jusqu'à ce jour, sérieusement étudié la tradition des Énervés ?

Et cependant, disons-le tout de suite, le jeune historien de Jumièges se tire heureusement de cette lutte inégale ; si son travail ne parvient pas à convaincre tous les esprits de la véracité des vieux chroniqueurs gemmétiques, du moins il réveille le doute et met en garde les esprits sérieux contre des conclusions injurieuses pour Jumièges et pour ses antiques hôtes.

"Effrayé tout d'abord par la témérité d'une attaque aussi imprévue, nous avons relu, pesé, examiné les arguments présentés par M. Savalle et, s'il veut bien s'arrêter avec nous à l'avant-dernier mot de ses conclusions, nous voudrons bien dire avec lui :  En résumé, l'existence des Énervés « est à nos yeux possible, vraisemblable, probable, » mais nous n'osons aller jusqu'à certaine (Nous n'avons pas lu l'ouvrage de M. Savalle, mais nous rejetons à priori tout ce qui pourrait paraître une faiblesse en faveur de la fable des Énervés. — Note de la direction.—)

"Autre point. Dans cette brochure, M. Savalle a répondu, sans y songer sans doute, aux accusations qu'il avait eues à subir d'être l'ennemi de ces moines auxquels est due l'existence et la renommée de Jumièges. En rendant aujourd'hui justice aux bons religieux, il rend évidemment hommage à la vérité."

E. MainiÈrEs.

Son troisième ouvrage...

Vers 1874, Émile Savalle jette aux orties son tablier d'aubergiste. On le retrouve en effet commis principal au bureau de l'état-civil du Havre. Son chef de bureau sera Armand Laillet. 

Deux ans plus tard, il fait son entrée à la Société  géologique de Normandie alors que nait son dernier fils, Emile. 1876 est aussi l'année où il publie son troisième et dernier ouvrage historique : Le culte des saints avant 1789. Il s'agit là de la première partie d'une série intitulée Au bon vieux temps. Elle restera sans suite. De quoi parle Le culte des saints ? C'est une pièce en vers divisée en trois parties. Tout d'abord une courte lettre signée du prieur de l'abbaye de Jumièges, Dom Bride, au curé de Jumièges. Elle est datée du monastère de Saint-Germain des Près, le 10 juillet 1772. La seconde est une lettre de Dom de Saulty aux frères thémites, elle aussi du 10 juillet. Enfin, la troisième et dernière partie, plus longue, est de l'abbé Le Chanoine, curé d'Yainville, à son homologue de Jumièges en date du 10 août 1772.

Sa seconde carrière...

Dans le grand port normand, la famille habita successivement 54, cours de la République puis au 32 et enfin au 96, rue de la Mailleraye.

La jeune Société géologique est alors présidée par le directeur du Muséum du Havre, Gustave Lennier. Là, Savalle s'initie aux sciences de la terre, à la préhistoire. Si bien qu'en 1898, il découvre le plus important gisement d'ossements de dinosaures en Normandie. On le verra mener des excursions, donner des conférences. De ses fouilles, Savalle donne quantité d'articles. Il réunit aussi une inestimable collection de photographies...

Emile est ici à droite d'un groupe de géologues normands...

Mais son dernier né lui donne quelque soucis. Avec son étoile tatouée sur le bras, Emile junior est un bon bon vivant, ce qui lui vaut quelques ennuis.Emile père décède à 68 ans le 2 mai 1902.

Après sa mort, les plus jeunes de ses fils , Emile et Albert, seront engagés dans la Grande Guerre, faisant oublier leurs erreurs de jeunesse...

SA NÉCRO

Voici comment  le Bulletin de la société normande d'études préhistoriques retraça sont œuvre lors de sa disparition. (Annotations en rouge d'Yves Lepage.)

"La Société a perdu, dans le courant de l'année 1902, l'un de ses membres de la première heure. Émile Savalle, décédé au Havre, le 2 mai.

"Savalle s'intéressait tout particulièrement à la géologie et à la paléontologie. Pendant de longues années, les falaises du littoral, voisines du cap de la Hève, ont été l'objet de ses études assidues ; elles ont été pour lui la source d'intéressantes observations et de nombreuses découvertes.

"De 1882 à 1891, les Bulletins de la Société géologique de Normandie, dont il était membre, sont remplis de notes où il est question de ses recherches.

"La quantité de fossiles et d'ossements des grands sauriens du Kiméridge, qu'il a recueillis au cours de ses explorations, est considérable et se trouve aujourd'hui en bonne place au Muséum d'histoire naturelle de la ville du Havre.

"La Société a perdu, dans le courant de l'année 1902, l'un de ses membres de la première heure. Émile Savalle, décédé au Havre, le 2 mai.

"Savalle s'intéressait tout particulièrement à la géologie et à la paléontologie. Pendant de longues années, les falaises du littoral, voisines du cap de la Hève, ont été l'objet de ses études assidues ; elles ont été pour lui la source d'intéressantes observations et de nombreuses découvertes.

"De 1882 à 1891, les Bulletins de la Société géologique de Normandie, dont il était membre, sont remplis de notes où il est question de ses recherches.

"La quantité de fossiles et d'ossements des grands sauriens du Kiméridge, qu'il a recueillis au cours de ses explorations, est considérable et se trouve aujourd'hui en bonne place au Muséum d'histoire naturelle de la ville du Havre.

[Il n’existe aujourd’hui malheureusement plus rien des nombreux dons effectués par Savalle au Muséum du Havre ; ils ont tous été détruits lors du bombardement de la ville en 1944.] Ajout d'Yves Lepage.

"Ses études ont également porté sur la préhistoire et c'est à ce titre que, dès la création de notre Société, il fut des nôtres. Dès 1877, lors de l'organisation, au Havre, d'une exposition géologique et paléontologique, il fut l'un des commissaires délégués à la section qui comprenait la préhistoire.Depuis cette époque, il n'a cessé de s'occuper de cette branche des sciences naturelles, ainsi qu'en témoignent les notes, les communications, les pièces qu'il a présentées à la Société géologique de Normandie et qui sont consignées dans les Bulletins de cette Société. C'est qu'en effet, une grande partie de ses loisirs était consacrée à la recherche des stations néolithiques des environs du Havre et à la récolte de l'outillage des anciens habitants de cette contrée. Sa patience, sa persévérance dans ces recherches, ont été souvent récompensées et il a recueilli de nombreuses et belles pièces. On peut aisément s'en rendre compte en visitant les collections préhistoriques du Muséum du Havre. Une grande partie des trouvailles de notre collègue s'y trouve exposée.

"Nos Bulletins ne renferment aucune des publications de Savalle et c'est dans le Recueil des mémoires de la Société géologique de Normandie qu'il nous faut puiser pour dresser la liste de ceux de ses travaux qui rentrent dans le cadre de nos études :

1883. Notes sur ses recherches de silex taillés, aux environs du Havre (in procès-verbaux des séances des 3 avril et 6 juin.

[Comptes-rendus parus en 1885.]


1884. Note sur un gisement de Cardium Edule à Bénerville. Note sur des silex taillés, de la période néolithique, trouvés à Octeville, hameau du Tôt. Note sur une station néolithique, découverte à Cauville, dans la plaine de Villequier.

Notes sur ses recherches de silex taillés, aux environs du Havre (in procès-verbaux des séances des 2 avril, 7 mai, 2 juillet, 4 août et 10 décembre).

[Comptes-rendus parus en 1885.]


1885. Notes sur ses recherches de silex taillés, aux environs du Havre in procès-verbaux des séances des 2 septembre, 7 octobre et 2 décembre).

[Comptes-rendus parus en 1886.]


1886. Note sur treize tètes de flèches trouvées à Cauville et à Octeville. (1882-1888).

[Note parue en 1887.]


1890. Le Havre et ses environs aux temps préhistoriques ; période néolithique.

[Note parue en 1892.]

1891. Le Havre et ses environs aux temps préhistoriques; période néolithique(suite).

[Note parue en 1993.]


R. Fortin.


SON PORTRAIT


 
En 1939, la Société linnéenne de Seine Maritime rend ainsi hommage à Émile Savalle. Extraits.

"Principal commis du Bureau de l'état civil à la mairie du Havre, Émile Savalle consacrait tous ses loisirs à ses chères études paléontologiques et géologiques. Sa longue expérience lui permettait, sur le simple examen d'une carte d'État-Major, de pressentir, de situer une station préhistorique : « Partout, disait-il, où se trouve une colline ou simplement un plateau, voisins d'une rivière ou d'une vallée qui fut antérieurement, il y a. quelques pièces préhistoriques à trouver en un point précis !
» Et ce point précis, il savait le découvrir avec une sagacité et une puissance de déduction merveilleuses.

"Le « Père Savalle », petit  homme gai, jovial, alerte. toujours d'humeur égale et surtout si accueillant, si bienveillant pour les jeunes, était un maître incontesté en préhistoire. Tous ses jours de liberté étaient, de préférence, par principe, consacrés à la préhistoire et surtout à la recherche des silex taillés.

"Il se mettait en route, de bon matin et toujours il était le premier arrivé au lieu du rendez-vous qu'il avait fixé à ses compagnons. Il n'avait garde d'oublier « sa bonne pipe » et son briquet, car c'était un fumeur acharné, sa musette et sa gourde en sautoir, en main, une canne emmanchée d'un piochon (dont il avait lui-même conçu et dessiné  le modèle). C'était, d'un côté, un pic, et, de l'autre, une petite pelle légèrement ovale, légèrement creusée en cuillère, qui lui permettait de ramasser, sans se baisser, les pierres qu'il voulait examiner.

"Infatigable à la marche, il allait toujours d'un pas assuré, comme s'il eût été attiré par un aimant, vers le « point précis » où il devait faire ses trouvailles. II visitait, de préférence, les terres labourées, et, sillon par sillon, inspectait le sol nouvellement mis à jour, — le résultat se faisait rarement attendre et bientôt il ramassait la 
» belle pièce », ses amis se pressaient autour de lui, pour entendre ses explications et ses commentaires. — Quand la trouvaille était d'importance, il tirait sa gourde et offrait une tournée pour boire à la santé du primitif qui avait taillé un aussi beau silex !  Il affectionnait principalement les champs en abord  des falaises qui s'étendent entre Octeville et Cauville. C'est là qu'il fit ses plus belles trouvailles (...)

"Émile Savalle était bien connu dans les campagnes environnantes, les cultivateurs avaient pour lui une sympathique camaraderie, ils suivaient ses recherches d'un œil amusé et bienveillant, et l'appelaient familièrement « l' Pé Caillou ». Beaucoup d'entre eux, se faisaient même  un plaisir (parfois malin  et « l' Pé Caillou » avait toujours de la monnaie pour leur pièce), de ramasser et de mettre de côté, pour les lui offrir, les « cailloux » plus ou moins bizarres, qu'ils trouvaient. Comme on le devine bien, la plupart de ces... pierres, n'offraient le plus souvent aucun intérêt préhistorique, mais « l' Pé Caillou » avait en ces circonstances un mot malicieusement aimable ou encourageant pour ses collaborateurs facétieux, profanes et bénévoles.

"Quand venait le réveil de la nature et que les champs se couvraient de nouvelles moissons, la recherche des silex taillés devenant impossible, notre concitoyen se rabattait avec une nouvelle ardeur sur les falaises de la Hève qu'il connaissait indiscutablement mieux que les rues du Havre.  Émile Savalle se livrait inlassablement à la recherche des fossiles (...)

"Il me faut mettre en évidence, la constante modestie qu'il observa toujours au sujet de ses trouvailles et de ses découvertes, les procès-verbaux des séances de la Société Géologique de Normandie, sont, à son égard, d'un laconisme tel qu'il semble avoir été exigé par Savalle  lui-même. Contraste frappant avec le soin manifeste que plusieurs de ses collègues mettaient alors à soigner leur propre gloire ; qu'il l'ait voulu ou non, Savalle fut victime de sa modestie. (...)

"Il ignorait la vanité et se souciait peu de la renommée ! Qui n'a point de travers ? Émile Savalle personnifiait le type de l'original indépendant et invulnérable à la critique, s'amusant fort des sourires que provoquait sa malicieuse philosophie de vieil enfant terrible.

"Insensible aux différences de température, il n'avait qu'une seule façon de s'habiller : un chapeau melon, une redingote noire et de gros souliers ferrés le caractérisaient. Il ne marquait la différence des saisons que par un détail typique : le col de sa redingote était rabattu en été et il le relevait en hiver !

"L'ensemble de son costume était assez disparate, un chapeau neuf, une redingote aux reflets bleus ou verdâtres, des souliers usagés, ou inversement, la chose s'explique facilement; s'achetait-il quelque objet de toilette ? il avait l'habitude de tenir à chacune de ses emplettes, un toujours semblable discours qui se terminait invariablement par: « et tu sais, c'est maintenant au dernier vivant ! »  et ce contrat d'association ne s'achevait que par la défaillance totale et irrémédiable de l'acquisition.

"Le « Père Savalle » n'avait que des amis et déjà et déjà en 1885, il appartenait à la popularité.
La Revue Comique, dirigée par Albert René, n'eut garde de l'oublier. Le 14 février 1885, dans « Physionomie de l'Hôtel  de Ville », nous relevons parmi les passages qui lui sont consacrés : 
« M. Savalle, premier commis aux  mariages. A plus de connaissances géologiques dans la tête que de cheveux dessus — possède dans son pupitre la collection complète de toutes les espèces de cailloux qui bordent les rives normandes, de la pointe de La Hève au cap de Barfleur. Empêche par sa ténacité de collectionneur MM. Lennier et Lecureur de dormir... Parmi les curiosités que renferme encore le pupitre de M. Savalle  il faut noter une série de pipes (de tous les âges !)... C'était un chercheur consciencieux, un travailleur inlassable  et ne bornant point ses études à la géologie. Savalle était devenu dans ses dernières années un mycologue des plus qualifiés. » 


En 1898, Georges Thouret a publié ce poème dans le Recueil des publications de la Société havraise d'études diverses : 

L'ERREUR DE VIVRE

                                                         Pour M. Emile Savalle.

Puisque la fleur à peine entr'ou verte est fanée,
Puisque la nuit, hélas ! inflexible toujours,
Jette son noir linceul sur les aubes, les jours,
Et que l'heure s'enfuit en emportant l'année,-

Puisque dès le bourgeon la feuille est condamnée ;
Puisque le temps vainqueur, en paix, poursuit son cours
Sans mesure et sans frein, sans borne et sans retours
Eteignant dans les cieux l'étoile à peine née ;

Puisque chaque naissance est un pas vers la mort,
C'est que l'atome inerte, ébranlé par le Sort,
Tout en vibrant, s'épuise et retourne au non être,

Tout est peut-être faux, la naissance et l'adieu,
La souffrance et l'espoir, et nous sommes peut-être
Ou l'effet d'une erreur ou le rêve d'un Dieu !



SON ASCENDANCE


1
   Émile Savalle, né le 1er février 1834 à Jumièges, fils de...

Adolphe Savalle, né à Mauny le 4 mars 1808, 25 ans à la naissance d'Émile, charron puis aubergiste, marié à Jumièges le 20 octobre 1833 avec...
Adélaïde Louise Guiot, née le 15 septembre 1809 et décédée à Jumièges en 1862.


Jean Pierre Frédéric Savalle, né le 29 octobre 1770 - St Paul de la Haye, charron demeurant à Bardouville, marié à Jumièges le 5 Prairial, an X avec

5  Marie Geneviève Moncrétien, née à Jumièges le 13 janvier 1781, décédée à Mauny le 23 novembre 1811
6 Denis Guiot, Né le 20 octobre 1784 à Jumièges, cultivateur, marié le 15 septembre 1803 à
7 Catherine Rose Ponty, née le 7 janvier 1780 à Jumièges.


8   Jean Savalle (1742-1808), marié  le 13 février 1770, St Paul de la Haye, à...
9   Marie-Élisabeth Cottard,  née le 18 mars 1743, Mauny, décédée le 29 mars 1814 - Barneville-sur-Seine
10 Robert Moncretien, marchand.. Veuf, s'est remarié à Marguerite Bourgeot le 28 août 1787 à Jumièges.
11 Geneviève Caron.
12 Pierre Guiot
13 Marie-Catherine Lesueur.
14
Jean-Baptiste Ponty, laboureur, Jumièges, marié en 1775 à
15 Marie Mouette. Décédée tôt, son mari se remaria à Catherine Cauchois.


16 Jean Savalle, né le 20 juin 1711 à Hauville,   décédé le 9 octobre 1772 à St Paul de la Haye,
17 Marie Marguerite Becquet, née le 13 novembre 1707 à St Paul de la Haye, décédée le 21 mars 1770 à St Paul de la Haye
18  André Cottard, né le 12 février 1716 - Mauny, décédé le 8 octobre 1786 à Mauny
19 Marguerite Maze, née le 20 janvier 1711 - Barneville-sur-Seine,  décédée le 20 février 1789 à Mauny
20  François Monchrétien
21 Angélique Augé
28 Nicolas Ponty,
marié en 1738 à Jumièges à
29 Marie Tropinel.
30 Jean Mouette

31 Catherine Neveu


32 Michel Savalle, né le 25 novembre 1681 à St Paul de la Haye, décédé le 1er novembre 1757 à idem, marié le 5 février 1709, Hauville à
33 Marguerite Leprince, née le 3 mai 1688 à Valletot, décédée le 8 mai 1720 à Hauville

56 Jacques Ponty
57 Marguerite Lepage


64 Richard Savalle, né le 10 avril 1639 à Hauville, décédé le 4 mars 1714 à idem, marié vers 1665, Guenouville à
65 Anne Nepveu, née le 15 février 1643 à Guenouville,  née le 15 février 1643 à Guenouville, décédée le 8 juin 1712 à Hauville
.


128 Christophe Savalle, né le 19 avril 1602 à Hauville, décédé le 25 avril 1660, Hauville, marié vers 1628 à
129  Catherine Lucas, née vers 1610, décédée après 1680

256 Robert Savalle, né vers 1565 julien, décédé avant 1641 à Hauville,



Merci à Yves Lepage pour la photographie de Savalle et les divers renseignements qu'il a bien voulu nous confier.
Merci à Jean-Pierre Hervieux pour ses recherches aux archives qui nous ont permis de remonter l'ascendance d'Émile Savalle en les complétant par la suite avec les recherches de Philippe de Graet.

LIENS


Sciences et géologie normandes

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