1815.
Le retour des Aristos
commence mal. Leurs alliés, les Prussiens, occupent la
région et se comportent en conquérants.
Jumièges est épargnée mais pas ses
communes voisines.
Le 23 novembre, Louis Lefèbvre, 31 ans, natif de Bouquetot, cultivateur, hameau des Sablons, part pour cinq ans aux travaux forcés. Il est convaincu d'avoir, du 3 au 4 juin dernier, "fait une tentative de vol de foin en bottes dans une maison habitée située en la commune de Jumièges, tentative commise la nuit par plusieurs personnes à l'aide d'escalade et dans les termes de l'article 2 du Code pénal."
La machine infernale
L’Elise
tel qu’ont
pu le voir passer les Jumiégeois dans la nuit du 20 au 21
mars 1816. 21 mètres, 14 CV, le vapeur parviendra
à Rouen à 9h du matin où les dames des
halles remettent un bouquet au capitaine. Le 29, il est accueilli par
le Roi au port du Louvre et une salve
d’artillerie ...
|
1816. 21 mars.
Vous avez
entendu ? Non mais vous avez entendu ce bruit ! Il
fait nuit noire. Et un grondement sourd, cadencé, perce le
silence sur un rythme lancinant. Ce bruit, il vient de la Seine. Aux
Fontaines, au Passage, ceux qui, inquiets, scrutent le fleuve
n’en croient pas leurs yeux. Une masse sombre glisse
lentement sur le fleuve. Sans voiles. Et crachant le feu !
C’est l’Elise, c’est le tout premier
bateau à vapeur en ces lieux. Nous sommes le 21 mars 1816.
Le navire a quitté Londres le 9. Contre vents et
marées ! Du jamais vu. La tempête, la
menace d’une mutinerie, un début
d’incendie, l’Elise a connu une
traversée mouvementée. Parvenu au Havre, le
vapeur regagnera Rouen en 20 heures. Il aurait pu en gagner deux. Mais
le capitaine Andriel ne veut pas ajouter à
l’effroi des riverains. Certains crient au feu,
d’autres courent sonner le tocsin. Ce spectacle, il va
pourtant falloir s’y habituer…
En
août, le jour de la Saint-Louis, on fête
à Duclair
comme ailleurs "le meilleur des rois" avec la même ferveur
que
lorsque l'on a fêté la Révolution et
Napoléon. Il y a une cérémonie
religieuse à
laquelle assistent tous les fonctionnaires publics, la garde nationale.
64 jeunes filles vêtues de blanc, portent un drapeau qu'elles
offrent à l'église ainsi qu'un pain
béni qu'elle
distribuent. On banquète à la santé du
monarque
que l'on acclame, on distribue des aumônes aux indigents. Des
chants, des danses sont donnés en l'honneur de prince. La
journée est ponctuée de cris : "Vive le Roi !
Vient les
Bourbons !" Ainsi le relate le Journal
de Rouen. Comme à chaque changement de
régime...
Connaissez-vous cette plante ?
On ne la trouve qu'en de rares endroits : dans
les plaines du Bois-guillaume ; sur les murs de St-Sever ; à
Beaumont-le-Roger et entre Yainville et Jumièges. Sa
description
par Le Turquier de Longchamp : GYPSOPHILE DES
MURAILLES. Tige dichotome. Feuilles linéaires, plane..
Calices
nus. (dépourvus d'écailles à la base).
Pétales crénelés. Fleurs purpurines.
Fleurit en
août, septembre. Se trouve le long des chemins, sur les murs,
et
parmi les chaumes.
Le percepteur des contributions directes pour Jumièges, Le Mesnil et Yainville et François Régnier.
Un jugement rendu le 23 décembre 1816, par le tribunal civil de Rouen, section correctionnelle, a condamné à trois mois d’emprisonnement et à cinquante francs d’amende envers le trésor royal, le nommé Pierre Bonhomme, blatier, demeurant à St-Paër, pour vente de blé méteil à fausse mesure, sur le marché de Duclair.
1817. En
octobre est évoquée au conseil
général
l'amélioration de la route de Rouen au Havre par Duclair.
"Cette
route, qui deviendra l'une des plus agréables du
département, fera revivre la jolie petite ville de Caudebec
dépouillée par la Révolution."
Avril : Le 14, Scolastique Lemonnier, 19 ans, nativre de ND-de-Varengeville, servante aux Vieux, fut consamnée à un an de prison et 16 F d'amende pour abandon d'enfant.
Mai : Thomas
Frognall Dibdin visite Jumièges. Cliquer sur la clef :
Le 26 André Lemonnier, 30 ans, marchand de mouchoirs,
colporteur, né et demeurant en la commune d'Yville, et
Joseph
Perrot sont condamné à sept ans de
réclusion pour
avoir, le 14 janvier dernier, ensemble et de complicité,
volé un manteau à un aubergiste de la commune de
Bouville
chez lequel ils étaient reçus.
Le
28, aux Assises, un marin de Guerbaville, Jean Baptiste Bourdon, 39
ans, est condamné à deux ans de prison pour vol
de draps..
24 Juillet : un "fou" est aperçu à Port-Jumièges. C'est Jean-Baptiste Durand, un garçon de Guerbaville qui a échappé à l'homme qui l'accompagnait dans la forêt de Brotonne. Alors, on le recherche en donnant son signalement : "veste bleue, gilet de velours cannelé olive, pantalon large en étoffe de laine brune, le quartier de ses souliers rabattu, la tête nue. Il a 52 ans, mesure 5 pieds, marche un peu courbé et a les cheveux chatain clair, les yeux gris, la bouche moyenne, une couture à la lêvre supérieure et le teint jaunâtre. Prévenir Pierre Mesnil, marchand-épicier à Guerbaville ou le maire."
1819. 13 mars. Jean-Baptiste Michel Tourand, 23 ans, né en la commune des Vieux, demeurant à Quevillon, hameau du Val-Phénix, fut condamné par contumace à cinq ans de réclusion pour un vol d'argent commis le 17 août dernier, dans une maison à Quevillon où il était domestique à gages. Bûcheron, sans domicile fixe, il sera de nouveau condamné en août 1820 pour les mêmes raisons et purgera sa peine.
5 août. Pierre Alexandre Suzanne, dit Bisson, 27 ans, tisserand, demeurant en la commune d'Épinay, canton de Duclair, arrondissement de Rouen, est condamné à 12 ans de réclusion pour deux vols commis aux communes de Saint-Paër et de Bouville les 13 et 28 janvier 1819 dans des maisons habitées à l'aide de crochets ou de fausses clés.
Le sieur Rollet, qui a habité Duclair, est prié de se présenter au bureau de police de Rouen. Un titre de 40 livres de rente y a été déposé...
Octobre. Un
érudit danois sillonne à son tour la
région : Hector Estrup
Le 26, Lucien Frédéric Roussel, natif de
Saint-Paër,
28 ans, forçat libéré, fut
condamné pour
voies de faits à deux ans de prison et 200 F
d'amende
envers le trésor royal. Il habitait à Rouen, 4,
rue de la
Vigne. Au bout d'un an, il fut transféré
à Gaillon.
Décembre.
Le 8, une trameuse native de Barentin, Marie Brulé, veuve
Bouleux, 58 ans, fut condamnée à deux
ans de prison
pour vol de coton. Elle habitait le 2 de la rue Toupar, à
Rouen.
L’hiver 1819-1820 fut très rigoureux.
1820. 13 janvier. A l'Anerie, près Duclair, l'équipage de la gribane La Victoire, propriété du sieur Léguillon, allume un feu à babord. Le navire s'embrase. Il transporte du suif, du bois de chauffage. La Seine est gelée et les marins s'enfuient.... à pied. Il est un peu plus de midi. Un douarnier de La Fontaine, Isidore Fortain, court jusqu'au navire, manque de se noyer, s'agrippe aux cordages puis parvient à se hisser à bord. Le voilà qui attaque à la hache la chambre du sinistre. Des spectateurs viennent lui prêter main forte. Dont Prosper Levasseur qui prend une part décisive. Il faudra trois heures pour écarter tout danger. Cinq ans plus tôt Fortin avait été gratifié par l'administration pour son action contre un autre incendie à l'Anerie. Cette fois, les dégâts causés à la gribane sont évalués à 1.500F.
20 Février. Adrien François Lemoine, 22 ans, natif de Saint-Paër, toilier à Duclair, fut condamné à un an de prison pour abus de confiance. A 17 ans, alors qu'il était domestique à Ectot, il avait déja purgé 15 mois de prison pour le vol d'un cheval en 1818.
26 mai. Dans sa propriété de Jumièges, un érudit est emporté par une crise d’apoplexie. Il s’agit de Cabissol, né en 1749 à Rouen. Avant la Révolution, il avait été avocat, puis secrétaire particulier de Monsieur de Belbeuf, procureur général au Parlement. Parallèlement, c’est lui qui était le procureur du Roi à la Vicomté de l’Eau. Après la révolution, il mena une carrière administrative. District de Rouen, Département, Préfecture dont il est à sa mort secrétaire général. Parallèlement, il aura présidé à la société d’émulation, participé aux travaux de l’académie royale. Sa spécialité : la statistique. Il laisse des travaux inédits, une collection de tableaux et de gravures…
22 mai : Laurent Isidore Siméon, 43 ans, né à Saint-Paër, cultivateur, demeurant en la commune d'Épinay est condamné à cinq ans de prison pour vols.
10 septembre : un journalier de Guerbaville, Jean Gilles Guérin, 28 ans, est condamné pour vol à un de prison par le tribunal d'Yvetot.
Charles-Antoine
Deshayes publie
à Rouen, chez Périaux Père, imprimeur
du Roi, "La terre gémétique", notice sur les
communes de Jumièges, du Mesnil et d'Yainville. C'est le
brouillon de sa future "Histoire de l'abbaye royale Saint-Pierre de
Jumièges" qu'il éditera quelques
années plus tard. Outre ses recherches et observations
personnelles, Deshayes va puiser l'essentiel de sa matière
dans un manuscrit rédigé en 1760 par Dom Dubusc.
Souvent mot pour mot. Ce précieux document avait disparu de
la bibliothèque de l'abbaye en 1790. Mais il en existait une
copie. En 1818, elle appartient à De La Foye, ancien avocat
au Parlement de Rouen. Il la prête au Comte de Kergariou, de
la commission des Antiquités et elle finira à la
bibliothèque nationale. C'est cette copie que publiera
l'abbé Loth en 1882. Manifestement, Deshayes a eu entre les
mains l'original. Original resté quelque part à
Jumièges puisqu'on le retrouvera plus tard dans la
bibliothèque de Mme Lepel-Cointet.
1822.
2 mars.
18 octobre 1822, Pierre Isidore Chevalier, 16 ans et demi, toilier de profession, natif de Caudebec et sans domicile fixe fut condamné à 6 mois de prison pour vagabondage et mis à la disposition du gouvernement.
19 octobre. Leprevost annonce que les papiers et titres de Jumièges et de Saint-Wandrille n'ont point été détruits par les flammes, comme le prétendaient certains témoins oculaire. Ils sont aux archives de la sous-préfecture d'Yvetot, sinon en bon ordre, du moins à l'abri de l'humidité et des animaux rongeurs. M. Leprevost propose au Préfet d'envoyer l'archiviste du département, pour faire opérer le transport à Rouen.
13 novembre : Jacques Milisse, 22 ans, né à Blacqueville, ou aux Ifs, charretier, demeurant avant son arrestation chez le sieur Debouville, en la commune des Ifs, est condamné à six mois de réclusion. Motif : trois vols par lui commis en la commune des Ifs au mois d'août dernier (un desdits la nuit) dans des bâtiments dépendant de la maison où il servait en qualité de charretier.
1823.
Journalier,
Charles Mainberte mourut jeune, le 8 février, à
Jumièges. Il avait 40 ans. Un mois auparavant,
il avait déclaré le décès
sous son toit de sa belle-mère, Geneviève
Honorine Roussel. Que s'est il passé dans cette maison du
Sablon ? Est-ce là l’effet de ces
épidémies qui frappent la Basse-Seine ?
Jean-Charles Mainberte, 21 ans, devient le chef du clan. Le bourg n'est plus rempli des foules d'antan. Il décline. Cette année-là, les habitants demanderont le rétablissement de leur marché disparu voici quelque 50 ans, à l'époque où les foules affluaient vers la presqu'île et nourrissaient son économie. On souhaite un marché aux fruits. Caudebec a le sien. Mais il est bien loin. Duclair aussi a son marché. Mais c'est un marché aux grains.
29 mars. Langlois est chargé par la Commission des Antiquités de dessiner les restes de Jumièges.
14
avril.
Le juge de paix du canton préside une
réunion sur la question. D'emblée, le maire de
Duclair s'oppose au projet. "Notre marché risque de
décroître alors que nos charges sont
considérables." Pourtant, les communes voisines de
Jumièges ne le fréquentent guère. Le
jeudi, il se tient aussi un marché à Pavilly.
Mais il est encore plus loin. De même que ceux de Routot, de
Bourg-Achard... En revanche, tout milite pour le
rétablissement de la foire de Jumièges. Le fleuve
facilite importations comme exportations et ses routes larges et
droites en favorisent l'accès. On y produit
au-delà de la consommation des 2.000 âmes. Si bien
que les fruits de l'agriculture n'ont guère de valeur
à côté de l'impôt. Les
paysans de Yainville, du Mesnil, d'Heurteauville n'ont aucun
débouché. A Jumièges, les marchands
qui, jadis, trouvaient à écouler leur marchandise
les jours d'affluence sont forcés à se faire
ambulants, taxés par des patentes aussi lourdes que Duclair,
Caudebec et Pavilly, mais sans les mêmes faveurs. Si bien que
certains renoncent. Charles-Antoine Deshayes, le notaire royal, publia
un libelle pour appuyer la demande des habitants. Mais elle resta
lettre morte.
28 mai, Jean Robert Desmarest, natif de Saint-Paër, commissionnaire à Duclair, est condamné à six jours de prison pour voies de fait.
Bulletin de la société d'émulation de Rouen, 1823 : "M. Houel nous a fait part de la découverte faite parmi les ruines de l'antique abbaye de Jumièges, d'un morceau de sculpture fort singulier, représentant un pourceau revêtu d'une sorte de capuchon, armé d'un bouclier et d'une épée, et tenant un verre, dont il nous à offert la gravure exécutée par mademoiselle Langlois."
Août Deux chevaux de somme sont volés dans les herbages de M. de Caumont, à "Varengeville-les-deux-Eglises". On peut s'adresser à Delaunay, débitant de tabac.
27 septembre. La Commission départementale des Antiquités écoute Hyacinthe Langlois : "L'auteur arrive aux ruines vénérables de Jumiéges.Il en fait en peu de mots l'historique, passe successivement en revue les peintures de la grande église, entièrement repeinte elle-même sous François Ier, rapporte l'histoire del'âne de sainte Austreberthe, étranglé par un loup au moment où il portait le linge de la sacristie de Jumiéges; s'arrête au tombeau des Énervés dont il a recueilli un fragment, c'est-à-dire la tête de l'un des jeunes princes ; signale avec force les dangers résultant du mauvais état des clochers, et finit par proposer qu'il soit dressé un plan exact des deux églises abbatiales. Cette troisième proposition est adoptée par la Commission."
30 octobre. Magloire Coloot, 42 ans, né à Duclair, demeurant à Barentin, est un excellent menuisier. Au moyen d'un trou qu'il pratique dans le plancher d'une chambre, il parvient à commettre un vol. Mais il est pris et ira six ans au bagne.
Le 14 novembre 1823, Vincent Augustin Gossé, journalier de 31 ans, demeurant à Jumièges, va écoper de un mois de prison pour vol. Voici quelque temps, alors qu'il était "praticien à Rouen", il avait purgé quinze mois pour le même motif. Cette fois, il accomplira sa peine du 24 février au 24 mars 1824. Bientôt ce personnage sera écrivain public et omniprésent dans les actes d'état civil. Exactement en même temps, Louis Jérôme Lefebvre, 30 ans, journalier au Mesnil, est incarcéré pour complicité de vol. Mais lui a été jugé en août.
Deux événements vont maintenant redonner du lustre à Jumièges. C’est d’abord la publication des voyages pittoresques dans l’ancienne France de Taylor et Naudier. Sans cette lecture, la duchesse de Berry n’aurait pas été la première visiteuse de prestige des ruines de l’abbaye. Celle qui déclenchera le pèlerinage de foule de romantiques.Voici de la Duchesse !
1824.
Samedi
24 juillet .Veuve depuis un
an, Angélique
Legenvre, a-t-elle le cœur à accueillir avec tous
les villageois la duchesse de Berry ? Augustin Mainberte a alors 20
ans, Marie
Anne 18, Pierre 7 ans, Marie Rose 5 ans, Rose Angélique 4
ans. Ils sont sûrement dans la foule des curieux...
Le
Galibi, un vapeur de l'Etat était parti
de Rouen à 6h du matin. A bord, la musique de la garde
royale donne l'aubade aux invités : la duchesse de Reggio et
la comtesse d'Hautefort, dames d'honneur de la duchesse, le comte de
Mesnard, écuyer de Son Altesse Royale... Le Galibi ?
« Un petit vapeur très doux,
note la duchesse, commandé par un jeune officier
très distingué. »
Coquine ! Escorté d'une nuée de bateaux,
le navire débarque Caroline de Bourbon-Naples face
à Jumièges où l'attendent les
notables. Il est midi. Le soleil brille. A sa sortie du canot, Caroline
est accueillie par le curé, le maire de Jumièges « et
un notaire boiteux très instruit. »
C’est Deshayes ! Des gamines vêtues de
blancs lui présentent des fleurs et récitent des
compliments. En cortège officiel, on s'en va visiter les
ruines de l'abbaye. On reconnaît le baron de Vanssay,
préfet de la Seine-Inférieure, le
lieutenant-général de Rivaud, commandant la
Division de Rouen, le commissaire de la Marine, Martin,
l'ingénieur de la Marine, Marestier, l'ingénieur
en chef des Ponts et Chaussées, Le Tellier, Duclos, le
capitaine du Port... Laissons parler le Journal de Rouen: "Son
Altesse Royale a visité sous tous ses aspects les
vénérables ruines qui subsistent encore, et
jusqu'aux vestiges des peintures à fresque des bas-reliefs
qui ont échappé jusqu'à ce moment
à la destruction qui va bientôt les atteindre."
La belle Caroline promène son regard sur l’abbaye : « L’aspect de la grande église en ruine est très beau, avec ses énormes clochers et un arc pointu d’une hauteur prodigieuse. Seulement, on ne peut penser sans horreur que l’on vend les pierres et les sculptures aux Anglais et que nous sommes assez barbares pour le permettre. On m’a fait voir les fragments des tombeaux des fils de Clovis et de saint Philibert, le fondateur de l’abbaye. On m’a montré aussi la place où Agnès Sorel, maîtresse de Charles VII, a été enterrée. Auprès de sa tombe, il y a un lierre magnifique que le l’on dit avoir été planté par elle. Au moment de la Révolution, les moines habitaient l’abbaye et tout existait encore… » En partant, elle glissa au maire son obole pour les pauvres et s'en fut à la réception donnée en son honneur au château de la Mailleraye, par la marquise de Nagu.
Mais ce n'est que le 27 juillet que la duchesse quitta finalement Rouen. Pour ce départ, elle passa encore chez nous. Le Journal de Rouen :
Mme la duchesse de Berry est. partie, escortée d'un détachement de l'infatigable garde nationales qui l'a suivi jusqu'à Duclair où Son Altesse Royale a bien voulu lui faire témoigner toute sa satisfaction. Un autre détachement de la gendarmerie avait accompagné la voiture jusqu'au-delà des barrières de la ville. La garde nationale a pied , la garde royale, le corps des douanes, out signalé jusqu'au dernier moment le zèle dont ils avaient donné tant de preuves pendant le séjour de la Princesse.
A l'entrée de Duclair, la princesse fut reçue par le maire et son conseil, le juge de Paix, le curé. Les habitants du bourg mais aussi des environs sont là. Des acclamations retentissent et Mlle Thuillier, la fille du maire, remet des fleurs à Caroline en compagnie de vingt fillettes. "La princesse est entrée dans le bourg au petit pas, a traversé le vaste marché au milieu duquel se trouvait suspendue une très belle couronne." Ce jour-là, les pauvres ne furent pas oubliés. "A Duclair comme ailleurs, les habitants sont animés du meilleur esprit". Le soir, le maire fit donner un bal aux demoiselles.
II est à
regretter que le mauvais
temps ait dérobé aux yeux de Son Altesse Royale
une
partie du tableau vraiment enchanteur que présente Ia nature
sur
toute cette route, et notamment aux approches de Caudebec.
A la côte
d'Yainville, il
restait une portion de chemin qui n'avait point encore
été livrée à la circulation
; les
prémices en ont été offerts a Son
Altesse Royale.
La barrière avait été
remplacée par une
guirlande de fleurs que M.
I'ingénieur Scwilgué a
fait rompre par les ouvriers au moment de l'arrivée de la
Princesse. Avant d'entrer à Caudebec, Mme la duchesse de
Berry a
visité les ruines vénérales de
Saint-Wandrille,
autrefois abbaye de Fontenelle. Là, comme partout,
Mme la
duchesee de Berry s'est montrée l'amie
éclairée des
arts et la mère généreuse des pauvres.
M. l'abbet
Clérot, dessevant cette petite paroisse, est
chargé de
répandre les aumônes de la Princesse. Son Altesse
royale
est arrivée à Caudebec vers dix heures du matin...
Oui,
cette date marque le point de départ des visites qui vont
marquer l'abbaye. Un mois plus tard, elle accueille un homme dont le
nom va pourtant rester attaché à ces
lieux : Nicolas-Casimir Caumont. C’est le gendre de
Lefort…
|
Cette
année 1824 est salutaire pour les restes de l'abbaye. Lefort
meurt le 5 octobre. Sa fille, Sophie-Adèle,
s’était mariée à Casimir
Caumont en
1816. Quatre ans plus tard, elle décède.
C’est le fils du couple qui hérite de
Jumièges. Par tirage au sort chez le notaire.
Louis-Casimir
est cependant trop jeune. Alors c’est le père qui
va gérer ses biens sous tutelle. Qui est Caumont ?
Né à Rouen en 1781, marié en 1816, son
négoce dans la capitale normande a pris un tel essor qu'il a
été juge et président du tribunal de
commerce. Membre ensuite de la chambre de commerce, il en sera
bientôt le président. A Rouen, il aurait pu
s'asseoir dans le fauteuil de maire s'il n'avait
été taxé d'opposant
libéral, hostile à la Restauration. On retrouvera
Casimir
Caumont président du conseil d'administration de la banque
de
Rouen. Il est aussi franc-maçon, consul du Portugal...
A Rouen, Caumont habitait 11 rue du Fardeau. A Jumièges, son héritage en est un ! Nicolas-Casimir stoppe la destruction du monastère, en réunit les nobles débris, récupère du mobilier. Mais le mal est fait.
On mande de la Bouille, 22 mai 1825 : Le brick l’Aurore, c. Guezennec, v. de Cette, ch. de vin et eau-de-vie pour Rouen, a pris terre hier matin sur la droite du poste de Duclair. Ce navire se trouvant en mauvaise position et n'ayant pas d’espoir de flotter à la marée, le capitaine l’a fait alléger.
1825.
Samedi 30
juillet.
Me Deshayes
passa le bac et
monta
reconnaître le chêne cuve dans la forêt
de Brotonne. Il en fit un petit opuscule. Cette même
année 1825, il mit fin à ses fonctions de notaire
de Jumièges qu'il exerçait depuis 12 ans.
Résidant face à l'abbaye, il aura vu sa
destruction. Et l'arrêt du pillage. Deshayes resta encore
quelques années à Jumièges. 1825, c’est aussi l’année ou l’ingénieur Goubé vint mener une étude dans le marais de Jumièges. Qu’il soit à l’origine de contagions ne fait plus aucun doute. Celles-ci se manifestent avec la décrue du printemps pour atteindre leur paroxisme en été. Ainsi explique-t-on ce « teint pâle et l’air triste », l’apparence « généralement cachexique » des riverains des marais en Basse-Seine. |
20 septembre 1825 Parmi
les fêtes champêtres qui ont lieu chaque
année aux environs de Rouen, l'assemblée de
Saint-Martin-de-Boscherville dite de Saint-Gorgon, jouissait, de temps
immémorial, d'une vogue que plusieurs circonstances lui
avaient fait perdre depuis quelques années. Grâce
aux soins du maire de cette commune, il y a lieu d'espérer
que les habitants jouiront dorénavant du
privilège d'y attirer, comme autrefois, une partie de la
nombreuse population de Rouen. Déjà dimanche
dernier, malgré l'incertitude du temps, un nombre assez
considérable de sociétés brillantes
s'étaient rendues dans l'ancien château, dont
toutes les avenues, avaient été rendues publiques
et où toutes sortes de divertissements avaient
eté préparés. Un feu d'artifice d'un
fort bel effet a terminé cette fête foraine, qui
offrira aux marchands de toute espèce qui voudront la
fréquenter à l'avenir, l'avantage de
n'être assujettis a aucune espèce de droits
|
1826. Lundi 22 mai. Saulty, ancien maire, meurt dans la maison de Mademoiselle Dinaumare, face à l'abbaye. Avec lui disparaît aussi le tout dernier des trois anciens moines restés à Jumièges après la dispersion de la communauté. Je ne pense pas que Saulty fut pleuré par la population. Ses mauvais conseils en font l'un des artisans de la destruction de l'abbaye. On lui doit le départ suspect du bourdon. Quant à son ralliement aux royalistes...
Au rez-de-chaussée de la maison Dinaumare, on trouvera une pierre tumulaire. Avec une inscription : 14 AP 1717. C’est celle de Charles de Robertville, cordelier de la maison de Bernay qui, après deux jours de repos au monastère de Jumièges, fut repris d’une crise d’apoplexie. On l’avait inhumé dans le cloître. Des dalles de ce type, on en retrouvera à Caudebec, à Vatteville…
13 décembre. ORDONNANCE DU Roi qui accorde des Lettres de déclaration de naturalité au sieur Basse ( Jean-Baptiste), né le 12 mars 1779 a Paliseul, grand-duché de Luxembourg, sous-lieutenant des douanes royales à la résidence de Jumiéges.
1827. Le 1er mars, le slopp Elisabeth, capitaine Parenteau, fait naufrage près d'Heurteauville. Dans la nuit du 4 au 5 avril, le sieur Bataille, constructeur de navires à La Mailleraye, parvient à renflouer l'épave et la diriger sur son chantier. Il avait sollicité son intervention auprès de l'administration de la Marine et opéré sous la surveillance de Pellerin, syndic des gens de mer à Duclair. Les propriétaires du navire et de la cargaison étaient invités à se présenter au bureau de la Marine, faute de quoi, les objets non retirés seraient mis en vente.
Le 28 mars, Pierre Roch Giroux, 41 ans, marchand colporteur, demeurant à Duclair, est condamné à cinq ans de travaux forcés pour vol d'une malle sur un grand chemin.
7 août. Pierre Irénée Thuillier, 33 ans, demeurant à Jumièges, écope d'un an de prison pour vol simple dans une maison de Jumièges
Randon du Thil publie un poème
intitulé "Les ruines de l'abbaye de Jumièges".
Les automnes de 1827 et 1828 furent chauds et humides. Des fièvres intermittentes, des typhoïdes pernicieuses frappent les habitants des marais au second, au troisième accès fébrile. On appelle le Dr Vingtrinier, médecin des épidémies, qui parcourt les communes alors inondées, rend visite aux malades. Puis on convoque à Duclair tous les maires du canton, les notables. Courant, l’ingénieur du département, est à ses côtés. « Il faut, les exhorte Vingtrinier, assainir, nettoyer les fossés, en créer même dotés de vannes. Il faut exhausser certains terrains… »
"Il règne depuis le mois d'août, dans les communes de Berville, Ambourville, Bardouville, Anneville, Yville, Le Mesnil, Jumièges, Neuville, Le Trait, Le Vaurouy, Duclair, Varangeville, Caudebec, St.-Vandrille, Guerbaville, Vatteville, une épidémie qui offre tous les symptômes d'une fiévre intermittente. On estime, que le quart dé la population en a été atteint. Peu de personnes cependant en sont mortes, et maintenant, vu les sages précautions prises par l'autorité, la mortalité,n'est pas même d'un par mille." (La Semaine, 23 novembre 1828).
1828.
Un homme dessine, dessine. Il dresse en 31 croquis
l'état de l'abbaye. Hyacinthe Langlois! A cette date, la
destruction de l’abbaye semble avoir cessé.
Veuve, Angélique Legenvre, mon aïeule, seconde épouse de Charles Mainberte, met au monde cette année-là une fille naturelle de Jean Baptiste Voyé, de Jumièges, prénommée Euphrasie. Ils ne se marieront que dans onze ans…
Gazette nationale,
21 novemvre. Il règne depuis le mois d'août, dans
les
communes de Berville, Ambourville , Bardouville , Annevile, Yville, Le
Mesnil, Jumièges, Neuville, Le Trait, Le Vaurouy, Duclair,
Varengeville, Caudebec, Sainte-Gertrude, Villequier, Quillebeuf,
Saint-Nicolas, Saint-Wandrille, Guerbaville, Vatteville, une
épidémie qui offre tous les symptômes
d’une
fièvre intermittente.
On estime que le quart de la population en a été
atteint.
Peu de personnes cependant en sont mortes et maintenant, vu les sages
précautions prises par l’autorité, la
mortalité n’est pas même d’un
par mille.
Les causes de cette épidémie tiennent aux
diverses
variations que l’atmosphère a
éprouvées et
aux changements d’état qui ont dû
s’opérer par les pluies continuelles qui sont
tombées cet été pendant plus de deux
mois, et qui
ont apporté dans la constitution de l’air des
altérations qui, en frappant les corps, ont donné
lieu
à ces fièvres d’accès,
fréquentes
surtout dans les lieux humides.
Les amers fébrifuges en tisane et le sulfate de quinine
administrés par doses ont été
employés avec
grand succès contre cette épidémie qui
diminue
d’ailleurs chaque jour d’intensité. On
doit dans
cette occasion de justes félicitations à
l’autorité pour les mesures qu’elle a
prises.
1829. C’est l’année où Deshayes publie chez Baudry, imprimeur du Roi, son Histoire de l’abbaye de Jumièges.
Mars. Le 2, Véronique Antoinette Robert, femme de Louis Lecoq, 31 ans, couturière, demeurant au Mesnil-sous-Jumièges, fait une tentative de vol par escalade, la nuit. Voilà qui lui vaudra huit ans de travaux forcés.
Le même mois, le navire à vapeur Le Nageur fait ses essais de machine de Rouen à Duclair. Avec une vitesse constante de 7 noeuds, il a rejoint à Bardouville l'Aaron-Mamby qui, avec plus d'une heure d'avance, s'aidait de ses voiles.
10 juin. Dans la nuit de vendredi à samedi une ferme située à Epinay a été la proie des flammes. On dit qu'il y a plus de 400 pieds de bâtiment de brûlés. La valeur du dégât s'élève à environ 14,000 francs. On prétend qu'il y a de fortes raisons d'attribuer cet événement à la malveillance.
Depuis peu, observe la Tribune des départements, on a creusé la nouvelle route entre Rouen et Caudebec par Duclair. L'ancien chemin s'est retrouvé annexé par les propriétaires limitrophes. Des procès sont en vue...
15 septembre. Jumièges, comme toutes les communes riveraines de la Seine, est dévastée par un débordement inhabituel du fleuve. Il pleuvait depuis plusieurs mois.
On écrit de Rouen : « Le 15 de ce mois, les communes riveraines de la Seine, entre autres celles de Saint-Martin de Boscherville, Bardouville, Anneville, Ambourville, Yville, Jumiéges, etc., ont été dévastées par un débordement de la Seine occasionné par les pluies continuelles qui ne cessent de tomber depuis plusieurs mois. Les foins, les trègles et beaucoup de grains sont entièrement perdus. Presque tous les fermiers de ce rivage ne récolteront pas cette année le huitième du montant de leur fermage. Si l'on ajoute à cette dévastation les maladies fébriles qui désolent encore ces contrées, on aura la mesure des maux qui affligent ce malheureux pays.»
16 octobre. Boïeldieu vint de donner La dame blanche à Rouen. Il vient visiter Jumièges en famille. Le soir, Caumont organise une mise-en-scène dans les ruines. "Je fis allumer et disposer des feux dans plusieurs parties des ruines, et lorsque tout fut prêt, je conduisis mon ami de manière qu'il pût jouir de tous les effets pittoresques qu'ils présentaient..." un spectre s’avance. La dame blanche couronne Boïeldieu de lauriers tandis que Caumont lui déclame des vers. « Qui faisait le revenant ? » demandera bientôt Constance du Plessis. « Mon jardinier Madame ! »
Vers 1829, on abattit la tour sud qui menaçait de tomber.
Journal
des Débats, ce même 16
octobre :
«
La marée de l'avant-dernière
nuit a été
plus forte encore que celle du matin aussi a-t-elle causé
d'énormes dégâts
le long du littoral. Près de
Jumièges,
l'inondation a gagné jusqu'à l'intérieur de
maisons ordinairement à l'abri... On cite plusieurs cultivateurs qui ont fait des pertes considérables
en bestiaux et en fourrages. A la Mailleraye, la violence du flot a jeté dans les terres un marsouin
que les habitants ont pris au moment du reflux.
Les nouvelles de l'état sanitaire de ces contrées sont toujours des plus fâcheuses. »
1830. Lundi 22 mai. Les gelées occasionnèrent des dégâts à l'abbaye.
Avril : Caumont rend un rapport sur le projet de canal maritime entre Rouen et Le Havre. Une commission de la chambre de commerce travaillait sur le sujet.
Ce fut la dernière année, disent certains auteurs, que les paroissiens de Bliquetuit vinrent processionner à Jumièges pour demander à saint Valentin « du temps à volonté ». Désormais, ils allaient rester prier devant son effigie, à l'église paroissiale. Pourtant, les Annales catholiques nous disent que la venue à Jumièges des gens de Bliquetuit cessa dès1793. Mais l'archévêque de Rouen, Mgr Bonnechose rétablit la chose en 1872.
La seconde Révolution !
Juillet. Un ouragan s'abat sur La Fontaine. Durant un quart d'heure, le "terrible météore", déracine les arbres sur une largeur de 150 à 200 pas. Ce mois-là a lieu la Révolution de 1830 avec ses journées de juillet. Exit Charles X. Voici Louis-Philippe
15
août. Une
poule est jouée au café Morel, de Duclair, au
profit des
veuves et blessés de journées de Juillet, les
fameuses
Trois Glorieuses. "La
mise sera
fixée d'après l'avis de la
majorité des
joueurs. Une queue d'honneur sera décernée au
vainqueur."
14 octobre. Par arrêté préfectoral, Nicolas-Casimir Caumont est nommé maire de Jumièges. Ce qui lui vaut les foudres de la presse puisqu'il est déjà conseiller municipal de Rouen. La personnalité de Caumont ? Caumont engagera des travaux de voirie et fera beaucoup pour les écoles. Mais surtout pour "son" abbaye dont il tient à jour le registre des visiteurs.
Le 29 octobre, une filature appartenant à Durand, de Duclair, sise à Maromme, est détruite par un incendie.
Cette année 1830, le sous-préfet protesta après la désignation de conscrits dans le canton de Duclair. On enrôla un garçon bègue, atteint de strabisme et de mouvements convulsifs alors qu'un autre, sans infirmité, fut réformé pour de mauvaises dents.
1831. 14 mai. Adolphe Dolivet, 19 ans, bourrelier, né et demeurant à Duclair, condamné à 5 ans de prison pour vol sans circonstances aggravantes et ce, du 28 au 29 décembre 1830 à Rouen.
Juin.
Cortège important à
l’abbaye : le préfet, le maire de Rouen,
le receveur général, des notables, leurs
dames… Caumont ouvre alors un livre d’or. Pour
cinq ans. Il va se couvrir de signatures d’artistes,
archéologues, personnalités diverses…
22 juillet. A Paris est signée une ordonnance du Roi « portant qu'il sera établi dans le village d'Heurteauville, section de la commune de Jumièges, arrondissement de Rouen, département de la Seine-Inférieure, un adjoint au maire de cette commune, et que cet adjoint sera chargé de recevoir les actes de l'état civil et d'y exercer la police par délégation du maire. » Premier pas vers l’indépendance…
Janvier 1832.On écrit de Duclair (Seine-Inférieure), que M. Dubreul, pr priétaire, a fait, il y a quelques jours, à quatre-vingts familles indigentes du pays une distribution de vivres. Chaque année, l'humanité est redevable de pareils actes de bienfaisance à M. Dubreuil. Aussi, lors de la formation du conseil municipal, cet honorable citoyen a-t-il obtenu 98 suffrages sur 102 votants. (Journal de Rouen.) —
Avril 1832. Le Journal du Commerce annonce que le choléra s'est déclaré de façon violente à Jumièges. Toute la France est touchée.
11 septembre 1832. On lit dans un journal de Rouen :
Dans le petit hospice fondé à Duclair, par M. Jean Darcel, Négociant a Rouen, est morte il y a deux jours, une femme née le 19 août 1729. Elle venait d'atteindre sa cent-quatrième année, et a joui jusqu'à sa dernière heure de toutes ses facultés. C'est a peu de distance de là qu'habite M. d'Ornay, doyen des académiciens de France.
En l'étude de Maître Lengrenay, notaire à Duclair, annonce n°2780, vente aux enchères le 23 septembre 1832 au château de Mauny.
Novembre. M. le conservateur des forêts en exécution de la loi du 25 mars 1831, procédera en Préfecture de Rouen le 26 courant à la vente de la forêt de Jumièges de 594 ha, 10 ans .
1833. Nécrologie des fonctionnaires de la Marine. Étienne-Benjamin-Frédéric Thuillier, enseigne de vaisseau auxiliaire, né à Mesnil-sous-Jumiéges (Seine-Inférieure) le 4 avril 1766 , mort à Bordeaux Je 7 février 1833.
A M. Williams, oculiste honoraire de
Sa
Majesté.
Jumièges,
le 6-mars 1833.
Monsieur,Lors de votre séjour au Havre en 1829, j'eus le bonheur de vous consulter pour un de mes enfants, âgé de 17 ans, attaqué si grièvement de maux d'yeux qui le privaient de la vue depuis plusieurs mois, au point de ne pouvoir se conduire seul, vous eûtes la bonté de le traiter pendant trois mois, et, grâce à vos soins assidus, il a eu , comme tant d'autres , le bonheur de recouvrer la vue au point de pouvoir se livrer à son travail habituel. Je vous prie, Monsieur, d'agréer sa reconnaissance et la mienne, et me croire avec le plus profond respect, Monsieur, Votre, etc. MOREL,
Lieutenant des Douanes.
|
Eté 1833. Un couple d’écrivains anglais accomplit un voyage en Normandie. Descendus dans une auberge, face à l’abbaye, Thomas et Frances Follope y rencontrent Charles-Antoine Deshayes. Sur le mur, une affiche informe le visiteur qu’un ouvrage est disponible sur l’histoire de Jumièges. Ils en demandent un exemplaire que Deshayes va chercher dans la petite pièce qui lui sert d’habitation. Après s’être restaurés, les Follope visitent les ruines, le livre en main.
28 août: la reine du Portugal, accompagnée de la duchesse de Bragance, passe incognito par Duclair aller de Rouen au Havre.
13 septembre. En fin d’après-midi, tracté par un remorqueur, le Luxor contourne la presqu’île avec une étonnante cargaison : l’obélisque du même nom offert par Méhémet Ali au Roi de France. A 7 h du soir, il mouille à Duclair qu’il quitte le lendemain matin. Bloqué à Rouen par les crues, il n'atteindra Paris que le 23 décembre.
Le Constituttionnel :
Le Luxor, parti de Cherbourg le 12 septembre, l'a quitté et est
arrivé devant le Havre le 13. Le Sphinx, qui l'avait
remorqué jusque là, l'a donné à la remorque
de l'Helva, un des bateaux à vapeur de la Seine. Dans la
journée du 13 il a franchi sans difficultés la barre de
Quillebeuf, et il a mouillé le soir à Duclair.
Le lendemain, 14, il est
arrivé à Rouen. Le Sphinx, qui, le 13, était
entré dans l'avant-port du Havre, a remis à la mer le
même jour, se rendant à Brest. Le Luxor va se
démâter et raser ses œuvres mortes jusqu'au tillac,
afin de passer facilement sous les arches des ponts. Quand il aura subi
cette opération il pourra recevoir la foule des curieux qui se
pressent sur le quai pour visiter l'obélisque de
Sésostris.
4 novembre. Dans une auberge de Guerbaville. Fitz-James fils écrit sur le mur "Vive Henry V". Il risque la cour d'assises.
17 décembre. Les Jumiégeois ont un premier conseiller général. Il s’agit d’Alphone Darcel, un ancien officier d’artillerie qui possède du bien à Duclair et la Fontaine. Il doit son élection à la démission de Jean-Baptiste Curmer, le châtelain de Bardouville, ancien maire de Rouen. Candidat aussi dans la capitale normande, il a préféré ce dernier fauteuil.
Cette année 1833, l'explosion de la chaudière du vapeur Le Vésuve, près La Mailleraye, aura tué son chauffeur. "Beaucoup vont crier haro" sur ce moyen de transport, prédit le Journal de Rouen.
1834. Société des Antiquaires de Normandie, séance du 9 janvier :
"M. Auguste Le Prévost donne des détails sur une excursion qu'il a faite à la ferme dite le Manoir d'Agnèsl, au Mesnil-sous-Jumiéges. Il y a visité des bâtiments très curieux, notamment un grenier dont la décoration offre les mêmes peintures que la tour carrée de Tancarville. M. Langlois sera invité à en faire le dessin. La charpente de ce grenier est aussi fort remarquable. Enfin il a trouvé, dans le dans les mêmes bâtiments, une cheminée qui mérite l'attention des amateurs d'antiquités; elle est en tuile et dans le goût de la fin du XIVe ou du commencement du XVe siècle."
Toujours
de la société des Antiquaires : "En 1834, le Rouennais Emile
Morice publiait, et même selon toute apparence,
réimprimait cette phrase : « que, comme
à Jumiéges et à Saint-Wandrille, les
pierres de chaque chapelle, soigneusement
numérotées, aillent se
réédifier sur les bords de la Tamise ou de la
Tweed » [Révélations et Pamphlets, p.
21. Paris, in-8°).
Les historiens les plus
complets de nos deux grandes abbayes ont-ils enregistré ce
détail, qui peut avoir un jour un
intérêt plus que rétrospectif?
Selon M. Pelay, les
déprédations bien connues des Anglais dans nos
deux abbayes confirment le témoignage de Morice".
Lundi de Pentecôte. Une classe de dessin a envahi les ruines. Leur professeur est Eustache Bérat, le frère du chansonnier de Ma Normandie.
29
juin A
cause de la fête foraine de Jumièges, le vapeur
Louis-Philippe fut affrété pour aller de Rouen
à
Jumièges. Mais, précisait-on, les
départs n'auront
pas lieu s'il pleut.
22 octobre. Le baron Taylor nous fait l’honneur de sa visite. On ouvre les tombes de deux abbés. Signent le procès-verbal : Caumont, l’archéologue Achille Deville, le baron Taylor et Charles-Antoine Deshayes. L’une de ces tombes porte la date de 1120, relèveront nos érudits. Aucun abbé ne mourut cette année-là. Urson disparut en 1127 et fut inhumé dans le chapitre. La sépulture contient deux petits vases brisés dont l’un prendra la direction du musée de Sèvres.
Retenons encore de 1834 que la compagnie d'assurance mutuelle pour l'Eure et la Seine-Inférieure décerna une médaille d'argent au sieur Castagne pour avoir "puissamment" arrêté les progrès d'un incendie à Duclair. Joseph-André Castagne fut sergent de la garde nationale et impériale.
4
février 1835. Nos lecteurs ont eu connaissance des
démêlés existant entre M. Levasseur,
adjoint au maire de Saint-Martin-de-Boscherville, et un sieur Leseur
qui avait, à l'occasion des élections communales,
déposé à la prefecture une
protestation dans laquelle étaient
allégués des faits graves contre cet adjoint.
Non content de sa protestation le sieur Leseur
répétait a chaque instant , en public, ses
accusations, et demandait à être appelé
devant les tribunaux pour établir la
vérité. Suivant son désir, il a
comparu hier en police correctionnelle ; mais, comme il n'a pu rien
prouver de ce qu'il avait avancé, il a
été condamné, comme diffamateur,
à 50 fr. d'amende et 25 fr. de
dommages-intérêts.
Avril 1835 Un fond d'épicerie et de fabrique de chandelle connu depuis cinquante ans est mis en vente à Duclair. S'adresser à M. Thuillier, propriétaire.
Le 30 avril, Olivier, l'instituteur réputé de Duclair, acquiert du sieur Jean-Jacques Lécuyer, maître marinier, une belle demeure comprenant un atelier de charron. La propriété avait appartenu jadis aux Gouas, boulanger et bourrelier de Duclair, au Panthou et autres figures...
28 juin 1835. C'est la fête à Jumièges. Un vapeur venu de Rouen dépose ses passagers et poursuit sa route vers La Mailleraye. Là, à 6h et demie du soir, deux coups de canon annoncent le départ puis un seul à Jumièges... Il faut s'inscrire au bureau des bateaux à vapeur, 75 quai du Havre.
Le mardi 28 juillet, un enfant d'une dizaine d'années qui suit la charrette de son père sur le quai de Duclair est enlevé par le trait des haleurs de chalands lancé à plusieurs mètres au large. De chez lui, Mercier, le receveur de l'Enregistrement entend des cris, il accourt, plonge, replonge dix fois non sans appeler à la rescousses les curieux, les bateliers. Personne ne lui viendra en aide et l'enfant sera noyé. En septembre, trois jeunes gens seront traduits devant le tribunal correctionnel. Deux seront acquittés, le troisième écope de trois mois de prison malgré l'habile défense de maître Grainville.
Dans le moment que je visitai les ruines de Jumièges (le 28 juillet 1835), je trouvai un jeune artiste de Paris, M. Allegré, occupé à les dessiner; sur ma demande il voulut bien me montrer les dessins qu'il en avait déjà faits. Je les trouvai parfaits, et je suis certain qu'après ceux de M. Langlois, sur ce sujet, ce sont ceux qui offrent le plus de vérité. C'est un hommage que je me plais à rendre à ce jeune artiste, qui donne les plus belles espérances.
Guide du voyageur en Europe
14 novembre 1835. Aimable Auguste Simon, 18 ans, charretier halleur, demeurant au Mesnil, est condamné à un mois de prison pour homicide par imprudence. Son confrère, Narcisse Jean Baptiste Fessard, 20 ans, partage la même peine. Trois mois vont en revanche à Louis Adolphe Langlois, 23 ans.
Mercredi
12 août 1835. Hugo,
le grand Victor Hugo arrive à Jumièges. Depuis
1825, il
milite pour la défense du patrimoine. On le voit membre d'un
comité créé par Guizot, ministre de
l'Instruction
publique. "Guerre aux
démolisseurs !" lance-t-il dans un article qui
sera repris dans dans Littérature et
philosophie
mêlées : "On
nous a dit que des Anglais avaient acheté trois cents francs
le
droit d'emballer tout ce qui leur plairait dans les débris
de
l'admirable abbaye de Jumiéges.
Ainsi les profanations de lord Elgin se renouvellent chez nous, et nous
en tirons profit Les Turcs ne vendaient que les monuments grecs : nous-
faisans mieux, nous vendons les nôtres. On affirme encore que
le
cloître si beau de Saint-Wandrille est
débité, pièce à
pièce, par je ne
sais quel propriétaire ignorant et cupide, qui ne voit dans
un monument
qu'une carrière de pierres." Hugo
s'est régalé du
Voyage pittoresque.
Une lettre à sa femme, datée du 27
mai 1825, fait allusion à une lithographie
représentant
l'abbaye de Jumièges: «Nous
avons couché à
Braine, jolie ville bien bâtie, qui a une autre
église en
ruines aussi belle que l'abbaye de Jumièges, dont tu as vu
les
dessins dans le voyage pittoresque de Nodier...»
Hugo a loué un cabriolet à la journée dont il conservera le souvenir : "Il était si vieux, si poudreux, si laid, si affreux, si charmant..." En arrivant à Jumièges, il fulmine. Avec Juliette Drouet, on vient de le mettre à la porte de l'abbaye de Saint-Wandrille. Lenoir, propriétaire d'alors, assurait ne pas le connaître. "Cela m'étonne, répondit Hugo, je suis un célèbre dentiste de La Bouille, inventeur d'une pommade merveilleuse." A Jumièges, le poète est en revanche fort bien reçu si bien qu'il écrit sur le registre : "En sortant de chez l'immonde propriétaire de Saint-Wandrille, je félicite M. Casimir Caumont d'avoir Jumièges et Jumièges d'avoir M. Casimir Caumont." Le lendemain, dans une lettre à sa fille Adèle, l'écrivain compare Saint-Wandrille à "une auge magnifique où s'ébat un hideux pourceau dévastateur nommé Lenoir, Jumièges est encore plus beau que Tournus. Et, à travers tout cela, la Seine serpente sur le tout..."
En
1837, Hugo publie Les
voix intérieures :
Étouffe un triste écho sous son portail normand,
Et laisse chanter sur ses tombes
Tous ses nids dans ses tours abrités et couvés,
D'où le souffle du soir fait sur les noirs pavés
Neiger des plumes de colombes !
Il
se dira qu'Hugo s'est inspiré du livre de
Deshayes dans certains passages des Misérables, entrepris en 1845. Il
reviendra à Jumièges le 13 septembre 1879.
Septembre1835,
c'est cette fois Constance du Plessis qui visite l'abbaye. ,
guidée par Caumont. 1835
est sans doute l’année où furent
effectuées des fouilles à la harelle
d’Heurteauville. On y trouva un vase de bronze rond, une
hache celtique, un bout d’épée du
même métal. Ce dernier est seul
spécimen retrouvé alors dans le
département. Doucet, le maire du trait, remettra ces objets
au musée des Antiquités. De cette même
fouille on ramena aussi un fer de javelot fort bien conservé
qui, lui, fut remis au maire de Jumièges.
Mai : on
parle du procès de Pierre Florentin Julien, le peintre et
vitrier à Guerbaville. En janvier, avec une
extrême
sauvagerie, il avait avait tué sa femme, Rosalie
Guéroult, qui buvait paraît-il. On l'acquitte...
1er avril 1836. Est-ce un poisson ? Sûrement. Le Journal de Rouen : Les pêcheurs de Duclair ont trouvé il y a deux jours, dans leur filet, un poisson dont l'espèce ne leur était pas connue. Ce poisson, que les plus habiles naturalistes du pays ont cru appartenir à la famille des saumons, sans cependant pouvoir rien affirmer à cet égard, a été mis en vente au Vieux-Marché. Il avait près de trois pieds de long sur dix huit pouces de circonférence à sa plus grande largeur. C'est un gatronome très connu de cette ville qui, à tout hasard, s'en est rendu adjudicataire. Et certes, il n'a pas eu à s'en repentir, car outre que la chair en était excellente, il a trouvé dans l'estomac du poisson le manche d'un poignard dont les ciselures sont d'une époque déjà bien éloignée de nous. Notre concitoyen s'est empressé de faire don de cette précieuse trouvaille au Musée des Antiquités où il a été placé au nombre des objets les plus rares et les plus merveilleux.
Au
temps de la jeunesse de Charles Mainberte vivait au Mesnil un curieux
personnage. En 1836, le journal de Rouen fait état d'un
homme de 71 ans qui, depuis ses 18 ans, passe sa vie au lit. Il ne s'en
lève que pour les "actes les plus indispensables de la vie
animale".
26 mai. M. de Golbery intervient à la chambre des députés: "...et je dirai avec douleur qu'une nation voisine se montre quelquefois plus jalouse que nous-mêmes de nos monuments historiques. Il est arrivé, par exemple; qu'en Normandie, une portion notable de l'abbaye de Jumiéges a été enlevée par les Anglais; ils ont, pour ainsi dire, numéroté les pierres de ce monument éminemment français et il a été transporté au delà du détroit et rebâti en Angleterre. Messieurs, il ne faudrait pas qu'on pût nous reprocher un second exemple de cette insouciance de nos souvenirs historiques..."
M.M.
Parmentier et Cie, voiture publique Rouen-Duclair les mardis, et jours
de foire A/R : 1,25 F
Quand venait la mi-carême, on faisait sauter les crêpes, un louis d’or dans la main tenant la poêle. C’était du caraprenant, du carême prenant que ces plaques appelées encore pellées.
L'anniversaire des journées de juillet 1830 sont marquée à Duclair par un service fubèbre, un mât de cocagne, quelques danses...
On
écrit de Duclair,
15 juillet, au Journal de Rouen : « Un
événement
bien affligeant est arrivé, aujourd'hui même, dans
la
commune de Sainte-Marguerite-sur-Duclair. Une femme Saillard,
âgée d'environ quarante ans, sortant de son
domicile pour
faire rentrer ses bestiaux, au nombre desquels se trouvait un taureau,
a été assaillie par ce dernier, qui l'a
tuée sur
la place, sans que son mari, présent à cette
horrible
scène, ait pu lui porter du secours, dans la crainte de
s'exposer lui-même à une mort certaine. Cette
malheureuse
se plaisait à caresser cet animal, qui jusqu'alors
s'était montré très doux. »
On nous écrit de Duclair à la date du 23 juillet. Hier, à onze heures du soir, le nommé Berne, roulier à Lillebonne, venant de Rouen, descendait endormi sur le devant de sa voiture attelée de trois chevaux, la côte de Saint-Martin-de-Boscherville. Ce malheureux est tombé sous une roue et a eu la tête horriblement fracassées, il est mort sur place. C'était un homme dans la force de l'âge qui laisse une veuve et plusieurs enfants. Les journaux ne cessent de publier de semblables malheurs arrivés tous de la même manière, et pourtant ces exemples se renouvellent. puisse celui dont nous venons de parler ne pas être perdu pour les rouliers qui jusqu'à présent se sont rendus coupables de l'imprudence qui a coûté la vie au malheureux Berne ! Souvent on rencontre sur notre route, soit dans la direction du Havre, soit dans celle de Rouen, des voitures sur lesquelles l'insouciant conducteur est couché. Ces contraventions ne sont presque jamais signalées, cerait-que les surveillants chargés de ce soin toléreraient cette infraction à la police du roulage ? C'est pourtant un abus qui entraîne, comme on voit, d'assez terrribles conséquences pour que l'autorité fasse sous ses efforts pour le réprimer."
Novembre 1836. Dans le Journal de Rouen, on s'insurge contre l'absence de parapet sur quatre lieues entre le poste de douane de La Fontaine et les quais de Duclair. Voici peu, conduit par une femme, un cheval est decendu subitement boire dans la Seine. Heureusement, elle était basse. Le 5 novembre, venant de Rouen, un cabriolet avec trois voyageurs croise une ménagerie. Effrayé par deux ours, le cheval franchit le parapet et manque de tuer ses passagers. Que fait l'agent chargé de surveiller cette portion de route. De l'argent, le Département n'en manque pas pour les travaux de voirie...Décembre 1836 Les électeurs sont convoqués pour élire un conseiller d'arrondissement. Le favori est Auguste Baudouin, de Saint-Paër, qui a créé une raffinerie de sucre de betterave. En début d'année, il avait été juré aux Assises.
On nous écrit de Duclair : Les inondations extraordinaires qui sont survenues, et qui couvrent d'eau toutes nos prairies viennent de donner lieu à un déplorable événement Hier, 18 décembre, à midi, le nommé Eugène Morel, âgé de vingt-trois ans, fils du lieutenant des douanes de Jumiéges, était allé dans la prairie pour ébrançher des arbres longeant la berge élevée d'un fossé qui borde une prairie appartenant à son père. Par suite de la crue des eaux, ce fossé était rempli jusque par-dessus les bords. Le mal heureux jeune homme, en serrant une bourrée qu'il venait de faire, glissa et tomba dans le fossé, où on l'a retrouvé, plusieurs heures après, les mains convulsivement attachées à des herbes et à des racines, (Journal de Rouen.)
1837, Janvier, comme tous les ans, Dubreuil, l'adjoint de
Duclair, distribue aux nécessiteux du pain, du cidre, du
bois...
Février, se trouvant sous le Landin avec le navire le Guillaume-Emilie qu'il commandait, au moment où la mer montait avec beaucoup de vitesse, le capitaine Gehanne aperçut deux hommes et quatre chevaux auxquels la marée montante avait fait perdre pied, et qui se trouvaient entraînés par le courant. Il s'empressa de leur porter secours, au risque d'être lui-même victime de son dévouement, et parvint à les ramener sur le bord, sains et saufs.
Toujours en février
1837,
l'administration municipale, pour améliorer le chemin qui va
de
Quevillon à Boscherville, a fait venir des tonnes de
cailloux.
Disposés en tas, ils ne sont pas
utilisés si bien
que deux voitures ne peuvent plus si croiser...
Au tribunal correctionnel de Rouen, on
juge pour
vagabondage Victor Leroy, un gamin de 7 ans qui ne cesse de fuguer pour
porter ses pas un jour à Maromme, le
lendemain à Duclair, un autre à
Barentin. Si je vous
acquitte, vous me jurez de rester chez vos parents ? Oh non, il faut
que je marche... Il est placé en maison de
correction jusqu'à ses 18 ans.
Février : on publie le long réglement de la navigation des vapeurs sur la Seine. Duclair et Jumièges sont des points d'embarquement et de débarquement avec Croisset, Dieppedalle, Val-de-la-Haye, Sahurs, La Bouille, La Mailleraye, Caudebec, Villequier et Quillebef. "Il est défendu à tout bateau à vapeur de prendre ou de laisser des voyageurs à toute autre station..." En 1837, Hugo revoit la presqu'île du vapeur qui lui fait remonter la Seine. Il est seul à l'embrasser du regard: "il y avait un singe à bord, ce qui fait que personne n'a regardé Jumièges." Dans deux ans, Hugo reviendra encore sur place avec Juliette...
En septembre, Jean
Ory, le menuisier de Jumièges, va tuer son rival
à Bourg-Achard
Cette
année 1837, Nicolas-Casimir Caumont sent le danger.
Heurteauville mène une guerre d'indépendance
à Jumièges et la vie politique est turbulente.
Caumont ne se représente pas.
Sévère-Aimable Boutard est élu maire.
A l’abbaye, Caumont ouvre un nouveau cahier pour recuillir
les signatures des visiteurs. On comptera six registres
jusqu’en 1872.
1838, après
de longues démarches, Caumont
ramène de Rouen la dalle tumulaire
d’Agnès Sorel. Cette année
là paraît un texte de Cordellier-Delanoue :
17 avril, Journal de Rouen. On nous écrit de Duclair. Avant-hier, les flots de la Seine ont rejeté sur le rivage le cadavre d'un homme d'une cinquantaine d'années paraissant appartenir à la classe aisée. La putréfaction dans laquelle il était fait supposer qu'il a séjourné plusieurs jours dans l'eau. La marque de ses vêtements est JR. On ne l'a pas reconnu.
20 avril. De Duclair, le sieur Lelièvre fils, manufacturier, vante les mérite des appareils d'éclairage au gaz domestique mis au point par Gautier-Lespert, de la rue Saint-Vivien de Rouen. Ils chauffent en outre ses trois ateliers.
Dimanche 2 juin, Journal
de Rouen. II y a quelque temps, on trouva, au
Mesnil-sous-Jumiéges, le cadavre d'un homme. Le maire
étant arrivé, dit a un marin qui avait
retiré ce cadavre qu'il pouvait prendre les
vêtements dont il était couvert : mais le marin
refusa et les accrocha à un arbre.
Cependant, plus économe, la femme du marin s'empara des
vêtements dont it s'agit, et elle a été
poursuivie comme coupable de vol. La chambre du conseil
s'était refusée à voir là
une soustraction frauduleuse, et avait déclaré
qu'il n'y avait lieu a suivre ; mais le ministère public
s'est pourvu devant la chambre d'accusation, et l'inculpée a
été renvoyée devant la
deuxième chambre, où elle comparaissait hier.
Après avoir entendu Me Taillet père, qui, mu par
un sentiment d'humanité, a d'office
prêté à la prévenue l'appui
de son talent, le tribunal à prononcé
l'acquittement de celle-ci.
2 septembre, Après avoit battu des recordes de vitesse sur la Seine, le Corsaire rouge propose une promenade nautique de Caudebec à La Bouille avec escale à Jumièges, Duclair, La Mailleraye...
Décembre. Il existe entre Duclair et Saint-Paër une côte très rapide dont l'encaissement n'est point chargé de cailloux. Déjà on a eu à déplorer des accidents arrivés dans cette côte et fort récemmement encore un cheval s'y est abattu et s'est cassé la cuisse. Loin d'améliorier cette route qui est très fréquentée, on y laisse séjourner d'énormes pierres qui ne peuvent amener que de nouveaux malheurs. Nous engageons les deux gardes champêtres de Duclair à tenir un peu mieux la main aux réglements sur la police de voierie.
1839, Janvier.
Une barque contenant six personnes a
été chavirée par un bateau a vapeur,
vis-à-vis Guerbaville. Un des naufragés
nommé Tuvache, de cette même commune,
étant parvenu à se sauver, ne voulut point
abandonner son frère qui avait disparu sous les flots. II
plongea donc et sauva bientôt un jeune homme. mais ce
n'était pas son frère. Il replongea de nouveau et
sauva une autre personne, mais ce n était pas encore son
frère. Il plongea une troisième fois et enfin il
fut assez heureux pour sauver celui pour lequel il montrait tant de
courage et de dévouement. Les deux autres
naufragés se retirèrent de l'eau à
l'aide de cordes qu'on s'empressa de leur jeter. M.
Heuzé-Claquecin, qui était accouru au secours de
ces malheureux les recueillit chez lui avec humanité. et
leur prodigua tous les soins qu'indiquait leur triste position.
2 mars, à
cinq heures et demie du matin, au moment
où M. Mercier, receveur de l'enregistrement à
Duclair,
partait pour se rendre aux élections, la falaise,
haute
d'une centaine
da pieds, qui
se trouve derrière sa propriété, s'est
écroulée avec un épouvantable fracas,
et
d'énormes fragments de pierres sont allés
renverser les
murs d'une maison à plus de soixante pas de là,
les
locataires de cette maison, réveillés par les
déchirements du rocher, ont heureusement eu
le temps de se sauver en toute hâte, et bien leur en a pris,
car
des morceaux de rocher ont ruolé jusque sur les lits. Il n'y
a
donc a déplorer aucun malheur. Quatre petits
bâtiments
nouvellement construits et une écurie ont
été
détruits une maison a été endommagea
la maison de
maître qui est à côté n'a
reçu aucune
atteinte.
Quelques jours
auparavant, d'autres
portions de rocher assez considérables s'étaient
écroulées sur les terrains de MM. Salva,
médecin
Drouot, marchand de bois, et avaient
détruit des bâtimenst. La commune de Duclair est
propriétaire du haut de la falaise et les
autorités
locale et départementale devraient bien prendre des mesures
pour
que de pareils accidents ne se renouvelassent plus, en faisant visiter
souvent et abattre les morceaux de roche qui sont
très friables, et qui menacent de se détacher.
Nous
appelons leur attention sur cet objet, qui intéresse non
seulement les propriétés mais encore la vie des
habitants
du quai de Duclair. (Journal
de Rouen)
15 juin1839. Le journal de Rouen annonce que le lendemain, dimanche, un superbe bateau à vapeur partira de Rouen à 7h du matin pour faire visiter les ruines de Jumièges et le parc de La Mailleraye d'où il repartira à 7h du soir. Le navire dispose de deux classes et d'un "restaurant confortable".
Eté 1839.
Victor Hugo est avec sa maîtresse. Restée
seule avec ses quatre enfants, son épouse, Adèle
Foucher accepte l'invitation à Villequier d'Auguste
Vacquerie, ami de son mari. Le 28 août 1839, les deux
familles visitent l'abbaye et Léopoldine, 15 ans
écrira ses frayeurs à sa tante maternelle, Julie
Foucher: "Nous
avons visité entre'autre chose, l'abbaye de
Jumièges.
Imagine-toi que ce jour là, ta
nièce a manqué d'être
écrasée par une magnifique tour, ou tout au moins
de la dégringoler agréablement. Nous-nous
promenions dans ces ruines, maman donnait [le bras] à Mr
Vacquerie, moi à son frère. Je tenais Toto de
l'autre
côté. Un gardien nous accompagnait. Dédé
dont tu connais le naturel peureux refuse tout d'un coup d'aller plus
loin. Maman s'assied sur une pierre avec cette petite bête de
Dédé et M. Vacquerie, les autres membres de la
société continuaient leurs excursions, Nous
traversons une petite terrasse très étroite, sans
parapet et bordé de chaque côté par un
abyme, c'est à dire environ 100 pieds. Nous
arrivons de l'autre côté de la terrasse devant un
petit escalier. Comme des imbéciles sans consulter personne,
nous montons. Arrivés a une certaine
hauteur je demande à redescendre. Mais Toto (Charles-Victor
Hugo) et le frère de M. Vacquerie s'y opposent.
Nous continuons donc à grimper, les marches devenaient de
plus en plus délabrées, l'escalier de plus en
plus tournant. De grandes crevasses donnant sur la campagne, et
nullement grillées ajoutaient encore à la peur
dont j'étais cruellement saisie. Combien de temps avons nous
monté ainsi ? Je l'ignore, chaque minute me semblait un
siècle. Enfin nous arrivons à un endroit
impossible à franchir, nous commençons
à redescendre, je tremblais comme une feuille, je donnais le
bras à M. Vacquerie mais Toto allait tout seul, je craignais
qu'il ne se jette par une des crevasses et j'essayais de le soutenir.
Arrivés environ à la moitié nous
entendons M. Vacquerie qui nous appelle, nous regardons par une
crevasse, il nous voit et nous crie que la tour que nous descendons est
très dangereuse, que l'escalier n'est pas du tout solide et
qu'il est défendu d'y monter. Ma peur redouble, Toto n'osait
plus marcher, je t'assure que nous avons eu la, un terrible moment
d'angoisse. Enfin je reprends un peu de courage, et nous descendons de
nouveau. Arrivée en bas je crus que j'allais embrasser les
pavés de joie, nous revenons avec tout le monde et je ne
recommençai plus une pareille ascension, je te prie de le
croire sans l'autorisation du gardien…"
Ce
jour là, Léopoldine se joua de la mort. Quatre
ans plus tard, c'est la mort qui se joua d'elle…
Mais
dès le jeudi 5 septembre 1839, Léopoldine est de
retour à Jumièges. En témoigne cette
lettre qu’elle adressa quelques jours plus tard à
Julie Fouché :
« Si
cela t'amuse je pourrai pourtant te raconter la singulière
réception que nous a fait M. de Caumont,
propriétaire de Jumièges, sinon passe ce passage.
Il faut te dire d'abord que papa en passant avait écrit sur
un registre, appartenant à ce monsieur et où tous
les voyageurs sont priés de signer, des louanges pour M. de
Caumont qui avait conservé avec soin cette magnifique
abbaye, depuis, papa et moi avions dîné avec lui
chez M. Güttinguer, à Saint-Germain. En partant
nous avions tous écrit nos noms sur ce registre, et M. de
Caumont les ayant vus, nous avait fait prier par une dame habitante de
Villequier de bien vouloir déjeuner avec lui, le mardi,
mercredi ou jeudi suivant. Nous choisîmes ce dernier jour, et
nous arrivâmes pour l'heure du déjeuner
à Jumièges, le propriétaire vint
à nous la bouche pleine et mâchant encore, il nous
offrit du sirop d'orgeat comme rafraîchissement ou un verre
d'eau rougie. Nous mourions d'une violente faim, tu conçois
quel effet produisit sur nos pauvres estomacs cette proposition, nous
quittâmes le plus tôt que nous pûmes
Jumièges et son propriétaire, et nous
déjeunâmes à la Mailleraye,
bourg à deux lieues de là, riant fort
de notre déception et de M. de Caumont comme tu le
conçois bien... »
Singulière réception en effet de la part de Caumont. Lui dont le livre d’or 1831-1836 dit : « A Jumièges, chez M. Casimir de Caumont, on vous reçoit à bras ouverts, on vous donne des choses délicieuses à manger et à boire. Quelle hospitalité exquise. » De l’au rougie pour la fille du grand Hugo ?
L’ami
de la religion publie
dans son numéro du 14 novembre 1840
l’article suivant : « M.
le curé de Jumiéges vient de découvrir
dans cette commune les deux inscriptions suivantes sur des pierres
tumulaires en marbre noir :
1°
Hicjacet Robertos secundas, abbas Gemeticencis episcopus, tandem
archiepiscopus Canluaricnsis, qui Gemetici mortem obiit anno Domini
1052 ; 26 maij, Requiescat in pace. Amen.
2°
Hicjacet Albertus , abbas et levita , qui mortem obiit anno Domint
10З6, 14 januarij. — Requiescat in pace. Amen.
On voit, par la première épitaphe, que le second abbé de Jumiéges, l’évêque Robert, fut archevêque de Cantorbéry, et revint mourir à Jumiéges. Il est probable que des fouilles opérées dans la partie du cimetière où furent trouvées ces inscriptions amèneraient des résultats qui jetteroient quelques lumières sur l'histoire individuelle des anciens abbés de Jumiéges. M. le curé a fait placer les pierres qui portent ces inscriptions sur deux colonnes, à droite et à gauche du chœur de l'église. »
Jeudi 23 janvier 1840, entre sept et huit heures du soir, un menuisier de Saint-Denis-le-Thiboult, ouvrier à Rouen, rentre de Duclair quand il est agressé par des individus armés de bâtons dans la forêt de Boscherville. Ils lui volent 30F.Le noyé de Bardouville
24 mars 1840. On a retiré de la Seine, le 24 mars 1840, vis-à-vis le hameau de Beaulieu, commune de Bardouville, le cadavre d'un inconnu âgé d'environ soixante ans, taille d'un mètre 780 millimètres, cheveux blancs. Il était vêtu d'un habit et d'un pantalon en drap noir, d'un gilet en laine à petits carreaux,d'un caleçon long en coton, de deux chemises, dont l'une en toile et l'autre en calicot, toutes deux marquées des lettres P C. II portait des souliers à lacet. Tous ces vêtements étaient en bon état. On a trouvé dans ses poches un mouchoir fond bleu en coton marqué des mêmes lettres P C. Vingt-quatre centimes, un portefeuille neuf en marocain vert, une paire de lunettes en argent, un crayon, un rasoir, un couteau et quelques feuilles de papier, sur l'une d'elles était écrit : "Les hommes étant des ingrats, je donne à l'eau ce que je possède, 20,000 fr." L'autopsie à laquelle il a été procédé a constaté que la mort devait être très récente. il n'existait, d'ailleurs, sur le corps aucune trace de violence.
Les personnes qui pourraient, à raison des indications qui précèdent, donner des renseignements sur cet individu jusqu'alors resté inconnu sont invitées à se présenter au parquet de M. le procureur du roi.
Les incendies criminels
1er mars 1840 Le sloop Elisabeth, capitaine Parenteau, coule à Heurteauville. Il est relevé dans la nuit du 4 au 5 et conduit à La Mailleraye. On doit ce sauvetage périlleux au sieur Bataille, constructeur de navires à La Mailleraye, sous la surveillance de Pellerin, Syndic des gens de mer à Duclair. Les propriétaires sont invités à se manifester avant que les objets avariés ne soient vendus aux enchères par l'administration du port de Rouen.
7
avril 1840
Journal de
Rouen. Nous
avons parlé, il y a quelques jours, d'une tentative
d'incendie qu'on avait commise dans une ferme de Bardouville,
près de Duclair, au moyen de balles fulminantes
jetées sur une botte de paille. Les soupçons
s'étaient portés tout de suite sur un mendiant
qui était venu demander l'aumône dans la
ferme et qui avait bientôt disparu du pays. Cet individu
vient d'être arrêté à
Pont-Audemer et amené Rouen. On lui reproche de plus d'avoir
mendié l'aide de menaces. L'enquête
fut menée par le juge d'instruction de Stabenrath et Pinel,
substitut.
Mai 1840. Les limites de la pêche maritime sur le cours de la Seine sont fixées par le gouvernement à Duclair. Depuis plus de dix ans, un conflit existait sur ce point entre le ministère de la Marine et celui des Finances. La Marine, dans l'intérêt de la nombreuse et intéressante population du littoral voulait étendre le domaine de la pêche libre. Les Finances à Quillebeuf. La Marine a gagné. Conséquence : en dessous de Duclair, la surveillance des agents des Eaux et Forêts et les réglements de police sur la pêche fluviale cessent d'être applicables et la pêche reste libre comme en pleine mer.
Juillet 1840. Arrivé la veille à Duclair, un homme tombe en Seine et se noie. Plusieurs personnes auront tenté de le sauver : Mercier, le receveur de l'Enregistrement, Leullier, le vétérinaire, Morel fils, le pannetier...
En
1840 encore, un dimanche matin, la boulangerie de Saint-Paër
est en feu. Mais voilà les cloches qui appellent
à la messe. Une majorité des sauveteurs quittent
les lieux malgré les injonctions du juge de Paix. "Y aurait-il eu
nullité dans les prières si elles avaient
été dites un peu plus tard", interroge
le Journal de Rouen.
L'article
A
cette époque une affaire porte sur une école
tenue sans
autorisation à Conihout, commune de Jumièges.
9 décembre 1840. Depuis le départ du Havre
à 7h du vapeur Normandie, les habitants avaient envahi les
berges. Le temps était glacial. Peut-être moins
15. Partout les cloches bourdonnaient. A Quilbeuf, le navire, suivi du
Seine et du Courrier marque un arrêt entre les
rangées de gardes nationaux qui présentaient les
armes. "Vive l'empereur
! Vive l’empereur !" C'est
à ce moment que de vieux grognards sont entrés
dans l'eau jusqu'à la taille pour approcher les restes de
leur souverain. Sur les berges, certains bivouaquaient là
depuis des jours, vêtus de leurs uniformes
râpés. Au passage, certaines vieilles moustaches
s'époumonent dans leur clairon. On jette des bouquets de
fleurs, des couronnes de lauriers. Napoléon est de retour au
pays... Napoléon qui disait : "Le Havre, Rouen et
Paris sont une seule ville dont la Seine est la rue". Napoléon
qui ne donnait aucun avenir à la vapeur. Napoléon
qui écrivit enfin: " Je
désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine,
au milieu de ce peuple français que j’ai tant
aimé… "
A Caudebec, le convoi fut salué vers 11h par des salves. Un garde national défaillit d’apoplexie. Les Jumiégeois virent bientôt le convoi contourner leur presqu’île. A midi, il dépassait déjà Duclair. Là, le bataillon de la garde nationale du canton, commandé par Auguste Beaudouin, le maire et les fonctionnaires ont échangé des saluts avec la flottille. Les habitants des campagnes les plus éloignées ont accouru ici. Un arrêté préfectoral avait ordonné l'amarrage des navires du port de Duclair en amont et en aval afin de dégager les quais.
10 décembre Le Jumièges coule !
Parti le 7 décembre du Havre, le chaland Jumièges, de la compagnie Expert, arrive le lendemain soir à Rouen. Du pont de fer, ordre lui est donné de s'amarrer à l'île du Petit-Quay en raison du passage des cendres de Napoléon. Et c'est là, le 10, qu'il prend eau. Le Jumièges finira par sombrer près d'un chantier voisin, ouvrant un procès entre chargeurs et armateurs. Une bataille d'experts sévit alors sur son état de navigabilité.
Ici, la solidarité s'exprime pour les inondés du Midi. On peut verser des dons chez Auguste Beaudoin, au Vieux, chef de bataillon de la garde nationale de Duclair ou chez le notaire Rigoult.
1841.
En janvier, la fonte des neiges entraîne des inondations dans
toute la Normandie. Plusieurs maisons se sont
En
avril, un incendie se déclaire à Saint-Paul. Les pompiers
de Duclair sont aussitôt sur place et contiennent le sinistre. Un de ces abordages si fréquents en rivière de Seine vient d’être cause d’un grand malheur. Le chaland l'Oder faisait route, par un beau clair de lune, pendant la nuit du 7 mai 1841. Pris par le flot en arrivant au trou de Duclair, il se trouva porté sur une goélette anglaise échouée en cet en droit, et l’aborda. |
. | Victor Hugo écrit : « On nous a dit que des Anglais avaient acheté 300 francs le droit d’emballer tout ce qui leur plairait dans les débris de l’admirable abbaye de Jumièges. » Cette année-là, Simon Cabut, propriétaire des terrains au bout de la rue des îles demanda à couler quatre vieux bateaux chargés de pierres pour combler le trou formé par l'érosion en bord de Seine. Il fut récompensé de ses efforts car il regagna du terrain sur le fleuve. |
Le capitaine Lebigot tenait le gouvernail. Il paraît que le choc imprima à la barre une forte secousse qui le lança à la mer, sans que l’équipage posté devant s’en aperçut. Ce ne fut que quelques instants après sa disparition qu’on se livra à des recherches qui furent infructueuses. Des secours arrivés de Rouen pendant la nuit ont également été sans résultat. Le capitaine Lebigot a sans doute été en traîné par la violence du courant.
![]() |
Cultivateur, à 24 ans, Charles Mainberte, mon second arrière-grand-père, épousa le jeudi 27 mai 1841 Marie Rose Lefrançois, une fille de Jumièges de deux ans sa cadette, couturière, née le 23 août 1819. Les parents de la mariée sont morts depuis longtemps. Son père, François Lefrançois, marchand ambulant, était décédé à Guerbaville le 30 mai 1820 chez sa propre mère, elle aussi ambulante. Quant à sa mère, Marie-Rosalie Déde, journalière, elle est décédée Jumièges le 25 mai 1822 dans la maison de la veuve Bertin. |
Le
vendredi, lendemain des noces, la tradition voulait que les amis de la
famille vieille réveiller les mariés à
5h du matin, usant force pétards et coups de fusil. Les
parents des époux avaient tout prévu.
Après avoir servi une collation à ces
perturbateurs, ceux-ci s'en retournaient... Dans ces années-là, le curé de Jumièges découvrit un vieux manuscrit en français et latin sur les « vestures et professions » de la communauté gémétique. Il concerne les années 1670 à 1715 et renseigne sur les étapes du novice vers sa profession de foi. |
Le curé de Duclair
était pédophile! |
1842. Janvier : parmi d'autres, Mercier, receveur de l'Enregistrement à Duclair, est médaillé par le Roi pour acte de dévouement.
En février, plusieurs pères de famille de Duclair se plaignent de l'absence d'instituteur. Le conseil a bien présenté un candidat mais il n'a pas été agréé par le comité d'instruction primaire.
Dans la nuit du dimanche 13 au 14 mars, le brick la Marie, de Nantes, capitaine Néel, venant de Marseille et Cette, chargé de vins pour la destination de Rouen, a touché sur le banc de Duclair et y est resté jusqu’au lendemain soir. Au moment de la marée, le brigadier, le sous-brigadier et un préposé des douanes de la station de Duclair s’étant rendus à bord pour visiter les papiers du navire, se sont empressés de donner au capitaine Néel tous les secours en leur pouvoir pour l’aider à retirer le navire de la mauvaise position dans laquelle il se trouvait; leurs efforts, réunis à ceux de l’équipage, ont heureusement été couronnés de succès
Juin. On écrit de Rouen, 6 juin : Le Mazagran, c, Sauveur, venant du Sénégal, est toujours échoué près de Duclair; il est sur un banc de vase et ne parait pas souffrir beaucoup ; il est à présumer qu’il pourra être relevé sans avaries d’ici à deux ou trois jours, au revif de l’eau.P. S. Le Mazagran n’a pas flotté à cette marée ; s’il ne flotte pas demain ou après, on sera obligé de l’alléger.
Jeudi dernier, un accident, qui a coûté la vie à deux hommes, est venu affliger les habitants de Duclair. Le brick Alfred, de Portsmouth, se rendant à Rouen, était mouillé à Saint-Paul, près de Duclair. Quatre matelots furent chargés par le capitaine d’aller porter une ancre au large; mais l’ancre étant trop lourde et les quatre matelots s’étant mis du même côté, le canot chavira. Deux hommes seulement ont pu être sauvés. De ceux qui ont péri, l’un était de Sunderland, âgé de quarante-cinq ans, veuf avec quatre enfants ; l’autre, né à Cantorbery, n’avait que dix-huit ans.
Le 15 août 1842, Louis-Casimir Caumont, âgé de 22 ans, étudiant en droit, décède à Eaux-Bonnes, dans les Pyrénées. Son père, qui encore une fois gérait déjà l'abbaye en son nom depuis 1825, en devient donc le propriétaire effectif. Une pierre tombale est érigée dans les ruines. Caumont est réélu conseiller l'année suivante. De justesse.
Toujours en août, des troupeaux de loups désolèrent Yville, Anneville et Berville. Ils semblaient venir de la forêt de Mauny. La présence des hommes ne les effrayait pas, ils s'élancaient au contraire sur eux lorsque l'on voulait leur ôter la proie dont ils s'étaient emparés.
Il
y eut cette
année-là des inondations dans le
département et
des souscriptions étaient ouvertes en octobre. Lepicard,
à Duclair, versa son obôle.
Pierre Charles Mainberte, mon arrière-grand-père, naît le 4 novembre 1842 à Jumièges, 10h. Il allait être l'aîné d'une fratrie de dix enfants. Et connaître la même condition sociale que ses parents : journalier.
L'arrivée du train
1843. À Rouen, Elbeuf, Bolbec, les usines textiles se multiplient. La métallurgie et la construction navale prennent de l'essor. Dès la fin du XVIIIe siècle, le département a connu une importante révolution industrielle marquée, au printemps 1843, par l'arrivée du chemin de fer à Rouen, première grande ville de province à être reliée à Paris.
On décerna cette année-là une médaille d'argent à Séraphin Bouvier, de Jumièges, pour un acte de sauvetage dont on ne retrouve trace. Le Moniteur en a paraît-il parlé... Né à Jumièges en 1802, il était l'époux de Marie Augustine Prunier.
22 juillet. Les habitants de Rouen et les étrangers sont prévenus que les ruines de l'abbaye de Jumièges ne pourront être visitées et que l'entrée n'en sera permise que les lundis, mercredis et vendredis.
Novembre. M. Midrier, constructeur de navires, bacs, bachots, décède dans sa maison, assise sur un bateau, quai de Duclair. Tous ses biens sont mis en vente.
28 décembre. La gendarmerie de Duclair, chargée de la police du marché de cette commune, vient de dresser deux procès-verbaux contre des bouchers qui avaient mis en vente de la viande corrompue. Sur l’étal de l’un d’eux, on a saisi cent trente kilogrammes de chair tellement gâtée, qu’il y avait, suivant le rapport des experts appelés à constater le fait, le plus grand danger pour ceux qui l’auraient mangée. Il a été constaté, en outre, qu’elle provenait d’animaux morts de maladie. Chez le second, on a saisi douze kilogrammes de viande présentant les mêmes caractères. Sur la réquisition de M. le maire, cette viande a été enfouie, et les coupables sont cités pour la prochaine audience du tribunal de police.
1844. On
lit dans le Mémorial
de Rouen de janvier 1844
: « Un funeste incident est venu troubler la
célébration des fêtes des
rois, que faisaient, à Yainville, une famille et plusieurs
amis. La
plus jeune des convives, jolie personne de 18 à 20 ans
à peine, fille
d'un employé de la douane, à la fin du repas et
lorsque la gaîté était
la plus vive, est tombée morte subitement.
Le lendemain, à la messe de
Jumièges, le curé demandait aux
fidèles des prières pour cette jeune
personne, si subitement privée de la vie. »
Félicité Grain
était née à Jumièges le 5
mars 1824 de
Louis Grain et de
Félicité Cognet. Couturière, elle
avait 19 ans.
Son père alla déclarer le
décès à Charles Lesain en compagnie de
François Gouas, propriétaire et garde
maritime,
voisin des Grain. A la lecture du registre, on apprend qu'elle est
décédée le 7 janvier... à 6
h du matin, ce
qui semble bien matinal pour fêter les Rois.
27 janvier 1844. Charles Nodier n’est plus. Caumont sera des premiers souscripteurs à verser une obole pour l’érection d’un monument à sa mémoire. 20 francs.
Le
même mois,, Pierre Goujon, fabricant de rouenneries, 46 rue
Bourguerue, et sa femme, Geneviève-Constance Fessard,
originaire du Mesnil-sous-Jumièges, adoptent deux petites
sœurs. L’une d’elle s’appelle
Amélie. Amélie Bosquet. Elle comptera plus tard
parmi les écrivains régionalistes.
Cette année, Casimir Caumont va poursuivre ses fouilles. Il a déjà gratté l’ancien cloître, le chapitre, les chapelles. Le voilà dans l’église Saint-Pierre. Richard, futur préfet du Finistère, est à ses côtés. Mais aussi l’abbé Cochet, le grand archéologue :
"Nous nous souvenons d'avoir vu alors, dans les souterrains du monastère, des sépultures d'abbés accompagnées de leurs crosses, des orfrois de leurs vêtements et des restes de leurs chaussures. Tous ces objets étaient sous verre afin d'être mieux conservés. Dans sa maison, établie aux anciens magasins du monastère, M. Caumont nous a montré plusieurs vases de terre vernissés de vert et percés de trous, qu'il nous a dit provenir du cimetière de l'église paroissiale. En réunissant ainsi tous ces débris chrétiens, la pensée du vénérable collecteur était de former un véritable Musée gémétique. Du reste, ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on découvre des vases chrétiens à Jumièges… »
« | M. Casimir Caumont, propriétaire des ruines du monastère de Jumiéges, est un de ces chers et zélés protecteurs de nos antiquités normandes. Aussi, le soin religieux que ce modeste ami des arts met à conserver cette antique abbaye a-t-il été célébré par les historiens et chanté par les poètes.» Alexandre
Fromentin, 1844.
|

23 avril 1844 : crime à Sainte-Marguerite
En mai 1844, au Trait, le feu ravagea les fermes des sieurs Tiphagne et Poulain. Grâce aux gendarmes de Duclair et des riverains, les autres habitations furent préservée.
Bulletin monumental : "Au milieu des ruines de l'abbaye de Jumièges, jadis si fertile en tombeaux, en autels et en inscriptions, nous n'avons plus retrouvé, en 1844, qu'une seule pierre gravée sur laquelle nous avons lu une inscription de 1278. La voici, telle que nous l'avons copiée à cette époque ; peut-être ne la retrouverait-on plus aujourd'hui (1855) : « Anno milleno ducentesimo septuagesimo octavo, undecimo kalendas junii, consecratum est hoc altare in honore Dei genitricis arch. Roth. ? auctoritate a Guidone, Dei gratiâ Lexoviensi episcopo, amoto altari precedenti propter.... pravitatem ou parvitatem. »
Guerre de frontières
1845, c'est l'année où Jumièges demande officiellement à annexer Yainville. Et Le Trait a les mêmes ambitions territoriales ! Quant à Yainville, elle louche sur Heurteauville, du moins sa portion allant de la chapelle du Bout-du-Vent à Guerbaville. Le secrétaire de préfecture s'emporte: "Heurteauville est de l'autre côté de la Seine, cela ne se peut pas! Ce hameau devrait faire partie de Guerbaville et Yainville ainsi que le Mesnil devraient être réunis à Jumièges." On en restera là...
12 mai. Curieux vol rapporté par la Gazette de France du 16 mai 1845 qui prend des libertés avec la géographie...
Dimanche dernier, à Rouen, durant la messe, une tentative de vol
des plus audacieuses a été commise au préjudice de
Mme veuve Deshayes, à Yerville, près Duclair (sic ! Il
est permis de se demander s'il n'y a pas confusion avec Yville ou
Yainville). Les voleurs ont profité du moment où, pour se
rendre à l’office, les habitants des campagnes abandonnent
leur demeure à la foi publique. Arrivés à la
maison d’habitation, il ont trouvé, à leur grand
désappointement, la servante de la maison. Alors ils ont feint
d’avoir besoin d’acheter du cidre et ont demandé la
maîtresse. La fille, assez crédule de sa nature, a offert
un rafraîchissement aux nouveaux marchands, en attendant le
retour de la bourgeoise; puis elle est entrée dans un petit
cellier attenant à la cuisine. Alors il ont donné un tour
de clé à la porte et ont enfermé la pauvre fille,
qui n’a pas osé souffler mot.
Cependant, Mme Deshayes arrive de l’église, et trouve dans
sa chambre les deux voleurs qui essayaient de briser son armoire. Assez
loin de voisins, sa première idée fut de
déchaîner son chien; mais l’animal, dans son ardeur
de liberté, tirait tant sur la chaîne, qu’elle ne
put en venir à bout. Les voleurs travaillaient toujours sans se
déconcerter ; il n’y a que les cris au secours qui leur
aient fait prendre la fuite.
L’alarme est jetée dans le voisinage; on se met à
la poursuite de ces audacieux malfaiteurs ; un brave
garde-champêtre les rencontre, leur demande leur passeports ; ils
lui présentent en tremblant un chiffon de papier, qu’il a
la bonté de croire en bonne forme, et il les laisse passer. Il
leur demande s’ils n'avaient pas vu deux hommes de mauvaise mine,
des voleurs ? —Si fait, monsieur le champêtre, nous les
avons rencontrés; ils vont grand train et paraissent
effrayés. — Merci, dit le champêtre, bien
obligé, mes amis ! et le voici, nouveau don Quichotte, qui
s’élance à la poursuite d’une chimère
de toute la vitesse de son cheval.— Bonne chance, monsieur le
champêtre, lui crient les deux coquins.— M. le
champêtre de les remercier de la main et de piquer des deux avec
l’assurance de faire bonne capture. Le malheureux a couru toute
la journée sans débrider, demandant à chaque
passant qu’il rencontrait s’il s'avait pas vu deux voleurs.
Le lendemain, ils ont été arrêtés à
quelques lieues de là, au moment où ils commettaient un
vol. Ce sont, dit-on, des forçats libérés. Il est
très probable que ce sont ces misérables qui exploitent
depuis quelque temps le canton de Duclair.
On ne trouve pas trace de ce fait-divers dans le Journal de Rouen.
Dans son édition du 13, il fait cependant état d'une
arrestation : " Deux individus dont l'un, repris de justice,
était porteur d'un faux passeport, ont été
arrêtés dimanche en flagrant délit de vol dans la
commune d'Hauville. Cette capture importante due, nous assure-t-on,
à l'active surveillance de M. Mallet, maire d'Hauville,
continuera sans doute à mettre fin aux
déprédations nombreuses qui avaient lieu depuis quelque
temps dans les environs de Pont-Audemer."
Dimanche 25 mai, pendant la messe, un individu d'assez mauvaise mine entra chez un épicier de Duclair, M. Berthot, et demanda un petit verre d'eau-de vie. « On ne vend pas pendant l'office divin », lui répondit une bonne femme qui s'était constituée gardienne de la boutique en l'absence des maîtres. « Tu n'étais pas aussi difficile, lui cria l'inconnu, qui paraissait en état d'ivresse, tu n'étais pas aussi difficile lorsque tu demeurais à Sainte~Marguerite et que je te passais la corde au cou tandis que mes camarades escoffiaient ton homme. Cette femme crut effectivement reconnaître l'un des acteurs d'un assassinat qui a fait beaucoup de bruit dans le département de la Seine-Inférieure et porta aussitôt, de toutes ses forces, un coup de poing dans le visage de l'ivrogne. Celui-ci chancela, la brave femme saisit une pelle et lui en asséna un coup qui le renversa par terre. « Je t'ai manquée il y a un an, vociféra l'inconnu en se relevant ; mais je ne te manquerai pas cette année ! » Mais déjà des voisins étaient accourus. On reconnut cet homme pour appartenir à d'honnêtes gens qui demeuraient dans la contrée. La justice informe.
28 août. Ce vendredi, un cabriolet s'arrête aux portes de l'abbaye. Un anglais, Thomas William Allies, visite la région. Jumièges lui offre un aspect lugubre. "Les ruines sont couvertes d'arbustes et de broussailles, les arches sont sur le point de crouler. Du jardin, on jouit d'une très belle vue sur les bords de la Seine : c'est une charmante solitude. M. Caumont s'est fait à lui-même une habitation fort pittoresque de l'ancienne porte d'entrée et des bâtiments adjacents… Je montai plus de 200 marches pour arriver au sommet de la tour du nord. Malheureusement, il avait plu et le soleil de perçait pas. On domine de là les bords de la Seine à une distance considérable…"
Sur la route de Rouen, Allies s'arrêta encore à Boscherville.
1846. Cette
fois,
en 1846, Caumont est élu plus facilement au conseil.
Cette année-là, une petite annonce
parut à plusieurs reprises pour la vente d'un petit
château et d'une portion de la forêt de
Jumièges. Faisanderie, glacières, jardin, vergers
etc. 267 hectares, chasse abondante, vues sur Seine, accès
facile par terre et par eau. Mise à prix: 175.000 F. On
pouvait visiter la propriété par l'entremise de
M. Lamy, garde de la forêt de Jumièges. Bicheray
était l'un des notaires impliqués.
Une arrestation a eu lieu le 3 décembre à Duclair, par suite d’un délit très singulier. Un cuirassier du régiment en garnison à Verdun ayant élé envoyé à Caen pour y être attaché au dépôt de remonte, avait imaginé, en passant par le département de la Seine-Inférieure, un moyen tout nouveau de se faire traiter, héberger et fêter. Au moyen de sa feuille de route, il se présentait dans les fermes et manifestait l'intention de faire acheter quelques chevaux. Le paysan normand est âpre au gain, et quand il voit une bonne affaire il devient presque généreux ; aussi partout notre voyageur était reçu à bras ouverts, le cidre el l’eau-de-vie coulaient à flots, la basse-cour même était décimée au besoin. Mais aussi il faisait largement les choses, il ne marchandait pour ainsi dire pas et achetait jusqu’à 1,500 fr. des chevaux qui en valaient 6 ou 700. Depuis huit jours il exploitait la crédulité des fermiers auxquels il assignait un jour et un lien pour la livraison de leurs bêtes ; il passait même avec eux des marchés écrits et l’on compte jusqu'à présent plus de trente chevaux ainsi achetés par lui. Par malheur, la gendarmerie, ayant eu avis de ces achats extraordinaires, a voulu faire connaissance de l’agent de remonte et l’on devine ce qui en est résulté. Il a été arrêté au milieu de ses explorations el de ses festins pour être reconduit de brigade en brigade jusqu’à Verdun.
1847. Janvier. Un
bien triste événement a produit, lundi dernier,
une profonde sensation dans la population de Caudebec et des environs.
Depuis samedi, un sloop d'Honfleur, la Constance-Aimée,
commandé par le capitaine Bloock, était revenu,
à cause des vents contraires, entre Caudebec et
Saint-Wandrille, en face de Caudebecquet. Ce sloop, chargé
de charbon, devait se rendre à Duclair. Les douaniers
remarquèrent, avec étonnement, que
l'équipage de ce navire ne se montrait point pendant la
journée de lundi, et, vers le soir, ils crurent utile de
visiter ce navire. Ils se rendirent donc à bord du sloop
entre quatre et cinq heures ; là, un déplorable
spectacle s'offrit à leurs regards : le patron du sloop, le
sieur Olivier, était dans sa chambre, étendu sur
son lit, privé de sentiment ; près de lui
était le capitaine Bloock, assis sur un banc, et dont les
traits contractés n'annonçaient que trop qu'il
avait cessé de vivre. Entre ces deux malheureux se trou vait
un vaste réchaud qui contenait un résidu de
charbon à demi consumé. Les deux
infortunés marins avaient voulu réchauffer leurs
membres engourdis, et ils étaient morts
asphyxiés. Les douaniers prévinrent
aussitôt les autorités de Caudebec. Le syndic de
la marine et celui des médecins se transportèrent
à bord de le Constance-Aimée,
mais depuis longtemps tout secours était devenu inutile, et
l'on dut se borner aux formalités à remplir en
semblable circonstance. Après avoir dressé les
procès-verbaux de l'événement, on
ramena le navire à Caudebec, où l'inhumation des
deux marins a eu lieu avant-hier, au milieu d'un grand concours
d'assistants vivement émus par la fin si fatale du capitaine
et du patron du sloop la Constance-Aimée.
Le capitaine Bloock commandait un sloop qui s'est perdu, il y a quinze
jours, auprès de Villequier ; il était donc tout
nouvellement sur le navire où il est mort.
29 mars. Les ouvriers de la filature de MM. Revert, située dans la commune de Villers-Ecalles, entre Duclair et Barentin, n’étant pas occupés depuis mardi dernier, et ayant à réclamer le paiement d’un certain nombre de jours de travail, s’étaient rendus hier chez le juge-de-paix du canton, afin de lui exposer leurs griefs et leurs réclamations. Cette union d’ouvriers, toute pacifique qu'elle fût, inspira quelqu’inquiétude et l’autorité prit, en conséquence, des mesures de précautions restées heureusement inutiles. Le calme a été facilement maintenu parmi les ouvriers, dont un a écouté les observations, auxquelles on nous assure que l’on s’occupait de faire droit avant même qu’elles fussent présentées.
Le 31 mars 1847, à cinq heures du soir, mon ancêtre Euphronie Charles Thomas Mainberte, 30 ans, journalier, se rendit à la mairie pour y déclarer un enfant naturel dont avait accouché sa nièce, Rose, le matin, à 10h, au domicile d'Angélique Legenvre et Jean-Baptiste Voyer, 56 ans. Les témoins furent Nicolas Valentin Caillou, l'instituteur communal et François Tropinel, le garde-champêtre. Le maire étant absent, ce fut L'Honorey, son adjoint, qui signa l'acte. Charles Thomas n'apposa pas son paraphe. Il ne savait pas écrire. L'enfant fut prénommé Euphrosine Gustave et tout ce monde fut appelé Maimberte, avec un "m". Cet enfant donna une descendance abondante et toujours présente dans la région de Rouen.
Fin juillet. Un bien triste événement a eu lieu sur la Seine, tout prés de Duclair. Les travaux qui s’exécutent en ce moment, par plus de 300 ouvriers dans les environs de cette localité, nécessitent des transports de marériaux d'une rive à l’autre de la Seine. Un des bateaux employés à ce service a été coulé bas par un coup de vent qui l’a surpris dans le milieu de la traversée, et quatre hommes, sur cinq qui le montaient, ont péri.
1848. 18 janvier 1848. Dans la nuit de vendredi à samedi, la générale avait été battue à Duclair ; le feu avait pris à un petit corps de bâtiment et le dommage a été peu considérable ; mais on craignait d'avoir à déplorer un malheur beaucoup plus grand : le fermier avait donné asile à un marchand d'allumettes chimiques, et l'on craignait qu'il n'eût péri avec sa marchandise, cause probable du sinistre. On a su, vingt-quatre heures après, que cet homme avait été retrouvé à peu de distance de Jumièges. D'après la déclaration qu'il a faite, le feu aurait pris par accident, l'une de ses boîtes d'allumettes s'étant répandue dans la paille sur laquelle il était couché. Il ajoute que, se voyant près d'être entouré par les flammes qu'il ne pouvait pas éteindre, il a pris la fuite, dans la crainte d'être accusé d'avoir mis le feu volontairement.
Depuis le 18 janvier, il gèle. La Seine est glacée presqu'entièrement dans la traversée de Paris et dans la Basse-Seine, jusqu'au dessous de Jumièges. Une troisième révolution met fin à la Monarchie de Juillet. Nous revoilà en République. Pour peu de temps, comme la fois précédente...
POUR SUIVRE: IIe REPUBLIQUE, IIe EMPIRE
