Laurent Quevilly
Casimir Caumont est l'homme qui arrêta la destruction de l'abbaye de Jumièges. Maire, il eut aussi une stature départementale Portrait.

Il est né à Rouen, paroisse de Saint-Denis, le 19 janvier 1781. Et bien né ! Son père Jean-Jacques Caumont, époux de Marguerite Milon, a fait fortune dans le négoce. Nicolas-Casimir appartiendra donc à la maison Caumont père & fils, armement, commerce et banque, rue Saint-Étienne-des-Tonneliers. Sous la Restauration, il compte parmi les cent contribuables les plus imposés de la capitale normande. Ce qui lui confère le titre d'électeur censitaire. A plusieurs reprises, les maires vont le proposer au préfet pour le nommer conseiller municipal. Mais ses opinions libérales sont connues, peu compatibles avec la monarchie. Il sera souvent écarté...

Son parcours professionnel


1811 : Admission au sein de la loge maçonnique L'Ardente amitié.
1815-1817 : Juge au tribunal de Commerce
 1817. La société Caumont père & fils est dissoute au profit de Casimir.
1820 :Vice-consul du Portugal & du Brésil. Administrateur de la Caisse d'épargne. Il dirige la loge maçonnique L'Ardente Amitié qui disparaît alors.
1824-1827, 1836-1839 :
Président du tribunal de commerce
1826 : Président du conseil d'administration de la banque de Rouen
1830 ; rapport à la chambre de commerce du projet de canal Paris-Rouen.
1834-1836 : Président de la Chambre de commerce pour deux ans.
1836 : Président de la Caisse d'épargne de Rouen,
           Président de la commission d'enquête sur le projet de chemin de fer de            Paris à la mer.
1837 : Président de la Compagnie rouennaise, société de remorquage.
1844 : Administrateur à la Cie des chemins de fer de Dieppe et de Fécamp.
Symbole de sa réussite sociale : l'hôtel particulier de Casimir Caumont, 11, rue du Fardeau à Rouen.


Son mariage, son veuvage...

Le 28 octobre 1816, à Rouen, Caumont épouse Sophie-Adèle Lefort, la fille du propriétaire de l'abbaye de Jumièges qui, là-bas, mène une destruction méthodique des ruines.

Le 20 octobre 1817, Casimir Caumont est parmi les personnalités qui accompagnent le duc d'Angoulême au château de Canteleu, tenu par Élie Lefebre. A cette occasion, Hyacinthe Langlois le représente en uniforme, coiffé d'un casque à plumet. (Rouen et son port à travers les âges, Georges Dubosc, planche XXXII).
Négociant, administrateur de la banque de Rouen, Casimir Caumont est en 1817, parmi les organisateurs d'un concert au profit des pauvres et c'est lui qui recueille de "MM. les capitalistes" les souscriptions à l'organisme bancaire dont il fait partie. Il habite alors au 22 de la rue Saint-Étienne mais élira bientôt domicile avec sa jeune épouse au 11 de la rue du Fardeau. Plus tard au 24, quai du Havre.

Mais en 1820, après quatre ans de mariage, le malheur le frappe une première fois. Sophie-Adèle décède à Rouen. Veuf, voilà Casimir Caumont désigné tuteur de son fils unique, Louis-Casimir, qui sera l'héritier de Jumièges.
Un beau-père destructeur

Quand Caumont épouse sa fille, voilà bientôt quinze ans que résonnent des tirs de mine dans le bourg de Jumièges. 29 octobre 1802, c'est la date à laquelle Jean-Baptiste Lefort, marchand de bois à Canteleu, s'est porté acquéreur de l'abbaye. Dans l'étude du notaire, il souffle l'affaire à Desaulty, ancien moine de l'abbaye. Les 7000F du prix de vente comprennent un superbe enclos de onze hectares.

Qui est Lefort ? Le fils d'un député de la Constituante, Denis Lefort, signataire du serment du jeu de paume, resté muet à l'assemblée et mort subitement en 1794 chez son notaire.
Dès lors, Jean-Baptiste Lefort passe des marchés avec des entreprises de démolition de Rouen et de la Mailleraye. On peut acquérir pour un prix dérisoire des pans entiers de l'abbaye. Beaucoup de maisons de Jumièges seront ainsi édifiées avec des pierres du monastère. Mais aussi à Rouen, la Bouille, la Mailleraye. Chez Mlle Dinaumare où allait mourir Saulty, on pava la maison des dalles du cloître. Lefort emporte la tombe d’Agnès Sorel dans sa maison de Rouen, rue Saint-Maur. 

La même année, en mai, il est désigné parmi les fondateurs de la Caisse d'épargne et de prévoyance du département pour siéger comme l'un des 25 directeurs formant le conseil d'administration de cet organisme.

Les 25 février et 6 mars 1824 ont lieu les élections législatives. Charles X vient de dissoudre la chambre des députés. Caumont se présente au sein de l'opposition libérale avec Duvergnier de Hauranne, Delaroche et Cabanon...

Et c'est un ras-de-marée royaliste. Sur 950 votants, les tenants de la fleur de lys obtiennent de 513 à 608 voix. Caumont n'en compte que 130...
Son parcours politique

1824 : candidat à la députation.
1830 :conseiller de Rouen jusqu'en 32
          nommé maire de Jumièges.
1834 : candidat à la députation. Reconduit maire.
1837 : Démission. Conseiller de Rouen jusqu'en 1846.
1840 : Adjoint provisoire de Rouen.
1843 : réélu conseiller de Jumièges.
1846 : réélu conseiller de Jumièges.
1848 : battu à Jumièges puis repêché.
1851 : nommé maire de Jumièges.

Le 24 juillet 1824, inspirée par les récits de Taylor et Nodier, la duchesse de Berry visite Jumièges. C'est le début de la notoriété du site. Caumont était-il présent ? On pense qu'il ne découvrit les ruines qu'un mois plus tard. Elles vont bientôt devenir siennes...

Royal héritage !

Son beau-père meurt à Rouen le 5 octobre suivant au 6 de la rue Herbière. Lefort laisse plusieurs héritiers. D'abord sa veuve, née Marie Françoise Sophie Lettré, son fils aîné, Aristide Lefort, négociant, propriétaire à Caudebec-les-Elbeuf, sa fille mineure, Sophie-Caroline Lefort dont le tuteur est un propriétaire de Rouen, M. Houdeville. Enfin son petit-fils, Louis-Casimir Caumont.
Le 13 octobre, Me Lequesne procède à l'inventaire des biens. Ce jour là, la veuve Lefort déclare "abandonner à ses enfants la nue-propriété de la moitié qui lui appartenait comme conquêt, notamment de l'emplacement de l'ancienne abbaye de Jumièges, sous la réserve de l'usufruit de cette moitié et du tiers, aussi en usufruit, auquel elle avait droit pour son douaire."
Le 7 mars 1825, Caumont prête serment devant la cour royale en qualité de président du tribunal de Commerce pour deux ans. Parmi les suppléants, on note Armand Lemire qui sera propriétaire à Yainville. A Rouen, ce dernier habite quai du Grand-Cours.

Le 28 août 1825, l'attribution des biens de Lefort fait l'objet d'un tirage au sort. L'abbaye revient à Louis-Casimir. Et c'est son père que administrera ses biens jusqu'à sa majorité...

Il arrête le massacre

Avec la mort de Lefort, les démolitions systématiques vont cesser. Mais nombre d'éléments continueront pourtant à être dispersés. Entre 1825 et 1835, un lot de pierres sculptées est acheté par lord Stuart de Rothesay, ambassadeur d'Angleterre à Paris, pour décorer son manoir d'Highcliffe (Hampshire). Reste que Casimir Caumont est bien l'homme providentiel qui va sauver tout ce qui pouvait encore sauvé. Il sera aidé en cela par le notaire du cru, Charles-Antoine Deshayes, par Hyacinthe-Langlois, le reporter-dessinateur de la société des Antiquaires à laquelle il va adhérer de même qu'à la Société française pour la conservation des monuments. Il entreprendra avec succès, des démarches pour récupérer la pierre tombale d'Agnès Sorel qui servait de perron à une maison de Rouen. Il  constitua le musée de l'abbaye. Il conservait aussi un manuscrit original de l'histoire de l'abbaye qui inspira Deshayes. Caumont fit très vite appel à un guide pour faire visiter le site. Des panneaux en parsemaient le circuit, couverts de poèmes de sa veine. Ce qui ne sera pas du goût de tout le monde. Il placera aussi un buste de la duchesse de Berry et y inscrira :

Sa présence en ces lieux, sauva les tristes restes
De ces murs délabrés, riches de souvenirs.
Ces gothiques arceaux qui charment nos loisirs
Ne craindront que du temps les ravages funestes ;
Le voyageur errant sous les portiques saints,
Heureux d’ouïr encore des bruits incertains,
Pensif et méditant près de chaque ruine,
Les quitte, en bénissant le nom de Caroline.

Il acquiert une ferme à Jumièges

Le 18 mai 1826, pour 4 000 F, Casimir Caumont acquiert de Louis Lemaréchal père, propriétaire, vivant de son revenu, demeurant à Jumièges et précédemment à Hauville, une ferme patrimoniale composée de masure édifiée de maison et bâtiments ruraux, close et plantée, et de neuf pièces de terre en labour, occupée par le sieur Catel, ayant successivement appartenu, en tout ou partie 1) au sieur Simon Cabut, cultivateur,  2) Noël Augustin Philippe, idem, 3) Philippe Augustin Philippe, 4) Nicolas Quesnot, 5) Michel Quesnot, 6) Pierre Quesnot, 7) Jean Roisset, cultivateur, Jumièges, 8) Charles Mainberte père, mon ancêtre direct, 9) Charles Mainberte fils, 10) Pierre Nicolas Ouin et Marie Rose Billier, son épouse, de Jumièges, 11) Simon Billier, 12) au vendeur (Louis Lemaréchal).

Le 20, il fait affaire avec Simon Gossé. Le même mois, Caumont acquiert deux pièces de terre en labour de marais, triège du Parc, appartenant à Jean-Baptiste Ponty, marchand drapier de Jumièges.
En juin 1826, Caumont est nommé président du tribunal de Commerce après avoir été désigné  juge par ordonnance royale. Il achète à Pierre Valentin Cabut, demeurant à Caudebec, une ferme pour 16 000 F.

Avril 1828, Caumont se présente à la députation dans l'arrondissement de Rouen. Il n'arrive qu'en troisième position avec 57 voix, loin très loin derrière Martin et le maire de Rouen, de Martainville.

L'été 1828, Hyacinthe Langlois réalise 31 croquis de l'abbaye. Il illustre aussi l'histoire de l'abbaye, de Deshayes, qui paraîtra bientôt. Le 23 décembre 28, Caumont acquiert encore à Jumièges une pièce de terre que lui vend Jacques-Bernard Dujardin, prêtre à Avremesnil.


Langlois a dessiné ici l'ancien emplacement du cloître et, comme souvent, s'est représenté.

Les cheveux d'Agnès...

Le 19 juillet 1829, Aglaure Barbet, fille du maire de Rouen, pair de France, adresse à Caumont les cheveux d'Agnès Sorel encadrés sous verre. A Loches, son corps avait été exhumé sous la Révolution. "On m'a assuré, écrit Mlle Barbet, que le squelette fut trouvé parfaitement conservé. Le maire (de Loches) qui, par ses fonctions, était obligé d'assister à cette profanation des tombeaux, prit la chevelure dont quelques brins que je vous envoie faisaient partie...". Cette relique restera dans une salle du palais abbatial au temps des successeurs de Caumont, les Lepel-Cointet. Car c'est un fait à signaler. Les objets rassemblés par Caumont ne seront pas dispersés après sa mort. M. Lesage, de Caudebec, lui fit par exemple don de monnaies gauloises qui passeront dans la collection Lepel-Cointet.

Ami de Boieldieu

Le 17 octobre 1829, Caumont offre une fête à son ami Boieldieu dans le parc de l'abbaye. Laissons-le raconter lui-même cette soirée : "Il vint ici le lendemain de la première représentation des Deux-Nuits; et comme il arriva tard, je m'empressai de le faire mettre à table de suite, en lui disant que je préférais qu'il visitât nos ruines au clair de lune. Les ruines de Jumièges au clair de lune ? Vous ne sauriez vous faire une idée de ce que c'est. Mais hélas ! la nuit vint bien ; la lune seule fut infidèle. Point de lune ! Je crus que j'allais en devenir fou. Enfin mon imagination vint heureusement à mon aide : je fis allumer et déposer artistement des feux dans plusieurs parties des ruines, et lorsque tout fut prêt, j'y conduisis mon ami. C'était vraiment un coup-d'œil féerique. Ces lumières se projetant sur les objets d'une manière bizarre, éclairant seulement quelques parties, tandis que d'autres demeuraient dans un jour douteux, produisaient un merveilleux effet. Figurez-vous l'étonnement de Boïeldieu, lorsqu'il vit s'avancer vers lui, du plus profond des ruines qui étaient restées dans les ténèbres, la Dame Blanche tenant à la main une couronne de laurier et arrivant à pas comptés. Alors, une musique bien connue se fit entendre ; la Dame Blanche posa sa couronne sur la tète de Boïeldieu et disparut. Je m'approchai de lui, muet et immobile, et je lui dis ces vers :

Pendant deux nuits, dit-on, par un beau clair de lune.
Dame Blanche autrefois apparut dans ce lieu ;
Est-ce pour célébrer cette bonne fortune
Que nous voyons ici notre cher Boïeldieu ?
Pour ce chantre divin, sonnez, cor et musette,
Nos sens par ses accords tour-à-tour sont séduits ;
Mais nous doutons encor s'il faudra mettre en tête
La Dame Blanche ou les Deux-Nuits.


—    De qui sont ces vers? demandera plus tard Constance Duplessis à Caumont.
—     De votre très humble serviteur, madame.
—    Et qui faisait le revenant ?
—    Mon jardinier. »

En février 1830, Caumont est toujours du comité organisateur du bal en faveur des pauvres de Rouen. Mars 1830, les gelées occasionnent des dégâts à l'abbaye de Jumièges. En avril, au sein de la Chambre de commerce, Casimir Caumont rend un rapport sur le projet de canal de Rouen à Paris. 

Nommé à Rouen et à Jumièges

La révolution de juillet 1830 chasse Charles X. A Rouen, le maire, Martainville, est remplacé par une commission municipale provisoire présidée par Henri Barbet, ancien maire de Déville et qui siégera jusqu'en 1847. Le 11 septembre, une ordonnance royale porte Casimir Caumont au conseil municipal de la capitale normande. Le 28 septembre, il prête serment. Mais le 14 octobre, un arrêté préfectoral le nomme aussi maire de Jumièges pour  remplacer Charles Lesain, suspendu de ses fonctions. Voici ce qu'en dit un texte administratif:

Monsieur Lesain, maire de Jumièges est suspendu, M. Hue, adjoint, est décédé depuis plusieurs mois, M. Casimir Caumont, nommé provisoirement maire de Jumièges par arrêté de Monsieur le Préfet du 14 de ce mois, ne peut pas se faire reconnaître sans la nomination et installation simultanée d'un adjoint.

M. Frédéric Le Boucher, propriétaire et notaire à Jumièges, acceptera les fonctions d'adjoint.
La population de plus de 2.500 habitants et l'étendue de la commune de Jumièges sur les deux rives de la Seine exigeraient un second adjoint résidant à Heurteauville, hameau de Jumièges sur la rive gauche.
M. Boutard fils, propriétaire et habitant ce hameau serait capable de remplir les fonctions de second adjoint.
Rouen 22 8bre 1830.
Il choisit Jumièges

Le Journal de Rouen, qui le taxe d'ultraroyaliste, répugne à voir Caumont à la fois conseiller de Rouen et maire de Jumièges. Un poste pour lequel il consentira à une seule condition : que le notaire du cru soit son adjoint. Caumont l'écrit au préfet Treilhard (portrait ci-contre).

Jumièges, 24 8bre 1830

Monsieur le Comte,

J'ai eu l'honneur de me présenter jeudi et vendredi à votre hôtel avec le désir de conférer avec vous sur ma nomination à la mairie de Jumièges, en votre absence, j'ai remis mes observations à M. Le Baslin, chef de division. Depuis, j'ai lu dans le Journal de Rouen l'article concernant cette nomination et contre lequel j'ai cru devoir réclamer.
Je vous adresse la copie de ma lettre au rédacteur. Je n'ai pas encore l'honneur d'être connu de vous, Monsieur le Comte, mais Monsieur le Maire de Rouen connaît mes opinions politiques depuis longtemps et il peut vous fixer à cet égard.
Quant à la double fonction de membre du conseil municipal, il existe des antécédents pareils dans le conseil et dans l'ancienne administration. J'avais au reste déclaré à M. Le Pasquin, secrétaire général, que s'il fallait opter, je me démettrais du conseil municipal en lui observant que les deux communes n'ayant aucun contrat ni intérêts communs entre elles, on pouvait donner son avis sur les mesures proposées dans l'intérêt de la ville de Rouen et contribuer à une meilleure administration d'une commune dans laquelle, je ne crains pas de le dire, j'ai déjà fait quelque bien, à la tête de laquelle la majeure partie des habitants me verront sans répugnance et lesquels habitants n'ont pas besoin d'être stimulés pour se rallier au nouvel ordre des choses.
Au rédacteur du Journal de Rouen

Je donne le démenti le plus formel à l'article de votre journal qui me désigne comme un homme dévoué au Ministère Polignac
(1), mes concitoyens auront déjà fait justice d'une pareille calomnie, ils savent qu'en 1824, sous le Ministère de Villèle, j'ai été porté candidat constitutionnel avec MM Duvergier de Hauranne, Delaroche et Cabanon et que je n'ai pas dévié de la ligne constitutionnelle. Veuillez bien, Monsieur, inscrire cette lettre dans votre journal.


(1) Jules de Polignac, ultraroyaliste, présida le conseil des ministres d'août 1829 à juillet 1830. Il fut chassé par la Révolution de Juillet.
(2) Joseph de Villèle, ultraroyaliste, fut Premier ministre de 1821 à 1828.
Mais, ainsi que je l'ai observé à M. Le Baslin en votre absence et celle de M. le secrétaire général, je ne pourrais accepter les fonctions de maire de Jumièges qu'autant que j'aurai pour premier adjoint M. Le Boucher notaire et propriétaire à Jumièges, bien capable de remplir les fonctions de maire auxquelles j'aurais eu l'honneur de vous le proposer, s'il ne m'avait déclaré formellement qu'il consentirait être mon adjoint mais non pas maire de Jumièges.

J'ai l'honneur d'être, avec la considération la plus distinguée, Monsieur le Comte, votre très humble et obéissant serviteur.
Casimir CAUMONT.
 Son installation à la mairie

Ce jourd'hui, trente un octobre l'an mil huit cent trente, à midi, nous, Pierre Desjardins, doyen des membres du conseil municipal de la commune de Jumièges, nous sommes rendus à la mairie dudit lieu pour procéder à l'installation de Monsieur Casimir Caumont comme maire et de Monsieur Frédéric Le Boucher comme adjoint de cette commune.
Là, nous avons trouvé Messieurs Caumont et Le Boucher et le conseil municipal assemblé pour être présent à cette installation.

Lecture a été donnée...

1°) d'un arrêté de Monsieur le Préfet en date du quatorze octobre mil huit cent trente par lequel Monsieur Casimir Caumont est appelé à remplir provisoirement les fonctions de maire de Jumièges aux lieu et place de Monsieur Lesain qui a été suspendu de cette fonction.

2°) de la lettre d'envoi de cet arrêté adressé à Monsieur Caumont le vingt sept de ce mois et...

3°) d'un autre arrêté de Monsieur le Préfet en date du vingt deux de ce mois par lequel Monsieur Le Boucher a été nommé adjoint de la mairie de Jumièges.
La veille de son installation, de Rouen, Caumont adressa cette requête à l'autorité préfectorale en faveur d'un adjoint à Heurteauville..

Rouen, le 29 8bre 1830


Monsieur Casimir Caumont, appelé à remplir provisoirement les fonctions de maire à Jumièges.

J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint ampliation de l'arrêté en date du 22 par lequel j'ai nommé M. Le Boucher adjoint de la commune de Jumièges conformément à la demande que vous m'en avez faite.

Le commune de Jumièges ne comptant qu'environ 2.000 habitants aux termes de la loi du 17 février 1800 (28 Pluviôse an 8) ne doit avoir qu'un seul adjoint. Mais la situation topographique et son étendue sur les deux rives de la Seine rend en effet presqu'indispensable qu'il y ait un fonctionnaire municipal au hameau d'Heurteauville, séparé de Jumièges par le rivière.

Et de réclamer une dérogation du ministère de l'Intérieur...
A la suite de cette lecture, Monsieur Caumont a lu le discours qui suit...

Messieurs, mon premier devoir en me trouvant placé à la tête de l'administration municipale de la commune de Jumièges est d'adresser mes remerciements au premier magistrat de ce département qui m'a jugé digne de cette marque de confiance. Je connais toute l'importance de mes fonctions, j'aurais pu en être effrayé, ne possédant que des connaissances insuffisantes de tout ce qui peur intéresser cette commune, mais, fort de mes intentions et avec le vif désir que j'ai d'apporter toutes les améliorations possibles dans les diverses parties de l'administration qui m'est confiée, j'ai été promptement rassuré surtout en considérant que je serai aidé de vos conseils et de votre expérience , que rien ne sera fait sans votre concours et approbation et que pour le plus grand intérêt de tous ou du plus grand nombre, sans vouloir jeter aucun blâme sur l'ancienne administration de cette commune, il est difficile de ne pas reconnaître que plusieurs parties ont été singulièrement négligées.

Les chemins sont depuis longtemps dans le plus mauvais état et demandent d'urgence réparations. C'est surtout sur cette partie que j'appellerai votre attention et nous aviserons ensemble aux moyens les plus convenables et les plus prompts et les plus économiques pour obtenir ces réparations.

Le curage général des fossés est encore une opération qui doit être activée par tous les moyens possibles, elle intéresse la salubrité du pays, conséquemment, la santé des habitants se trouve compromise par le défaut d'écoulement des eaux et auquel on doit attribuer les nombreuses maladies et la mortalité qui ont désolé cette commune.

L'enseignement primaire demanderait peut être aussi une autre direction et des connaissances plus étendues que celles que nous trouvons dans cette partie qui doit exercer une si grande influence sur la génération présente.

Enfin, Messieurs, nous examinerons ensemble quelles améliorations et quelles économies pourront être apportés dans toutes les branches de l'administration de cette intéressante commune.

Il garde un pied à Rouen

L'arrêté de Monsieur le Préfet vous indique que ma nomination aux fonctions de maire à Jumièges n'est que provisoire. C'est-à-dire jusqu'au moment où la loi promise et attendue sur l'organisation municipale aura déterminé le nouveau mode d'élection ou les conditions d'éligibilité.
Il est possible que les intérêts de commerce et de famille qui m'obligent à avoir encore mon domicile à Rouen soient un obstacle à ma réélection.
Chronologie des prédécesseurs de Caumont

1) Pierre Antoine Modeste Varanguien,1790.
2) François Marin Amand 1792.
3) Pierre Antoine Modeste Varanguien, 1795 - 1798.
4) Antoine Desaulty. Démissionne le 2 avril 1798.
5) Nicolas David Foutrel 24 avril 1798 - 1800
6) Jean-Jacques Hue, 9 juin 1800-18 août 1804.
7) Antoine Alexandre Joseph Desaulty, 1804-1808.
8) Jean-Jacques Hue. 12 juin 1808 - 1814. "
9) Jean-Victor Hue. (4 juillet 1814-1824)
10) Charles Lesain (1824-1830)
.
Ce sera un motif de plus pour moi, Messieur, de chercher à marquer mon passage dans ces honorables fonctions par quelques-unes de ces améliorations projetées ou au moins les laisser en bon train d'être achevées par celui qui me succédera.

Vous connaissez, Messieurs, tout l'intérêt que je porte à ce pays, le plaisir que j'éprouve à l'habiter. L'obligation que m'imposera mes nouvelles fonctions de me trouver encore plus souvent parmi vous n'aura donc rien de pénible pour moi. Mais ce qui a dû surtout me décider à accepter cette fonction et ce qui doit rendre ma tâche plus facile, c'est l'adjonction que j'ai obtenue de Monsieur Le Boucher en remplacement de Monsieur Hue, décédé. Il est connu de vous tous, Messieurs, toute éloge deviendrait inutile, nous sommes arrivés dans le même temps dans cette commune et je ne pense pas qu'il s'y soit fait plus d'ennemis que moi.
J'avais demandé à Monsieur le Préfet un second adjoint qui aurait sa résidence à Heurteauville, en raison de la population et de l'étendue de la commune sur les deux rives. Voici la lettre qui m'a été adressée à cette égard (lecture en a été donnée). Cette lettre restera déposée aux archives comme un avis favorable de l'administration départementale si cette demande avait besoin d'être renouvelée.

Former la garde nationale


J'ai n'ai pu prendre encore connaissance de toutes les affaires courantes de la mairie mais je sais  que déjà l'organisation de la garde nationale est en bon train dans cette commune, que les cadres sont formés et les chefs nommés. Cette précieuse institution est aujourd'hui la sauvegarde de la France, elle assure sa tranquillité dans l'intérieur et l'inviolabilité de son territoire et nous ne devons rien négliger pour arriver à une organisation complète.

Rétablir foires et marché

J'ai déjà donné l'assurance à Monsieur le Préfet que l'étonnante révolution à laquelle nous devons le nouvel ordre de choses et le retour des couleurs nationales n'avait trouvé parmi vous que des partisans. Qui pourrait, en effet, ne pas applaudir à ces paroles de Louis Philippe, notre Roi : Le charte sera désormais une vérité. Égalité pour tous, plus de crainte du retour de ces privilèges qui auraient envahis nos libertés et nos propriétés. C'est sous l'égide de ce gouvernement tutélaire qui assure égale protection à tous que nous parviendrons peut-être à obtenir le rétablissement dans notre commune des foires et marchés qui s'y tenaient jadis et pour l'obtention desquels nous devrons renouveler d'efforts (1).

(1) L'idée de rétablir le marché de Jumièges est défendue par Charles-Antoine  Deshayes depuis 1823.

Enfin, Messieurs, vous pouvez compter sur moi comme je compte sur votre appui pour obtenir la sanction et l'exécution de vos délibérations qui seront toujours prises dans l'intérêt des habitants de cette commune et pour leur inspirer de plus en plus l'obéissance aux lois, fidélité et reconnaissance au Roi qui se dévoue pour le bonheur des Français.
Vive le Roi !

Ce discours a été accueilli aux cris de Vive le Roi ! Monsieur Desjardins et les autres membres du conseil municipal ont adressé leurs félicitations à Messieurs Caumont et Le Boucher et leur ont témoigné le plaisir qu'ils éprouvaient de les voir à la tête de l'administration de cette commune. Ensuite, Monsieur Desjardins a invité Messieurs Caumont et Le Boucher à prêter le serment prescrit par la loi, ce qu'ils ont à l'instant fait individuellement dans les termes ci après

Je jure fidélité au Roi des Français, obéissance à la charte constitutionnelle et aux lois du Royaume.

Ce serment prêté, Monsieur Desjardins a déclaré installés Messieurs Caumont comme maire et Le Boucher comme adjoint.

Fait à Jumièges au bureau de la mairie, l'an et jour susdits, signés Casimir Caumont, Le Boucher, Desjardins, Varin, Bouttard, Porgueroult, Poisson, Dossier, Jean Deconihout et Chantin.

Dupont proposé pour Heurteauville

Le 5 novembre, Caumont certifia conforme et expédia la délibération au préfet.

Jumièges, le 5 9bre 1830
A Monsieur le Comte Treilhard, préfet de la Seine-Inférieure

Monsieur le Comte,

J'ai reçu les lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser les 14 et 27 du mois passé. J'ai donné connaissance à M. Lesain de votre arrêté du 14 qui le suspend des fonctions de maire de la commune de Jumièges et qui m'appelle à le remplacer provisoirement. Je me suis entendu avec lui pour la remise des archives.
J'ai également donné connaissance à Monsieur Frédéric Le Boucher de votre arrêté du 27 8bre qui le nomme adjoint à la mairie de la dite commune.
Le conseil municipal a été convoqué et j'ai l'honneur de vous adresser le procès-verbal de notre installation.

Les habitants de la commune, particulièrement ceux d'Heurteauville, ont appris avec intérêt la prochaine nomination d'un second adjoint ayant sa résidence à Heurteauville, d'après l'autorisation que vous avez bien voulu demander à Monsieur le Ministre de l'Intérieur.
Les nouveaux renseignements que j'ai pris me portent à vous proposer pour remplir ces fonctions de deuxième adjoint Monsieur Pierre Dupont, propriétaire résidant à Heurteauville et déjà membre du conseil municipal.

Compléter le  conseil


Le conseil municipal étant incomplet par le décès de M. Dossemont, j'ai l'honneur de vous soumettre une liste de trois candidats parmi lesquels je vous prie de vouloir bien désigner celui qui devra remplacer le défunt.

J'ai l'honneur....

Les trois candidats : Adrien Honoré Dossier, vivant de ses revenus, 33 ans, 7.000F de fortune en revenus, Jean-Baptiste Lefort, propriétaire et marchand de bois, 60 ans, 4.000F de fortune, Jean-Pierre-Adrien Beauvet, propriétaire, 64 ans, 1.000F de fortune.

Le ministère pinaille

Paris, le 28 novembre 1830,

Monsieur le Préfet,

Par votre lettre du 28 octobre dernier, vous proposez, conformément à la demande du maire de Jumièges, d'établir un second adjoint au maire de cette commune dans la section d'Heurteauville, attendu que cette section étant séparée par la Seine du chef-lieu de Jumièges, l'institution d'un nouvel adjoint est nécessaire dans l'intérêt des habitants et pour que le village d'Heurteauville ne soit pas privé des avantages d'une bonne administration.

Les renseignements que vous me donnez sont insuffisants pour que je puisse juger s'il y a lieu d'appliquer à cette section les dispositions exceptionnelles de la loi du 18 floréal an 10. Je vous invite à me transmettre des détails plus circonstanciés et à compléter l'instruction de cette affaire en m'adressant à ce sujet un avis motivé en forme d'arrêté, après avoir fait délibérer préalablement le conseil municipal de Jumièges sur la mesure projetée. Vous voudrez bien y joindre la délibération de ce conseil et un plan présentant le périmètre de la commune et la situation des sections dont elle se compose.

Recevez, Monsieur le Préfet, l'assurance de ma considération distinguée. Pour le Ministre secrétaire d'Etat de l'Intérieur et par autorisation, le chef de division, Divich.?

Le préfet transmet

Rouen, le 2 Xbre 1830

A M. le Maire de Jumièges,

M. le Maire, le 28 8bre dernier, j'ai fait (remarquer) au ministre de l'Intérieur qu'il y avait lieu de (créer) une place de second adjoint dans la commune de Jumièges.

Dans sa lettre du 26 9bre suivant, le ministre me demande des renseignements détaillés sur la position de la commune qui lui permettent d'apprécier la question et de savoir s'il y lieu à l'application de la loi du 18 floréal an 10 dont l'article 1er est ainsi conçu :
« lorsque la mer ou un autre obstacle rendra les communications difficiles, dangereuses ou impossibles entre le chef-lieu d'une commune et les îles, îlots ou villages qui en dépendant, le gouvernement nommera ou fera nommer par le Préfet, selon la population de la commune, un adjoint au maire, en sus du nombre fixé par l'article 12 alinéa 3 de la loi du 28 pluviôse an 8. Un arrêté du gouvernement, pris dans la forme prescrite pour les régalements d'administration, déterminera chaque commune où cette nomination devra avoir lieu. »

Bref, on va dresser les plans demandés, convoquer le conseil...

Et si on annexait Yainville ?


Le 13 Xbre, Caumont adresse au préfet l'avis unanime du conseil. Et de rappeler que Dupont fera l'affaire. « Je crois devoir également vous rappeler à cette occasion qu'il a été question, en 1827, de réunir à Jumièges la petite commune d'Yainville qui s'y trouve déjà réunie pour le culte. Vu l'exiguïté de son territoire et son peu de population, les habitations ne sont pas plus éloignées de l'église et de la mairie de Jumièges que les hameaux de Heurteauville et Conihout. Le conseil municipal de Jumièges, consulté à cet effet, donna un avis favorable par sa délibération du 5 7bre 1827. La réunion serait un motif de plus à la création d'un second adjoint ou cette création pourrait déterminer la réunion. J'ai l'honneur...

Le souvenir de l'hiver 29...

Le 21 décembre, le préfet adressa au ministre de l'Intérieur toutes les pièces nécessaires à la création d'un poste de second adjoint. Il fit même le brouillon d'un arrêté qui stipulait : « Considérant que le hameau de Heurteauville qui fait partie de la commune de Jumièges se trouve dans quelques circonstances, et notamment dans le temps des glaces et des grosses eaux, dans l'impossibilité de communiquer avec le chef-lieu de la commune. Que la difficulté des communications s'est particulièrement fait sentir dans l'hiver de 1829 à 1830 où elles ont été interrompues pendant un mois. Sommes d'avis qu'il y a lieu de créer un poste de 2e adjoint etc. »

Les douze livres d'or...

En attendant, Casimir Caumont tenait un album où il rassemblait des textes écrits par les visiteurs de Jumièges. On y note le passage du nouveau préfet de la Seine-Inférieure, le baron Dupont-Delporte qui reviendra souvent avec sa femme et ses deux filles, d'Henri Barbet et du receveur-général Reiset, d'Achille Deville, le premier conservateur du musée des Antiquités, d'Hyacinthe Langlois, de Boïeldieu...
Ce premier recueil est intitulé Registre des inscriptions et pensées inspirées à Jumièges, trouvées sur ses ruines,  ou adressées au propriétaires. Il va de 1824 à 1850.
Les tribulations d'un livre précieux

Plus tard, M. Lepel-Cointet fera don du livre d'or de 1831 à M. Dubuc, gardien des ruines qui le transmit à son gendre et successeur, M. Détienne. Ce dernier l'offrit à Georges Lanfry qui le remit, en 1938, aux Archives départementales. Il disparut en 1940, volé ou détruit par les Allemands, au château de Gueutteville. On doit à Rouault de la Vigne une copie manuscrite. Ce livre est en tout cas conservé de nos jours dans le fonds Lepel-Cointet des archives départementales.  
Le 22 juin 1831, il ouvre un livre d'or qui allait courir jusqu'en 1838 puis concerner les années 1849 et 1851. On note dès la première année les signatures du collectionneur rouennais Eugène Dutuit, les architectes parisiens Lassus et Piot, l’archéologue et peintre-verrier Didron, Raffet, candidat au Prix de Rome...

Un troisième livre d'or va de 1837 à 1843. Un quatrième de 1843 à 1850. Un cinquième de 49 à 53. Un album dit "romantique", couvre les années 1855-1895. Puis viennent des recueils de 1860-1867, 1867-1872, un livre contenant les années 1902-1909, 1920-21 et 1929, un autre encore contenant 1914-1930, un  autre contenant 1920-1929 enfin un dernier  portant sur 1930-34 et 1937.

Enfin un second adjoint !

En août 1831, Caumont obtient satisfaction. Il l'aura, son adjoint d'Heurteauville...

Ministère du Commerce et des Travaux publics


Paris, le 4 août 1831

Monsieur le Préfet, j'ai l'honneur de vous adresser l'ampliation d'une ordonnance royale du 22 juillet dernier portant qu'il sera établi dans le village d'Heurteauville, section de la commune de Jumièges, un adjoint au maire de cette commune, lequel sera chargé de recevoir les actes de l'état civil et d'exercer la police par délégation du maire. Je vous invite à vous concerter avec M. Le Procureur général et à prendre les mesures nécessaires pour assurer l'exécution de cette ordonnance font je vous prie de m'accuser réception. Recevez etc.


Les élections houleuses de 1831


Les élections du 23 septembre 1831 se déroulèrent dans la plus grande confusion. Elles vont voir le retour de Lesain, l'ancien maire, qui sera finalement évincé...

Jumièges, le 26 7bre 1831

Le maire de Jumièges à Monsieur le Préfet de la Seine-Inférieure,

Monsieur le Préfet,

Conformément à votre arrêté du 2 de ce mois, j'ai, par une ordonnance en date du 11 du même mois convoqué l'assemblée des électeurs communaux pour le 22 du même mois.
D'après la population de cette commune, le nombre des membres du conseil municipal doit être de 16. Plus l'augmentation indiquée par le 3e paragraphe de l'article 9 de la loi communale du nombre égal à celui de ses adjoints : 2. Total 18.
Le premier jour, 14 électeurs ont obtenu la majorité absolue sur 93 votants. 2 se trouvant beaux-frères, 1 a été écarté. Total : 13.
Le second jour, 5 ont été nommés à la pluralité sur 38 votants. Total : 18.

De sorte que plusieurs sont nommés avec 19 et 17 voix lorsque la veille d'autres électeurs, qui avaient plus de droits à cette distinction, n'ont pu l'obtenir avec 45, 44 et 43 voix. Ainsi le veut la loi mais c'est selon nous un vice de cette loi que nous devons vous signaler.
Les procès verbaux que j'ai l'honneur de vous adresser disent qu'il n'a été fait aucune réclamation. Mais je dois vous informer de ce qui s'est passé dans la première assemblée.

La contestation de Charles Lesain

Un électeur (Le sieur Lesain, ex-maire), a prétendu arguer les opérations de nullité.

1°) parce que la réunion se tenait dans ma maison.

2°) parce que les officiers de la garde nationale de Jumièges n'ont pas été portés sur la liste des électeurs communaux ni appelés.
Casimir Caumont n'est pas propriétaire du palais abbatial. Celui-ci appartient à Rose Angélique Layné, veuve Heurteault, remariée à Jean Alexandre Œillard. Ce n'est qu'en 1865 qu'il sera rattaché aux ruines.
La maison de Caumont se situe dans l'ancien magasin des moines, à la porterie, où sera créé un musée.
Interpellé plus tard, s'il tenait à ce que sa réclamation fut insérée au procès-verbal, il a répondu négativement, qu'il avait 5 jours pour la déposer à la mairie et le bureau a décidé qu'il ne devait en être fait mention dans le procès-verbal.

Sur le 1° de la réclamation, votre arrêté m'a donné le droit de déterminer le local et nul autre dans la commune n'était plus central et n'aurait offert plus de convenance pour la tenue de l'assemblée et le secret des votes que celui indiqué dans mon ordonnance et dans l'avis adressé à chaque électeur.

Sur le 2°, il est vrai que cette omission, bien involontaire, a eu lieu. Sur les 8 officiers des 2 compagnies de gardes nationales de Jumièges, 4 seulement font partie des plus imposés. Ainsi 4 officiers qui devaient prendre part aux élections n'ont pas été appelés. Leur présence eut pu déterminer la nomination au 1er tour de scrutin de ceux auxquels il a manqué moins de 4 voix pour obtenir la majorité absolue des 93 votants.
Le sieur Lesain, ex-maire, ayant été élu le 2e jour avec 17 voix (à peu près le même nombre qu'il avait obtenu la veille), il est probable qu'il ne donnera pas suite à sa réclamation.

Vous avez à décider, Monsieur le Préfet, si cette omission sur la liste des électeurs n'est pas de nature à annuler les opérations de l'assemblée.

Une autre réclamation

Une autre réclamation m'a été adressée depuis la clôture des opérations électorales sur l'interprétation que j'ai donnée au 3e paragraphe de l'article 9 de la loi du 21 mars.
Le 2 paragraphe dit : dans les communes où il y aura plus de 3 adjoints, le conseil municipal sera augmenté d'un nombre de membres égal à celui des adjoints au dessus de 3. De même, l'augmentation indiquée par le 3e paragraphe doit être : du nombre égal à celui de ses adjoints spéciaux ou supplémentaires.

Jumièges a obtenu un adjoint spécial supplémentaire à la résidence du village d'Heurteauville, dépendant de la dite commune de Jumièges. L'augmentation dans le conseil municipal que j'ai portée à 3 ne devait donc être que d'un seul membre. Alors le conseil municipal de cette commune ne doit être que de 17 membres au lieu de 18.

Le sieur Lesain, le dernier de la liste avec ses 17 voix, serait celui qui doit en être rayé.
Vous aurez donc aussi, Monsieur le Préfet, à prononcer sur cette réclamation en interprétation du 3e paragraphe de l'article 9 de la loi précitée et sur les conséquences que doit avoir l'interprétation que je lui ai donnée. J 'ai l'honneur...

Et d'ajouter sous sa signature

Une autre réclamation vient de m'être adressée. Le sieur Hue, ex-maire de Jumièges avec le sieur Lesain, a depuis plusieurs années vendu par actes notariés toutes les propriétés qu'il possédait dans cette commune et s'il figure sur la liste des plus imposés, c'est que les mutations n'ont pas été opérées sur les registres matricules. Le sieur Hue a si peu de ressources qu'il vient d'être déchargé de la contribution mobilière. Dès lors, il ne pourrait faire partie du conseil municipal.
Casimir CAUMONT.

La préfecture écarte Lesain

"Le conseil de Préfecture du département de la Seine-Inférieure

Vu les procès-verbaux des élections municipales faites en la commune de Jumièges les 22 et 23 7bre présent mois.
Vu la lettre de M. le Maire de Jumièges à la date du 26 du même mois sur les dites opérations.
Vu le renvoi fait de ces pièces par M. le Préfet au conseil le 29 pour être statué conformément aux art. 51 et 52 de la loi ci après citée.
Vu la loi du 21 mars de la présente année.


Considérant que la lettre de M. le maire de Jumièges signale au sujet des élections dont il s'agit les faits suivants :

1°) les élections auraient eu lieu dans la maison du maire.
2°) Il y aurait été procédé sur une liste où ne figuraient pas les officiers de la garde nationale de Jumièges qu'on n'y aurait point appelés et qui n'y auraient point concouru en cette qualité.
3°) La population de la commune est de 2020 habitants, il y a un adjoint spécial et supplémentaire et le nombre total des membres du corps municipal élus a été porté à 18.
4°) Enfin le sieur Victor Hue qui a concouru à l'élection aurait vendu par actes notariés depuis plusieurs années toutes les propriétés qu'il possédait, il aurait si peu de ressources qu'il aurait été déchargé de la contribution mobilière et cependant au moyen de ce que les mutations n'auraient point été opérées sur les registres matricules on l'aurait porté sur la liste des plus imposés et il serait même l'un des membres élus du conseil municipal.

"Considérant que c'est à raison de tous ces faits dont les 2 premiers auraient d'ailleurs fait l'objet d'une observation verbale du sieur Lesain au  moment de l'élection que le conseil est appelé à juger de la validité ou non validité des opérations qui ont eu lieu.

Considérant, relativement au premier fait, qu'il ne peut donner lieu à l'annulation de l'élection, attendu qu'il était dans le droit du maire de désigner le local où se tiendrait l'assemblée électorale.

Considérant, relativement aux 2e et 4e faits, que les questions qu'ils soulèvent se rattachant à la formation de la liste, n'auraient pas été présentées utilement à juger que pendant les délais qui étaient accordés pour réclamer contre les interprétations ou omissions faites sur cette liste, c'est à dire dans le mois de sa publication.

Enfin, considérant sur le 3e fait, que le maire de la commune de Jumièges paraît avoir fait une fausse interprétation du troisième paragraphe de l'art. 9 de la loi ci-dessus citée, en augmentant de deux au lieu d'un et portant ainsi à 19 au lieu de 17 le nombre des 16 membres du corps municipal que comportait la population de la commune, que dès lors il convient de réduire ce nombre à celui voulu par la loi et que cette réduction doit atteindre le sieur Charles Lesain qui est celui des dits membres portés le 18e comme ayant obtenu le moins de suffrages.

Arrête

L'élection du sieur Charles Lesain aux fonctions de membre du corps municipal de la commune de Jumièges constaté par le second des trois procès verbaux visés en tête du présent est déclaré nulle et non avenu comme ayant été faite au delà du nombre que comportait la population de la dite commune.

Quant à l'élection des 17 autres membres, les dits procès verbaux sortiront leur plein et entier effet. Fait en séance à Rouen le 30 7bre 1831..."

Jugement quelque peu inique. L'élection de Victor Hue, qui demandait à être démis de ses fonctions, ne figurant plus parmi les électeurs, est maintenue. Au détriment de Lesain....
Hue va non seulement se satisfaire de cette décision mais, au sein du conseil, soutenir haut et fort Caumont.


L'installation du conseil

Elle eut lieu le 13 octobre 1831, en mairie. Étaient présents : Valentin Vauquelin, Pierre Dupont, Valentin Porgueroult, Casimir Caumont, Nicolas Augustin Bouttard, Valentin Romain Poisson, Frédéric Le Boucher, Honoré Dossier, Pierre Desjardins, François Amant, Louis Caillou, Martin Capelle, Étienne Varin et Victor Hue.

Absents : Pierre Beauvet, Jean-Baptiste Chrétien et Laurent Dossier.

Caumont lit l'arrêté du conseil de préfecture. Les conseillers prêtent serment.

Sur la proposition d'un membre de l'assemblée reconnaissant que le local de la mairie est trop exiguë et peu décent pour la tenue des séances du conseil municipal et la célébration des mariages accepte avec reconnaissance l'offre faite par M. le maire d'une salle dans son habitation où auront lieu dorénavant les réunions du conseil et la célébration des mariages.

Tout le monde signe. Caumont transmettra copie du PV à la préfecture préfecture le 13 octobre. Tout en précisant :"Trois membres du conseil municipal étaient absents par maladie ou autre empêchement et seront installés après la prestation de serment à la première réunion du conseil à laquelle ils assisteront. J'ai l'honneur....

Et d'ajouter sous la signature :

"J'ai bien reçu la lettre de Monsieur le Préfet qui me continue et MM Le Boucher et Dupont dans les fonctions de maire et adjoints de cette commune. Je me réserve de lui présenter mes remerciements de cette preuve de confiance en lui adressant le procès-verbal de notre installation qui aura lieu dimanche prochain."

L'installation du maire

Le 16 octobre, prestation de serment du maire et de ses adjoints. Sans nos trois absents. C'est Vauquelin, premier inscrit au tableau, qui déclare Caumont installé.

« M. Caumont adresse à MM les conseillers municipaux et aux électeurs ses remerciements de leurs suffrages auxquels il doit d'être continué dans les honorables fonctions de maire de Jumièges et réitère les assurances de son dévouement et de son attachement aux intérêts de cette commune et au gouvernement du Roi des Français.

«  M. Victor Hue, au nom du conseil municipal, témoigne à M. Caumont toute la satisfaction qu'il éprouve de le voir ainsi que MM Le Boucher et Dupont continués dans les fonctions de maire et adjoints de cette commune et la séance est levée aux cris de Vive le Roi.

Tout le monde signe. Caumont confirme et transmet le 18 octobre.

En 1832, le livre d'or de l'abbaye reçoit la signature de l’ingénieur des Ponts et Chaussées Saint-Venant.

Sur le livre d'or, le 20 mai 1833, le Chevalier de Touchet, fondateur de la Société pour la conservation des Monuments,  laisse sa signature. On voit venir aussi cette année-là André Durand, disciple de Langlois, Alfred Darcel, l’écrivain et dessinateur Henri Monnier, le peintre Camille Flers, précurseur de l’école de Barbizon et qui voulait chasser les chauves-souris des souterrains, l'aquarelliste Léon Alègre...

Caumont tient ses promesses : le 11 juin 1833, il signe un arrêté municipal qui marque la restauration d'une foire à Jumièges :

Le 11 juillet 1833, Philippe Rigaud, chirurgien interne de l’Hôtel-Dieu de Paris, laisse ce commentaire sur le registre de l'abbaye :

"Une pensée douce et tranquille s’est mêlée à mon trouble : c’est une pensée de reconnaissance pour l’homme qui sait apprécier la valeur de ces restes, qui les a disputés au vandalisme, et qui les dispute encore au temps ; l’histoire conservera son nom, elle le proclamera le dernier protecteur de la vieille Jumièges. "

Été 1833. Un couple d’écrivains anglais accomplit un voyage en Normandie. Descendus dans une auberge, face à l’abbaye, Thomas et Frances Follope y rencontrent Charles-Antoine Deshayes. Sur le mur, une affiche informe le visiteur qu’un ouvrage est disponible sur l’histoire de Jumièges. Ils en demandent un exemplaire que Deshayes va chercher dans la petite pièce qui lui sert d’habitation. Après s’être restaurés, les Follope visitent les ruines, le livre en main.


L'affaire Fitz-James



Édouard de Fitz-James, père du marquis, habitait au château de Quevillon.
Le 5 Novembre 1833, une battue aux loups a lieu en forêt de Brotonne. Au banquet qui le clôture à l'auberge Lesot, de Guerbaville, le marquis de Fitz-James y invite ses amis chasseurs, les maires de communes avoisinantes, les lieutenants de louveterie. Après le banquet, une partie des convives va s'égayer dans les allées du château de La Mailleraye. Les autres restent autour de Fitz-James. Légitimiste, hostile à Louis-Philippe, il écrit sur le mur de l'auberge "Vive Henry V". Autrement dit le dernier représentant des Bourbon et fils de la duchesse de Berry, venue quelques années plus tôt visiter les ruines de Jumièges, guidée par Charles-Antoine Deshayes. Scandale. Cour d'assises de Rouen.  Le procès s'ouvre...
On constate d'emblée que, cité à la requête du prévenu, Caumont ne répond pas à l'appel des témoins à décharge. Mais il a écrit une lettre d'excuses à la cour. "Il m'est impossible de me rendre à l'audience, mes devoir d'électeur au conseil d'arrondissement me retiennent à Duclair. J'ajoute que mon témoignage serait fort insignifiant, attendu que je n'ai aucune connaissance personnelle des faits imputés à M. de Fitz-James, je ne les ai appris que par la voix publique." Bref, il se défile et Fitz-James accuse le coup :
— C'est une chose sacrée qu'un citation de témoin, c'est un rendez-vous d'honneur. M. Caumont y manque, je laisse à MM. les jurés le soin d'apprécier sa conduite.
Le président : Insistez-vous pour qu'il soit entendu ?
— Non Monsieur.
Admettant l'excuse proposée par Caumont, la cour ordonne qu'il soit passé outre au débat. Fitz-James sera acquitté. Puis condamné en appel à quelques mois de prison. Quant à Caumont, sa désertion lui sera bientôt rappelée...

Le 31 décembre 1833, les électeurs du canton de Duclair élisent un nouveau conseiller d'arrondissement de Rouen en remplacement de Darcel, porté au conseil général. Ils sont 50 à voter sur 69 inscrits. Maire d'Hénouville, de Schonen l'emporte sur Caumont.

Candidat à la députation

En juin 1834, Caumont est candidat à la députation dans le 4e collège de Rouen extra-muros contre Petou, député sortant. Il l'écrit au Journal de Rouen

Messieurs,
La lice électorale est ouverte : s'il est pénible d'avoir à solliciter des suffrages, d'entrer en concurrence avec des noms recommandables, on s'enhardit à la pensée qu'il s'agit d'obtenir la mission la plus honorable à laquelle un citoyen puisse aspirer.
Je me présente donc, Messieurs, et  fort de ma conscience, de mes intentions et de l'appui de quelques amis, je viens briguer l'honneur d'être le député de notre arrondissement électoral.
Pendant les trente années de ma carrière commerciale, des rapports suivis avec tout ce qui tient à l'industrie de notre département m'ont mis à même de connaître et d'apprécier ses besoins. Quoique retiré des affaires, je n'ai pas cessé de faire partie la chambre de commerce, que j'ai l'honneur de présider. Dans la révision de la loi des douanes, qui doit occuper la prochaine session, nos intérêts industriels et manufacturiers, qui se lient à ceux de la classe ouvrière, trouveraient en moi un défenseur zélé.
Maire d'une commune rurale, j'ai appris, dans la fréquentation des cultivateurs et des propriétaires, à connaître leurs besoins et je porterais le même zèle à la défense de nos intérêts agricoles.
Tels sont mes titres, Messieurs. Parmi les candidats déjà sur sur les rangs ou qui se présenteront encore, vous pourrez un plus capable, plus digne de vos suffrages, mais non pas de plus sincèrement dévoué à son pays, à nos institutions, au gouvernement actuel.

Casimir CAUMONT
 maire de Jumièges, électeur du canton de Duclair,
président de la chambre de commerce de Rouen.


La cible du Journal de Rouen

Assurément, parmi toutes les professions de foi politiques que l'époque actuelle va voir éclore sur tous les points de la France il sera difficile d'en trouver une qui soit d'une plus grande insignifiance que celle qu'on vient de lire. Ceux des électeurs du quatrième collège qui ne connaissent pas personnellement M. Caumont seront sans doute fort embarrassés après cette lecture, de savoir à quelle ligne politique il appartient. Est-il pour Philippe ou pour Henri, pour la monarchie ou pour la république, pour le règne du bon plaisir ou le suffrage universel, pour la réforme électorale ou le maintien du statu quo, pour la conservation des budgets-monstres ou pour le dégrèvement des contribuables ? Que pense-t-il de la session qui vient de finir et de celle qui va s'ouvrir? Quelle est notamment son opinion sur les lois contre les associations et les détenteurs d'armes et sur les autres lois sur la presse et le jury dont nous sommes menacés pour la prochaine législature ? M. Caumont se tire de toutes ces questions ardues par trois mots : il est sincèrement dévoué à son pays, à nos institutions, au gouvernement actuel. Cela est très laconique mais c'est fort vague.

Le public en sera réduit comme devant à
puiser dans ses souvenirs ; or, tout ce que le publique savait jusqu'ici sur le compte de M. Caumont comme homme politique, c'est
qu'il s'est signalé avant et depuis la révolution de Juillet par ses sympathies et ses relations légitimistes ; c'est qu'il faisait partie du fameux banquet que M. le marquis de Fitz-James expie on moment en prison et que dans cette occurrence, il fut accusé par ses commensaux d'avoir manqué du courage de son opinion pour a voir fait défaut à la cour d'assises où ils l'avaient assigné comme témoin à décharge. Tout cela s'accorde très bien avec son dévouement actuel à nos institutions et au gouvernement; car nos institutions et notre gouvernement ont tout cc qu'il faut pour plaire maintenant à un légitimiste qui tient plus aux choses qu'aux personnes, au fond qu'à la forme.

Le seul point d'un intérêt actuel et palpitant auquel M. Caumont daigne toucher dans sa lettre,
c'est la loi de douane dont l'examen a été légué à la prochaine législature. Or, voici le rôle qu'il se trace d'avance pour cette occasion : il sera, dit-il, un défenseur zélé de nos intérêts industriels et manufacturiers, et il portera le même zèle à la défense de nos intérêts agricoles. Que conclure de ces paroles? Que M. Caumont votera pour on contre le projet de M. Thiers, qu'il est pour le maintien des taxes prohibitives, ou pour leur réduction? Nous le donnons en mille à deviner à MM. les électeurs du quatrième collège Beaucoup d'entre eux penseront sans doute que ce n'était guère la peine de leur adresser une profession de foi qui professe si peu de chose.
Ce qui en ressort de plus clair et de plus net, c'est que M. Caumont, pendant les trente années de sa carrière commerciale, a eu, avec tout ce qui tient à l'industrie de notre département, des rapports suivis qui l'ont mis à même de connaître et d'apprécier ses besoins. Ces phrases, il faut en convenir, sont de la part de M. Caumont quelques réminiscences de ses anciennes circulaires commerciales où il faisait valoir auprès de ses correspondants sa connaissance approfondie de la place; Un tel langage peut très bien convenir pour recommander un commissionnaire en marchandises, mais il ne fait pas préjuger nécessairement des talents économiques et la science politique qui doivent être l'apanage du député.

Réplique de Casimir Caumont au rédacteur :

Rouen, 2 juin 1834.
Monsieur,
Je n'ai lu qu'hier soir fort tard vos réflexions du même jour sur ma candidature. J'ai dû présenter à MM. les électeurs du 4e arrondissement de Rouen mes titres à leur confiance, leurs suffrages, et non pas une profession de foi sur les lois adoptées dans la dernière session ou sur celles qui seront présentées à la prochaine législature. Si, cependant, ils me demandaient mon opinion sur les lois contre le associations et les détenteurs d'armes, je répondrais qu'elles ont mon assentiment. S'ils me demandent comment je voterais sur telle ou telle proposition de loi, même sur la loi des douanes, je répondrai que j'attendrais la discussion, car s'il fallait engager ma conscience, mon vote, mon indépendance pour obtenir le mandat honorable que j'ambitionne, je le refuserais à pareille condition. Ce serait, suivant moi, juger une cause avant de la connaître, ou se prononcer avant d'avoir entendu.
Quant aux sympathies légitimistes que vous me supposez à tort, toutes les personnes qui me connaissent feront justice de cette accusation. La différence d'opinion ne m'empêchera jamais de voir et de recevoir d'anciens amis ; et dans ces relations on réunions, avant et depuis les événements de juillet, j'ai toujours soutenu franchement mes principes politiques.
C'est cc que M. de Fitz-James a reconnu en déclarant qu'il m'avait fait assigner comme témoin à décharge, parce que j'étais d'une opinion contraire à la sienne. Je n'avais aucune connaissance des faits de l'affaire ; ma déposition eût été insignifiante, et mes devoirs d'électeur me retenaient le même jour à Duclair.
Si les talents économiques et la science politique ne sont pas mon apanage, je puis me prévaloir de ma longue expérience et de mes bonnes intentions. Repousser tout ce qui serait contraire aux intérêts de mon pays et pourrait troubler sa tranquillité ou porter atteinte à ses institutions, à ses libertés, appuyer tout ce qui peut consolider le gouvernement né dc la révolution de juillet, telle est ma profession de foi.
Cette polémique sera la dernière sur ma candidature, et en la faisant connaître, je me suis attendu à être attaqué, injurié, calomnié même. MM les électeurs en décideront.
Je vous prie, Monsieur (je vous somme en tant que besoin), d'insérer cette lettre dans votre plus prochain numéro.
Agréez, etc. Casimir CAUMONT.

Le Journal de Rouen ne désarme pas :

Nous regrettons, dans l'intérêt de la réputation de M. Caumont, qu'il se soit laissé aller à écrire la dernière phrase de cette lettre ; car si la notoriété publique lui prêtait des tendances vers l'ancien régime  elle lui attribuait aussi l'urbanité et la politesse de manières qui sont l'apanage des hommes de cette époque. Ceux qui ne connaissent pas personnellement M. Caumont seraient donc fondés à rabattre de cette opinion a son égard, s'ils ne savaient bien qu'il faut tenir compte du dépit de l'amour propre blessé.

En se mettant sur les rangs pour la députation, M. Caumont devait bien s'attendre, non pas à être injurié et calomnié, mais à ce qu'on discutât ses titres politiques ; et, quant à nous nous sommes religieusement religieusement renfermés dans ces dernières limites.
Sa dernière lettre n'apprendra rien de bien nouveau an public. Approuver les lois sur les associations et les détenteurs d'armes, ces lois qui auraient été mieux placées dans le code des Wisigoths que dans le nôtre, ce n'est certes pas précisément répudier les doctrines absolutistes et rétrogrades. Et pour ce qui concerne ses explications sur le projet de loi de douanes, il n'en résulte autre chose, si ce n'est que M. Caumont n'a pas encore d'idées arrêtées en fait d'économie politique.


1834 : le notaire évincé

Caumont ne sera pas député. En Septembre 1834, il accueille la classe de dessin d'Eustache Bérat, frère de l'auteur de Ma Normandie. On verra encore à Jumièges Hippolyte Bellangé, Alexis de Malécy, Dumée, Charles Le Boulanger de Boisfremont, Amédée Gosset de la Rousserie, Émile Perrin...

A l'abbaye, Caumont poursuit ses fouilles. Le 23 octobre 1834, MM. Deville, Taylor et Casimir Caumont exhument deux abbés ayant encore leurs crosses de cuivre, des restes de vêtements sacerdotaux, des bottines de cuir et d'autres ornements. Les corps  étaient enfermés dans des cercueils composés de pierres plates  en plusieurs morceaux, comme les sarcophages du XIIe ou du XIIIe siècle. Pendant longtemps ces curieuses sépultures ont été conservées sous verre dans les caveaux souterrains de l'abbaye. Caumont fera don au musée des Antiquités de Rouen d'une crosse et d'un galon broché d'or.


Dans les jours suivants, Caumont ressentit comme un camouflet le renouvellement triennal du conseil...


Confidentielle
Jumièges, le 10 novembre 1834
à Monsieur le Baron Delporte,

Le maire de Jumièges voit avec peine que la cabale et la malveillance aient empêché la réélection de son adjoint, M. Le Boucher, notaire à Jumièges, de M. Chrétien, secrétaire perpétuel du conseil municipal, (...) ils auraient également fait sauter le maire si le sort ne l'avait préservé, quant à présent, ils ont dit que le renvoi de MM Le Boucher et Chrétien (qui ont rendu le plus de services à la commune et à ses habitants), me dégoutterait du poste et me déciderait sans doute à me retirer. Et c'est peut-être ce qui me déciderait à la défendre si vous voulez bien encore me le confier et si vous voulez bien me donner pour adjoint M. Jean Pierre Honoré Dossier, conseiller restant encore pour 3 ans. Le plus riche propriétaire de la commune et qui veut même se retirer par suite de cette cabale mais que j'espère décider à accepter.
M. Dupont, adjoint spécial pour le hameau d'Heurteauville, me paraît mériter à tous égards la continuation de votre confiance.

Reconduit maire

A cette lettre teintée d'amertume, le baron Delporte délivra des signes d'encouragement à Caumont. Du reste, le baron et son épouse viendront souvent à l'abbaye. Caumont réagit :

Jumièges, le 2 Xbre 1834,

Monsieur le Préfet,

Je suis honoré de votre lettre du 28 passé qui m'adresse ma commission de maire par suite du renouvellement triennal. Je vous remercie de la continuation de votre confiance que je m'efforcerai de justifier.
M. Dossier Honoré, membre du conseil municipal, me paraît le plus capable de remplir les fonctions d'adjoint. C'est celui que je vous prie de vouloir bien m'adjoindre. J'ai l'honneur...
Si M. Dupont, adjoint spécial pour le hameau d' Heurteauville, a reçu sa commission, j'attendrai après celle de l'adjoint de Jumièges pour procéder en même temps à l'installation des nouveaux conseillers, adjoints et maire.

L'installation des nouveaux élus

Le 22 décembre 1834, à midi, on se retrouva en mairie. Il y avait là Caumont, Dupont, Dossier, Desjardins, Caillou, Amant, Capelle, Porgueroult, Metterie, Varin, Poisson, Philippe, Bussy, Boutard et Decaux. Seul Beauvet était absent.

« Le motif de la réunion, et quoi que persuadé du mérite et du loyal concours de MM les nouveaux conseillers municipaux, il témoigne tous ses regrets de ne pas voir dans le conseil les deux anciens membres sortis par le sort qui n'ont pas été réélus, MM Chrétien et Le Boucher, qui par le zèle et le dévouement qu'ils ont déployés dans l'exercice de leurs fonctions pour les intérêts de la commune, ont acquis des droits à la reconnaissance des habitants de Jumièges.

Dossier a bien été nommé et Dupont confirmé. Caumont aussi. « Avec l'aide et l'assistance de ses adjoints, il espère justifier la confiance de l'administration et assurera le bon ordre dans la commune et l'exécution des lois et ordonnances ainsi que le respect dû au gouvernement.

Porgueroult, Metterie, Varin, Poisson, Philippe, Bussy, Boutard et Decaux, les nouveaux élus issus du renouvellement triennal sont installés.

Le tableau se présente ainsi par ordre de suffrage :

1831 Caumont, maire

Dossier, adjoint

Dupont à Heurteauville

Vauquelin,  82 voix
1834 Beauvet  80

Porgueroult  79

Metterie  52
1831 Desjardins  50
1834 Varin  48

Poisson  48
1831 Caillou 48
1834 Philippe  43

Bussy  40

Boutard  32

Decaux  27
1831 Capelle 26


« M. Le maire annonce que la session de novembre renvoyée en décembre est ouverte et il invite à procéder à la nomination d'un secrétaire. M. Philippe ayant obtenu la majorité absolue des suffrages prend place au bureau municipal. Séance levée à deux heures...


Loué par Victor Hugo...



1834 et 1835 verront la visite de plusieurs architectes parisiens : Horeau, Debacq, Titeux, César Daly, Fontaine, membre de l'Institut. Rouennais aussi avec Courtonne, Isabelle, Barre. 1835 voit aussi la visite des peintres anglais Edward Swingurne et William Callow en mai, du comte Ferdinand de Lasteyrie auteur de L'Histoire de la peinture sur verre en France et de nombreux architectes parisiens et rouennais. En juillet serait venu Lamartine. Mais on se souviendra surtout de Victor Hugo. C'est le 1er août que le poète nationale dépose sa fameuse dédicace sur le livre d'or de Caumont. Il vient d'être mis à la porte de l'abbaye de Saint-Wandrille par le propriétaire d'alors, Lenoir, qui affecta de ne point le connaître. "Cela m'étonne, car je suis un célèbre dentiste de La Bouille, inventeur d'une pommade merveilleuse !" Furibard, Hugo arrive à Jumièges : "En sortant de chez l'immonde propriétaire de Saint-Wandrille, je félicite M. Casimir Caumont d'avoir Jumièges, et Jumièges d'avoir M. Casimir Caumont."

... Par Constance du Plessis

Constance du Plessis publia dans Le journal des Demoiselles le compte-rendu d'une excursion qu'elle fit à l'abbaye de Jumièges en septembre 1835. On apprend que Caumont déplore des pillages opérés par les Anglais, qu'il accuse l'abbé Adam, curé de la paroisse, d'être la cause de la destruction de l'abbaye. Les ruines attire déjà des visiteurs du monde entier.

« Comme nous allions prendre le chemin des ruines, nous vîmes venir à nous M. Casimir de Caumont, propriétaire actuel de ce qui reste de l'abbaye, homme aimable, poète spirituel, et digne en tout de posséder une des plus belles ruines de France. Il fut pour nous d'une bonté et d'une complaisance parfaites. Le texte intégral :
Cette même année 1835, les Nouvelles annales des voyages nous parlent aussi de Casimir Caumont :
"C'est encore dans le beau verger de Jumièges, tout en face des ruines admirables de cette vieille abbaye visitée par les voyageurs de France et d'Angleterre, que je voudrais passer toute une saison, m'enfermant avec M. Caumont pour l'aider à faire les honneurs de ces pierres mutilées, de ces voûtes entrouvertes et menaçantes, de ces débris de colonnes et de statues. Des allées bien dessinées, bien entretenues, à travers un gazon fin, des arbres d'une belle végétation, la fumée du bateau à vapeur qui ondule dans le lointain sur la Seine, et l'horizon boisé qui vous entoure, et la lecture des chroniques du monastère, et les souvenirs qui s'y rattachent, et du lait et des fruits,.... que faut-il de plus pour être heureux, si on savait, si on pouvait l'être?
"

Conservateur éclairé




Amateur très éclairé, il mit fin aux spoliations des voyageurs, recueillit religieusement tous les débris précieux, fragments de tombeaux, de retables, de statues, les réunit sous des voûtes pour les soustraire aux injures du temps, a été, en un mot, le conservateur de ce monument ; en même temps il donnait asile dans deux grands salles de sa demeure à tous tes meubles du monastère, tels que bahuts, fauteuils, boiseries sculptées, dont la vente avait en lieu au commencement de la Révolution, et qu'il eut le bonheur de retrouver épars dans le pays.


Émile SAVALLE.



En avril 1835, Caumont fait partie d'une commission d'étude d'un projet de pont suspendu à Rouen. En août 1835, Casimir Caumont est l'homme à consulter si l'on veut en savoir plus sur l'adjudication de l'exploitation de la tourbe à la harelle d'Heurteauville. Sa mise en adjudication est faite par le notaire, Me Le Boucher, le 30 août.

En 1836, Casimir Caumont avait pour domestique Marie Dubos, 73 ans. Philippe Bréham étais son jardinier. Né de père inconnu, le fameux "Père Philippe" était marié à Marie Barnabé. Auprès de Bréham était son parrain, Gaspard Thuillier, 87 ans. Les enfants Bréham étaient François, 19 ans, né d'un premier lit, Constance, 9 ans et Victorine, 7. Le père Philippe avait aussi une fille ainée, Rose, 24 ans, Domestique chez le notaire Leboucher. Elle eut bientôt un enfant né de père inconnu.

1836 : Casimir Caumont préside une commission d'enquête sur le projet de chemin de fer de Paris à la mer. Il reçoit cette année-là la visite d'Alfred Darcel, Charles de Starenbath, historien du palais de justice de Rouen et de l’archéologue Louis Batissier. Léon Halévy, auteur de L'Histoire des juifs laisse sur le livre d'or ces quelques vers :
Ne les abattez pas, ces pieux édifices,
Où le cœur vient fermer ses vieilles cicatrices
Et parle à Dieu tout bas.
La foule n’y vient plus ; mais au jour de souffrance,
Puisqu’un seul homme y trouve l’espérance,
Ne les abattez pas.


Lors d'une tournée de confirmation, flanqué de son vicaire général, l'abbé Libert, l'archevêque de Rouen visite les ruines. Il s'agit du cardinal prince de Croy.

Le 13 décembre 1836 aura vu aussi Caumont concourir au conseil d'arrondissement. Sur 73 électeurs inscrits, seuls 50 votent. Auguste Baudoin obtient 28 voix, Caumont 21. Consolation : Darcel n'en a qu'une. Créateur d'une raffinerie de sucre de betteraves, Baudoin était soutenu par Le Journal de Rouen

François Boutard lui succède

Sent-il le vent tourner ? Est-il dégoûté ? Vise-t-il meilleur destin à Rouen ? En 1837, Caumont démissionne de son poste de maire  de Jumièges en compagnie de son adjoint, Honoré Dossier, et désigne Dupont pour successeur. Lire :

Mais c'est François Boutard qui sera appelé à le remplacer. Au grand Dam de Charles Antoine Deshayes qui avait alerté le préfet contre ce choix. En juin, Caumont redevient conseiller municipal de Rouen. Mieux : en 1840, il sera adjoint provisoire après la démission d'Henry Barbet. Pour l'heure, le 20 août 1837, Casimir Caumont, en qualité de conseiller, siège aux côtés de Hyacinthe Langlois au musée de Rouen pour décerner des récompenses aux artistes. Caumont habite toujours rue du Fardeau où il a pour voisins MM. Guéroult, Curay, Hain...
Le 8 septembre 1837 ont lieu de nouvelles élections au tribunal de commerce. Sur les 152 électeurs désignés par le préfet, seuls 76 se déplacent. Caumont est élu président avec 39 voix devant Decazes, 21, et Lemarchand, 13. On compte 3 voix perdues. Le Journal de Rouen se lamente : "Il est pénible de remarquer que la moitié des électeurs ait négligé de se rendre à cette assemblée..."

Les Énervés sont exhumés

Langlois, dans son essai sur les Énervés de Jumièges paru en 1838 écrit ceci à propos du tombeau des énervés : "M. Casimir Caumont, en faisant déblayer l'église de Saint-Pierre, a découvert, bien que mutilés, les restes presque complets des deux statues qui décoraient ce mausolée et les a rétablis religieusement à l'endroit même qu'elles occupaient dans l'origine."
Mais en mai 1838, Langlois n'est plus. Casimir Caumont est des souscripteurs du monument à sa mémoire. Le même mois, un officier du 4e régiment de ligne de l'armée polonaise écrit dans sa langue sur le registre de l'abbaye.

En qualité de conseille municipal de Rouen, Caumont est des jurés de l'exposition du Musée de Rouen qui, en août 1838, récompense foule d'artistes, dont Horace Vernet.


1838 encore, Cordelier-Delanoue publie le compte-rendu de sa visite à Jumièges dans La France Littéraire et Le Journal de Rouen: Il évoque bien entendu Caumont, "homme éclairé  qui apporte à conserver le même zèle que d'autres apportent à détruire.  Tout dénote à Jumièges le maître attentif qui sait la valeur des ruines qu'il possède et qui les défend contre les dégradations soit des hommes soit du temps." Mais qui était le guide de l'abbaye dont parle cet extrait? « Mon brave guide m'apprit qu'il avait été desservant dans cette même abbaye que je visitais, et dont on lui avait donné les ruines à garder : Oui, monsieur, me dit-il avec un triste sourire, j'ai servi, tout enfant, la messe à Jumièges, et voilà la place où je m'agenouillais. Voyez-vous cette muraille et, de distance en distance, ces enfoncements garnis de tablettes saillantes ? c'était là qu'on plaçait les burettes après l'office divin, et chacun de ces tabernacles creusés dans la pierre répondait à un autel surmonté de peintures à fresque entièrement effacées aujourd'hui. J'ai vu Jumièges bien beau encore, et maintenant on dirait ce monastère abandonné depuis cent ans! » 

La même année, Francis Wey donne une vision critique mais peu convaincante de Casimir Caumont :  

Agnès Sorel retrouve Jumièges


Octobre 1838. Depuis longtemps les antiquaires connaissaient la pierre tumulaire qui couvrait le monument élevé dans l'église de l'abbaye de Jumièges, en l'honneur d'Agnès Sorel, maîtresse de Charles VII, morte au Mesnil-sous-Jumièges, en 1449. Cette pierre, enlevée de Jumièges et apportée à Rouen lors de la destruction de l'abbaye, couvrait le perron-d'une maison au milieu d'un jardin de la rue Saint-Maur. L'ancien propriétaire n'avait jamais voulu s'en dessaisir, malgré les démarches faites à plusieurs reprises par M. Deville, directeur du musée départemental, et par M. Caumont, propriétaire des ruines de Jumièges.

Les nouveaux possesseurs et habitants de cette maison, M. et Mme Bouliguy, après avoir refusé de cette pierre un prix d'argent assez élevé, ont eu la généreuse pensée d'en doter leur pays. Ils hésitaient entre le musée de Rouen et les ruines de Jumièges : ils ont reconnu que cette antiquité présenterait un plus grand intérêt au milieu des ruines de l'abbaye, à la place qu'elle a occupée pendant plusieurs siècles, et qu'en la donnant à M. Caumont, qui conserve si religieusement ces ruines et tous les débris qu'il a pu en recueillir, c'était un dépôt confié à sa garde, et qu'ils la donnaient non-seulement à la ville, au département, mais à toute la France, en l'offrant aux regards des nombreux amateurs qui viennent chaque année visiter les restes du vieux monastère.

Cette pierre, en marbre noir, se trouve bien un peu mutilée et brisée, mais on peut encore lire l'épitaphe , en lettres gothiques gravées sur les côtés, qui rappelle les titres et les bienfaits de la châtelaine de beauté, de la belle des belles, et qui est ainsi conçue:

« Ci gist noble damoyselle Agnes Sorelle, en son vivant » dame de Beaulté, de Roquefure, d'Issouldun et de Vernon-sur-Seine, piteuse entre toutes gens, et qui largement donnait de ses biens aux églises et aux pauvres, laquelle trépassa le 19e jour de février de l'an de grâce 1449. Priez Dieu pour l'âme d'elle Amen. »


Maire adjoint de Rouen

Conseiller de Rouen, Caumont est encore juré au musée de la capitale normande. Le concours de l'exposition d'août 1838 est dominé par le talent d'Horace Vernet.
Le 16 août 1838, Casimir Caumont est réélu membre de la chambre de Commerce et installé le 13 septembre. Il en était président depuis deux ans. Bouctot lui succède à ce poste.
Au sein du conseil de Rouen, Caumont est qualifié par Le Journal de Rouen de fervent adepte d'une quasi-restauration alors que jadis il avait fait campagne contre le "parti prêtre". Propriétaire à Yainville, Armand Lemire partage ses idées aux yeux du quotidien de même que Henry Barbet, le maire de Rouen, Pierre Dieuzy, lui aussi membre de la chambre de commerce...

 Léopoldine Hugo vient par deux fois à Jumièges en 1839 :  La première, elle visite les ruines dans les pas du guide, la seconde, elle se dit mal reçue par le propriétaire qu'elle s'évertue à appeler M. de Caumont dans une lettre à Julie Fouché. « Si cela t'amuse je pourrai pourtant te raconter la singulière réception que nous a fait M. de Caumont, propriétaire de Jumièges, sinon passe ce passage. Il faut te dire d'abord que papa en passant avait écrit sur un registre appartenant à ce monsieur et où tous les voyageurs sont priés de signer des louanges pour M. de Caumont qui avait conservé avec soin cette magnifique abbaye.
Depuis, papa et moi avions dîné avec lui chez M. Güttinguer, à Saint-Germain. En partant, nous avions tous écrit nos noms sur ce registre, et M. de Caumont les ayant vus, nous avait fait prier par une dame habitante de Villequier de bien vouloir déjeuner avec lui, le mardi, mercredi ou jeudi suivant. Nous choisîmes ce dernier jour, et nous arrivâmes pour l'heure du déjeuner à Jumièges, le propriétaire vint à nous la bouche pleine et mâchant encore, il nous offrit du sirop d'orgeat comme rafraîchissement ou un verre d'eau rougie. Nous mourions d'une violente faim, tu conçois quel effet produisit sur nos pauvres estomacs cette proposition, nous quittâmes le plus tôt que nous pûmes Jumièges et son propriétaire, et nous déjeunâmes à la Mailleraye, bourg  à deux lieues de là, riant fort de notre déception et de M. de Caumont comme tu le conçois bien... »


Le 20 juin 1839, après un spectacle, Casimir Caumont préside un banquet d'artistes en l'honneur du fils de Boïeldieu, et de MM Dantan et Muret. On y interprète les plus beaux chœurs des opéras de Boïeldieu.

Février 1840, Casimir Caumont est membre de la commission d'acquisition de la Société des Amis des Arts de Rouen présidée par Pottier, conservateur de la bibliothèque publique.

Le 30 mars 1840, le conseil municipal de Rouen se réunit à l'effet de nommer une commission chargée d'examiner la demande d'un secours faite par la direction des théâtres. Vu l'importance de la question, la commission a été composée de huit membres: MM. Darcel, Casimir Caumont, Bouvet, Pouchet, Alexandre, Blétry, Lizot et Pimont.

Jumièges plaide en sa faveur


Le 1er juin 1840, des élections ont lieu à Rouen pour le renouvellement des conseillers municipaux de la 5e section, celle de la place Henri-IV. Les sortants sont Bouvet et Caumont qui est épargné cette fois par Le Journal de Rouen :
"Nous ne combattrons pas la candidature de M. Casimir Caumont bien qu'il ne partage pas nos convictions politiques et qu'on puisse lui reprocher de la mollesse dans l'exercice de ses fonctions municipales. Mais M. Caumont, qui a rempli avec distinction par deux fois les honorables fonctions de président du tribunal de commerce, a été, d'ailleurs, au sein du conseil, l'un des représentants des idées d'art, dont il est utile d'entretenir le foyer dans un pays comme le nôtre en glorieux souvenirs archéologiques. Les qualités personnelles de M. Caumont et le culte si désintéressé que M. Caumont a voué à l'entretien des ruines de Jumièges, plaideront puissamment sa cause devant les électeurs..."
Sur 173 votants, Caumont arrive en tête avec 145 voix devant Bouvet, 144. Les deux sont proclamés conseillers.

En septembre, pour l'installation de la mairie provisoire de Rouen, Curmer laisse entendre au Journal de Rouen que Caumont et Lemire refusent leur poste. Caumont est pourtant nommé adjoint provisoire de Rouen du 16 septembre au 14 novembre. Le
10 décembre, Casimir Caumont figure bien parmi les conseillers de Rouen lors des cérémonies du passage des cendres de Napoléon. On le dit alors membre de la légion d'honneur mais son dossier ne figure pas dans la base Léonore ; Il siège alors aux côtés de Lemire, président du tribunal de commerce, propriétaire à Yainville.

La mort du fils

Théoriquement, le jeune Louis-Casimir Caumont devint propriétaire des ruines à sa majorité. Mais, alors qu'il étudie le Droit à Rouen, il meurt prématurément lors d'un séjour à Eaux-Bonnes, le 15 août 1842. Le testament du défunt, daté du 14 septembre précédent, faisait de son père son légataire universel. Quelques jours après sa mort, le 29 août 1842, le tribunal civil de Rouen confirme ce legs.

Casimir Caumont fit graver une stèle : "A la mémoire de mon unique enfant Louis Casimir Caumont
né à Rouen le 20/08/1820 décédé et inhumé à Eaux-Bonnes (Pyrénées) le 15/17 août 1842".

Réélu à Jumièges

1843 : siégeant toujours à Rouen, voilà Caumont réélu conseiller municipal de Jumièges avec seulement 24 voix sur 65 votants au second tour.
Cette année 1843, sur proposition de la commission des monuments historiques, le ministre de l'Intérieur fait frapper une médaille destinée à honorer ceux qui, à des titres divers, ont prêté à l'administration un utile concours pour la conservation de ces monuments. Caumont est distingué en compagnie de  Deville et Grégoire, correspondants comme lui du ministère dans le département.
En août 1843, Casimir Caumont préside à Rouen une commission chargée de consigner les observations sur le projet de rectification de la rampe du mont Riboudet.

Lors de l'installation du conseil municipal de Rouen, le 5 octobre 1843, Caumont est de ceux qui défendent l'obéissance absolue aux ordonnance royales avec Lemire, Curmer, Taillet... Le Journal de Rouen : "MM Curmer et Caumont ont essayé de nier, il y a peu d'année, leurs anciennes tendances vers les principes absolutistes, nous les prenons aujourd'hui en flagrante confession de leurs opinions intimes. Quant à MM. Lemire et Taillet, nous devons convenir qu'ils n'ont été que conséquents avec eux-mêmes, avec leur passé, en mettant la royauté au-dessus de la loi..."

27 janvier 1844. Charles Nodier n’est plus. Caumont sera des premiers souscripteurs à verser une obole pour l’érection d’un monument à sa mémoire. 20 francs.

En 1844, Caumont poursuit ses campagnes de fouilles débutées en 1830. Ainsi en parle le Bulletin monumental :
"Dans le zèle qui l'animait pour l'étude et la conservation de ce beau monument, M.
Caumont tenta plusieurs fois des fouilles, soit dans le cloître, soit dans le chapitre, soit dans les chapelles de l'abbaye. En 1844, nous en avons vu pratiquer une dans l'église de Saint-Pierre, en présence de M. Ch. Richard, maintenant préfet du Finistère. Nous nous souvenons d'avoir vu alors, dans les souterrains du monastère, des sépultures d'abbés accompagnées de leurs crosses, des orfrois de leurs vêtements et des restes de leurs chaussures. Tous ces objets étaient sous verre afin d'être mieux conservés. Dans sa maison, établie aux anciens magasins du monastère, M. Caumont nous a montré plusieurs vases de terre vernissés de vert et percés de trous, qu'il nous a dit provenir du cimetière de l'église paroissiale. En réunissant ainsi tous ces débris chrétiens, la pensée du vénérable collecteur était de former un véritable Musée Gémétique.


Brillant, spirituel...


Léon Fallue était manifestement présent à l'ouverture de ces tombes. Il en parle dans ses souvenirs : "J'ai rencontré souvent,à la Mailleraye, Casimir Caumont, propriétaire des ruines de Jumièges. C'était un homme brillant, spirituel et boute-en-train. Un jour, il offrit à déjeuner à la famille de Mortemart ; j'étais de la partie. Il nous régala, après le dessert, et à titre de récréation, de l'ouverture de trois tombes d'abbés. Ils reposaient dans le cloître depuis cinq ou six siècles, et s'offrirent à nos yeux avec de longues robes brunes brodées en or au contour inférieur, et de grandes bottes dont les coutures s'étaient détraquées par l'effet du temps et de l'humidité. On remarquait leurs crosses en cuivre couvert d'une feuille d'or, et leurs squelettes aux ossements verdâtres et jaunis. M. Caumont a placé des couvercles en verre sur ces tombes, de sorte qu'on a pu voir longtemps les vénérables abbés tels qu'ils avaient été trouvés dans leurs sépultures.

28 août 1845. Ce vendredi, un cabriolet s'arrête aux portes de l'abbaye. Un anglais, Thomas William Allies, visite la région. Jumièges lui offre un aspect lugubre. "Les ruines sont couvertes d'arbustes et de broussailles, les arches sont sur le point de crouler. Du jardin, on jouit d'une très belle vue sur les bords de la Seine : c'est une charmante solitude. M. Caumont s'est fait à lui-même une habitation fort pittoresque de l'ancienne porte d'entrée et des bâtiments adjacents… Je montai plus de 200 marches pour arriver au sommet de la tour du nord. Malheureusement, il avait plu et le soleil de perçait pas. On domine de là les bords de la Seine à une distance considérable…"

1846 : son mandat rouennais s'achève mais il est encore réélu à Jumièges avec 25 voix sur 38 votants.
Le 5 novembre 1846, la société d'Agriculture nous apprend ceci : La Compagnie reçoit l'avis qu'un de ses béliers, de la race dite Graux, a été remis avec plusieurs brebis à M. Ch. Darcel, propriétaire près Duclair, et qu'un autre bélier, même race, est déposé chez M. Casimir Caumont, propriétaire à Jumièges ; que ces deux Messieurs se proposent de tenter des croisements

Battu et repêché


Juillet 1848 : il est battu lors des premières élections au suffrage universel. 66 voix sur 240 votants. Mais lors des élections complémentaires du 15 octobre, Caumont est réélu sur le fil. 35 voix sur 71 votants. Au poste de maire, on lui préfère le sieur Beauvet.

1849, c'est l'année où Casimir Caumont fait son entrée à la Société française d'archéologie. 

Le 16 décembre 1851, Beauvet est suspendu. Le préfet rappelle Casimir Caumont à titre provisoire. Il demeurera maire de Jumièges jusqu'à sa mort.

La mort de Caumont

 Nicolas-Casimir Caumont mourut à Jumièges le 18 avril 1852 à deux heures du matin. Il avait 71 ans. Son frère Nicolas, de un an son aîné, alla déclarer le décès en mairie. Il se faisait appeler Sainte-Croix Caumont et était propriétaire à Avranches Le second témoin fut l'instituteur, Nicolas Valentin Maillon, se disant ami du défunt. Il habitait la mairie et fut le premier à inaugurer l'école nouvellement bâtie pour remplacer les vieilles bocasses ouvertes à tous vents. L'adjoint de Caumont, Baptiste Chantin, rédigea l'acte de décès.

Les obsèques eurent lieu dès le lendemain si bien que peu de Rouennais ne purent y assister. En revanche, les gens de Jumièges et des environs s'y pressèrent tant et tant qu'il fallut trois services à l'église Saint-Valentin. Les honneurs militaires furent rendus par un détachement de douaniers commandés par un lieutenant. Les coins du poêle étaient tenus par le juge de paix du canton et trois maires. Au cimetière, à 15h, des décharges de mousqueterie marquèrent la fin de ces cérémonies débutées le matin à 10h30. Les gens s'en revenaient quand ils croisèrent un neveu de Caumont, venu faire à son oncle la surprise de sa visite. On ne put que lui apprendre la triste nouvelle.

Le Journal de Rouen, hier si critique à son égard lui tresse des louanges  :

"Monsieur Casimir Caumont sera bien vivement regretté, non seulement de sa famille et de toutes les personnes assez heureuses pour avoir été admises dans son intimité, mais encore de tous les artistes, auxquels il avait su conserver à Jumièges un inappréciable trésor, et de tous les habitants de Normandie, auxquels il gardait avec vénération les souvenirs matériels d'une époque glorieuse pour la vieille province dont Rollon s'était fait un puissant duché."

Autre hommage des sociétés savantes :

NÉCROLOGIE. — Mort de M. Casimir Caumont, membre de la Société française et de l'Association normande, propriétaire des ruines de Jumièges. Une perte qui sera bien cruellement sentie à Rouen vient d'affliger profondément la commune de Jumièges. M. Casimir Caumont, maire de Jumièges, chevalier de la Légion-d'Honneur, ancien président du Tribunal et de la Chambre de commerce de Rouen, est décédé le 18 avril à l'âge de soixante-douze ans.

M. Casimir Caumont est mort dans les bras de son frère M. de Sainte-Croix Caumont, auquel il a légué sa propriété de Jumièges.

L'homme de bien que nous regrettons, sans être parent de M. de Caumont, directeur de la Société française, avait entretenu avec lui des relations amicales : comme lui il aimait les arts du moyen-âge, dont il avait conservé un des plus beaux monuments : nous espérons que M. Caumont  de Ste.-Croix ne sera pas moins conservateur que son frère, et que Jumièges ne périra pas."

Les héritiers

Propriétaire à Avranches, son frère hérite. Ainsi que Prosper et Casimir Caumont, neveux du défunt, propriétaires et négociants à Bahia, au Brésil. Tous décident de vendre l'abbaye. Une annonce parut dans le Journal de Rouen en juillet 1853.

Adjudication en l'étude de Maître Guéroult, notaire à Rouen, des belles ruines de l'abbaye de Jumièges avec maison de maître et joli parc le tout sur 37 ha, dépendant de la succession de M. Casimir Caumont.

A la mort de Caumont, le Journal de Rouen rappelle cette anecdote : "Le jour où le vice-président de la République était venu solennellement visiter les travaux de la Basse-Seine, Caumont avait hissé à Jumièges le drapeau normand "pour associer la gloire des vieux conquérants à la gloire pacifique de leurs fils."

La Société des antiquaires rappelle aussi ceci : En 1824, les ruines de Jumièges, par suite d'héritage, devinrent la propriété de M. Casimir Caumont, négociant, président du tribunal de commerce et président du conseil d'administration de la banque de Rouen, habitant notre ville, rue du Fardeau, n° 11. Elles étaient sauvées, le nouveau propriétaire, homme de goût et intelligent, se dévoua à conserver ce qui restait de la carrière exploitée par le sieur Lefort.

Il s'appliqua à faire rentrer à Jumièges toutes les épaves qu'il put retrouver et notamment la dalle funéraire d'Agnès Sorel, qui servait de pierre d'appui à un balcon d'une maison de la rue Saint-Maur. C'est lui qui fit transporter à Jumièges, où elle fut réédifiée, la belle cheminée gothique ornant une maison de la rue de la Pie, de notre ville.
Le Nouvelliste de Rouen du 29 juillet:


« Les ruines de l'abbaye de Jumièges et les autres propriétés de M. Casimir Caumont ont été mises en vente, hier 28 juillet.

« Plusieurs amateurs ont poussé le premier lot, composé des ruines et du parc. Les enchères étaient portées avec chaleur et faisaient croire que ces beaux restes d'architecture allaient trouver un maître digne de succéder à M. Caumont; il n'en a pas été ainsi tout d'abord. La dernière enchère, portée par un propriétaire du pays de Caux, n'a atteint que 51,000 fr. et a été refusée par les vendeurs ; mais après cette épreuve, restée sans résultat, des offres à l'amiable ont été faites, et un agent de change de Paris, M. Lepel-Cointet, s'est rendu définitivement acquéreur du premier lot, moyennant une somme plus élevée que 51,000 fr., mais que nous ne pouvons fixer au juste, le secret ayant été gardé. En définitive, si les vœux en faveur de l'achat par le gouvernement n'ont pas été exaucés, la position du nouvel acquéreur permet d'espérer qu'il ne sera pas commis d'acte de vandalisme sur ce précieux dépôt. »

N.D.L.R. : Aimé-Honoré Lepel-Cointet, agent de change à Paris, demeurant au 6 de la rue d'Hanovre, mit 61.000 francs dans l'affaire.

Les spéculateurs étaient là !
La Revue générale de l'architecture publie alors cette lettre du peintre Jolly à Daly qui avait visité les ruines. Elle montre que l'abbaye aurait pu tomber en de mauvaises mains...

« Mon cher Daly, les artistes et les archéologues se sont vivement émus, le mois dernier, à l'annonce de la vente des ruines de la célèbre abbaye de Jumièges; et vous vous êtes particulièrement inquiété du sort qu'une adjudication aux enchères réserverait à ces débris vénérables, dont vous aviez, dans vos explorations artistiques, dessiné les parties les plus intéressantes.

« Vous apprendrez donc avec satisfaction que l'antique monastère est tombé en de pieuses mains, et que le nouvel acquéreur, M. Lepel-Cointet, se propose de continuer l'œuvre de conservation qui avait valu à M. Casimir Caumont la juste reconnaissance des artistes.

« J'étais à Jumièges la semaine qui précédait le moment de l'adjudication, et j'ai souvent tremblé en entendant les calculs de certains visiteurs sur la quantité et la qualité des matériaux que pouvaient fournir à la spéculation ces immenses constructions.

« Vous savez, mon cher Daly, que, pendant mes fréquents séjours à l'abbaye, j'employais mes loisirs à l'étude de ces débris si saisissants par leur grandeur austère, et si précieux à cause de leur antiquité; bientôt, peut-être, me disais-je, ces pierres éloquentes, ces murs qui renferment encore tant de mystérieux enseignements, vont disparaître avant d'avoir contribué a dissiper l'obscurité des époques pendant lesquelles l'art des conquérants des Gaules fit place à l'art de nos ancêtres ; mais, heureusement, l'intelligence s'est trouvée plus riche que la spéculation, et ces vieux murs resteront debout.

SOURCES

Robert Eude, Congrès du XIIIe centenaire
Revue générale de l'architecture et des travaux publics
Le Nouvelliste de Rouen
Le Journal de Rouen
Série M, archives départementales (Josiane Marchand)
La France littéraire, 1838.
Journal des débats, 1852.

Annexe

Outre les personnalités déjà citées, Caumont reçut la visite du vicomte Walsh, de  l’académicien de Salvandy, ministre de l’Instruction publique, des poètes normands d’Anglemont et Guttinger, de Bérale, du capitaine Délorier, invalide de la Grande Armée, des historiens Vitet, Muret et Desnoyers ; de l’érudit Chanoine Jouen, l’éditeur rouennais Périaux, le lieutenant-général baron Teste, Mme Angeler sous-gouvernante de la fille du roi Louis-Philippe, le comte de Saint-Priest et le général baron Martin-Beurnonville, le duc de Valmy, le marquis de Martainville, maire de Rouen, les Mortemart, les Caraman, les Vergennes, la duchesse de Broglie…

Jean-Luc Bordier a écrit le 21/10/2011 Je recherche des informations sur la famille Lettré de Canteleu. Marie Françoise Sophie Lettré (1775-1835) X Jean-Baptiste Lefort (1758-1824) gendre de Nicolas-Casimir Caumont (+1852), le sauveur de l'Abbaye de Jumièges. Elle avait un frère François-Victor Lettré, o16 octobre 1781, capitaine de vaisseau. Leur père, Pierre Daniel Auguste Lettré (o 1750 X avec Marie françoise Braquehais s'était déclaré chaufournier...