Elles furent, pour nos ancêtres, les premières associations ! Jusqu'au XXe siècle, comme partout en Normandie, le canton a compté plusieurs confréries. Elles nous venaient des fins fonds du moyen âge et de ses pestes. Tentative d'inventaire...

Laurent QUEVILLY et Jean-Pierre HERVIEUX.
De la première croisade on ramena peste et choléra. Bientôt, dans nos villages, il fallut enterrer les morts. Puis enterrer à leur tour ceux qui, contaminés, les avaient enterrés. Alors qui pouvait bien enrayer ce cycle infernal ? Ainsi naquirent les confréries : Orbec en 1006, Broglie en 1007, Lisieux... Les diocèses normands inspirent ceux d'Ile-de-France... Plus tard, deux périodes de l'histoire menaceront les charitons de disparition. : la Révolution et la Grande-Guerre.

Voici tout d'abord la liste des confréries du canton de Duclair relevée par Jean-Pierre Hervieux le 23 octobre 2010 dans le Répertoire des anciennes confréries et charités du diocèse de Rouen approuvées de 1434 à 1610. (Abbé Martin,  1936, L Durand et fils imprimeurs-éditeurs à Fécamp).


Anneville-Ambourville


23 septembre 1501 : approbation des statuts de la confrérie de la bienheureuse Vierge Marie et des SS Côme et Damien fondée dans l'église paroissiale d'Anborville, du doyenné de Bourgtheroulde, le 23 septembre 30 s.

Anneville : confrérie (du St Sacrement) fondée de temps immémorial dans l'église d'Anneville ; statuts renouvelés en 1511;



Bardouville

26 septembre 1523 : approbation des statuts de la confrérie des SS Michel, Sébastien, Roch et Adrien, fondée dans l'église paroissiale de Bardouville du doyenné de Bourgtheroulde du diocède de Rouen, le 26 septembre 30 s



Duclair

3 décembre 1491 : pour l'approbation des statuts de la confrérie des SS Nicolas, pontife, Antoine de Padoue, et de la bienheureuse Barbe, vierge, fondée et instituée dans l'église paroissiale de S Denis de Duclair, du diocèse de Rouen le 3 décembre 30 sols tournois.


Epinay (sur Duclair)

2 juillet 1490 : pour l'approbation des statuts de la confrérie du Très Saint Sacrement de Notre Dame et des SS Martin et Sébastien dans l'église paroissiale de S Martin d'Espinay du doyenné de S Georges le 2 juillet 25 s.



Hénouville

28 septembre 1518 : approbation des statuts de la confrérie des SS Mchel, archange, Nicolas et Blaise fondée dans l'église paroissiale de Hénouville du doyenné de S Georges le 28 septembre 30 s.



Jumièges

3 février 1507 : approbation des statuts de la confrérie de la très bienheureuse Vierge Marie, et des SS Michel et Nicolas fondée dans l'église S Valentin de Jumièges le 3 février 30 s.

3 février 1507 : approbation des statuts de la confrérie de la Très Sainte Trinité, et des SS Valentin, Pierre et Mathurin, fondée dans l'église de Jumièges le 3 février 30 s

6 mars 1526 : approbation d'un certain statut établi par les curés ou prêtres et autres constitués dans les ordres sacrés de la paroisse de Jumièges, du doyenné de S Georges, du diocèse de Rouen, à l'honneur du Très Saint Sacrement de l'Autel et de S Valentin, dans l'église paroissiale du dit lieu de Jumièges, sous le bon vouloir du Révérendissime Seigneur, Archevêque de Rouen, ou de son vicaire, le 6 mars 30 s

3 décembre 1533 : approbation des statuts de la confrérie, fondée dans l'église paroissiale S Valentin de Jumièges, du doyenné de S Georges, à l'honneur de Ste Barbe, expédiée le 23 décembre 30 s

3 janvier 1551 : approbation des statuts de la Charité ou Confraternité, fondée dans l'église paroissiale S Valentin de Jumièges, du doyenné de S Georges, du diocèse de Rouen, à l'honneur de la Très Sainte et Indivise Trinité du Père et du Fils et du Saint Esprit, et de la très bienheureuse et très glorieuse Vierge Marie, et de Tous les Saints et Saintes le 3 janvier 30 s.

1639. Confrérie du Rosaire fondée par Dom Etienne Duval, moine non-réformé de l'abbaye.

Le Mesnil-sous-Jumièges

Elle comptait cinq membres en 1880. Elle s'est dissoute en représaille dans le cadre d'un conflit avec l'abbé Forthomme.


Quevillon

9 juillet 1490 : pour l'approbation des statuts de la Confrérie de Notre Dame et des SS Martin et Nicolas de Quevillon, fondée dans l'église de S Martin de Quevillon le 9 juillet 20s

28 mai 1547 : approbation des statuts de la Charité ou Confraternité, fondée dans l'église paroissiale de S Martin de Quevillon, du doyenné de S Georges, à l'honneur de la Très Sainte Trinité et de la très bienheureuse Vierge Marie, et des SS Martin, Nicolas, Sébastien et Marc le 28 mai 30 s.

1695: fondation de la confrérie du St Sacrement de l'autel fondée en l'église St Martin de Quevillon.


Saint Martin-de-Boscherville

 16 décembre 1536 : approbation des statuts de la Confrérie fondée dans l'église paroissiale S Martin de Bosquierville, du doyenné de S Georges, à l'honneur de l'Assomption de la très bienheureuse Vierge Marie et des SS Martin, Nicolas et Sébastien, expédiée le 16 décembre 30 s.

N.D.L.R : où se situait l'église paroissiale ?


Saint Paër-sur-Duclair

25 septembre 1500 : Confrérie du Saint Sacrement et de S Paër, fondée dans l'église paroissiale de S Paër, du doyenné de S Georges du diocèse de Rouen le 25 septembre 40 s





Saint Pierre de Manneville

2 juin 1532 : approbation des statuts de la confrérie fondée dans l'église paroissiale de S Pierre de Manneville, du doyenné de S Georges, à l'honneur de Dieu Tout-Puissant, et de la très bienheureuse Vierge Marie, et des SS Pierre et Paul, expédiée le 22 juin 30 s.


Sainte Marguerite-sur-Duclair

2 août 1548 : approbation des statuts de la Charité ou Confraternité, à l'honneur de la très bienheureuse Vierge Marie, et de Ste Marguerite, et de SS Jean-Baptiste, Nicolas, Sébastien et Maur dans l'église paroissiale de Ste Marguerite sur Duclair, du doyenné de S Georges, expédiée le 2 août 30 s.

1729 : Statuts de la confrérie du Saint-Rosaire.


Varengeville-la-Chaussée

3 août 1537 : approbation des statuts de la Charité ou Confrérie fondée dans l'église paroissiale de Notre Dame de Varengeville (1) du doyenné de S Georges du diocèse de Rouen, à l'honneur de Dieu Tout-Puissant, et de la très bienheureuse Vierge Marie et des SS Gilles, Loup, Jean-Baptiste, et Nicolas et des Stes Foy et Barbe, expédiée le 3 août 30 s 

N.D.L.R : l'église Notre-Dame a disparu en 1823. En revanche, la chapelle Saint-Gilles est du XVIIe siècle. Emile Quevilly, en 1856, et Stéphane Quevilly, en 1838, de Varengeville, étaient membres de la confrérie de St-Gilles

14 juillet 1518 : approbation des statuts de la Confrérie de Ste Anne, de S Sébastien et de Ste Barbe, fondée dans la chapelle de Ste Anne de la Fontaine, du doyenné de S Georges, le 14 juillet  30 s


Villers-le-Chambellan

10 août 1471 : pour l'approbation des statuts de la Confrérie de Notre Dame et de S Nicolas, fondée dans l'église de Villers etc..., le 10 août 30 s

14 août 1509 : Association des Stes Anne, Barbe, des Dix Mille Martyrs, des Onze Mille Vierges, et du bienheureux Robert, dans la Confrérie de la très bienheureuse Vierge Marie et de S Nicolas, fondée dans l'église paroissiale de Villers du doyenné de S Georges, le 14 août 10 s.


Yainville

28 novembre 1513 : approbation des statuts de la confrérie de Notre Dame et de St André, instituée ou fondée dans l'église St André de Yainville du doyenné de St Georges le 28 novembre 1513.




Yville-sur-Seine

Début octobre (entre 4 et 10) 1440 : pour l'approbation d'une certaine confrérie, fondée dans l'église d'Yville, du doyenné de Bourgtheroulde, en l'honneur du bienheureux Léger 40 s. Très populaire, saint Léger qui aurait vécu de 616 à 680 donna son nom à 55 communes de France. Celle d'Yville fut donc affectée à l'église romane en pierre de Mauny dédiée le 24 avril 1265.

Nous verrons plus loin que la confrérie d'Yville s'est particulièrement fait remarquer en 1836... 

Elle demeure toujours comme l'une des trois confréries de charité actives du département avec celles de Saint-Léonard et Vatteville-sur-la-Rue. Dans es années 1995, alors que Didier Blin est désigné maître, elle comptait douze charitons dont trois nouvelles recrues : Pierre Lejeune, Antoinette Lefèvre et Maria Rusig.

Le jeudi 28 mai 2015, le village accueillit plus de cinq cents charitons, une quarantaine de prêtres de l’Eure, ainsi que Mgr Descubes, archevêque de Rouen et Mgr Nourrichard, évêque d’Evreux, à l’occasion du congrès de la confrérie. Le dernier rassemblement de charitons à Yville-sur-Seine remontait à cinquante ans, le 11 mai 1965.

Source 1995 : Le Courrier Cauchois

NOTES

(1) Le 8 juin 1714, Mgr d'Aubigné visita l'église Notre-Dame. Son compte-rendu révèle que la confrérie de Saint-Gilles n'a que très peu de casuel. Il révèle surtout un différent existant entre le curé et les membres de cette confrérie.
"... Une requête de la part de Monsieur de Manneville et des confrères de la dite confrérie exposant que le sieur curé ne pouvant s'acquitter des trois messes la semaine suivant les statuts de ladite confrérie dont l'une doit être chantée le dimanche en l'honneur de la Sainte Vierge, l'autre le mercredi et la troisième en ladite chapelle... la dite confrérie sera entièrement tombée et ladite chapelle négligée pour quoi ils nous auraient supplié de mettre le sieur Doury, vicaire, pour faire le référent de ladite confrérie ; sur quoi ayant entendu ledit sieur curé et lui ayant donné l'option d'acquitter le total des messes ou d'abandonner lesdites messes audit sieur Doury ou autre prêtre sera tenu de continuer les fonctions de vicaire au soulagement dudit sieur curé et ledit sieur Doury demeurera tenu de suivre lesdits confrères suivants les gages précédents sans que le dit sieur curé soit obligé de contribuer ou plus outre de faire la condition dudit sieur vicaire qui se prendra sur lesdits confrères et les habitants dont en outre... les oblations qui ont coutume de se faire en ladite chapelle incombent au dit sieur Doury ou autre chapelain en charge dudit service de ladite chapelle sans préjdudice de l'inspection dudit sieur curé... ledit sieur curé a consenti que les messes soient acquittées par ledit sieur Doury ou autre prêtre de sa place."

Saint-Pierre-de-Varengeville d'hier, Jean-Pierre Hervieux, pp. 127-128.


COMMENTAIRES


Au Trait, une charité est attestée en 1672 ayant pour maître Jean Lemonnier. Ses rentes lui rapportaient au XVIIIe siècle  une demi-douzaine de livres.

A Saint-Paër, une confrérie du Saint-Rozaire fut fondée en 1688. Elle porte chapeau blanc.

Anneville a compté une confrérie du Rosaire non répertoriée par l'abbé Martin. Voici ce que disait Darcel de sa croix de procession : 

La paroisse comptait aussi une confrérie de S.-Thibault, S.-Blaise, S.-Valery et S.-Nicolas renouvelée en 1511.

A Jumièges,  il ne subsistait manifestement que trois  confréries au  XIXe siècle :

La confrérie de Saint Jean Baptiste, dite encore du Loup vert. Six siècles d’existence ! La plus connue de toutes pour son étrange cérémonie. Elle possédait sa chapelle dans l'église paroissiale où demeure des traces de peinture verte. Une plaque indique: "Chapelle des frères servants et anciens maîtres de la confrérie de Saint-Jean-Baptiste fondée par Guillaume de Vienne, archevêque de Rouen, en 1390." On dit aussi 1350. Mais peut-être existait-elle de plus longue date. Elle s’est éteinte avec le feu de la Saint Jean de 1921. Elle porte chaperon vert. Les archives Dépouville conservent un acte du 15 avril 1773, "quittance par le maître de la confrairie saint Jan-Baptiste de Jumièges à Monsieur Lainé Curé."

 La confrérie du Rosaire, dite encore de la Vierge, fondée en 1639 par dom Etienne Duval, moine non réformé qui voulait ainsi raviver la piété de nos aïeux. Elle porte chaperon blanc. Les archives du tabellion Romain Dépouville conservent à la date du  17 janvier 1768 une "quittance sur les Mes de la confrérie du rozaire de Jumièges à M. Moret-Dujallet et constitution par Nicolas Quesnot au dit rozaire."  L'écuyer Louis Moret-Dujallet es  † le 21 mars 1790 à Jumièges. C'est un ancien gendarme, pensionné du roi comme invalide.
30 juillet 1769 : titre nouveau par Guy Patou au profit de la confrérie du saint Rozaire.

 La confrérie de saint Valentin, saint patron de la paroisse. Elle est mentionnée dans un document du 9 juillet 1621 aux archives départementales. Elle porte chaperon rouge.

Toutes trois participaient encore vers 1910 a un feu de joie allumé par les enfants le 24 juin.

Sur cette photographie des années 1895, un chariton et un garde suisse marchent en tête. Suit la confrérie Notre-Dame-du-Rosaire. L'homme à gauche de la croix serait Monsieur Deshays, ancien combattant de Crimée. Derrière lui, M. Lafosse, chantre de l'église, marche avec un cierge à la main. La confrérie de Saint-Jean-Baptiste arrive après. On compte en tout six bannières sur cette vue. Les communiantes sont derrière les charitons. Il s'agirait de la procession du Saint-Sacrement.
 

Les premières confréries apparurent au XIe siècle. Mais beaucoup, comme celle de saint Jean-Baptiste, furent fondée au XIVe siècle avec la propagation des épidémies. Les préposés à l’ensevelissement des morts ayant déserté leur sinistre tâche, ce sont de pieux paroissiens qui proposèrent leurs services, se tenant parfois à l’écart du bourg. On enterre la nuit et le cortège annonce son passage à l’aide de torches et de clochettes.

Les pestes passées, la confrérie allait continuer son office de façon désintéressée, ajouter du lustre aux cérémonies religieuses et fêter son saint patron chaque année.

 Au XVIe siècle, nos confréries ont affirmé leur indépendance à l’égard des autorités religieuses et civiles. En 1581, le concile provincial de Rouen reconnaît leur utilité mais dénonce leurs abus. Notamment lors de leur fête annuelle.

Au XVIIe, les confréries se dotent d’armoiries. Souvent un cœur enflammé d’or ou d’argent sur fond héraldique.

XVIIIe, c’est la décadence des confréries. Si bien que les localités durent désigner les habitants à tour de rôle pour prendre le chaperon.

18 août 1792, la loi Le Chapelier abolit les Charités. Mais elles perdurent… Tolérées en 1798, elles reprennent une existence légale avec le Concordat.


Au XIXe siècle, nos confréries recouvrent une certaine vitalité. Elles vivent de cotisations. Il en coûtait jadis un sou par habitant et par an.

On prête à Adrien Saquespée d'avoir dessiné l'une des bannières paroissiales exhibées lors des processions. Peintre prolixe né vers 1610 à Rouen, il en rédigea la description en vers dans un manuscrit qui fut conservé à la bibliothèque de l'abbaye.













Bannières à l'église Saint-Valentin

 

Chaque confrérie est composée de douze où quinze charitons. A sa tête : un grand maître. Elle est constituée aussi  du prévôt, chargé du secrétariat et des finances de l’association venues de dons et legs. Ces deux hommes sont élus pour un an lors de la fête de la frairie. Leur mandat achevé, ils reprennent la torche. Car la confrérie est aussi composée de porteurs de torches héritées du temps des pestes. Il y a aussi le tintenelier, ou cliqueteur, c’est lui qui avance en tête, une clochette entre chaque main suivi du porte-croix, du porte bannière, du clerc de Charité qui joue le rôle de chantre, des frères…

DES RIVALITÉS...


Ces confréries sont jalouses de leurs prérogatives. Ainsi, au début de l’année 1836, celles d’Yville et de Berville s’affrontent à l’occasion de l’enterrement du Vicomte de Croixmare. Après la levée du corps à l’église, la confrérie de Berville porte le cercueil jusqu’à la limite de sa paroisse. Quand sur sa route surgit celle d’Yville qui forme un barrage, bouscule, outrage les deux curés dans l'exercice de leur ministère ainsi que la famille et force les porteurs à mettre cercueil à terre. Plainte de la famille Croixmare. Mgr de Croy dissout la charité le 4 février. Mais elle refuse...

Des confréries profanes


On note aussi l'existence de confréries profanes dans le canton de Duclair. Il est possible que les pêcheurs de Jumièges, qui chaque année se livraient à une grotesque procession autour du pigeonnier de l'abbaye, aient été dotés aussi de leur propre frairie.

Saint-Pierre-de-Manneville possédait une confrérie de charpentiers qui exhibait une représentation de saint Jacques à bord de la maquette d'un navire.

A Duclair, on connaît près de nous l'existence d'une confrérie des Canardiers. Plus anciennement, les bouchers du chef-lieu se livraient à une cérémonie semblable à celle du Loup Vert de Jumièges comme en témoigne le Journal de Rouen du 31 août 1836 :

« On nous communique les réflexions suivantes sur un usage assez bizarre, soigneusemest observé chaque année par les bouchers de Duclair

« Les bouchers de Duclair ont pris saint Barthélémy pour patron. Le jour de sa fête, ils se réunissent tous chez l'un d'eux, où se joignent des amis et amies invités; le cortége part processionnellement, violon en tête, portant sur une civière décorée un pain ou plutôt une brioche garnie de fleurs et de rubans pour être bénite, à l'église, où une messe solennelle est célébrée; après cette cérémonie, le cortège danse sur la place publique, puis chaque boucher réunit chez lui à dîner bon nombre d'amis et connaissances; d'amples libations y sont faites le reste de la journée; le soir, les danses se renouvellent, le tout à l'honneur de saint Barthélémy, comme patron des égorgeurs ! Dans notre église, son image le représente un poignard à la main. Cela se fait de la meilleure foi du monde, car nos bouchers, tous fort honnêtes gens d'ailleurs, ignorent entièrement que l'anniversaire qu'ils célèbrent est celui du massacre des huguenots, en 1572. »

La fête du Conihout n'est donc pas un cas isolé. Caudebec connaissait des fêtes corporatives vouées à saint Fiacre chez les jardiniers, sainte Anne chez les menuisiers, saint Roch chez  les tanneurs, saint Maurice les blanchisseurs. Après messe, un pain bénit monumental était conduit, violon en tête, chez le confrère où avait lieu le banquet annuel.

Les rituels


Les confréries avaient un riturel sensiblement similaire.
L'annonce publique du trépassement. Il se fait à son de cloche. Ensuite par le crieur de la confrérie équipé de sa tintenelle.
La veillée mortuaire. On se rend au domicile du défunt. Eau bénite. Cierges. Oraisons. Puis retour à l'église...
L'appel des frères servants ou semonce. Il a lieu le jour de l'inhumation. Les frères s'assemblent à l'église, revêtent leur costume et rassemblent leurs ustensiles. Puis se rendent en silence au domicile du défunt. En tête: le frère lai (crieur), puis le porte-bannière, le porte-croix, le clergé, les frères, prévôt et échevin ferment la marche.
Prévôt et échevin couvrent le cercueil du drap mortuaire.
Le tintenellier invite l'assistance à prononcer un pater et un ave. On donne l'eau bénite. Vient la levée du corps. L'échevin est au chef et le prévôt aux pieds. L'échevin : "Requiescant in pace". Les frères: "Amen !" Puis transport à l'église. Durant la messe, les frères de charité vont donner le lustre de la cérémonie. Après la mise en terre, on raccompagnera les parents au domicile du défunt...
Source : Le Pays normand (1902)

La fin des confréries de Jumièges


Les trois confréries qui nous sont connues à Jumièges se partageaient le territoire pour les enterrements.  Mais au XIXe siècle, en 70 ans, elles se vident peu à peu de leurs rites annexes. Les familles les commandent pour les funérailles d'un proche comme on le ferait d'une entreprise. "En 1884, se souvenait un témoin de l'époque, les fréries n'étaient plus charités".

La loi de 1904 crée le monopole des pompes funèbres mais leur permet de se maintenir.

Après la Première Guerre mondiale, un curé hostile aux confréries et un maire partisan de pompes funèbres municipales s'allièrent objectivement pour porter un arrêt de mort aux Charités de Jumièges. Au premier congrès international de folklore qui s'est tenu à Paris en 1938, François Berge les prit pour exemples. Il affirma que le curé de Jumièges avait confisqué leurs caisses au profit de la paroisse. Il susbistait alors une centaine de confréries en Normandie.

Laurent QUEVILLY.

Nos confréries en 1890

Par Alphonse Darcel


Les frères de charité existent encore dans un grand nombre de paroisses de Normandie, à l'état d'association pour enterrer les morts et faire dire des messes à leur intention.
Les frères de charité vont chercher les morts, souvent assez loin dans nos communes normandes dont les maisons ne forment point d'agglomération autour de l'égtise, et les portent à bras ; assistent à la messe, portent le corps au cimetière et le mettent en terre, tandis que quatre des frères tiennent le drap mortuaire au-dessus de la fosse qu'ils comblent ensuite.

Les frais sont couverts par une quête faite à la messe des dimanches, et par une redevance payée par la famille des morts.
Une des planches de La Normandie illustrée (t. 1) montre la procession de 
charités du département de l'Eure.
Le costume de cérémonie des membres de l'association varie suivant les paroisses, mais il conserve dans toutes un souvenir de leur ancienne origine.

Dans notre jeunesse, les frères de charité de la commune qui nous habitons (
Anneville) portaient l'habit, le gilet, la culotte courte et les bas noirs avec des souliers à boucle. Par-dessus, ils passaient en sautoir une large écharpe de drap blanc, brodée de la figure de saint Jean, leur patron, avec un petit bourrelet circulaire sur l'épaule, qut figure l'ancien chaperon du XIVe ou XVe siècle, qui a donné son nom à cette pièce; un rabat blanc complétait le costume. Ces ornements ont
persisté, mais le costume s'est modernisé par la suppression de la culotte courte et des souliers à boucle.

Le bedeau, qui de plus est sonneur, porte une dalmatique de drap blanc brodée devant et derrière de figures de saints, semblable aux tabars des anciens hérauts d'armes, et il précède les processions armé de deux sonnettes qu'il fait tinter dès que celles-ci sortent de l'église.
Les frères suivent avec leur bannière, accompagnée de torchères de bois à t'extrémité desquelles brûle un rat de cave enroulé 
 —  torchères ornées d'écussons peints  —  et d'une croix d'argent, datée de 1636, qui leur appartient. Celle-ci ne reste point à l'église, et est transportée après chaque office à son domicile par le maitre de la charité en exercice.

Pendant l'office du dimanche, trois frères. un portant la croix et deux des torchères, entrent dans le chœur assister à la lecture de l'évangile. Après quoi, tous les frères baisent ta croix et la font baiser par chaque membre honoraire, a sa place, dans son banc. Enfin quatre porteurs de torches viennent s'agenouiller devant l'autel pendant la consécration.
Toutes ces cérémonies se font avec une gravité extraordinaire.
Les amendes pour manquements aux coutumes ou règlements servent à un repas annuel où le curé est invité.
Dans la commune de Jumièges, célèbre par tes ruines de son ancienne abbaye, il y a plusieurs confréries de charité, et tous les recueils sur les usages normands parlent de la procession du loup vert qui s'y fait chaque année et à laquelle assistent tes différentes confréries.

Nous demandons pardon de répondre si longuement, mais les vieilles habitudes se perdent ou se simplifient, et il nous a semblé utile d'en garder un souvenir.

Alf. D.

Source : L'intermédiaire des chercheurs et curieux, 1890.


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